Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.5/2002
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4P.5/2002

                  Ie C O U R   C I V I L E
                  ************************

                        8 avril 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.
                        _____________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________, représenté par Me Bernard Ziegler, avocat à
Genève,

                           contre

l'ordonnance rendue le 13 décembre 2001 par la 1re Section de
la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui op-
pose le recourant à la banque A.________, intimée, représen-
tée par Me Albert Rey-Mermet, avocat à Genève, et à la banque
B.________, intimée.

  (garantie bancaire; arbitraire; mesures provisionnelles)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 10 janvier 2001, Y.________, architecte, a
ouvert à son nom auprès de la banque banque A.________, un
compte destiné à recueillir le financement d'un projet im-
mobilier qu'il développait à Gampel, en Valais. Il est un ami
de longue date de Me Z.________, avocat, lui-même ami depuis
environ 30 ans de X.________, haut fonctionnaire des Nations-
Unies à la retraite.

   L'avocat a exposé à X.________ que Y.________ at-
tendait un financement de 25'000'000 fr. d'un groupe de fi-
nanciers italiens, moyennant une commission de 2'000'000 fr.
à verser à ces derniers, en Suisse et en liquide. Comme
l'architecte ne disposait pas de ce montant, l'avocat a
proposé à X.________ d'assurer le relais en fournissant une
garantie pour permettre l'obtention du crédit de
25'000'000 fr. La somme de 2'000'000 fr., qui devait être
présentée en espèces aux investisseurs italiens, serait
avancée par la banque A.________, sous forme d'un crédit
accordé à l'architecte, moyennant une garantie bancaire du
même montant.

   X.________ a chargé la banque B.________ d'écrire un
courrier à la banque A.________, pour lui indiquer qu'il dis-
posait des fonds utiles. Comme cette démarche était insuffi-
sante, X.________ a demandé à la banque B.________ d'émettre,
le 1er juin 2001, en faveur de la banque A.________, une ga-
rantie bancaire à première réquisition d'un montant de
2'000'000 fr., de durée illimitée, en raison des "facilités
de crédit qu'elle accordait à la société de convoyage de
fonds M.________ AG".

   Se fondant sur cette garantie, la banque A.________
a avancé à Schnyder 2'000'000 fr. en argent liquide par le
débit du compte ouvert pour la promotion immobilière en
question; M.________ AG a remis la somme à l'avocat, en son
étude, qui l'a montrée au représentant des investisseurs
italiens; celui-ci a compté les billets. L'argent a été
retourné par M.________ AG le lendemain 7 juin 2001. A
l'ouverture des sacs, la banque A.________ s'est aperçue que
les billets avaient été remplacés, dans les liasses, par du
papier peint. Seuls étaient de véritables billets ceux placés
en haut et en bas des liasses.

   La banque A.________ a alors exigé de la banque
B.________ le paiement de la garantie bancaire.

   B.- Le 12 juin 2001, X.________ a demandé au Tribu-
nal de première instance de Genève d'interdire à la banque
B.________ de payer à la banque A.________ le montant de la
garantie émise le 1er juin. La présidente du tribunal a
d'abord fait droit à cette requête, à titre provisoire, puis
a révoqué sa décision par ordonnance du 19 septembre 2001;
elle a retenu que la demande d'exécution de la garantie
n'était pas abusive de la part de la banque A.________ et que
la banque B.________ avait établi celle-là sur la base des
seules indications de son client. Entre-temps, ce dernier a
déposé plainte pénale pour escroquerie au ministère public
genevois. La plainte a été transmise au juge d'instruction du
Haut-Valais, déjà saisi d'une poursuite d'office pour les
mêmes faits.

   C.- X.________ a recouru en vain contre l'ordonnance
du 19 septembre 2001 auprès de la Cour de justice du canton
de Genève. Par décision du 13 décembre 2001, la juridiction
cantonale a confirmé l'ordonnance attaquée. Elle a considéré
en substance que l'appel à garantie de la banque A.________
était abusif, mais que X.________, en tant que donneur d'or-

dre, ne pouvait invoquer l'existence d'un dommage difficile-
ment réparable, dès lors qu'il aurait à plaider devant des
tribunaux suisses contre une, voire deux sociétés, des ban-
ques, dont la capacité à verser le montant litigieux était
incontestable.

   D.- X.________ interjette un recours de droit public
au Tribunal fédéral contre la décision de la Cour de justice,
se plaignant de déni de justice formel et d'arbitraire.

   La banque A.________ conclut au rejet du recours
dans la mesure où il est recevable. la banque B.________ s'en
rapporte à justice.

   E.- Par ordonnance du 22 février 2002, le Président
de la première Cour civile du Tribunal fédéral a octroyé
l'effet suspensif au recours.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- a) Dirigé contre une ordonnance de mesures pro-
visionnelles, le recours est recevable au regard de l'art. 87
OJ, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si l'on est en pré-
sence d'une décision finale ou incidente. La jurisprudence
admet que le fait d'être privé temporairement de la disposi-
tion d'une somme d'argent d'une certaine importance constitue
un dommage juridique irréparable (ATF 105 Ia 318 consid. 2a
et les arrêts cités, p. 321). L'atteinte au patrimoine de
l'intéressé, temporairement privé de la libre disposition des
objets ou avoirs rendus indisponibles par l'ordonnance de me-
sures provisionnelles, n'est en effet pas susceptible d'être
réparée par une décision ultérieure favorable (ATF 126 I 97

consid. 1b et l'arrêt cité, p. 100). Un tel dommage résulte
pour le recourant de la levée de l'interdiction de paiement
de la garantie bancaire émise sur son ordre par la banque
B.________ en faveur de la banque A.________.

   b) Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, le
Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public fondé
sur la violation de l'art. 9 Cst., ne prend pas en considéra-
tion les allégations, preuves ou faits qui n'ont pas été sou-
mis à l'autorité cantonale: nouveaux, ils sont irrecevables
(ATF 118 III 37 consid. 2a et les références, p. 39; Kälin,
Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, p. 369/370).

   L'une des banques intimées (banque A.________) re-
proche à tort au recourant d'invoquer son "âge déjà relati-
vement avancé", et la perte "de l'intégralité de son patri-
moine", pour la première fois devant le Tribunal fédéral. En
réalité, dans son appel à la Cour de justice, le recourant a
indiqué qu'il est "retraité", ce qui suppose qu'il a déjà
atteint un âge relativement avancé; de même, il a prétendu
devant la cour cantonale que l'appel à garantie lui ferait
perdre "l'intégralité de ses économies". Que cette dernière
allégation n'ait pas été prouvée, ni même rendue vraisembla-
ble, est sans pertinence à ce stade, pour apprécier la rece-
vabilité du moyen soulevé; celui-ci ne constitue pas l'invo-
cation d'un fait nouveau, contrairement à ce que soutient
l'intimée.

   2.- Le recourant reproche tout d'abord à la cour
cantonale un déni de justice formel en ce que son arrêt est
insuffisamment motivé. Il se plaint également d'arbitraire.

   3.- a) La jurisprudence, rendue sous l'empire de
l'art. 4 aCst. et qui s'applique également à l'art. 29 al. 2
Cst., a déduit du droit d'être entendu le devoir pour l'auto-
rité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse

la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que
l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour ré-
pondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au
moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels
il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé
puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'atta-
quer en connaissance de cause (ATF 126 I 97 consid. 2b; 124 V
180 consid. 1a p. 181; 123 I 31 consid. 2c p. 34). L'autorité
n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits,
moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais
elle peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbi-
traire, lui apparaissent pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b;
121 I 54 consid. 2c p. 57 et les arrêts cités). L'étendue de
la motivation dépend au demeurant de la liberté d'apprécia-
tion dont jouit le juge et de la gravité des conséquences de
sa décision (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 110).

   b) En l'espèce, la cour cantonale considère que le
recourant s'est exposé aux risques ordinaires que prend en
connaissance de cause le donneur d'ordre d'une garantie ban-
caire à première demande; il ne peut ainsi invoquer l'exis-
tence d'un dommage difficilement réparable, puisqu'il de-
vrait, pour recouvrer le montant de la garantie, plaider de-
vant des tribunaux suisses contre des personnes dont la sol-
vabilité n'est pas contestée en ce qui concerne l'une, et pas
douteuse pour ce qui est de l'autre. De cela, même si la mo-
tivation est sommaire, on peut comprendre que l'une des
quatre conditions cumulatives posées par le droit cantonal à
l'obtention de mesures provisionnelles, soit l'existence d'un
préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 324 al. 2
lettre c LPC/GE (SJ 1980, p. 345/ 346; SJ 1977, p. 588),
n'était pas réalisée et pourquoi. Le recourant ne s'est du
reste pas mépris sur le sens et la portée de cette décision,
qu'il a été en mesure de déférer par la bonne voie devant le
Tribunal fédéral.

   La notion de "préjudice difficile à réparer" s'exa-
mine à l'aune de l'efficacité du jugement à rendre à l'issue
de la procédure ordinaire, qui en serait compromise. Ainsi,
l'insolvabilité de la partie adverse pourrait par exemple
contribuer à fonder une interdiction de faire, lorsqu'une ac-
tion en réparation ne conduirait à aucun résultat (Bertossa/
Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure
civile genevoise, vol. III, n° 15 ad art. 320; n° 6 ad
art. 324). Se prononçant sur la solvabilité des éventuelles
parties adverses du recourant, qui pourrait devoir intenter
une action en réparation devant des tribunaux suisses, la
cour cantonale a répondu à la question soulevée dans l'appel
qui lui était soumis. En cela, elle n'a pas renoncé à sta-
tuer, et a indiqué au recourant les raisons pour lesquelles
la crainte d'un préjudice difficilement réparable n'était, à
son avis, pas fondée.

   Autre est la question de savoir si ce raisonnement
est conforme au droit, ou à tout le moins pas arbitraire. Le
recourant l'a d'ailleurs, une fois encore, parfaitement bien
saisi, puisqu'il dirige un tel grief contre l'arrêt cantonal,
dans un second moyen.

   Le reproche de violation de l'art. 29 al. 2 Cst.
doit en conséquence être écarté.

   4.- L'interdiction de l'arbitraire est consacrée à
l'art. 9 Cst. Selon la jurisprudence, une décision n'est pas
arbitraire du seul fait qu'une autre solution pourrait se dé-
fendre, voire même être préférable. Le Tribunal fédéral n'an-
nulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifes-
tement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction évi-
dente avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une
norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou encore
lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la

justice et de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation
critiquée soit insoutenable; encore faut-il que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54 con-
sid. 2b p. 56, 60 consid. 5a p. 70 et les arrêts cités).

   a) Le recourant soutient que la Cour de justice a
interprété arbitrairement l'art. 324 al. 2 lettre c LPC/GE
en définissant de façon très restrictive le dommage à prendre
en considération pour ordonner les mesures conservatoires ou
provisionnelles destinées à protéger le requérant. Il repro-
che à la juridiction cantonale de l'avoir contraint d'appor-
ter la preuve d'un dommage irréparable, ce qui serait en to-
tale contradiction avec le texte de l'art. 324 al. 2 lettre c
LPC/GE.

   Cette argumentation ne convainc pas. Dans la déci-
sion entreprise, la Cour de justice s'est rapportée expressé-
ment à la notion de préjudice difficilement réparable, en ci-
tant la jurisprudence cantonale (SJ 1977, p. 588), ainsi que
les commentateurs de la LPC/GE (Bertossa/Gaillard/Guyet/
Schmidt, op. cit., n° 14 ad art. 320). Appliquant ces princi-
pes à la situation du donneur d'ordre d'une garantie bancaire
devant intenter une action judiciaire en Suisse contre des
parties adverses éminemment solvables pour récupérer le mon-
tant payé, elle a considéré que le recourant ne se trouvait
pas menacé d'un dommage difficilement réparable. En aucun
cas, la cour cantonale ne s'est référée à la notion de dom-
mage irréparable, sauf lorsqu'elle a résumé l'argumentation
du recourant présentée devant elle, ce dernier ayant lui-même
invoqué cette notion, parallèlement à celle de dommage diffi-
cile à réparer. S'il y a eu confusion entre les deux con-
cepts, cela n'est pas imputable à la juridiction intimée, qui
a compris l'art. 324 al. 2 lettre c LPC/GE dans le sens que
lui confèrent la jurisprudence et la doctrine cantonales ci-
tées.

   La Cour de justice n'a pas davantage méconnu la por-
tée de l'art. 324 al. 2 lettre c LPC/GE en relevant qu'en ma-
tière de garantie bancaire il fallait "payer d'abord et faire
le procès ensuite". Cette formule, aussi familière soit-elle,
illustre bien le caractère indépendant du rapport de garantie
à l'égard du contrat de base (ou du rapport de valeur)
(ATF 122 III 321 consid. 4a p. 322 et les références). Le
rappel de cette particularité de la garantie bancaire indé-
pendante ne pose pas une condition supplémentaire à l'octroi
de la mesure provisionnelle sollicitée en blocage de la ga-
rantie. Le principe prévaut que, lorsque l'appel à la garan-
tie bancaire n'est pas manifestement abusif, que l'inexécu-
tion ou l'exécution imparfaite du contrat de base est simple-
ment contestée et n'a pas donné lieu à une décision judi-
ciaire, le paiement de la garantie doit être opéré, quitte à
ce qu'une rectification intervienne ultérieurement, suite à
l'examen du rapport de valeur, qui ferait apparaître l'appel
à garantie comme injustifié (Walter H. Egger, Probleme des
einstweiligen Rechtsschutzes bei auf erstes Verlangen zahl-
baren Bankgarantien, in: SZW 1/1990 p. 16). Le rappel de ces
notions ne constitue pas en lui-même une violation grossière
du droit cantonal de procédure.

   Par contre, la question de savoir si, après avoir
admis le caractère abusif de l'appel à garantie, la Cour de
justice pouvait refuser d'interdire le paiement de cette ga-
rantie, sera évoquée ci-après au considérant 5.

   b) Le recourant reproche ensuite à l'instance canto-
nale de n'avoir pas considéré, dans l'appréciation du dommage
difficilement réparable, le fait que le paiement de la garan-
tie le priverait, pendant des années, de pratiquement tous
ses biens.

   Le moyen est mal fondé. Il appartenait au recourant
de prouver son allégation, à tout le moins de rendre vraisem-
blable celle-ci. Ne l'ayant pas fait, il ne peut reprocher à
la Cour de justice de n'avoir pas examiné plus précisément sa
situation patrimoniale, sur laquelle il n'a fourni aucune in-
dication. Même si l'indisponibilité d'un montant de
2'000'000 fr. pendant un certain temps cause un préjudice
évident au recourant, rien ne permet de retenir qu'il n'au-
rait plus, après ce paiement, les moyens nécessaires pour
faire valoir ses droits devant les tribunaux. Il ressort du
dossier que le recourant disposait auprès de sa banque de va-
leurs à concurrence de 675'000 $ et 100'000 Euros, et qu'il
avait encore versé à cette banque 447'300 $ et 300'000 Euros,
soit un total de 1'122'300 $ et 400'000 Euros, dont la con-
tre-valeur en francs suisses est approximativement de plus de
2'380'000 fr. Par ailleurs, le recourant est au bénéfice
d'une retraite de haut fonctionnaire des Nations-Unies, dont
l'importance n'est pas précisée. Ces éléments démontrent que
l'examen de la situation patrimoniale du recourant ne revêt
pas la portée qu'il lui prête dans l'appréciation concrète de
la notion de "dommage difficile à réparer", de sorte que la
cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en retenant
qu'il n'existait "pratiquement aucun risque que le recourant
ne récupère pas le montant de la garantie qu'il a émise (...)
à l'issue d'une procédure judiciaire dont il sortirait victo-
rieux".

   Le grief d'arbitraire dans l'interprétation de
l'art. 324 al. 2 lettre c LPC/GE et dans la motivation de
l'arrêt entrepris ne résiste pas à l'examen.

   5.- Il reste à contrôler si la décision de la Cour
de justice est arbitraire dans son résultat, notamment si ce
dernier heurte de manière choquante le sentiment de la jus-
tice et de l'équité, en ce que la juridiction cantonale a re-

connu le caractère abusif de l'appel à garantie de la banque
A.________, mais a refusé de donner à la banque B.________
l'injonction de ne pas payer.

   L'abus de droit suppose que l'obligation de presta-
tion de la garante est en soi existante, mais qu'elle se
fonde sur des motifs juridiques indignes d'être retenus. Le
bénéficiaire doit abusivement invoquer ce qui n'est que l'ap-
parence d'un droit. Pour éviter la violation du principe de
l'indépendance de la garantie bancaire, l'abus de droit doit
être manifeste (Dieter Zobl, Die Bankgarantie im schweizeri-
schen Recht, in: Berner Bankrechtstag, Berne 1997, p. 44;
Andres Büsser, Einreden und Einwendungen der Bank als Garan-
tin gegenüber dem Zahlungsanspruch des Begünstigten, p. 364;
Jean-Marc Rapp, Garanties à première demande et autres garan-
ties bancaires, in: Sûretés et garanties bancaires, Cedidac,
Lausanne 1997, p. 286).

   Lorsque l'appel à garantie est abusif, le cas de ga-
rantie est formellement réalisé et le bénéficiaire pourrait
demander au garant de s'exécuter, si une cause tirée du rap-
port de valeur et manifestement reconnaissable pour ce der-
nier ne s'y opposait. Cette situation doit être distinguée
de l'appel à garantie contraire au but pour lequel cette der-
nière est stipulée; dans ce cas, la garantie n'est pas due,
car le motif qui justifierait son appel n'existe pas - ou
plus -, le défaut découlant directement du contrat de garan-
tie passé entre le donneur d'ordre et le garant (rapport de
couverture ou de provision), et non pas du rapport de valeur.

   Il s'ensuit que, si la banque garante verse au béné-
ficiaire le montant de la garantie alors que le cas de garan-
tie n'est pas réalisé, elle s'expose à le faire à ses risques
et périls, dans la mesure où elle viole le contrat de garan-
tie la liant au donneur d'ordre. Il apparaît en l'espèce que
l'appel à garantie n'était pas abusif, mais, en suivant le

raisonnement de la Cour de justice, susceptible de constituer
éventuellement une violation du contrat passé entre le recou-
rant, pris comme donneur d'ordre, et la banque B.________ en
qualité de garant. Dans ce contexte, celui-là n'a pas besoin
de recourir à des mesures provisionnelles pour assurer l'is-
sue de la procédure qu'il pourrait intenter contre la banque
B.________, en raison de la solvabilité évidente de cette
dernière banque.

   La décision de la Cour de justice n'est en consé-
quence pas davantage arbitraire dans son résultat, ce qui en-
traîne le rejet du recours de droit public.

   6.- Vu l'issue de la cause, le recourant supportera
les frais de justice et versera une indemnité de dépens à
l'intimée banque A.________.

   La seconde banque intimée s'en est rapportée à jus-
tice, sans formuler d'observations sur le fond. Il ne se jus-
tifie pas de lui allouer une indemnité de dépens.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

       1. Rejette le recours;

   2. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 10 000 fr.;

   3. Dit que le recourant versera à l'intimée banque
A.________ une indemnité de 10 000 fr. à titre de dépens;

   3. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la 1re Section de la Cour de justice du canton de
Genève.
                       _______________

Lausanne, le 8 avril 2002
MMH/dxc

                 Au nom de la Ie Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        La Greffière,