Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.247/2002
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4P.247/2002 /ech

Arrêt du 22 avril 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

X. ________ & Cie SA,
recourante, représentée par Me Gabriel Aubert, avocat, chemin des
Crêts-de-Champel 4, 1206 Genève,

contre

A.________,
intimée, représentée par Me Jacques Borowsky, avocat, rue Ferdinand-Hodler 7,
1207 Genève,
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, case
postale 3688, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst.; arbitraire; droit d'être entendu

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève du 9 octobre 2002

Faits:

A.
X. ________ & Cie SA exploite le magasin «Z.________», à Genève. Dès le 12
juillet 1995, A.________ a travaillé dans ce commerce en qualité de vendeuse
en parfumerie au stand W.________. Elle percevait un salaire mensuel brut de
3700 fr., ainsi que deux primes annuelles correspondant, l'une, aux 35 % d'un
salaire mensuel brut et, l'autre, au 0,33 % du chiffre d'affaires réalisé par
la vendeuse; la maison W.________ lui versait également une commission en
fonction du chiffre d'affaires.

Le 3 janvier 1996, X.________ & Cie SA a résilié le contrat de travail pour
le 29 février 1996. Le lendemain, elle a indiqué par écrit à la travailleuse
que le motif du licenciement résidait en une «incompatibilité d'humeur avec
son chef hiérarchique», B.________. Le certificat de travail, établi par
l'employeur le 29 février 1996, est libellé ainsi:
«Mademoiselle A.________ est au bénéfice d'excellentes connaissances en
cosmétique et en parfumerie et a su ainsi satisfaire une clientèle très
exigeante, qu'elle a su fidéliser grâce à ses contacts privilégiés.»
Le 8 février 1996, A.________ s'est inscrite auprès de l'agence de placement
Y.________ SA. Son dossier a été traité par C.________, puis, en 1997, par
D.________. En reprenant le cas, l'employée de Y.________ SA a été avertie
que A.________ n'avait pu être placée à la suite de renseignements négatifs
donnés par «Z.________». D.________ a d'abord contacté une autre agence de
placement; celle-ci a refusé le dossier, les références au sujet de
A.________ étant mauvaises. La collaboratrice de Y.________ SA a également eu
un entretien téléphonique avec B.________. Le contenu de cette conversation
sera examiné plus loin. Sur la base des informations obtenues, D.________ a
refusé de poursuivre les démarches de placement. Le 7 juillet 1997, elle a
rendu son dossier à A.________, en lui expliquant que ses connaissances
professionnelles et linguistiques n'étaient pas en cause, mais que les
références négatives de son dernier employeur la pénalisaient.

Parallèlement, dès avril 1996, A.________ a bénéficié des services de
l'office cantonal de l'emploi. Son dossier était traité par H.________. Ce
dernier a présenté la candidature de A.________ notamment à la pharmacie
U.________, qui cherchait une vendeuse expérimentée. Après avoir mis beaucoup
de temps à se déterminer, la cheffe du personnel a refusé, le 8 septembre
1997, d'engager A.________; gênée, elle a déclaré au conseiller en placement
que sa décision était motivée par des mauvaises références dont elle n'a pas
précisé la source; les compétences professionnelles et la présentation de la
candidate n'étaient pas en cause. Toutes les démarches entreprises par
H.________ pour trouver un emploi à A.________ sont demeurées vaines. Les
notes tenues par le conseiller en placement font état, notamment, d'offres de
sa cliente dans le secteur de la vente et auprès d'agences de voyage; il y
est indiqué que de nombreux postes ont échappé à la postulante en raison de
mauvais renseignements donnés par son ancien employeur. Selon H.________,
A.________ était très motivée et très sociale. Il a déclaré ne pas comprendre
pourquoi elle ne trouvait pas d'emploi; à son sens, il était évident qu'il y
avait eu problème et que «quelqu'un a[vait] dû donner un renseignement qui
a[vait] fait bloc».

Par courrier du 26 février 1997, A.________ est intervenue auprès de
X.________ & Cie SA afin de faire cesser les propos diffamatoires tenus à son
sujet par son ancienne cheffe lors de contacts avec des employeurs
potentiels. Le 18 mars 1997, X.________ & Cie SA a répondu que B.________
n'avait en aucun cas tenu des propos pouvant porter préjudice à son ancienne
subordonnée et qu'elle avait été invitée à ne plus donner de renseignements
sur celle-ci. Le 19 septembre 1997, A.________ est à nouveau intervenue
auprès de son dernier employeur, par l'intermédiaire du Syndicat
interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (ci-après: SIT). Une
première rencontre a réuni E.________, administrateur de X.________ & Cie SA,
F.________, chef du personnel du magasin «Z.________», G.________,
représentant le SIT, et B.________; celle-ci a reconnu à cette occasion avoir
donné, une fois, des renseignements négatifs au sujet de son ancienne
subordonnée. Une seconde réunion a eu lieu le 16 avril 1998, en présence de
A.________.

Ayant épuisé ses droits à l'assurance-chômage le 20 juin 1996, A.________ a
occupé un emploi temporaire à l'Université de Genève jusqu'au 20 décembre
1996. Par la suite, elle a perçu à nouveau des indemnités de chômage jusqu'en
décembre 1998.

B.
Par demande déposée le 21 janvier 1999, A.________ a assigné X.________ & Cie
SA en paiement de 36 254 fr., à titre de dommages-intérêts, et de 20 000 fr.,
à titre d'indemnité pour tort moral, le tout avec intérêts. Elle a également
conclu à ce qu'il soit fait interdiction à son ex-employeur et à son ancienne
cheffe de donner des renseignements à son sujet.

Par jugement du 19 mars 2001, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève
a déclaré irrecevable cette dernière conclusion et a débouté A.________ de
toutes ses autres conclusions.

Statuant le 12 décembre 2001 sur appel de la travailleuse, la Cour d'appel de
la juridiction des prud'hommes du canton de Genève a confirmé le jugement de
première instance. Elle a retenu qu'à l'occasion de deux entretiens
téléphoniques, dont l'un avec D.________, B.________ avait fourni des
renseignements au sujet de A.________, indiquant notamment que celle-ci
n'était pas faite pour travailler en équipe et devait être placée dans un
bureau, si possible seule. Se fondant sur les témoignages des anciennes
collègues de A.________, la cour cantonale a tenu cette information pour
exacte. Comme les renseignements donnés par B.________ étaient conformes à la
réalité et d'un intérêt pertinent pour un éventuel employeur, la
responsabilité de X.________ & Cie SA n'était pas engagée.

A. ________ a formé un recours de droit public contre l'arrêt du 12 décembre
2001. Par arrêt du 10 juin 2002, le Tribunal fédéral a admis le recours et
annulé la décision cantonale. D'une part, il a estimé que la Cour d'appel
était tombée dans l'arbitraire en tronquant une partie du témoignage de
D.________, qu'elle considérait par ailleurs comme crédible. En effet, il
ressortait du procès-verbal d'enquêtes que l'employée de l'agence de
placement avait déclaré, en rapport avec les informations données par
B.________ sur A.________, que «la vente n'était donc pas son élément»; que
l'on considère cette phrase comme une retranscription des propos de
B.________ ou comme un commentaire de D.________ à la suite de ces propos,
son omission par la cour cantonale était de toute manière arbitraire dans la
mesure où l'affirmation en cause contredisait manifestement la teneur du
certificat de travail, louant les qualités de vendeuse de la travailleuse.
D'autre part, le Tribunal fédéral a estimé que la cour cantonale avait établi
de manière arbitraire que A.________ avait entretenu des contacts personnels
difficiles avec ses collègues, seuls deux témoins sur cinq ayant fait état de
tels problèmes. C'était donc sur la base de déductions insoutenables que la
cour cantonale avait qualifié les renseignements donnés par B.________ de
conformes à la réalité.

La Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a rendu un nouvel arrêt en
date du 9 octobre 2002. Après avoir annulé le jugement de première instance,
elle a condamné X.________ & Cie SA à payer à A.________, d'une part, la
somme brute de 37 736 fr.05 à titre de dommages-intérêts, avec intérêts à 5%
dès le 24 janvier 1999, invitant la partie qui en a la charge à effectuer les
déductions sociales et légales usuelles et, d'autre part, le montant de 10
000 fr. à titre de réparation morale, avec intérêts à 5% dès le 24 janvier
1999. Elle a par ailleurs déclaré irrecevables les conclusions par lesquelles
A.________ entendait faire interdiction à X.________ & Cie SA de donner des
renseignements sur elle-même.

C.
X.________ & Cie SA forme un recours de droit public au Tribunal fédéral,
concluant à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la
cour cantonale pour nouvelle décision.

Dans sa réponse, A.________ propose le rejet du recours et demande le
bénéfice de l'assistance judiciaire, y compris la désignation d'un avocat
d'office selon lettre complémentaire du 14 mars 2003.

Invitée à se déterminer, la cour cantonale se réfère à sa décision.

X. ________ & Cie SA a également interjeté un recours en réforme contre
l'arrêt de la Cour d'appel.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient de
traiter le recours de droit public avant le recours en réforme.

1.2 De jurisprudence constante, le recours de droit public n'a, sauf
exceptions non réalisées en l'espèce, qu'une fonction cassatoire de sorte que
les conclusions qui tendent à obtenir plus ou autre chose que l'annulation de
la décision cantonale sont irrecevables (ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5; 127
III 279 consid. 1b p. 282). Bien que superflue, la demande de retourner le
dossier à la cour cantonale n'est toutefois pas irrecevable, car le renvoi de
la cause constitue la suite obligatoire d'une admission du recours
(Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, p. 226,
note 10).

1.3 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. OJ; ATF 128 III 50 consid. 1c p. 53/54 et les
arrêts cités).

2.
2.1 Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst. protégeant le droit d'être entendu, la
recourante reproche tout d'abord à la cour cantonale d'avoir omis de se
prononcer sur des témoignages pertinents à propos de l'attitude au travail de
l'intimée ou d'en avoir écartés d'autres sans motiver sa décision. A son
sens, les juges genevois ne pouvaient simplement se référer à l'arrêt du
Tribunal fédéral rendu sur recours de droit public pour admettre que les
renseignements négatifs donnés par la recourante n'étaient pas conformes à la
réalité. Ils devaient procéder à une nouvelle appréciation des preuves
alléguées, soit les témoignages des anciennes collègues de l'intimée et la
déclaration écrite du directeur d'un précédent employeur de l'intimée, moyens
qui n'avaient pas été tous examinés par le Tribunal fédéral dans l'arrêt du
10 juin 2002. Or, il ressortirait de ces éléments que l'attitude de l'intimée
était inappropriée selon cinq témoins assermentés, et non deux comme l'avait
retenu le Tribunal fédéral dans l'arrêt sur recours de droit public.

2.2 Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al.
2 Cst. comprend, en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer
avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, le droit de fournir des
preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort du procès, le droit
d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en
prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 15 consid.
2a/aa p. 16; 124 I 49 consid. 3a, 241 consid. 2).

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu le devoir pour l'autorité
de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre,
l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse
exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge
mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il
a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte
de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 126 I 97
consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c; 124 II 146 consid. 2a). L'autorité n'a pas
l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et
griefs soulevés par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à
ceux qui, sans arbitraire, lui apparaissent pertinents (ATF 126 I 97 consid.
2b; 121 I 54 consid. 2c p. 57 et les arrêts cités).

2.3 Selon l'arrêt attaqué, les renseignements donnés par B.________ étaient
inexacts sur deux points. D'une part, il était faux de prétendre que les
contacts personnels de l'intimée avec ses collègues du magasin «Z.________»
étaient difficiles et que la vendeuse licenciée n'était pas faite pour
travailler en équipe. D'autre part, il n'était pas conforme à la vérité
d'affirmer que «la vente n'était pas [l']élément» de l'intimée. Sous l'angle
du droit d'être entendu, la recourante ne remet en cause que le premier
point.

A ce sujet, la cour cantonale s'est effectivement référée à l'arrêt du
Tribunal fédéral du 10 juin 2002, dont il ressort que la majorité des
collègues entendues, soit Mesdames I.________, J.________ et K.________,
n'ont pas rencontré de problèmes particuliers avec l'intimée, contrairement à
Mesdames L.________ et M.________. Certes, le Tribunal fédéral, saisi d'un
recours de droit public pour arbitraire, ne se substitue pas à l'autorité
cantonale et ne procède pas lui-même à l'appréciation des preuves comme le
ferait une cour d'appel. Il n'en demeure pas moins que, dans le cas
particulier, la cour de céans a constaté que trois collègues sur cinq de
l'intimée n'avaient pas éprouvé de difficultés avec cette dernière, les
témoignages n'étant donc pas univoques sur cette question. Dans la mesure où
sa précédente appréciation desdits témoignages avait été qualifiée
d'arbitraire par le Tribunal fédéral, la cour cantonale ne pouvait pas à
nouveau conclure, de manière générale, à la réalité des difficultés
relationnelles de l'intimée avec ses collègues en se fondant sur les
déclarations des mêmes témoins. Or, c'est bien sur les mêmes témoignages, à
l'exception de celui de Madame I.________ qu'elle ne mentionne pas, que la
recourante aurait voulu que la cour cantonale se prononce une nouvelle fois,
soit ceux de Mesdames M.________, K.________, L.________ et J.________. En
l'absence de nouveaux moyens de preuve pertinents, la Cour d'appel n'était
pas tenue de procéder à une nouvelle appréciation des preuves. Au demeurant,
le témoignage de B.________, également invoqué par la recourante, pouvait
manifestement être écarté sans arbitraire puisque c'est précisément la
véracité des propos de la susnommée qui était examinée. De même, l'absence de
référence, dans l'arrêt attaqué, à la déclaration du président de V.________
n'est pas critiquable, s'agissant d'un écrit établi près de quatre ans après
les faits, à l'adresse de la recourante, par une personne qui n'a pas été
entendue comme témoin. Quoique succincte, la motivation de l'arrêt attaqué
est suffisante pour comprendre ce qui a guidé les juges cantonaux dans leur
décision. Le Tribunal fédéral ayant déjà constaté que les témoins ne
parlaient pas d'une même voix, la Cour d'appel pouvait, sans tomber dans
l'arbitraire ni violer le droit d'être entendu de la recourante, retenir sur
cette base qu'il était faux d'affirmer, sans nuance, à l'instar de la cheffe
du rayon parfumerie, que l'intimée ne s'entendait pas avec ses collègues et
n'était pas faite pour travailler en équipe. Le premier grief est mal fondé.

3.
3.1 Toujours sous l'angle du droit d'être entendu, la recourante se plaint
d'un défaut de motivation dont l'arrêt attaqué serait entaché à propos du
lien de causalité naturelle entre les mauvaises références données et le
chômage de l'intimée. Elle fait valoir que, preuves à l'appui, elle a allégué
des faits qui expliquent la difficulté de l'intimée à trouver un emploi,
indépendamment des renseignements défavorables qui auraient été fournis sur
la travailleuse par la cheffe du rayon parfumerie du magasin «Z.________».
Or, la cour cantonale ne s'est pas prononcée sur ces faits, qui sont les
suivants: l'intimée a connu sept emplois en cinq ans, ce qui démontrerait une
instabilité propre à décourager un employeur intéressé; l'intimée n'a produit
que deux certificats de travail, l'absence d'autres certificats étant
précisément de nature à dissuader un éventuel employeur de l'engager; le
président de la société V.________, qui a employé l'intimée du 1er mai au 31
juillet 1995, a attesté par écrit qu'il avait dû faire de nombreuses
observations à la vendeuse au sujet de sa façon de mélanger vie privée et
travail, si bien que les mauvaises références pouvaient également provenir de
cette entreprise; enfin, il ressort de son curriculum vitae que l'intimée a
occupé plusieurs emplois dans des secteurs hors de la parfumerie. A cet
égard, la recourante ne voit pas comment les renseignements donnés par
B.________ ont empêché l'intimée de trouver un emploi non seulement comme
vendeuse en parfumerie, mais aussi comme employée de bureau, réceptionniste,
hôtesse d'accueil ou vendeuse de vêtements dans tout le canton de Genève; en
jugeant que la mauvaise réputation de l'intimée dans la parfumerie lui
fermait les portes dans d'autres secteurs de l'économie, la Cour d'appel
n'aurait donné aucune base raisonnable à sa décision qui, partant, serait
arbitraire.

3.2 La définition et la portée du droit d'être entendu garanti par l'art. 29
al. 2 Cst. ont été rappelées ci-dessus au considérant 2.2.

Par ailleurs, selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle
est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation
soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans
son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue que si celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit
certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît
également concevable, voire même préférable (ATF 128 I 81 consid. 2 p. 86,
177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275; 128 II 259 consid. 5 p. 280).

En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité
ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à
modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et le
portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des constatations
insoutenables des éléments recueillis (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I
208 consid. 4a).

3.3 En l'espèce, la recourante ne s'est pas heurtée à un refus
d'administration de preuves de la part de la cour cantonale. Elle admet
elle-même avoir pu produire les preuves des faits qu'elle invoque à présent.
Par ailleurs, conformément à la jurisprudence susmentionnée, la cour
cantonale n'était pas tenue de discuter tous les faits mis en évidence par
les parties. Il lui suffisait d'indiquer les faits et moyens qui, sans
arbitraire, lui apparaissaient pertinents et qui motivaient sa décision.

A la lecture de l'arrêt attaqué, il apparaît que la cour cantonale s'est
fondée sur les témoignages de D.________ et de H.________ pour retenir un
lien de causalité naturelle entre les mauvais renseignements donnés par
«Z.________» et le chômage de longue durée subi par l'intimée. Tenant compte
de la formation, des connaissances linguistiques, de l'expérience
professionnelle et de l'état d'esprit positif de l'intimée, les juges
genevois sont ainsi parvenus à la conviction que les renseignements
défavorables et erronés fournis par la recourante ont bel et bien été la
cause des échecs des démarches entreprises par l'intimée ou ses conseillers
en placement afin de retrouver un emploi de mars 1996 à décembre 1998. Même
si, sur d'autres points, il ne se distingue pas par sa clarté, l'arrêt
attaqué laisse ressortir d'une manière suffisante au regard de l'art. 29 al.
2 Cst. l'importance capitale accordée par la cour cantonale aux deux
témoignages précités dans l'établissement du lien de causalité naturelle. Un
défaut de motivation ne saurait être retenu.

Lorsqu'elle a repris le dossier en 1997, l'employée de l'agence de placement
a été informée que l'intimée n'avait pu être placée jusqu'alors en raison de
mauvais renseignements donnés par «Z.________». Dans le cadre de ses
démarches, D.________ a tout d'abord essuyé un refus de la part d'une autre
agence de placement, car les références au sujet de l'intimée étaient
mauvaises. Contactant ensuite «Z.________» par téléphone, elle s'est vu
confirmer, de la bouche de la cheffe du rayon parfumerie, que l'intimée ne
s'entendait pas avec ses collègues, qu'elle n'était pas faite pour travailler
en équipe et que la vente n'était pas son élément. Nantie de cette
information, l'employée de l'agence a estimé qu'elle n'était pas en mesure de
trouver un emploi à l'intimée, à qui elle a retourné son dossier. La cour
cantonale a considéré ce témoignage, émanant d'une professionnelle du
placement, comme crédible. Or, la recourante ne démontre pas en quoi il
serait arbitraire de croire D.________. Pour sa part, H.________ s'est
déclaré convaincu que l'emploi offert par la pharmacie U.________ avait
échappé à l'intimée en raison des renseignements défavorables donnés par
«Z.________» au sujet de son ancienne employée. La cour cantonale a repris
cette conviction à son compte et, là également, la recourante ne prétend pas
qu'il serait arbitraire d'accorder crédit au témoignage du fonctionnaire de
l'office cantonal de l'emploi. Au contraire, la concordance des explications
de deux personnes expérimentées en placement de personnel ne fait qu'en
renforcer la valeur probante. Sur la base de ces témoignages, il n'était pas
arbitraire d'admettre implicitement que tout employeur intéressé par la
candidature de l'intimée obtenait les mêmes renseignements défavorables de la
part du magasin «Z.________» et d'en conclure que les mauvaises références
ainsi colportées ont empêché l'intimée de retrouver un emploi de mars 1996 à
décembre 1998. Les arguments présentés par la recourante ne sont pas de
nature à changer la donne; ils pouvaient être omis de l'état de fait sans que
l'arrêt attaqué ne soit entaché d'un défaut de motivation. Il n'était en
effet pas arbitraire d'admettre implicitement que les circonstances en
question n'avaient pas concouru à la survenance du dommage. Ainsi, le fait
que l'intimée a occupé sept emplois en cinq ans démontre plutôt que la
travailleuse n'avait, avant son passage au magasin  «Z.________», éprouvé
aucune peine à retrouver un poste. En outre, l'absence de tous les
certificats correspondant aux emplois occupés doit être relativisée dans la
mesure où la recourante elle-même, dernier employeur, a rédigé un certificat
de travail élogieux à l'adresse de l'intimée. Quant au président de
V.________, la recourante ne prétend pas qu'il aurait rapporté l'opinion
mitigée qu'il avait apparemment de l'intimée d'une autre manière que par une
déclaration écrite à la recourante presque quatre ans après la fin des
rapports de travail; on ne voit dès lors pas en quoi cet élément aurait pu
constituer un obstacle pour l'intimée dans sa quête d'emploi. Enfin,
l'intimée pouvait effectivement se prévaloir d'une formation et d'une
expérience professionnelle dans d'autres domaines que la parfumerie, mais qui
impliquaient toujours des contacts (vendeuse, hôtesse d'accueil, secrétaire,
réceptionniste). Si elle a noté au passage que les mauvaises références
circulaient vite dans le «petit monde» de la parfumerie, la cour cantonale
n'en a pas pour autant exclu que l'intimée ait dirigé ses recherches
d'emplois dans d'autres secteurs et qu'elle ait été, là aussi, désavantagée
par les renseignements défavorables fournis par la recourante sur ses
rapports avec les autres. A cet égard, les témoignages sur lesquels la Cour
d'appel s'est fondée pour établir un lien de causalité naturelle entre le
comportement de la recourante et le chômage de l'intimée ne font nulle part
état de recherches orientées exclusivement dans le domaine de la vente de
cosmétiques.

Sur le vu de ce qui précède, tant le moyen tiré d'une violation du droit
d'être entendu que le grief d'arbitraire se révèlent mal fondés. Le recours
doit être rejeté.

4.
Comme la valeur litigieuse dépassait 30 000 fr. à l'ouverture de l'action, la
procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO; ATF 115 II 30 consid.
5b). La recourante, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires
(art. 156 al. 1 OJ) et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens
(art. 159 al. 1 OJ).

Bénéficiaire du revenu minimum cantonal d'aide sociale, l'intimée doit être
considérée comme indigente au sens de l'art. 152 al. 1 OJ. Sa demande
d'assistance judiciaire sera donc admise dans la mesure où elle n'a pas perdu
son objet, dès lors que le risque existe pour la prénommée de ne pouvoir
recouvrer les dépens auxquels elle a droit; son conseil sera désigné comme
avocat d'office.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2500 fr. à titre de
dépens.

4.
La demande d'assistance judiciaire de l'intimée est admise, autant qu'elle
n'est pas sans objet, et Me Jacques Borowsky est désigné comme avocat
d'office.

5.
Au cas où les dépens ne pourraient pas être recouvrés, la caisse du Tribunal
fédéral versera à Me Jacques Borowsky le montant de 2500 fr. à titre
d'honoraires d'avocat d'office.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 22 avril 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:   La Greffière: