Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.71/2002
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4C.71/2002/sch

Arrêt du 31 juillet 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz, Nyffeler, Favre et Chaix, juge suppléant,
greffière de Montmollin.

A. ________,
B.________,
demandeurs et recourants,
tous deux représentés par Me Michel Ducrot, avocat,
rue de la Moya 1, 1920 Martigny,

contre

X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Roger Pannatier, avocat, rue du
Stade 4, 1950 Sion.

contrat de travail; licenciement abrupt

(recours en réforme contre le jugement de la Cour civile II du Tribunal
cantonal valaisan du 29 novembre 2001).

Faits:

A.
La société X.________ SA a été constituée en 1992 par la fusion de la société
Y.________ et de Z.________ SA. Y.________ exploitait en Valais le réseau des
magasins de détail W.________, tandis que Z.________ SA détenait un centre
commercial à Uvrier.

En 1974, Y.________ a engagé B.________, né en 1938, en qualité d'inspecteur
de magasins. Dès 1989, le travail de celui-ci, en tant que responsable des
achats pour W.________, consistait notamment à collaborer avec le service de
vente pour l'élimination des surstocks et des articles périmés.

Le 1er juillet 1991, A.________, né en 1952, est entré au service de
Z.________ SA; titulaire d'une maîtrise fédérale de comptable, il était chef
de vente du réseau de magasins W.________, ce qui le plaçait parmi les cadres
de l'entreprise.

A la suite de la fusion survenue en 1992, un nouvel organigramme a été mis en
place. B.________, dont les responsabilités opérationnelles n'ont pas été
modifiées, a été placé sous les ordres de A.________. Ce dernier, en tant que
chef de vente et directeur du centre de profit W.________, devait y appliquer
la politique commerciale selon les directives de la division commerciale et
réaliser les objectifs fixés en matière de marchandises et de rotation des
stocks.

Les conditions de travail de A.________ et B.________ ont été fixées en
dernier lieu par contrats prenant effet le 1er février 1993.

Le salaire brut mensuel convenu de A.________ était de 6 700 fr., plus
treizième salaire; s'y ajoutaient des frais de représentation et de
déplacement atteignant respectivement 1 000 fr. par mois et 75 ct./km. Les
délais de résiliation étaient de deux mois au cours de la première année de
travail, puis de trois mois. Les vacances étaient fixées à cinq semaines par
année, dès la 21ème année de service ou dès l'âge de 50 ans.

Le salaire brut convenu de B.________ était de 6 500 fr., plus treizième
salaire. Des frais de représentation et de déplacement étaient prévus, soit
200 fr. par mois et 75 ct./km. B.________ percevait encore une somme de 2 400
fr. par an en contre-partie de la mise à disposition de sa patente
d'oenologue. Les autres conditions du contrat étaient semblables à celles du
contrat liant A.________ à X.________ SA.

B.
Il est établi que l'existence d'articles invendus, de déchets ou de
"rossignols" (soit des articles en bon état mais passés de mode), constitue
un risque inhérent à l'activité des commerces de détail. Des normes de la
branche fixant un pourcentage admissible de ces marchandises par rapport au
stock total n'ont pas été produites par les parties. Il apparaît cependant
que la part de ces articles à problème a été jugée trop importante au sein de
X.________ SA.

En septembre 1991, les modalités d'épuration des stocks ont été discutées
lors d'une séance réunissant A.________, B.________ et le chef de la division
commerciale. En décembre suivant, A.________ a décrit les travaux d'épuration
en cours et a fixé comme objectif pour 1992 de baisser les stocks. Dans un
document établi à la suite d'une réunion tenue en mars 1992, A.________ a
arrêté un budget de 30 000 fr. pour l'opération d'épuration des stocks ainsi
qu'un délai d'exécution au 31 juillet 1992. En avril 1993, la découverte d'un
stock de marchandises périmées dans un magasin a alerté le chef de la
division commerciale. A la suite de contrôles approfondis, il a été établi en
septembre 1993 que la valeur des marchandises à problème s'élevait à 609 344
fr. 30 représentant 8,85 % du stock total. Ces marchandises ont pu être
écoulées ou retournées aux fournisseurs pour un montant total de 293 638 fr.
43 de sorte que la perte résultant de l'opération d'épuration s'est élevée à
315 705 fr. 87, à laquelle il fallait ajouter les frais du personnel occupé
aux tâches d'épuration (82 890 fr. 15) et les taxes d'élimination des ordures
(462 fr. 90). X.________ SA a par ailleurs estimé à 52 708 fr. sa perte
financière résultant de l'immobilisation pendant une année du capital de 609
344 fr. 30 représentant la valeur des marchandises à problème; le taux de
8,65 % appliqué correspond à celui pratiqué durant la période concernée pour
les affaires commerciales du même type.

Par courriers séparés du 24 mai 1993, X.________ SA, se référant aux contrats
de février 1993, a congédié A.________ et B.________ pour le 31 juillet 1993.
Elle a motivé ses décisions par les graves problèmes de gestion rencontrés au
sein du groupe ainsi que par la situation des stocks en magasin. A.________
et B.________ ont été libérés de l'obligation de travail avec effet immédiat;
l'employeur a annoncé qu'il établirait un décompte des prestations encore
dues, visant notamment les salaires des mois de juin et de juillet 1993. Le
17 juin 1993, les travailleurs ont fait valoir que le délai de congé devait
être reporté au 31 août 1993.

Pour la période du 1er au 31 août 1993, la caisse de chômage a versé 6 279
fr. 30 à A.________ et 5 625 fr. 15 à B.________. L'employeur, invoquant la
compensation avec le dommage causé selon lui par ses employés, ne s'est pas
acquitté des salaires courant à partir de juin 1993.

C.
En novembre 1993, A.________ et B.________ ont agi contre X.________ SA en
paiement de solde de salaire, d'indemnités de vacances, de frais de
représentation et d'indemnités pour résiliation abrupte injustifiée. Leurs
dernières conclusions tendaient au versement de 42 489 fr. 90 à B.________ et
de 48 893 fr. 85 à A.________ avec intérêts à 5 % dès le 24 mai 1993. La
défenderesse a admis les prétentions en paiement de salaire mais a réclamé
reconventionnellement aux travailleurs des dommages-intérêts en raison de la
mauvaise gestion des stocks, invoquant la compensation à due concurrence. Le
dommage imputé à A.________ s'élevait à 124 236 fr. tandis que celui
concernant B.________ se montait à 79 059 fr. 28. La caisse de chômage est
intervenue dans la procédure pour obtenir le remboursement des prestations
versées à ses assurés.

En cours de procédure, une expertise a été ordonnée.

Par jugement du 29 novembre 2001, la IIème Cour civile du Tribunal cantonal
du canton du Valais a condamné X.________ SA à verser à A.________ les sommes
nettes de 15 309 fr. 20 (solde de salaire) et de 1 360 fr. (allocations
familiales) avec intérêts à 5 % dès le 1er août 1993, mais a déduit de ces
montants 13 000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er octobre 1993 à titre de
dommage causé par A.________ à X.________ SA.

Le Tribunal cantonal a par ailleurs condamné X.________ SA à verser à
B.________ les sommes nettes de 14 550 fr. 40 (solde de salaire) et de 2 000
fr. (mise à disposition de la patente d'oenologue et allocations familliales)
sous déduction de 9 000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er octobre 1993 à
titre de dommage causé par B.________ à son employeur. X.________ SA a de
plus été condamnée à verser 11 904 fr. 85 à la caisse de chômage qui s'était
subrogée à l'employeur pour le paiement des salaires du mois d'août 1993.

D.
A.________ et B.________ recourent en réforme au Tribunal fédéral contre le
jugement du 29 novembre 2001. Ils concluent principalement à ce que d'une
part X.________ SA soit condamnée à verser au premier 41 889 fr. 90 et au
second 41 395 fr. 85, ces montants portant intérêts à 5 % l'an dès le 24 mai
1993, d'autre part au rejet de la demande reconventionnelle. Subsidiairement,
ils concluent à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause
à l'instance cantonale.

X. ________ SA invite le Tribunal fédéral à rejeter le recours et à confirmer
le jugement attaqué.

E.
Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté un recours de droit public
formé parallèlement par les demandeurs.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La cour cantonale a constaté que l'employeur admettait - sous réserve de
compensation - devoir les montants correspondant aux salaires de juin à août
1993 de même que le treizième salaire au pro rata temporis, mais que la
caisse de chômage, pour avoir versé à ses assurés des indemnités journalières
du 1er au 31 août 1993, s'était subrogée à leurs droits à l'encontre de la
défenderesse à raison de 6 279 fr. 30 pour l'un et de 5 625 fr. 55 pour le
second, soit au total pour 11 904 fr. 85.

Les demandeurs ne dirigent pas leurs recours au Tribunal fédéral contre la
caisse de chômage et ne font valoir aucune violation du droit fédéral sur ce
point (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le jugement attaqué est par conséquent
définitif en ce qui concerne les montants alloués à la caisse de chômage.

2.
Selon le jugement attaqué, on est en présence d'une résiliation ordinaire et
non abusive des rapports contractuels. Les salariés licenciés ne peuvent donc
revendiquer l'indemnité de l'art. 337c al. 3 CO, voire de l'art. 336a CO.
Libérés de l'obligation de travailler pendant le délai de congé, ils n'ont
pas non plus droit à un dédommagement pour leur solde de vacances 1993, ni à
des frais de représentation pour cette période.

S'ils déclarent ne pas remettre en cause ce dernier point, les recourants
demandent toutefois au Tribunal fédéral de reconnaître qu'ils sont victimes
d'une résiliation immédiate sans juste motif de leur contrat de travail, leur
ouvrant le droit à une indemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO ainsi qu'au
paiement du solde de leurs vacances.

3.
3.1 En principe, un contrat de travail de durée indéterminée peut être
librement résilié moyennant le respect des délais de congé contractuels ou
légaux (art. 335 al. 1 CO; ATF 121 III 60 consid. 3b). Un congé donné pour un
terme inexact n'est pas nul, mais reporté au prochain terme utile (Rehbinder,
Schweizerisches Arbeitsrecht, 15ème éd., n. 320). Par ailleurs, il est
loisible à l'employeur de libérer l'employé de son obligation de travail
pendant le délai de congé (Rehbinder, op. cit., n. 115 et 223; Wyler, Droit
du travail, p. 236).
En l'espèce, la défenderesse a résilié les contrats des demandeurs - en se
référant de manière erronée aux conditions contractuelles de février 1993 -
pour la fin du mois de juillet 1993. Elle n'a jamais indiqué que les motifs
de congé invoqués justifiaient une fin immédiate des rapports de travail,
mais, au contraire, a précisé qu'un décompte des prestations encore dues,
notamment pour les salaires de juin et de juillet 1993, serait établi. Ces
éléments de fait, qui lient le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme
(art. 63 al. 2 OJ), ne permettent pas de retenir que la défenderesse avait
l'intention de procéder à une résiliation pour justes motifs au sens de
l'art. 337c CO. En particulier, la libération de l'obligation de travailler
est admissible et l'on ne saurait y voir une fraude à la loi comme
l'invoquent les demandeurs. L'indication erronée du délai de congé a pour
seule conséquence de reporter celui-ci, mais ne peut être interprétée comme
la volonté de résilier abruptement le contrat de travail. Enfin, peu importe
que la défenderesse n'ait pas versé immédiatement le salaire dû à ses
travailleurs: cette position s'explique par le désir de l'employeur de
compenser sa dette de salaire avec la créance en dommages-intérêts pour
violation des obligations contractuelles des travailleurs, ce qu'autorise
l'art. 323b al. 2 CO, en tout cas partiellement.

Dans la mesure où la défenderesse a exercé son droit de résilier le contrat
pour le prochain terme légal, ce qui est confirmé par sa position procédurale
devant le Tribunal fédéral, les demandeurs n'ont aucune prétention en
paiement d'une indemnité pour résiliation injustifiée. Rien ne permet non
plus de qualifier le congé d'abusif. Il en résulte que le jugement attaqué
doit être confirmé sur ce point.

Comme il est établi que la défenderesse a procédé à une résiliation ordinaire
des rapports de travail, l'argumentation des salariés à propos de leur droit
aux vacances suite à une résiliation injustifiée tombe à faux.

La cour cantonale a estimé que, durant le temps où les demandeurs étaient
libérés de leur obligation de travail (plus de 14 semaines), ils pouvaient
prendre en nature, comme le prescrit l'art. 329d al. 2 CO, le solde de leur
vacances, soit 2,7 semaines pour l'un et 3,3 semaines pour l'autre. Cette
solution est conforme au droit fédéral (ATF 106 II 152 consid. 2; Rehbinder,
op. cit., n. 246; Wyler, op. cit., p. 256). Dès lors, le jugement attaqué
sera confirmé également sur ce point.

4.
La cour cantonale a jugé que les demandeurs ne pouvaient être amenés à
répondre du préjudice qu'avait pu éprouver la défenderesse du fait la gestion
déficiente des stocks. Il était en effet établi que l'existence d'invendus,
de déchets ou de "rossignols" constituait un risque inhérent au commerce de
détail. Or la défenderesse n'avait pas apporté d'éléments, notamment de
données comparatives avec d'autres commerces, permettant de quantifier la
part des pertes invoquées pouvant être mises en relation de causalité avec
les manquements qu'elle reprochait aux demandeurs dans le cadre de la gestion
courante des stocks.
La cour cantonale a en revanche estimé que les travailleurs avaient fait
montre d'une négligence certaine et qu'ils avaient violé leurs obligations en
ce qui concerne l'assainissement des stocks décidée fin 1991, qui n'avait
abouti à l'élimination des marchandises à problème qu'avec un an de retard.
Se référant à l'expertise, la cour a retenu que la perte financière
correspondait au coût de l'immobilisation des marchandises durant une année
et qu'elle devait être fixée à 51 900 fr. Cela étant, elle a considéré que la
faute des travailleurs était de degré inférieur à moyen. Employé d'un rang
élevé, A.________ disposait d'une rémunération appréciable. Il bénéficiait
d'une longue expérience du commerce de détail, mais les erreurs qu'il avait
commises constituaient en partie la réalisation d'un risque professionnel
puisque les mesures d'assainissement portaient sur plusieurs magasins et
mettaient en oeuvre de nombreuses personnes. Il fallait également tenir
compte du fait qu'il se trouvait sous les ordres de deux supérieurs qui
n'avaient pas réagi de manière adéquate à ses manquements, ce qui
représentait une faute concomitante de l'employeur. La responsabilité de
B.________ était plus limitée. Subordonné à A.________, il effectuait sur
ordre des tâches ponctuelles, étant néanmoins particulièrement au fait de
l'état du réseau W.________. En définitive, la cour a fixé à un quart environ
la part du dommage admissible mise à la charge de Suter et à un sixième
environ celle incombant à Fournier, soit respectivement 13 000 fr. et 9 000
fr.
Invoquant la violation des art. 321e CO et 8 CC, les demandeurs reprochent à
la cour cantonale d'avoir retenu à tort une négligence de leur part dans la
survenance du dommage et d'avoir appliqué de manière erronée les notions de
dommage et de causalité adéquate.

5.
5.1 Selon l'art. 321e al. 1 CO, le travailleur répond du dommage qu'il cause à
l'employeur intentionnellement ou par négligence. En principe, il doit
réparer intégralement ce dommage (arrêt 4C.304/1993 du 21 février 1994, in SJ
1995 p. 777 consid. 3a). L'alinéa 2 de cette disposition précise toutefois
que la mesure de la diligence incombant au travailleur se détermine par le
contrat, compte tenu du risque professionnel, de l'instruction et des
connaissances techniques nécessaires pour accomplir le travail promis, ainsi
que des aptitudes et qualités du travailleur que l'employeur connaissait ou
aurait dû connaître. Or ces circonstances peuvent aussi être prises en
considération pour déterminer l'étendue de la réparation (art. 99 al. 3, 42 à
44 CO), le juge disposant en la matière d'un large pouvoir d'appréciation
(ATF 110 II 344 consid. 6b). En ce qui concerne les connaissances
professionnelles, on attend du travailleur qu'il possède celles qui sont
usuelles pour l'activité considérée. On n'exigera du travailleur des
capacités exceptionnelles que dans des circonstances particulières. Un
salarié exerçant une fonction dirigeante ou au bénéfice d'une rémunération
élevée pourra ainsi se voir poser des exigences plus élevées ou être amené à
répondre de façon plus large de la réalisation d'un risque professionnel (ATF
110 II 344 consid. 6b/ee; (Schönenberger/Staehelin, Commentaire zurichois, n.
4 ss ad art. 321e CO). On n'admettra pas de violation du devoir de diligence
simplement pour la raison que le travailleur n'a pas atteint le but qui avait
été fixé, par exemple l'assainissement ou la restructuration d'une entreprise
déficitaire  dans  un  certain délai. L'employé  n'a  pas à répondre des

risques professionnels survenant en l'absence de faute de sa part; il ne
répond pas d'un résultat: il lui incombe uniquement d'exécuter avec soin le
travail qui lui a été confié, au plus près des intérêts de l'employeur (arrêt
4C.256/1999 du 18 octobre 1999, consid. 3b).

C'est à l'employeur qu'il appartient d'alléguer et de prouver l'existence
puis l'ampleur du dommage (art. 8 CC et 42 CO). Il doit aussi démontrer que
la violation des obligations contractuelles du travailleur et le dommage sont
en relation de causalité naturelle. Ainsi qu'on l'a déjà souligné dans
l'arrêt rendu sur le recours de droit public déposé parallèlement par les
demandeurs, il s'agit de questions de fait soustraites à l'examen du Tribunal
fédéral dans un recours en réforme, à moins que l'autorité cantonale n'ait
méconnu les notions juridiques de ces conditions de la responsabilité. Le
caractère adéquat de la causalité constitue un point de droit.

Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontaire de la
fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du
patrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement
dommageable ne s'était pas produit. Il peut se présenter sous la forme d'une
diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation
de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 128 III 22 consid. 2e/aa et
les références).

5.2 En l'occurrence, la cour cantonale a estimé que les demandeurs, coupables
de négligence et ayant violé leurs obligations de travail, devaient répondre
du retard pris dans l'élimination des marchandises à problème des stocks. En
soi, cette manière de voir n'est pas critiquable. L'occupation inutile de
locaux pendant un an, la détérioration supplémentaire de denrées périssables
qui auraient pu être liquidées rapidement, ou encore l'immobilisation de
capitaux peuvent effectivement constituer un préjudice. La cour cantonale a
cependant erré lorsqu'elle a mis à la charge des intéressés le coût de
l'immobilisation de l'ensemble des marchandises à problème pendant une année:
il aurait fallu déduire de la totalité de ces marchandises la valeur de
celles constituant le risque inhérent de l'entreprise et qui ne pouvaient
être liquidées, de sorte que de toute façon l'entreprise devait en supporter
la perte; la défenderesse n'a cependant pas apporté les éléments nécessaires
pour déterminer la valeur de ces marchandises à problème, ainsi que la cour
cantonale l'a considéré à propos de la gestion courante des stocks sans que
l'intéressée ne recoure sur ce point (notamment pour violation de l'art. 42
al. 2 CO). Alors seulement il aurait été possible de déterminer le capital
inutilement immobilisé du fait des demandeurs.
La cour cantonale a toutefois constaté que la défenderesse avait pu écouler
ou retourner aux fournisseurs une partie des marchandises à problème pour un
montant total de 293 638 fr. 43. La décision cantonale ne précise cependant
pas quand ces opérations de liquidation ont eu lieu. Si elles ont été
effectuées avec un an de retard, il est possible de considérer comme un
dommage l'immobilisation de ces 293 638 fr. 43 durant la période perdue en
raison du manque de diligence des demandeurs. Le dossier doit dès lors être
renvoyé à l'instance cantonale pour complément d'instruction sur ce point
(dans la mesure où la procédure cantonale le permet: art. 66 al. 1 OJ) et
nouvelle décision (art. 64 al. 1 OJ), étant précisé que le droit fédéral
n'apparaît en rien violé par la manière dont, vu son large pouvoir
d'appréciation (ATF 110 II 344 consid. 6b; 123 III 257 consid. 5a),
l'autorité cantonale a fixé pour le reste l'étendue de la réparation mise à
la charge des travailleurs (risque professionnel s'agissant de mesures
d'assainissement portant sur plusieurs magasins et impliquant un personnel
nombreux, faute concomitante de l'employeur, rémunérations respectives des
demandeurs, etc.).

6.
Les recourants succombent dans une grande partie de leurs conclusions. Ils
supporteront solidairement les trois quarts des frais de justice et verseront
à l'intimée une indemnité réduite de dépens (art. 156 al. 3 et 7, 159 al. 3
et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, le jugement attaqué annulé et le dossier
renvoyé à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2.
Un émolument judiciaire de 4 000 fr. est mis par trois quarts à la charge des
recourants, solidairement entre eux, et par un quart à la charge de
l'intimée.

3.
Les recourants, solidairement entre eux, verseront à l'intimée une indemnité
de 2 000 fr. à titre de dépens réduits.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour civile II
du Tribunal cantonal valaisan.

Lausanne, le 31 juillet 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: