Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.55/2002
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4C.55/2002 /ech

Arrêt du 30 juillet 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Pagan, juge
suppléant,
greffier Ramelet.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Dominique Rigot, avocat, place
St-François 11, case postale 3373, 1002 Lausanne,

contre

Y.________ AG,
demanderesse et intimée, représentée par Me Paul Marville, avocat, case
postale 234, 1001 Lausanne.

contrat de livraison d'ouvrage

(recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud du 12 mars 2001)

Faits:

A.
A.a Y.________ AG (ci-après: Y.________), dont le siège est à N.________
(Zurich), est active dans le domaine des équipements hôteliers et de cuisine;
elle est la représentante exclusive pour la Suisse de Z.________ Industries.

X. ________ SA (ci-après: X.________ ), à Montreux, a pour but l'exploitation
d'un hôtel; disposant d'un capital social de 2'500'000 fr., elle est
propriétaire de la parcelle No ..., plan folio ..., du cadastre de la Commune
de Montreux, dont la surface est de 3194 m2.

Dans le courant de l'année 1990, Y.________ est entrée en pourparlers avec
X.________ , qui, à l'époque, avait pour administrateurs, avec signature
collective à deux, A.________, président, B.________ et C.________.

Le 6 septembre 1991, Y.________, sous la plume de D.________, a envoyé à
X.________ , soit à l'attention de B.________, un pli, par lequel elle
déclarait se référer à un entretien ayant eu lieu le 2 septembre 1991 et
confirmait les prix devisés, relatifs à X.________  et au "Restaurant Italien
au rez-de-chaussée", pour l'installation clef en main de deux cuisines, qui
se montaient respectivement à 540'000 fr. et 200'000 fr., d'où un total de
740'000 fr., impôt sur le chiffre d'affaires compris. Par rapport aux devis
initiaux, il avait été consenti à X.________  des rabais d'environ 25%.

Le 28 septembre 1991, sous la signature de B.________, administrateur
délégué, X.________  a informé D.________ qu'elle acceptait la proposition
d'aménagement des cuisines présentée pour le prix global précité. Cette
décision devait être encore ratifiée par le conseil d'administration de
X.________ .

A.b Y.________ a d'abord livré le fourneau central avec du matériel y
afférent, puis une laveuse, un four, une étagère et une armoire de
congélation; le tout a été livré à quelques jours d'intervalle au moyen de
deux ou trois camions.

A dire d'expert, la cuisine de X.________  a été achevée conformément au
devis; l'ensemble des agencements et leur élaboration ont été faits
spécialement pour X.________ .

X. ________  souhaitait disposer d'un matériel de cuisine exceptionnel; ses
dirigeants étaient particulièrement fiers et très satisfaits du matériel
livré, ainsi d'ailleurs que d'autres clients, tels que l'Ecole Hôtelière de
Lausanne et le restaurateur F.________, auxquels il avait été livré une même
installation.
Il a été retenu que X.________  utilise les installations de cuisine livrées
par Y.________.

A.c Le projet relatif à l'aménagement, puis à l'exploitation d'un restaurant
italien au rez-de-chaussée de X.________  n'a pas pu être réalisé en raison
de la non-obtention d'un crédit hôtelier et d'une opposition faite à la
délivrance du permis de construire.

A titre de "dédommagements" consécutifs à l'annulation de la commande de
X.________ , Y.________ a versé, le 19 avril 1993, à la société W.________
SA, membre du Groupe Z.________ Industries, en France, le montant de176'000
FF, représentant alors 48'224 fr.

A.d Par télécopie du 28 février 1992, E.________, directeur d'exploitation de
X.________ , a certifié à D.________ qu'il serait versé un acompte de 246'667
fr. Le 19 mars 1992, X.________ a encore requis de Y.________ une garantie
bancaire d'exécution de l'ouvrage pour un même montant, valable jusqu'à ce
que les cuisines soient posées.

X. ________ a versé à titre d'acomptes 50'000 fr. le 21 mai 1992 et, au 17
novembre 1992, elle s'est encore acquittée de 150'000 fr.

Le 28 septembre 1993, Y.________ a fait notifier à X.________  un
commandement de payer 540'000 fr. plus intérêts à 7% dès le 3 juin 1993. Cet
acte, qui se rapporte à la poursuite No ... de l'Office des poursuites de
l'arrondissement de Montreux, a été frappé d'opposition totale.

Le 5 décembre 1994, il a été ordonné, au profit de Y.________ et à titre
préprovisionnel, l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des
artisans et entrepreneurs grevant, pour la somme de 540'000 fr. en capital,
l'immeuble propriété de X.________ à Montreux. Cette inscription a été
confirmée par ordonnance sur mesures provisionnelles du 15 mai 1995.

B.
Le 26 juin 1995, Y.________ a intenté action à l'encontre de X.________
devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. La demanderesse a conclu
à ce que la défenderesse soit reconnue débitrice de la somme de 540'000 fr.
avec intérêts à 10% l'an dès le 3 juin 1993, à ce que l'opposition formée au
commandement de payer soit définitivement levée et à ce qu'il soit donné
l'ordre au Conservateur du registre foncier du district de Vevey de procéder,
en faveur de la demanderesse, à l'inscription définitive d'une hypothèque
légale des artisans et entrepreneurs, à concurrence de la somme réclamée plus
accessoires légaux, sur la parcelle dont la défenderesse est propriétaire à
Montreux.

La défenderesse a conclu à libération.

En cours d'instance, Y.________ a réduit ses conclusions à 428'224 fr., soit
340'000 fr. représentant le solde dû sur l'agencement de la cuisine de la
défenderesse, 48'224 fr. en remboursement de la somme versée à la société
W.________ SA et 40'000 fr. à titre de manque à gagner du fait de
l'impossibilité d'exécuter la "cuisine italienne", le tout avec intérêts à 5%
dès le 3 juin 1993.

Par jugement du 12 mars 2001, dont les considérants ont été communiqués le 13
décembre 2001, la Cour civile a prononcé que la défenderesse devait payer à
la demanderesse 340'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 29 septembre 1993
(ch. I) et dit que l'inscription provisoire de l'hypothèque légale des
artisans et entrepreneurs opérée sous No ... le 6 décembre 1994 dans le
registre foncier du district de Vevey, au profit de la demanderesse, sur la
parcelle No ... devait être radiée dès que le jugement serait devenu
définitif et exécutoire (ch. II).

En substance, l'autorité cantonale a considéré que le contrat liant les
parties avait été ratifié, après la lettre datée du 28 septembre 1991 émanant
de B.________, administrateur délégué de la défenderesse, par le comportement
de celle-ci, qui avait pris livraison de l'installation, payé des acomptes,
réclamé une garantie bancaire d'exécution et utilisé les installations de
cuisine livrées par la demanderesse. La Cour civile a retenu qu'il n'avait
pas été prouvé que le contrat aurait été soumis à une condition suspensive
consistant dans l'octroi d'un permis de construire ou d'un crédit hôtelier.
Comme la défenderesse n'avait pas commandé un équipement de série quant à
l'agencement de ses cuisines et qu'une exécution spéciale, selon ses voeux et
instructions, avait dû être opérée, du moins pour certains appareillages,
l'accord passé entre les plaideurs devait être qualifié de contrat de
livraison d'ouvrage, lequel est soumis aux dispositions relatives au contrat
d'entreprise. L'autorité cantonale, suivant l'expert, a admis que la cuisine
de la défenderesse était achevée, de sorte que le prix convenu de 540'000 fr.
était dû à la demanderesse. Compte tenu des acomptes versés, par 200'000 fr.,
la défenderesse restait débitrice du reliquat de 340'000 fr. en capital.

Les juges cantonaux ont considéré que l'opposition faite à la délivrance du
permis de construire et l'absence de crédit hôtelier, qui avaient rendu
impossible l'exécution de la "cuisine italienne", relevaient de la sphère de
risques du maître de l'ouvrage. Cette impossibilité d'exécution n'étant
toutefois pas imputable à la défenderesse, la demanderesse ne pouvait obtenir
une compensation de son intérêt à l'exécution du contrat, en particulier de
son gain manqué.

Quant au montant de 48'224 fr. payé le 19 avril 1993 à W.________ SA, il se
rapportait apparemment à un dédommagement conventionnel pour "coûts partiels
consécutifs à l'annulation de la commande". Dans l'ignorance des bases de
calcul de cette indemnité, la Cour civile a jugé qu'aucune somme ne pouvait
être allouée de ce chef à la demanderesse.
Pour le surplus, la poursuite No ... devait être considérée comme périmée, si
bien que la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de
payer s'y rapportant ne pouvait être prononcée. De même, la demanderesse
n'avait pas prouvé que l'inscription de l'hypothèque légale serait intervenue
dans le délai prévu par l'art. 839 al. 2 CC.

C.
La défenderesse exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle
requiert qu'il soit dit qu'elle n'est pas la débitrice de la demanderesse et
qu'elle ne lui doit en conséquence aucune somme d'argent.

Par arrêt du 26 février 2002, le Président de la Chambre des recours du
Tribunal cantonal vaudois a considéré comme non avenu le recours exercé le 9
janvier 2002 par la défenderesse contre le jugement précité, au motif que
l'avance de frais requise n'avait pas été effectuée.

L'intimée propose le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al.
1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248
ibidem). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert pour se plaindre de
l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF
127 III 543 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).
Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties,
lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine
OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni
par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid.
2c; 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2). Le Tribunal fédéral peut
donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le
recourant et il peut également rejeter le recours en adoptant une autre
motivation juridique que celle retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248
consid. 2c in fine).

2.
2.1 Dans un premier moyen, la recourante soutient qu'aucun contrat ne serait
venu à chef entre les parties, dès l'instant où l'acceptation de la
proposition d'aménagement signifiée le 28 septembre 1991 par B.________ à la
demanderesse devait encore être ratifiée par son conseil d'administration.
B.________ ne disposait en effet pas d'une signature individuelle pour
engager la défenderesse. L'accord définitif de la recourante était par
ailleurs soumis à la condition qu'un permis de construire ainsi qu'un crédit
hôtelier soient obtenus. Or, l'instruction avait clairement démontré
qu'aucune de ces conditions n'avait été réalisée. La solution retenue par les
juges cantonaux contreviendrait donc au droit fédéral.

2.2 A juste titre, la Cour civile a considéré que l'accord faisant l'objet de
l'acceptation donnée par B.________ le 28 septembre 1991 devait être qualifié
de contrat de livraison d'ouvrage.

En effet, dans la mesure où l'ensemble de l'installation et son élaboration
ont été exécutées spécialement pour la défenderesse, il y a bien eu
conclusion d'un contrat de livraison d'ouvrage soumis aux dispositions du
contrat d'entreprise (ATF 117 II 273 consid. 3a et les références; Peter
Gauch, Le contrat d'entreprise, adaptation française par Benoît Carron, n.
127, p. 39; Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, n. 3319, p. 410). Ce point
étant acquis, il ne paraît pas inutile de rappeler que la conclusion du
contrat d'entreprise au sens des art. 363 ss CO n'est soumise à aucune
exigence de forme particulière, en ce sens qu'il suffit que les parties aient
tacitement manifesté leur accord (Tercier, op. cit., n. 3404, p. 420).

2.3 Lorsque la signature commune est accordée à deux administrateurs (par
l'effet d'une signature collective à deux), ils doivent certes agir ensemble
pour représenter valablement la société, mais cette circonstance n'implique
aucune limitation des actes qu'ils peuvent accomplir. Cette restriction ne
touche pas à leur droit de passer tous les actes que le but social peut
impliquer; elle a uniquement trait au pouvoir lui-même de représentation (ATF
121 III 368 consid. 4b p. 375).

Les organes des personnes morales, à l'exemple de l'administrateur de la
défenderesse B.________, ne sont pas des représentants au sens technique des
art. 32 ss CO, mais ils forment directement la volonté même de la personne
morale qu'ils engagent par leurs actes juridiques, voire par leurs actes
illicites; la bonne foi du cocontractant qui traite avec un tel organe n'est
dès lors pas sans portée (ATF 111 II 284 consid. 3b p. 289). On peut d'ores
et déjà poser à cet égard que la bonne foi des organes de la société intimée
ne laisse planer aucun doute in casu.

En réalité, les organes des personnes morales doivent être considérés comme
des représentants légaux (Roger Zäch, Commentaire bernois, n. 34 et n. 39 ad
Vorbemerkungen zu Art. 32-40 CO). Pour ces raisons, les art. 32 ss CO ne sont
pas directement applicables à de tels représentants, mais ils le sont à titre
supplétif et analogique (Zäch, op. cit., n. 44 ad Vorbemerkungen zu Art.
32-40 CO).

En d'autres termes, le droit de la représentation selon les art. 32 ss CO
s'applique par analogie aux organes des personnes morales. Il suit de là
qu'une société anonyme n'est pas obligée par l'acte d'un représentant sans
pouvoir, à moins qu'elle ne ratifie l'acte conclu par ce dernier. La
ratification doit alors être le fait du conseil d'administration de la
société anonyme et non celui de l'assemblée générale (Zäch, op. cit., n. 4 ad
Vorbemerkungen zu Art. 38-39 CO). Une telle ratification n'est soumise à
aucune forme; elle peut être expresse ou tacite. Il suffit qu'elle découle
d'un comportement concluant démontrant que la société est d'accord avec
l'affaire conclue sans pouvoir de représentation (Zäch, op. cit., n. 53 ad
art. 38 CO).

2.4 En l'espèce, il est constant que B.________, en dépit de son titre
d'administrateur délégué, n'avait pas qualité pour engager seul la
défenderesse dans le cadre de la commande de matériel à l'origine du présent
litige. Dès lors, le courrier du 28 septembre 1991, uniquement revêtu de la
signature de cet administrateur, par lequel il déclarait accepter la
proposition d'aménagement des cuisines émanant de la demanderesse, ne pouvait
pas engager la recourante.

Néanmoins, il résulte des faits souverainement constatés par les juges
cantonaux et liant le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ) que la défenderesse
a ratifié l'acte de son représentant sans pouvoir par un comportement
concluant subséquent.

Tout d'abord, les dirigeants de la recourante ont accepté la livraison de
l'agencement en question, ainsi que son installation.

Certes, il a été jugé que le silence d'un propriétaire d'hôtel, lequel avait
constaté, en visitant son immeuble, que des ouvriers étaient occupés à
achever la construction d'un parking et à le goudronner, ne valait pas
approbation des travaux ordonnés sans son autorisation par un gérant. Dans ce
cas, une opposition du propriétaire apparaissait dépourvue de sens. Les
travaux étaient en effet presque terminés et il n'était plus possible de
revenir en arrière, car, sans goudronnage, le parking n'aurait pas pu être
utilisé (ATF 95 II 221 consid. 1).
Toutefois, dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a estimé que
cet arrêt était une décision d'espèce, qui reposait sur des circonstances
particulières et ne pouvait être généralisée, au point d'admettre que dès
qu'une affaire est en cours, une opposition n'entre plus en considération. A
certaines conditions, le silence du représenté peut bel et bien être
considéré de bonne foi par le partenaire contractuel comme une acceptation
(ATF 124 III 355 consid. 5a p. 361).

En l'occurrence, les organes de la défenderesse ne se sont pas limités à
accepter la livraison et l'agencement du matériel de cuisine livré. De fait,
l'installation achevée, la recourante a dûment utilisé le matériel de cuisine
en cause. De plus, elle a exigé de l'intimée, le 19 mars 1992, la fourniture
d'une garantie bancaire d'exécution, puis elle a versé deux acomptes
représentant au total 200'000 fr. les 21 mai et 17 novembre 1992.

Les faits ainsi constatés par l'autorité cantonale démontrent de toute
évidence qu'il y a effectivement eu ratification du contrat litigieux par un
comportement concluant des organes de la défenderesse, comportement qui ne
pouvait de bonne foi qu'être compris dans ce sens par les organes de la
demanderesse.

2.5 Quant à la question de savoir si le contrat de livraison d'ouvrage était
conditionnel, il sied de rappeler que la condition, événement futur et
incertain dont dépend un effet juridique (Pierre Engel, Traité des
obligations en droit suisse, 2ème édition, p. 846), est fonction de la
volonté des parties et qu'elle peut être expresse ou tacite (Engel, op. cit.,
p. 852).

La constatation de la volonté réelle des parties relève des faits (ATF 127
III 444 consid. 1b). Dès lors, si l'autorité cantonale a déterminé une telle
volonté, il n'est plus possible d'en débattre en instance de réforme. En
revanche, si le comportement des parties a été interprété en application du
principe de la confiance, il s'agit alors d'une question de droit qui peut
être revue (ATF 127 III 444 ibidem; 126 III 25 consid. 3c p. 29).

Selon le jugement déféré, la Cour civile a retenu qu'il n'avait pas été
établi que le contrat de livraison d'ouvrage fût soumis à une double
condition suspensive consistant dans l'octroi d'un crédit hôtelier et la
délivrance d'un permis de construire. Dire, sur la base des éléments
recueillis, si une preuve est apportée est une question d'appréciation des
preuves, qui ne peut plus être discutée dans un recours en réforme (ATF 123
III 246 consid. 4b).

De toute manière, ces deux éléments n'ont joué aucun rôle dans les
pourparlers intervenus entre les deux sociétés en litige; ils ne semblent
nullement avoir constitué un quelconque préalable à la conclusion comme telle
du contrat.

Quoi qu'il en soit, à supposer même que le contrat de livraison d'ouvrage ait
été subordonné à l'avènement des deux conditions précitées, il n'en
demeurerait pas moins, sur la base du comportement concluant décrit
ci-dessus, qu'il conviendrait d'admettre que la recourante a renoncé à ces
deux conditions en acceptant l'exécution du contrat pour la cuisine de
l'hôtel proprement dit.

Enfin, on peut relever que les juges cantonaux ont tenu compte de ces deux
circonstances au sujet du volet du contrat concernant la "cuisine italienne".
Ils ont admis à ce propos une impossibilité d'exécution non fautive de la
recourante à la suite du refus du permis de construire et de l'absence de
crédit hôtelier et rejeté les conclusions prises sur ce point par la
demanderesse.
Le moyen, qui se fonde pour l'essentiel sur un état de fait différent de
celui fixé définitivement par l'autorité cantonale, est dénué de fondement.

3.
3.1 Dans un second moyen, la recourante fait valoir que l'intimée n'aurait pas
accompli sa prestation, faute par elle d'avoir livré la totalité du matériel
commandé. Pour avoir retenu qu'il y avait eu livraison intégrale de la part
de la demanderesse, alors que celle-ci avait échoué dans la preuve qu'il lui
incombait de rapporter, la Cour civile aurait violé le droit fédéral.

3.2 A titre liminaire, on doit sérieusement se demander si, sur ce point, le
présent recours est recevable, étant donné que la défenderesse n'indique pas
clairement quel principe ou quelle disposition du droit fédéral auraient été
violés et en quoi ils l'auraient été, cela au mépris des exigences de
motivation de cette voie de droit (cf. ATF 121 III 397 consid. 2a p. 400; 120
II 280 consid. 6c p. 284).

Il semble que la recourante invoque une violation de l'art. 8 CC.

3.3 L'art. 8 CC interdit notamment au juge de considérer comme établi un fait
pertinent allégué par une partie pour en déduire son droit, alors que ce
fait, contesté par la partie adverse, n'a pas reçu un commencement de preuve
(ATF 114 II 289 consid. 2a). En revanche, lorsque l'appréciation des preuves
convainc le juge de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de
l'application de l'art. 8 CC ne se pose plus; seul le moyen tiré d'une
appréciation arbitraire des preuves, à invoquer impérativement dans un
recours de droit public, est alors recevable (ATF 122 III 219 consid. 3c; 119
II 114 consid. 4c; 118 II 142 consid. 3a).

En d'autres termes, pour toutes les prétentions relevant du droit privé
fédéral (cf. ATF 127 III 519 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3b), l'art. 8 CC
répartit le fardeau de la preuve (ATF 122 III 219 consid. 3c) - en l'absence
de disposition spéciale contraire - et détermine, sur cette base, laquelle
des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 127
III 519 consid. 2a; 126 III 189 consid. 2b; 125 III 78 consid. 3b). L'art. 8
CC ne dicte cependant pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 127
III 248 consid. 3a, 519 consid. 2a; 122 III 219 consid. 3c).

3.4 En l'espèce, les premiers juges, se référant à un avis d'expert, ont
considéré définitivement que la cuisine de la recourante avait été achevée.

Dans ces conditions, la répartition du fardeau de la preuve n'a plus d'objet
et il ne peut y avoir violation de l'art. 8 CC pour les motifs rappelés
ci-dessus.

La critique, à supposer qu'elle soit recevable, est privée de tout fondement.

4.
En conséquence, le recours doit être rejeté dans la faible mesure de sa
recevabilité, le jugement attaqué étant confirmé. Vu l'issue du litige, les
frais et dépens seront mis à la charge de la recourante qui succombe (art.
156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et le jugement
attaqué est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 7'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 30 juillet 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: