Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.50/2002
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4C.50/2002

                 Ie   C O U R   C I V I L E
                 **************************

                       25 avril 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

                         __________

               Dans la cause civile pendante
                           entre

X.________ SA, défenderesse et recourante, représentée par
Me Eric C. Stampfli, avocat à Genève,

                             et

A.________, demandeur et intimé;
Caisse de chômage du SIT, à Genève, intervenante et intimée.

            (transfert d'entreprise; lacune dans
                 l'assurance perte de gain)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

     A.- A.________ a été engagé dès le 1er octobre 1998 en
qualité de moniteur dans un établissement de fitness à
Genève par Y.________ SA.

     Le contrat signé par les parties contient une clause
signifiant - selon une interprétation non litigieuse - que
l'employeur s'engageait à conclure une assurance permettant
le paiement intégral du salaire en cas de maladie.

     Dans le courant du mois d'octobre 1999, cet établisse-
ment de fitness a été repris par Z.________ SA, devenue par
la suite X.________ SA.

     Selon les explications données par cette société, le
précédent exploitant avait résilié, pour la date de la
remise, les contrats d'assurance qu'il avait conclus avec
W.________. Dans le courant du mois d'octobre 1999, la re-
prenante est entrée en contact avec la société d'assurances
K.________ en vue de contracter une assurance collective
perte de gain en cas de maladie. Cette société a recueilli
diverses informations et les documents d'assurance ont été
établis en date du 24 mars 2000; ils prévoient que la cou-
verture d'assurance est donnée dès le 1er janvier 2000.

     Le salarié a été totalement incapable de travailler
pour cause de maladie du 18 novembre 1999 jusqu'au 21 mai
2000. Son cas a été exclu de l'assurance conclue avec
K.________.

     Ayant appris que l'assureur ne couvrirait pas la perte
de gain du moniteur de sport, l'employeur a cessé de lui

verser son salaire. Par courrier du 25 mai 2000, il a dé-
claré résilier le contrat de travail pour le 31 mai 2000.

     B.- Le 16 juin 2000, le travailleur a déposé devant la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève une demande
en paiement, réclamant à son ancien employeur 23'380 fr.90
avec intérêts à 5% l'an dès le 31 mars 2000, à titre de
salaires pour la période du 1er mars au 31 juillet 2000 et à
titre d'indemnités pour les vacances.

     La Caisse de chômage du SIT est intervenue dans la pro-
cédure, faisant valoir la subrogation légale pour des in-
demnités versées au travailleur en ce qui concerne les mois
de juin et juillet 2000, à savoir 5'967 fr.

     Par jugement du 24 janvier 2001, le Tribunal des
prud'hommes a condamné la défenderesse à payer au demandeur
la somme brute de 23'380 fr.90 avec intérêts à 5% l'an dès
le 31 mars 2000, sous déduction de la somme nette de
5'967 fr. à verser à la Caisse de chômage du SIT.

     Saisie par la défenderesse, la Cour d'appel de la juri-
diction des prud'hommes du canton de Genève, par arrêt du
12 novembre 2001, a confirmé le jugement précité. Sur les
deux points qui demeurent litigieux, la cour cantonale a
considéré que la défenderesse n'avait pas apporté la preuve
qu'elle avait payé le salaire du mois de mars 2000 et
qu'elle devait être tenue pour responsable de l'absence de
la couverture d'assurance due contractuellement à l'employé.

     C.- La défenderesse recourt en réforme au Tribunal
fédéral. Invoquant une violation des art. 97 al. 1 et 99
al. 1 CO, elle conclut à l'annulation de la décision atta-
quée et au déboutement de ses parties adverses. Elle a

déposé parallèlement un recours de droit public, qui a été
examiné en premier lieu (art. 57 al. 5 OJ) et rejeté par
arrêt de ce jour.

     Le demandeur, dans une lettre se référant au recours de
droit public, a demandé la confirmation de l'arrêt attaqué.

     La cour cantonale se réfère à ses considérants.

     La caisse de chômage n'a pas procédé.

          C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

     1.- a) Il résulte des constatations cantonales - qui
lient, sauf exceptions non réalisées en l'espèce, le
Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al.
2 OJ) - que les parties ont conclu un contrat individuel de
travail (art. 319 al. 1 CO).

     Selon l'art. 324a al. 1 CO, l'employeur est tenu de
continuer de verser le salaire pendant un certain temps
lorsque le travailleur est empêché de travailler sans faute
de sa part, notamment pour cause de maladie. Il est possible
de déroger à cette règle, en particulier par un accord
écrit, à condition d'accorder au travailleur des prestations
au moins équivalentes (art. 324a al. 4 CO). Il est fréquem-
ment convenu que l'obligation de payer le salaire incombant
à l'employeur est remplacée par une obligation de conclure
une assurance garantissant le paiement du salaire, générale-
ment pendant une durée plus longue que celle exigée par
l'art. 324a al. 1 CO (cf. ATF 127 III 318 consid. 4).

     En l'espèce, la cour cantonale a souverainement cons-
taté (art. 63 al. 2 OJ) que le précédent employeur et le

travailleur, dans le contrat écrit qu'ils ont signé, ont
prévu une clause signifiant, selon leur commune et réelle
intention, que l'employeur s'engageait à conclure un contrat
d'assurance garantissant le paiement intégral du salaire en
cas de maladie.

     b) Il est constant que la défenderesse a repris, en
octobre 1999, l'établissement de fitness qu'exploitait le
précédent employeur.

     L'art. 333 al. 1 CO prévoit que si l'employeur trans-
fère l'entreprise ou une partie de celle-ci à un tiers, les
rapports de travail passent à l'acquéreur avec tous les
droits et les obligations qui en découlent au jour du trans-
fert, à moins que le travailleur ne s'y oppose.

     Par entreprise, il faut entendre une unité organisée
pour la production de biens et de services d'une manière
durable et qui participe de manière indépendante à la vie
économique; on ne peut parler d'un transfert d'entreprise
que si l'unité conserve son identité quant à son but, son
organisation et ses caractéristiques essentielles; l'iden-
tité est conservée lorsqu'il y a transfert de l'infrastruc-
ture, des moyens de production et de la clientèle, en vue de
poursuivre une activité économique analogue (arrêt non pu-
blié du 25 mars 1999 4C.37/1999 consid. 1a).

     Pour qu'il y ait transfert au sens de l'art. 333 al. 1
CO, il suffit que l'exploitation soit effectivement poursui-
vie ou reprise par le nouveau chef d'entreprise; peu importe
la nature du rapport de droit entre le premier exploitant et
le second; le transfert est concevable même s'il n'y a aucun
rapport juridique entre eux (ATF 123 III 466 consid. 3a).

     En cas de transfert d'entreprise, les rapports de tra-
vail existant au moment du transfert passent automatiquement

à l'acquéreur, le jour du transfert, même contre le gré de
ce dernier (ATF 123 III 466 consid. 3b; arrêt non publié du
6 août 1996 4P.66/1996 consid. 3c/aa).

     S'agissant du cas d'espèce, l'établissement de fitness
existant à Genève constitue une entreprise; il résulte des
constatations cantonales que cette entreprise a été trans-
férée du précédent employeur à la défenderesse. Au vu des
principes qui viennent d'être rappelés, il importe peu de
savoir sur quelles bases et à quelles conditions ce trans-
fert s'est opéré entre le précédent exploitant et la recou-
rante. Par la seule application de l'art. 333 al. 1 CO, le
contrat individuel de travail a été automatiquement trans-
féré à la reprenante, avec tous les droits et les obliga-
tions qui s'y attachent, étant observé que le travailleur ne
s'est pas opposé au transfert.

     Ainsi, la défenderesse était tenue, en vertu de la
clause conclue par le précédent employeur, de pourvoir à une
couverture d'assurance garantissant le paiement intégral du
salaire en cas de maladie.

     c) Selon la jurisprudence, l'employeur qui ne satisfait
pas à son obligation contractuelle de conclure une assurance
garantissant les prestations convenues répond, en applica-
tion de l'art. 97 CO, de l'inexécution de cette obligation
et doit réparer le dommage qui en résulte pour le travail-
leur; il doit donc lui verser les montants que l'assurance
aurait payés (cf. ATF 127 III 318 consid. 5; 124 III 126
consid. 4; 115 II 251 consid. 4b).

     En l'espèce, il est constant que le précédent exploi-
tant a résilié le contrat d'assurance pour la date de ces-
sation de son activité et que la défenderesse, à qui l'en-
treprise a été transférée, n'avait pas de couverture d'as-
surance à la date de la reprise, de sorte qu'elle n'a pas

satisfait à l'obligation d'assurance prévue par le contrat
qui lui a été automatiquement transféré. La cour cantonale a
donc condamné la défenderesse à verser le salaire comme
l'aurait fait l'assureur si l'employeur avait respecté son
obligation d'assurer.

     La défenderesse soutient toutefois qu'elle est libérée,
parce qu'elle a apporté la preuve qu'elle n'a pas commis de
faute (art. 97 al. 1 in fine CO).

     Son argumentation ne peut être suivie.

     Avant de reprendre une entreprise, la défenderesse se
devait d'en déterminer le contenu. Il lui incombait donc
notamment d'étudier les contrats de travail qui allaient lui
être automatiquement transférés. Elle aurait donc dû consta-
ter l'existence de l'obligation d'assurer et prendre en
temps utile, c'est-à-dire avant que la reprise ne devienne
effective, toutes les mesures nécessaires pour qu'il n'y ait
pas de lacune dans la couverture d'assurance.

     Il ne ressort pas des constatations cantonales (art. 63
al. 2 OJ) - ni d'ailleurs des allégués de la recourante -
qu'elle aurait été empêchée de le faire. Que la recourante
ait été alors une société en formation ne constitue pas une
excuse, puisque cet état n'empêchait pas de contracter (cf.
art. 645 CO). A supposer qu'il y ait eu urgence - ce qui
n'est pas démontré -, la défenderesse aurait pu s'adresser à
la société d'assurances qui couvrait déjà le personnel et
qui, connaissant les risques, aurait sans doute pu donner
une couverture d'assurance très rapidement.

     Au lieu de cela, le nouvel employeur a attendu que la
reprise soit effective, alors que le précédent contrat
d'assurance était résilié, pour s'adresser à une société
d'assurances de son choix, ce qui impliquait que celle-ci

étudie préalablement les risques à assumer, avant de pouvoir
accorder une couverture. La défenderesse a ainsi provoqué,
par ses propres choix, une période de lacune dans la couver-
ture qu'elle se devait contractuellement d'assurer. La dili-
gence dans le respect des obligations impliquait que l'inté-
ressée entreprenne les démarches nécessaires suffisamment à
l'avance pour que la couverture d'assurance soit fournie
avant que le transfert d'entreprise n'ait lieu; or, elle n'a
pris contact avec une assurance qu'après le transfert et ce
retard, qui n'a été justifié par aucune circonstance parti-
culière dûment prouvée, lui est imputable à faute.

     La cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral
en retenant que la débitrice n'a pas apporté la preuve li-
bératoire prévue par l'art. 97 al. 1 CO.

     2.- La procédure est gratuite puisque la valeur li-
tigieuse, selon la prétention du demandeur à l'ouverture
de l'action (ATF 100 II 358 consid. a), ne dépasse pas
30'000 fr. (art. 343 al. 2 et 3 CO). Cela vaut pour tous
les degrés de juridiction, y compris la procédure devant
le Tribunal fédéral (ATF 98 Ia 561 consid. 6a et les arrêts
cités).

     Des dépens sont en principe dus par la partie qui
succombe (ATF 115 II 30 consid. 5c; 110 II 273 consid. 3).
Il n'y a cependant pas lieu d'allouer de telles indemnités
aux intimés, parce qu'ils ne sont pas intervenus dans la
procédure de recours en réforme (art. 159 al. 1 OJ).

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

     1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

     2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire;

     3. Communique le présent arrêt en copie aux parties et
à la Cour d'appel des prud'hommes du canton de Genève.

                        ____________

Lausanne, le 25 avril 2002
VIZ

                Au nom de la Ie Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                       Le Président,

                       La Greffière,