Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.31/2002
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4C.31/2002

                  Ie  C O U R  C I V I L E
                 **************************

                       26 avril 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Carruzzo.

                         ---------

               Dans la cause civile pendante
                           entre

la Banque X.________, demanderesse et recourante,
représentée par Me Bernard de Chedid, avocat à Lausanne,

                             et

A.________, défendeur et intimé, représenté par Me Alexandre
Bernel, avocat à Lausanne;

                 (cautionnement solidaire)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

     A.- a) A.________ et B.________ ont été inscrits au
registre du commerce en qualité d'administrateurs de la
Compagnie C.________ S.A. (ci-après: C.________), débitrice
de la Banque X.________ (ci-après: X.________), le 23 août
1985. Le 19 août 1985, ces deux personnes ont signé la
formule préimprimée de la banque, intitulée "cautionnement
solidaire", à concurrence d'un montant total de 60 000 fr.,
pour garantir le crédit accordé par la X.________ à la
C.________ sur son compte n° 1........ Au pied de cette
formule figurait l'acte en brevet du notaire D.________. Ce
dernier précisait que les signataires étaient inscrits comme
administrateurs de la C.________ et qu'ils avaient pris con-
naissance des conditions générales de la banque et des con-
ditions de l'acte de cautionnement, acceptées sans réserve.

        Le 25 août 1988, A.________ a signé, en qualité de
caution solidaire, une déclaration autorisant un dépassement
du compte n° 1....... à hauteur de 90 000 fr., valable
jusqu'au 31 décembre 1988.

        Le 17 mai 1989, A.________, B.________ et
E.________ ont signé un cautionnement solidaire et un acte
en brevet, établis par le notaire D.________, visant à
garantir le crédit de la X.________ à concurrence de 135 000
fr. L'acte en brevet contenait les mêmes mentions que celui
du 19 août 1985.

        b) Au 31 décembre 1992, le compte n° 1.......
présentait un solde débiteur de 110 695 fr. 25. La
C.________ avait obtenu un sursis concordataire expirant le
25 décembre 1992, auquel elle a renoncé le 12 janvier 1993,

avant que sa faillite ne soit déclarée, le 16 février 1993,
la liquidation ayant été suspendue faute d'actifs. La disso-
lution de la C.________ a été publiée dans la Feuille Offi-
cielle Suisse du Commerce. Le 9 février 1993, la X.________
a sommé A.________ et les deux autres cautions de procéder
au remboursement définitif de l'engagement dans un délai
de 10 jours. Puis elle a intenté des poursuites. Le
23 juillet 1997, elle a reçu un acte de défaut de biens de
152 679 fr.75 délivré contre E.________, débiteur solidaire
d'A.________. Dans le cadre de cette poursuite, elle a
obtenu un acompte de 3352 fr. 75, valeur 21 mai 1997, ainsi
qu'un dividende de 1664 fr. 30, valeur 25 juillet 1997.

     B.- Le 25 novembre 1997, la X.________ a actionné
A.________ en paiement de 112 227 fr. 10 avec intérêts à
10,5% l'an dès le 20 février 1993, sous déduction des deux
derniers montants mentionnés ci-dessus. Le défendeur a
appelé en cause les deux autres cautions, qui ont accepté de
se voir opposer le jugement à intervenir dans la procédure
pendante. La Cour civile du Tribunal cantonal du canton
de Vaud a entendu comme témoins les deux autres cautions
et le notaire, le 1er novembre 1999.

        Concernant l'acte du 19 août 1985, l'officier pu-
blic a déclaré "qu'il ne pensait pas avoir lu le document
bancaire qui précède l'acte en brevet. En revanche et comme
il en a l'habitude, il pensait l'avoir expliqué" au défen-
deur et à B.________. Il ne se souvenait pas si les deux in-
téressés avaient lu en sa présence les documents bancaires
précédant l'acte en brevet. De plus, il avait certifié avoir
vérifié que les intéressés avaient pris connaissance des
conditions générales de la banque et du contenu du document
bancaire précédant l'acte en brevet. Il n'a toutefois pas pu
dire s'il s'était assuré de leur adhésion globale à ces
conditions générales et clauses, ou s'il leur avait demandé

leur accord point par point. Il avait l'habitude d'attirer
l'attention des parties sur les conséquences de ce qu'elles
signaient et pensait avoir agi de même à l'égard des
signataires du cautionnement. Il a précisé qu'il n'avait pas
reçu les conditions générales de la banque, celle-ci ne les
lui adressant jamais en pareil cas. Enfin, les actes en
brevet avaient été entièrement lus.

        Pour le cautionnement de 1989, le notaire s'est ré-
féré à ses déclarations relatives à celui de 1985 et à sa
pratique. Il a catégoriquement exclu que le document ait été
établi en l'absence d'un des trois signataires.

        E.________ se souvenait de n'avoir vu le notaire
qu'une seule fois, en 1985. Pour l'acte de 1989, il ne se
rappelait pas qu'une séance se serait déroulée chez ce-
lui-ci, qui aurait réuni les trois cautions, et pensait
avoir signé seul les documents, en l'absence des deux autres
codébiteurs. Il ne pouvait pas dire si le notaire avait lu
l'acte en brevet et la formule bancaire le précédant.

        B.________ se souvenait de la séance chez le
notaire à l'occasion de la constitution de la société en
1985, mais pas de celle de 1989. Il était d'avis que l'acte
en brevet avait été lu, mais ne pouvait pas affirmer s'il en
était de même pour la formule bancaire préimprimée.

        De ces dépositions, la Cour civile a retenu, dans
son jugement du 3 juillet 2000, que le notaire n'avait pas
lu aux intéressés le document bancaire précédant l'acte en
brevet de 1985. Par ailleurs, les déclarations du notaire,
selon lesquelles il pensait avoir donné des explications aux
comparants, ne permettaient pas d'admettre qu'il l'avait
fait, aucune précision n'étant apportée sur ces "prétendues
explications". De plus, rien n'a été établi quant à une

éventuelle lecture de ces documents (bancaires) par les cau-
tions. Enfin, la Cour civile a considéré qu'il n'était pas
certain que les cautions aient lu les documents litigieux
devant le notaire et que ce dernier se soit assuré qu'elles
adhéraient à chacune des clauses essentielles du cautionne-
ment contenues dans le document bancaire précédant l'acte en
brevet, ou auquel celui-ci renvoyait.

        La Cour civile a estimé que la condition minimale
d'une lecture silencieuse des conditions préimprimées en
présence de l'officier public n'était pas réalisée, ce qui
entraînait la nullité, pour vice de forme, des cautionne-
ments litigieux.

        Statuant le 30 mai 2001 sur le recours de la deman-
deresse, la Chambre des recours du Tribunal cantonal a con-
firmé le jugement entrepris. Elle a mis en doute que les
exigences fédérales de la forme authentique aient été res-
pectées et a prononcé la nullité des cautionnements liti-
gieux pour violation des règles cantonales sur la forme au-
thentique (art. 1 al. 2 de la loi du 15 décembre 1942 d'app-
lication dans le Canton de Vaud de la loi fédérale du 10 dé-
cembre 1941 révisant le titre 20ème du Code des obligations
[ci-après: la loi d'application; RSV 3.5 B] et art. 72 de la
loi sur le notariat, du 10 décembre 1956).

     C.- Parallèlement à un recours de droit public, qui a
été rejeté, dans la mesure où il était recevable, par arrêt
séparé de ce jour, la demanderesse a déposé un recours en
réforme. Elle y reprend les conclusions condamnatoires
qu'elle avait soumises aux juridictions cantonales.

        Le défendeur propose le rejet du recours. La Cham-
bre des recours se réfère aux motifs énoncés dans son arrêt
en soulignant qu'elle a fondé la nullité des actes litigieux
sur le droit cantonal.

         C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

     1.- a) Interjeté par la partie dont la demande a été
écartée et dirigé contre un jugement final rendu en dernière
instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1
OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le recours en ré-
forme est en principe recevable puisqu'il a été formé en
temps utile (art. 54 al. 1 et 34 al. 1 let. c OJ) dans les
formes requises (art. 55 OJ).

        Il convient de préciser que, selon l'art. 451a
al. 1 CPC vaud., le recours en réforme cantonal peut être
formé contre un jugement de la Cour civile, entre autres
hypothèses, lorsque, dans une contestation pécuniaire sus-
ceptible d'un recours en réforme au Tribunal fédéral, la
Cour a appliqué concurremment le droit fédéral et le droit
cantonal, comme c'est ici le cas. Dans une telle hypothèse,
seul l'arrêt rendu par la Chambre des recours peut être at-
taqué devant le Tribunal fédéral par la voie du recours
en réforme (arrêt 4C.427/1993 du 14 septembre 1994, con-
sid. 2b). La demanderesse a donc eu raison de n'entrepren-
dre, par son recours en réforme fédéral, que l'arrêt de la
Chambre des recours, à l'exclusion du jugement de la Cour
civile.

        b) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédé-
ral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été cons-
tatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été vio-
lées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations repo-
sant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou
qu'il faille compléter les constatations de l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits

pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a et les arrêts
cités). Ces exceptions mises à part, il ne peut être pré-
senté de griefs contre les constatations de fait; de même,
la juridiction de réforme ne tiendra pas compte de faits
ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
Le recours en réforme ne permet pas de remettre en cause
l'appréciation des preuves à laquelle l'autorité cantonale
s'est livrée (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 con-
sid. 3a).

        c) Au demeurant, s'il ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, le Tribunal fédéral n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
les considérants de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

     2.- Rappelant le résultat de l'appréciation des té-
moignages, qu'elle n'entend pas critiquer dans le cadre du
recours en réforme, la demanderesse reproche à la Chambre
des recours d'avoir considéré que l'acte authentique, en
principe valable, avait perdu toute valeur probante du mo-
ment que le notaire n'avait pas vérifié par lui-même que
les parties avaient connaissance des conditions générales
de la X.________.

        a) Dans une jurisprudence récente, sur laquelle il
n'y a pas lieu de revenir, le Tribunal fédéral a posé les
exigences minimales du droit fédéral en matière de forme
authentique, s'agissant du cautionnement solidaire (ATF 125
III 131). Le droit fédéral matériel détermine le contenu
minimal que la forme authentique doit recouvrir pour que
l'acte soit valable. La forme légale sera observée pour
tous les points objectivement et subjectivement essentiels
de la déclaration de la caution, les modalités de la forme

authentique étant déterminées par le droit cantonal. Selon
l'art. 1er al. 2 de la loi d'application, l'acte de cau-
tionnement pour lequel la législation fédérale exige la
forme authentique est délivré en brevet; il peut être dressé
sur une formule imprimée et se référer aux clauses de celle-
ci, soit comporter deux éléments, pour autant que la manière
de procéder du notaire garantisse l'unité matérielle de
l'acte, conformément à la loi d'application. En d'autres
termes, il faut que l'incorporation ait lieu au moment de
l'instrumentation du cautionnement par l'officier public.
Concernant le rôle du notaire dans l'adoption des clauses
essentielles par la caution, le droit fédéral n'impose pas
la lecture des conditions préimprimées, mais requiert au
moins que la lecture silencieuse de celles-ci se déroule en
présence du notaire, qui ne doit pas s'enquérir auprès de la
caution, après la lecture de chaque paragraphe de la formule
préimprimée, si elle en a bien saisi le sens (ATF 125 III
131 consid. 5d in fine).

        b) En l'espèce, sur la base des faits établis sou-
verainement et sans arbitraire par la Cour civile, lesquels
ont été entièrement repris par la Chambre des recours, force
est de constater que la formule préimprimée de cautionnement
solidaire n'a pas été lue par le notaire aux comparants et
que ceux-ci ne l'ont pas lue en présence de l'officier pu-
blic, tant pour l'acte du 19 août 1985 que pour celui du
17 mai 1989. Dans ces conditions, comme les exigences mini-
males posées par la jurisprudence fédérale pour le respect
de la forme authentique n'ont pas été observées, la nullité
pour vice de forme des deux actes de cautionnement de 1985
et 1989 doit être prononcée, sans qu'il soit nécessaire
d'examiner plus avant les autres arguments de la recourante
ni la motivation de l'arrêt attaqué fondée sur le non-res-
pect des exigences cantonales en matière de forme authen-
tique.

     3.- Dès lors que la demanderesse déduit sa prétention
de l'acte de cautionnement du 17 mai 1989, dont la nullité
est avérée, sa conclusion en paiement doit être rejetée avec
suite de frais et dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

                      Par ces motifs,

           l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

     1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.

     2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la charge
de le recourante.

     3. Dit que la recourante versera à l'intimé une
indemnité de 5000 fr. à titre de dépens.

     4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal
du canton de Vaud.

                       _____________

Lausanne, le 26 avril 2002
CAR/mks

                Au nom de la Ie Cour civile
                le TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
         Le Président,                Le Greffier,