Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.267/2002
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4C.267/2002 /ech

Arrêt du 18 novembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffier Carruzzo.

SI X.________,
demanderesse et recourante, représentée par Me Dominique Warluzel, avocat,
rue de Saint-Victor 12, case postale 473,
1211 Genève 12,

contre

Les époux A.________,
défendeurs et intimés, représentés par Me François Bolsterli, avocat, quai
des Bergues 23, 1201 Genève.

contrat de bail à loyer; résiliation

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux
et loyers du canton de Genève du 31 mai 2002)

Faits:

A.
Par contrat du 9 juin 1995, la SI X.________  a remis à bail aux époux
A.________ le domaine dont elle est propriétaire à Y.________ (Genève),
comprenant une maison de maître, des dépendances, garages, écuries,
appartements du personnel, ainsi qu'un jardin à la française, un jardin
potager, une orangerie, un verger et un bois.

Le bail a été conclu pour une durée de cinq ans, allant du 9 juin 1995 au 9
juin 2000. Sauf congé donné six mois à l'avance, il était prévu que le
contrat se renouvelait ensuite tacitement de deux ans en deux ans.

Le loyer mensuel net a été fixé à 10'000 fr. Il a été convenu que les
locataires prenaient à leur charge les travaux de rafraîchissement et de
rénovation intérieure. Un avenant au bail précise que ces travaux sont
évalués à environ 600'000 fr.

L'art. 4 du contrat prévoit que, « dans le cadre du bail de cinq années et au
terme d'une période de deux ans », le domaine peut être vendu à un tiers.
Dans ce cas, il est accordé aux locataires un droit de préemption qui leur
permettra d'acquérir les actions de la société immobilière aux mêmes
conditions. Si les locataires renoncent à exercer ce droit, ils s'engagent à
quitter les lieux dans les six mois qui suivent la notification de leur
refus. Dans cette hypothèse, la bailleresse est tenue de rembourser aux
locataires une partie des travaux de rénovation intérieure « au prorata
temporis calculé sur les 60 mois du bail ». L'art. 37 du contrat ajoute que
le droit de préemption est accordé « pendant la durée du présent contrat de
bail à loyer ». Une annexe précise les conditions d'exercice du droit de
préemption.

Par un avenant du 25 juillet 1995, les parties sont convenues que certains
travaux à charge de la bailleresse, s'élevant au total à 144'000 fr.,
seraient payés par les locataires et imputés sur les loyers, à raison de
6'000 fr. par mois, pendant 24 mois, soit du 1er septembre 1995 au 31 août
1997.

B.
Au printemps 1997, des acheteurs potentiels ont visité le domaine.

En novembre 1998, les époux A.________ ont proposé d'acheter le domaine pour
7'000'000 fr., les frais de liquidation de la SI, estimés à 1'300'000 fr.,
étant à leur charge. Le 23 juin 1999, ils ont proposé qu'il leur soit accordé
un droit d'emption respectivement pour 10'000'000 fr. jusqu'au 31 juillet
2003 et pour 11'500'000 fr. jusqu'au 31 juillet 2006. Ces offres ont été
refusées par la bailleresse, qui souhaitait vendre le domaine pour 15'000'000
fr.
Par avis officiel recommandé du 12 octobre 1999, la bailleresse a résilié le
bail pour son échéance, le 9 juin 2000. Elle a expliqué qu'elle souhaitait
vendre le domaine et qu'elle pensait qu'il serait plus facile d'y parvenir
s'il n'y avait pas de locataires.

C.
Les locataires ont contesté la validité de la résiliation et sollicité,
subsidiairement, une prolongation du bail.

Par décision du 18 avril 2000, la Commission de conciliation en matière de
baux et loyers a annulé la résiliation, estimant qu'elle contrevenait aux
règles de la bonne foi.

Par jugement du 24 septembre 2001, le Tribunal des baux et loyers du canton
de Genève a au contraire déclaré le congé valable et accordé aux locataires
une unique prolongation du bail de deux ans.

Statuant sur appel des deux parties, la Chambre d'appel en matière de baux et
loyers, par arrêt du 31 mai 2002, a annulé le congé, estimant qu'il
contrevenait aux règles de la bonne foi.

D.
Parallèlement à un recours de droit public, qui a été rejeté par arrêt séparé
de ce jour, la SI X.________ a déposé un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Invoquant une violation de l'art. 271 al. 1 CO, elle conclut à
l'annulation de la décision attaquée et à ce que la validité du congé soit
constatée.

Les intimés proposent le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt
attaqué; subsidiairement, ils sollicitent une prolongation du bail pour une
durée de quatre ans.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions tendant à
faire constater la validité de la résiliation du bail et à exclure une
prolongation de celui-ci, et dirigé contre un jugement final rendu en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur
une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000
fr. (art. 46 OJ; cf. ATF 119 II 147 consid. 1; 111 II 384 consid. 1; 109 II
153 consid. 1), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a
été interjeté en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises
(art. 55 OJ).

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral, mais
non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1
OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III
189 consid. 2a, 370 consid. 5).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci a considéré à tort
des faits régulièrement allégués comme sans pertinence (art. 64 OJ; ATF 127
III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). Dès lors que la cour cantonale se
réfère expressément - comme les parties d'ailleurs - au contrat conclu le 9
juin 1995, le Tribunal fédéral peut, en vertu de l'art. 64 al. 2 OJ, prendre
en considération le contenu de cette convention versée au dossier, dans la
mesure où le résumé de la cour cantonale serait insuffisamment précis. Si la
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans
la décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF
127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ). L'appréciation des preuves et les constatations de fait qui
en découlent ne peuvent donner lieu à un recours en réforme (ATF 127 III 543
consid. 2c p. 547; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ),
mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ),
ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3
OJ; ATF 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59
consid. 2a).

2.
2.1 En vertu de l'art. 271 al. 1 CO, la cour cantonale a considéré que le
congé était annulable parce que, dans les circonstances d'espèce, il
contrevient aux règles de la bonne foi.

La recourante - contrairement aux intimés - soutient que les conditions
d'application de l'art. 271 al. 1 CO ne sont pas réunies.

2.2 A côté d'une liste d'exemples où une résiliation émanant du bailleur est
annulable (art. 271a al. 1 CO), la loi prévoit, de manière générale, que le
congé, donné par l'une ou l'autre des parties, est annulable lorsqu'il
contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO).

Selon la jurisprudence, la protection accordée par l'art. 271 al. 1 CO
procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de
l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), tant il est vrai qu'une
distinction rigoureuse ne se justifie pas en cette matière (cf. ATF 120 II 31
consid. 4a, 105 consid. 3 p. 108).

Les cas typiques d'abus de droit (absence d'intérêt à l'exercice d'un droit,
utilisation d'une institution juridique contrairement à son but,
disproportion grossière des intérêts en présence, exercice d'un droit sans
ménagement, attitude contradictoire) justifient l'annulation du congé; à cet
égard, il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de l'auteur du congé
puisse être qualifiée d'abus de droit « manifeste » au sens de l'art. 2 al. 2
CC (ATF 120 II 105 consid. 3 p. 108).

Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif s'il ne répond à aucun
intérêt objectif, sérieux et digne de protection (arrêt 4C.305/1995 du 15
février 1996 consid. 4a). Est abusif le congé purement chicanier dont le
motif n'est manifestement qu'un prétexte (ATF 120 II 31 consid. 4a p. 32). En
revanche, le congé donné par le bailleur en vue d'obtenir d'un nouveau
locataire un loyer plus élevé, mais non abusif, ne saurait, en règle
générale, constituer un abus de droit (ATF 120 II 105 consid. 3b).

La résiliation du bail peut aussi être annulée si le motif sur lequel elle
repose s'avère incompatible avec les règles de la bonne foi qui régissent le
rapport de confiance inhérent à la relation contractuelle existante; tel est
le cas si un congé est donné à un locataire en raison de la couleur de sa
peau (ATF 120 II 105 consid. 3a p. 108). La jurisprudence a réservé le cas où
les assurances de l'une des parties permettaient à l'autre de croire que les
rapports seraient de longue durée (ATF 120 II 105 consid. 3b/bb p. 110).

Le motif pour lequel un congé est donné relève des constatations de fait (ATF
115 II 484 consid. 2b p. 486; 113 II 460 consid. 3b).

2.3 En l'espèce, le congé a été donné parce que la bailleresse a l'intention
de vendre le domaine et qu'elle pense pouvoir le faire dans de meilleures
conditions s'il n'est pas occupé par des locataires.

Il n'a pas été constaté en fait que ce motif ne serait pas réel et
constituerait un pur prétexte.

On ne saurait dire qu'une telle résiliation ne répond à aucun intérêt
légitime. Un propriétaire peut en principe vendre son bien et la poursuite
d'un but économique - comme on l'a vu - n'a, en règle générale, rien
d'illégitime ou d'abusif. S'agissant d'un objet d'exception (un domaine de
luxe), on imagine volontiers que l'acquéreur pourrait souhaiter y vivre
personnellement. Que le domaine soit libre de tout occupant paraît
effectivement de nature à favoriser la vente. Les intimés tentent de le
contester en faisant valoir qu'ils s'étaient engagés à partir dans les six
mois. Outre que cet engagement ne concernait que l'hypothèse où le droit de
préemption ne serait pas exercé (et non pas celle d'une résiliation à
l'échéance), il faut observer que cet engagement, en tant qu'il priverait les
locataires de la possibilité de demander une prolongation du bail, est nul en
application de l'art. 273c CO. En conséquence, un acquéreur serait exposé au
risque d'une prolongation du bail pour plusieurs années et on peut imaginer
que cela influence sa décision de conclure ou celle de conclure pour le prix
demandé.

La résiliation du bail pour l'échéance a précisément pour but de permettre au
propriétaire de recouvrer la possession de la chose, pour la vendre, le cas
échéant, libre de tout occupant. On ne saurait donc dire que la recourante
utilise l'institution de la résiliation d'une manière contraire à son but.

La recourante n'a pas adopté une attitude contradictoire. Selon les
constatations cantonales, elle n'a adopté aucune attitude particulière d'où
les intimés auraient pu inférer qu'elle maintiendrait le bail au-delà de
l'échéance convenue. En se réservant de vendre le domaine en cours de bail,
la recourante a au contraire manifesté d'emblée son intention de réaliser son
bien et elle ne fait que poursuivre ce but. Le congé ayant été donné dans le
délai convenu, on ne saurait dire que la recourante a exercé son droit sans
ménagement. On ne saurait non plus parler d'une disproportion grossière des
intérêts en présence, puisqu'un locataire n'a en principe pas de droit sur la
chose louée au-delà de l'échéance du contrat.

La cour cantonale a émis l'opinion que le congé pouvait aussi être motivé par
le désir d'obtenir un loyer plus élevé d'un autre locataire ou par le désir
de faire pression sur les locataires pour qu'ils achètent le domaine au prix
fort. En ce qui concerne la première hypothèse, il a déjà été jugé qu'elle ne
rendait pas la résiliation abusive (ATF 120 II 105 consid. 3b). Pour ce qui
est de la seconde, elle ne repose sur aucune constatation de fait et sur
aucune démonstration sérieuse. Selon les constatations cantonales, les
locataires ont fait spontanément des offres, que la recourante n'a pas
sollicitées et auxquelles elle n'a pas donné suite. Il n'a pas été retenu
qu'une quelconque négociation à ce sujet ait été engagée. Rien ne permet
d'affirmer que la recourante souhaiterait vendre son domaine plus
particulièrement aux intimés ou que ceux-ci pourraient être disposés à payer
un prix qu'ils qualifient eux-mêmes de surfait. Sauf à supposer
systématiquement la mauvaise foi des plaideurs - ce qui violerait l'art. 3
al. 1 CC -, il n'existe pas d'élément concret permettant de penser que la
résiliation n'est qu'un moyen de pression pour amener les intimés à acheter
le domaine.

Ces derniers font appel à deux autres arguments: les travaux dont ils ont
assumé la charge financière et le droit de préemption qui leur avait été
accordé.
En ce qui concerne le droit de préemption, il ne ressort pas des clauses
contractuelles qu'il subsiste au-delà de l'échéance du contrat. Même si la
rédaction est défectueuse, il résulte du mécanisme du droit de préemption que
celui-ci ne peut être exercé que si l'offre d'un tiers acquéreur est
acceptée; or, il ne ressort pas des constatations cantonales qu'un accord
soit intervenu avec un tiers pendant la durée du bail. Rien ne permet non
plus de penser que la recourante aurait malicieusement retardé un accord pour
empêcher les intimés d'exercer leur droit. Dès lors que les conditions du
droit de préemption ne se sont pas réalisées pendant la durée de validité de
celui-ci, les intimés ne peuvent aujourd'hui en tirer aucun argument en leur
faveur.

En ce qui concerne les travaux, il faut faire une distinction. Pour ce qui
est des travaux qui incombaient à la bailleresse, les locataires ont pu en
répercuter le coût sur le loyer, en vertu d'un avenant, pendant une durée de
24 mois, de sorte qu'ils ont été remboursés. On comprend certes qu'ils ont
accepté de faire l'avance des fonds sans intérêts, mais il s'agit là d'un
accord couvert par la liberté contractuelle. On ne voit pas ce que les
intimés pourraient déduire aujourd'hui de frais qu'ils ont entièrement
récupérés par déduction sur les loyers. Pour ce qui est des travaux qu'ils
ont accepté de prendre à leur charge (env. 600'000 fr.), il ressort de l'art.
4 du contrat qu'ils ne pouvaient prétendre à une indemnité, calculée pro rata
temporis, que s'ils quittaient les lieux, pour n'avoir pas exercé leur droit
de préemption, avant l'échéance convenue; toute indemnité était exclue après
60 mois (soit 5 ans). Les locataires savaient donc qu'ils devaient assumer ce
coût sur 60 mois, c'est-à-dire à raison de 10'000 fr. par mois. Ils l'ont
accepté en vertu de la liberté contractuelle et ne sauraient s'en plaindre
aujourd'hui. Les 60 mois étant écoulés, les locataires ne peuvent plus faire
valoir aucune prétention de ce chef. Il faut encore observer dans ce contexte
qu'il ressort de manière suffisante des constatations cantonales qu'il s'agit
d'un logement de luxe pour lequel les art. 269-270e CO ne sont pas
applicables (art. 253b al. 2 CO). Les locataires ne peuvent donc pas déduire
des frais qu'ils ont accepté d'assumer un droit de demeurer dans les locaux
après l'échéance convenue.

Ainsi, le congé donné pour l'échéance en vue de vendre le domaine dans de
meilleures conditions (éventuellement de le louer pour un prix supérieur) ne
contrevient pas aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO.

3.
Il reste à se prononcer sur la requête en prolongation du bail présentée à
titre subsidiaire par les intimés, dont la recourante demande le rejet.

Les intimés ont expliqué qu'ils s'étaient efforcés de trouver un logement de
remplacement dès la réception du congé, en étendant leurs recherches au
canton de Vaud, mais qu'ils n'avaient rien trouvé de comparable.

On peut certes comprendre que les intimés, après cinq ans, se soient attachés
au domaine qu'ils ont aménagé à leur goût; s'agissant d'un objet unique, ils
ne peuvent pas, à strictement parler, le remplacer. Une prolongation du bail
ne supprime pas la nécessité de partir et ne peut donc pas avoir pour effet
de réduire cet inconvénient.

Les intimés font valoir qu'ils ont trois enfants (fait non contesté), dont un
seul, apparemment, se rend dans une école proche du domaine. Une prolongation
du bail, dans les limites légales (cf. art. 272b al. 1 CO), ne permet pas non
plus d'éviter l'inconvénient invoqué; dès lors qu'une prolongation de
plusieurs années est accordée, on peut espérer que le changement s'opérera au
début d'une nouvelle année scolaire, ce qui en limiterait les conséquences
fâcheuses.

Il ressort des constatations cantonales que les intimés disposent de moyens
financiers importants, ce qui leur permet d'envisager aussi bien
l'acquisition que la location de leur logement familial. Les moyens dont ils
disposent élargissent donc le cercle des possibilités. D'un autre côté, on ne
peut pas exiger des intimés qu'ils modifient profondément leur mode de vie;
les résidences correspondant à leur situation sont évidemment assez rares sur
le marché. Il sera également tenu compte du fait que l'arrêt de la cour
cantonale pouvait légitimement les dissuader de poursuivre activement leurs
recherches.

De son côté, la recourante n'a apporté aucun élément concret qui permettrait
de discerner l'urgence, dans son intérêt, à voir partir les locataires.

En tenant compte de toutes les circonstances, conformément à l'art. 272 al. 1
et 2 CO, il apparaît que le congé a des conséquences pénibles pour les
intimés, sans que les intérêts de la recourante le justifient, et qu'une
prolongation de bail unique de trois ans (art. 272b al. 1 CO) est appropriée.

4.
La recourante obtient gain de cause sur la principale question litigieuse (la
validité de la résiliation), mais elle succombe en grande partie sur la
question de la prolongation du bail. En conséquence, les trois quarts des
frais judiciaires seront mis solidairement à la charge des intimés (art. 156
al. 3 et 7 OJ) et un quart à la charge de la recourante. Pour les mêmes
motifs, la recourante ne se verra allouer que des dépens réduits (art. 159
al. 3 et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
L'arrêt attaqué est annulé.

2.
Il est constaté que le congé donné aux intimés par avis du 12 octobre 1999
est valable.

3.
Il est accordé aux intimés une unique prolongation du bail jusqu'au 9 juin
2003.

4.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis solidairement à la charge des
intimés et un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

5.
Les intimés sont condamnés solidairement à verser à la recourante une
indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens réduits.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 18 novembre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:   Le greffier: