Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.25/2002
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4C.25/2002 /ech

Arrêt du 23 juillet 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz, Klett, Nyffeler et Favre,
greffier Ramelet.

Institut Montana Betriebs AG, de siège social à Zoug, 6300 Zugerberg,
défenderesse et recourante, représentée par Me Ueli Grüter, avocat, Sury Brun
Hool, Frankenstrasse 12, 6002 Lucerne,

contre

Commune municipale de Montana, 3962 Montana, demanderesse et intimée,
représentée par Me Alain Viscolo, avocat, Viscolo & Viscolo, Case postale
414, 3962 Montana-Vermala.

protection du nom; nom de domaine internet

(recours en réforme contre le jugement de la IIe Cour civile du Tribunal
cantonal du canton du Valais du 28 novembre 2001)

Faits:

A.
La société Institut Montana Betriebs AG (ci-après: l'école), sise à Zoug, a
pour but l'exploitation d'une école internationale au Zugerberg. Bien qu'elle
n'ait été constituée en société anonyme qu'en 1996, l'école a été fondée en
1926 et porte depuis lors l'adjonction "Montana" qui, au dire de son
directeur, est tirée du nom en latin d'école sur la montagne.

Le 24 mars 1996, l'école a enregistré auprès de la fondation Switch, à
Zurich, le nom de domaine internet "montana.ch". Elle a par la suite
développé à cette adresse électronique une "home page" sur laquelle elle
fournit ses coordonnées et présente une vue aérienne de l'établissement
qu'elle exploite. Disposant de l'adresse e-mail "info@montana.ch", l'école
est également titulaire des noms de domaine "zugerberg.li",
"institut-montana.ch" et "montana.li".

Au début de l'année 2000, la Commune municipale de Montana (ci-après: la
commune) a chargé un informaticien de créer un site internet destiné à
permettre à ses administrés et aux touristes d'obtenir des informations sur
cette collectivité publique (activités, autorités, règlements communaux,
horaires des bureaux de votation, etc.) et d'effectuer des réservations
"online" à l'aide d'un lien vers le site officiel de Crans-Montana
(crans-montana.ch).

S'étant aperçue que l'adresse "montana.ch" était déjà attribuée, la commune a
vainement pris langue avec l'école afin d'en obtenir le transfert.

B.
Le 31 mai 2000, la commune a ouvert contre l'école devant les tribunaux
valaisans une action en protection du nom (art. 29 CC). Elle a requis
qu'interdiction soit faite à la défenderesse d'utiliser l'adresse
"montana.ch" et que l'organisme suisse chargé de l'attribution des noms de
domaine de deuxième niveau, à savoir CH/LI DOM-REG, soit condamné à lui
attribuer le nom litigieux.

Par décision du 18 août 2000, confirmée par la Cour de cassation civile du
Tribunal cantonal valaisan dans un arrêt du 29 janvier 2001, le Juge II du
district de Sierre a rejeté la requête de mesures provisionnelles fondée par
la commune sur l'art. 28c CC, qui tendait notamment à obtenir la cessation et
l'interdiction de l'exploitation par l'école de son site internet sous le nom
de domaine "montana.ch".

Par jugement du 28 novembre 2001, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal
valaisan, admettant partiellement la demande, a donné ordre à la défenderesse
de cesser d'utiliser le nom de domaine "montana.ch" comme adresse de son site
internet dans le mois suivant l'entrée en force de la décision, toutes autres
conclusions étant déclarées irrecevables. En substance, la cour cantonale a
considéré que l'appellation "Montana" constituait en Suisse une désignation
géographique qui identifiait et individualisait la demanderesse. Cette
commune, notamment sa station du même nom, bénéficie, sur le plan national et
international, d'une grande renommée touristique, laquelle n'est pas
comparable avec la notoriété ciblée ou locale dont se prévaut la
défenderesse. Partant, l'emploi par l'école de l'adresse litigieuse était de
nature à faire croire aux utilisateurs d'internet que la défenderesse avait
des liens avec la demanderesse, ce que celle-ci n'admet pas. Le risque de
confusion ainsi créé a lésé les intérêts juridiquement protégés de la
commune, qui s'est trouvée en sus privée de la possibilité d'enregistrer son
site sous sa seule dénomination pour diffuser des renseignements publics. De
surcroît, la défenderesse a pu tirer un avantage personnel de l'erreur des
utilisateurs d'internet, qui ont été amenés à consulter son site alors qu'ils
cherchaient des informations sur une commune de renommée internationale. La
défenderesse n'a pas démontré qu'elle était connue sous la seule appellation
"Montana AG" ou que cette dénomination présentait pour elle ou ses produits
un signe distinctif. L'autorité cantonale a déduit de ces considérations que
l'usage du nom de domaine "montana.ch" portait atteinte au droit au nom de la
demanderesse. Les magistrats valaisans ont toutefois déclaré irrecevable la
prétention de la commune à ce que l'organisme chargé de l'attribution des
noms de domaine lui concède l'adresse "montana.ch", dès l'instant où cette
conclusion ne reposait sur aucune disposition légale et était prise à
l'encontre d'un tiers au procès.

C.
Institut Montana Betriebs AG exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral
contre le jugement précité. Elle conclut principalement au rejet de l'action
de la demanderesse, subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale
pour nouveau jugement.

L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation du jugement attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La recourante conteste devant le Tribunal fédéral avoir porté atteinte
illicitement au droit au nom de la demanderesse, protégé par l'art. 29 CC. La
protection du nom est un aspect particulier de la protection de la
personnalité au sens de l'art. 28 CC (ATF 120 III 60 consid. 3a et les
références doctrinales).

Le litige qui a trait à la violation du droit au nom constitue une
contestation civile portant sur un droit de nature non pécuniaire, pour
autant que les conclusions de la demande, comme en l'espèce, tendent à autre
chose qu'à des prestations pécuniaires (ATF 102 II 161 consid. 1, 305 consid.
1; 95 II 481 consid. 1). Le présent recours est ainsi recevable d'après
l'art. 44 OJ.

1.2 Le recours, rédigé dans une langue nationale, en l'occurrence l'allemand,
est recevable au regard de l'art. 30 al. 1 OJ.

1.3 La recourante requiert la possibilité de se déterminer sur la réponse de
l'intimée. Le mémoire de celle-ci n'apporte toutefois aucun élément nouveau
commandant de déroger à la règle posée par l'art. 59 al. 4 2e phrase OJ, qui
prescrit qu'en instance de réforme il n'est généralement pas procédé à un
échange ultérieur d'écritures.

1.4 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248
ibidem). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert
pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 127 III 543 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a; 125 III
78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties,
lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine
OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni
par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid.
2c; 126 III 59 consid. 2a).

2.
Invoquant une violation de l'art. 29 al. 2 CC, la recourante fait tout
d'abord valoir que le terme "Montana" constitue une forme abrégée admissible
de sa raison sociale. Abordant la problématique du risque de confusion entre
le nom de domaine "www.montana.ch" et le nom de la commune demanderesse, elle
soutient qu'il n'a pas été allégué que des confusions soient concrètement
survenues entre lesdites appellations. De toute manière, la désignation
"Montana" appartiendrait au domaine public et pourrait être utilisée par
quiconque. Le terme précité, qui servirait à désigner beaucoup d'entreprises
en Suisse et dans le monde, ne saurait constituer un élément descriptif pour
l'intimée, si bien que son utilisation sur internet ne serait pas propre à
provoquer des confusions, d'autant que les parties, qui ont des domaines
d'activité totalement différents, ne s'adressent pas au même public. Ainsi,
les touristes, qui chercheraient à obtenir des informations sur la région de
Crans-Montana, les rechercheraient par le truchement du nom de domaine
"www.crans-montana.ch", qui est exploité par l'office du tourisme de
Crans-Montana. A suivre la recourante, la demanderesse devrait ouvrir le site
"www.commune-montana.ch". Enfin, la défenderesse fait grief à la cour
cantonale de ne pas avoir pris en compte le contenu de son site internet
lorsqu'elle a examiné la question du risque de confusion.

3.
Internet est un réseau de réseaux informatiques composé de millions
d'ordinateurs, lesquels, au moyen d'un logiciel adapté les reliant à un
serveur, peuvent entrer en contact les uns avec les autres. Afin que chaque
ordinateur puisse être identifié pour recevoir des données extérieures, il se
voit doter d'une adresse précise, qui consiste en une série de chiffres
réunis en sous-groupes: il s'agit de l'adresse-IP (Internet Protocol
Address). Ces adresses étant toutefois difficilement mémorisables pour les
utilisateurs, il a été mis en place un système hiérarchisé permettant de les
traduire sous la forme d'une suite de lettres séparées par des points; ce
système, qui permet de garantir l'unicité d'une adresse dans une structure
arborescente, est celui des noms de domaine (DNS, Domain Name System) .

Lu de droite à gauche, le nom de domaine se décompose alors en un domaine de
premier niveau (TLD, Top Level Domain), un domaine de deuxième niveau (SLD,
Second Level Domain) et, le cas échéant, en d'autres sous-domaines. On
distingue deux types de TLD: les domaines génériques, qui regroupent des
catégories déterminées d'organisations par rubrique thématique (ainsi, par
exemple, ".com" pour les entreprises à vocation commerciale, ".edu" pour les
organismes éducatifs, ".gov" pour les organismes gouvernementaux) et les
domaines géographiques, dont les codes de chaque pays sont formés de deux
lettres, telles ".ch" pour la Suisse, ".uk" pour le Royaume-Uni, ".de" pour
l'Allemagne. En Suisse, la fondation zurichoise SWITCH gère les domaines
géographiques de premier niveau ".ch" et ".li" (correspondant au
Liechtenstein). La délivrance des noms de domaine de deuxième niveau sous les
TLD ".ch" et "li" incombe toutefois à un département indépendant de SWITCH, à
savoir CH/LI DOM-REG, qui traite les demandes d'attribution en fonction de
l'ordre de leur arrivée (principe "first come first served").
L'enregistrement d'un nom de domaine de deuxième niveau quelconque sous un
certain TLD fait obstacle à l'enregistrement d'un nom de domaine identique
sous le même TLD (sur toutes ces questions: ATF 126 III 239 consid. 2a; Rolf.
H. Weber, E-Commerce und Recht: Rechtliche Rahmenbedingungen elektronischer
Geschäftsformen, p. 124 ss; Philippe Gilliéron, Les noms de domaine:
Possibilités de protection et de résolution des conflits, in: SIC ! 2000, p.
71-73).
Si, d'un point de vue technique, le nom de domaine n'est qu'un instrument qui
a pour fonction d'identifier un ordinateur connecté au réseau, pour l'usager
d'internet il désigne un site Web comme tel et permet de rechercher la
personne qui l'exploite, la chose ou les prestations qui s'y rattachent. Dans
cette mesure, suivant les cas particuliers, le nom de domaine est comparable
à un signe distinctif, comme un nom, une raison sociale ou une marque (ATF
126 III 239 consid. 2b et les références).

Bien qu'il n'existe pas encore en Suisse de dispositions particulières sur
l'utilisation, l'exclusivité et la protection des noms de domaine, pas plus
qu'une autorité administrative d'examen des noms de domaine comme on en
connaît pour l'enregistrement des marques et des raisons sociales, ni même
une instance d'arbitrage on-line à l'instar de celle mise sur pied pour des
litiges se rapportant notamment aux noms de domaine ".com" (cf. Tobias
Zuberbühler, Online-Schiedsgerichte für Domain-namen-Streitigkeiten, in: RSJ
2001, p. 562- 564, qui affirme qu'une procédure semblable devrait être
instaurée sous peu pour le nom de domaine ".ch"), la formation des adresses
internet n'est pas étrangère au monde du droit. La fonction d'identification
des noms de domaine a pour conséquence qu'ils doivent se distinguer
suffisamment des signes distinctifs appartenant à des tierces personnes et
protégés par un droit absolu, cela afin d'empêcher des confusions. Partant,
si le signe utilisé comme nom de domaine est protégé par le droit au nom, le
droit des raisons de commerce ou le droit des marques, le titulaire des
droits exclusifs y afférents peut en principe interdire au tiers non autorisé
l'utilisation de ce signe comme nom de domaine. En cas de collision entre
divers droits, il convient de peser les intérêts respectifs, afin de parvenir
à la solution la plus équitable possible (ATF 126 III 239 consid. 2c; 125 III
91 consid. 3c).

4.
Selon l'art. 29 al. 2 CC, celui qui est lésé par une usurpation de son nom
peut intenter action pour la faire cesser. La personne concernée n'est
protégée par la disposition précitée que si elle est lésée dans ses intérêts
juridiques dignes de protection (ATF 116 II 463 consid. 3b). L'usurpation du
nom ne vise pas seulement l'utilisation du nom d'autrui dans son entier, mais
aussi la reprise de la partie principale de ce nom s'il est ainsi créé un
risque de confusion (ATF 127 III 33 consid. 4; 116 II 463 consid. 3b). Il
n'est pas nécessaire que des confusions se soient effectivement produites. La
protection du nom ne suppose pas davantage que des intérêts patrimoniaux
aient été lésés; des intérêts purement idéaux sont également protégés (ATF
116 II 463 consid. 3b; 112 II 369 consid. 3b). L'art. 29 CC protège le nom
des personnes morales, et singulièrement celui des corporations de droit
public (ATF 112 II 369 qui concerne le nom d'un canton, ATF 72 II 145 à
propos de celui d'une commune; cf. également Roland Bühler, Commentaire
bâlois, n. 7 ad art. 29 CC).
L'usage du nom d'autrui porte atteinte à un intérêt digne de protection
lorsque l'appropriation du nom entraîne un danger de confusion ou de
tromperie ou que cette appropriation est de nature à susciter dans l'esprit
du public, par une association d'idées, un rapprochement qui n'existe pas en
réalité entre le titulaire du nom et le tiers qui l'usurpe sans droit. On se
trouve également en présence d'une usurpation inadmissible de nom quand celui
qui l'usurpe crée l'apparence que le nom repris a quelque chose à voir avec
son propre nom ou sa propre entreprise ou encore que des relations étroites,
sur un plan personnel, idéologique, intellectuel ou commercial, sont nouées
entre les parties, alors qu'il n'en est rien (ATF 112 II 369 consid. 3b et
les arrêts cités). Le degré de l'atteinte requis par la loi est encore
réalisé lorsqu'une association d'idées implique le titulaire du nom dans des
relations qu'il récuse et qu'il peut raisonnablement récuser (ATF 112 II 369
ibidem; 102 II 305 consid. 2 in fine).

La notion de risque de confusion, qui est identique pour tout le domaine des
signes distinctifs (ATF 127 III 33 consid. 4; 126 III 239 consid. 3a), est
tirée de celle admise en droit de la concurrence (ATF 127 III 33 consid. 4;
116 II 463 consid. 4c). L'art. 3 let. d de la loi fédérale du 19 décembre
1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241) qualifie de déloyal le
comportement de celui qui "prend des mesures qui sont de nature à faire
naître une confusion avec les marchandises, les oeuvres, les prestations ou
les affaires d'autrui". Est visé tout comportement au terme duquel le public
est induit en erreur par la création d'un danger de confusion, en particulier
lorsque celui-ci est mis en place pour exploiter la réputation d'un
concurrent (ATF 126 III 239 consid. 3a et les références). Le risque de
confusion est une notion de droit que le Tribunal fédéral apprécie librement,
du moins dans les cas où, comme en l'espèce, le litige revient à évaluer
l'impact du comportement contesté sur le grand public, et non sur un cercle
de personnes disposant de connaissances spécifiques dans un secteur
particulier (ATF 127 III 33 consid. 3c/aa p. 39; 126 III 239 consid. 3a).
Pour déterminer ce risque, il convient d'examiner l'impression d'ensemble qui
se dégage en Suisse du signe distinctif litigieux (ATF 122 III 382 consid.
5a; 121 III 377 consid. 2a et 2b; Carl Baudenbacher, Lauterkeitsrecht, n. 59
ad art. 3 let. d LCD).

4.1 En l'espèce, quoi qu'en pense la recourante, le mot "Montana" ne
constitue pas une désignation qui appartient au domaine public, comme l'était
l'indication géographique "Berner Oberland" (cf. ATF 126 III 239 consid. 3b).
Il désigne en Suisse une commune valaisanne du district de Sierre, à savoir
la demanderesse, laquelle comprend cinq villages dont celui de Crans-Montana.
Depuis 1996, la défenderesse a pour raison sociale "Institut Montana Betriebs
AG". Il est établi (art. 63 al. 2 OJ) que le 24 mars 1996, elle a réservé le
nom de domaine internet "montana.ch" auprès de la fondation zurichoise
Switch. On n'est donc pas dans l'hypothèse envisagée par la jurisprudence où
une personne s'est bornée à utiliser la partie principale du nom protégé d'un
tiers, mais dans celui où une personne a repris le nom du tiers en tant que
tel, alors que ce nom, avec d'autres termes, est partie intégrante de son
propre nom (ou raison de commerce).

Il suit de là que la présente querelle peut être abordée sous deux angles
bien distincts.

Soit l'on considère la raison de commerce de la défenderesse dans son entier
et l'on admet que sa raison sociale diffère du nom de l'intimée, de sorte
qu'en enregistrant le nom de domaine "montana.ch" la recourante a usurpé le
nom de sa partie adverse, comme l'entend l'art. 29 al. 2 CC; dans ce cas de
figure, il y aura lieu de vérifier si cette usurpation a créé un risque de
confusion et ainsi lésé la demanderesse dans ses intérêts dignes de
protection.

Soit l'on admet que la raison sociale de la recourante est formée des termes
génériques "Institut", "Betriebs" et "AG" et que sa force distinctive résulte
de la seule utilisation du mot "Montana", qui en constitue l'élément
essentiel. Dans cette éventualité, le différend né de la création du nom de
domaine "montana.ch" devra être réglé à considérer une situation d'homonymie,
caractérisée par le fait que plusieurs personnes peuvent élever sur le nom de
domaine des prétentions tirées du droit au nom. Il n'importe en effet que la
querelle divise une corporation publique d'avec une société anonyme. Les
personnes morales régies par le code des obligations, à l'instar de la
défenderesse, disposent elles aussi, en tout cas subsidiairement aux
dispositions spéciales sur la protection des raisons de commerce, de la
protection conférée par le droit au nom, telle que l'entend l'art. 29 CC (ATF
102 II 161 consid. 2; 80 II 138; Arthur Meier-Hayoz/Peter Forstmoser,
Schweizerisches Gesellschaftsrecht, 8e éd., § 7, n. 113 et n.114, p. 172).

Ces deux approches seront successivement développées ci-dessous.

4.2 Au vu de qui précède, il sied tout d'abord d'envisager que la
défenderesse a usurpé le nom de la demanderesse. Dans cette optique, il
incombe au Tribunal fédéral de déterminer s'il y a un risque de confusion,
dans le grand public, entre le nom de domaine de deuxième niveau "montana"
enregistré par la recourante sous le TLD ".ch" et le nom de la commune
intimée.

4.2.1 La juridiction fédérale n'a encore jamais tranché, à la lumière du
droit au nom, de litige relatif à l'utilisation comme nom de domaine de celui
d'une corporation publique. On peut donc s'inspirer des principes dégagés en
cette matière par la jurisprudence allemande, qui a abordé à plusieurs
reprises la question.

Dans la cause dite "heidelberg.de", une entreprise privée, active dans la
technologie de l'information et le développement de software, a publié depuis
le début 1996 sous l'adresse internet précitée des informations sur la région
"Rhein-Neckar". La ville de Heidelberg a ouvert action contre cette
entreprise afin qu'il lui soit désormais interdit d'utiliser l'adresse
"heidelberg.de". L'entreprise s'est défendue en affirmant notamment que la
ville de Heidelberg ne pouvait faire valoir aucun droit exclusif sur
l'adresse litigieuse, du moment qu'en Allemagne Heidelberg désignait deux
autres lieux et que près de 400 familles portaient ce nom. De plus, la ville
demanderesse pouvait protéger ses intérêts économiques et idéaux en faisant
enregistrer le nom de domaine "stadt-heidelberg.de". Le Landgericht de
Mannheim, par jugement du 8 mars 1996, a reconnu que la défenderesse, en
faisant usage du nom de la ville en cause comme adresse internet, avait crée
un risque de confusion, car l'utilisateur moyen d'internet, sous le nom de
domaine "heidelberg. de", s'attendait à trouver non seulement des
informations qui concernaient la ville de Heidelberg, mais encore qui
émanaient de cette cité. Comme la défenderesse ne pouvait invoquer aucun
droit sur la désignation "Heidelberg", il n'y avait pas lieu de procéder à
une pesée des intérêts. Le Landgericht a donc jugé que la ville de
Heidelberg, sur la base du droit au nom, était en droit d'empêcher la
défenderesse d'utiliser l'adresse "heidelberg. de".

Les principes qui sous-tendent cette décision ont été ensuite repris par le
Landgericht de Braunschweig dans la cause "braunschweig.de", par le
Landgericht de Lüneburg dans la cause "celle.de" et par le Landgericht de
Ansbach dans la cause "ansbach.de" (cf. Rolf H. Weber, E-Commerce und Recht,
p. 156/157).

Dans le cadre de l'affaire dite "badwildbad.com", l'Oberlandesgericht de
Karlsruhe, dans son jugement du 9 juin 1999, a considéré que l'utilisation du
nom de domaine susmentionné, par une société informatique qui offrait sur son
site des informations concernant la commune de Bad Wildbad, consacrait une
violation du droit au nom de cette commune. La juridiction allemande a en
particulier admis que de nombreux utilisateurs internet pouvaient croire que
les renseignements figurant sous le nom de domaine "badwildbad.com" étaient
délivrés par la commune demanderesse elle-même ou, à tout le moins, avec son
accord. A cet égard, il importait peu qu'une partie des informations en cause
fût reprise de celles fournies par la demanderesse, puisque celle-ci n'a pas
accepté que la société informatique les délivre sous son nom sur internet.

4.2.2 En l'occurrence, il appert manifestement que l'enregistrement par la
défenderesse du nom de domaine "montana.ch" crée un danger de confusion avec
la commune demanderesse. Celle-ci abrite en effet une station touristique
d'été et de sports d'hiver notoirement connue en Suisse, à savoir
Crans-Montana. Les championnats du monde de ski alpin qui ont été organisés
en 1987 dans la commune intimée ont encore contribué à la faire connaître en
tout cas en Europe et en Amérique du Nord. Différents congrès et forums
internationaux se tiennent en outre sur le territoire de la demanderesse. Il
s'ensuit qu'en Suisse le grand public associe le nom "montana" au secteur du
tourisme et des vacances. Dès l'instant où le réseau internet est de plus en
plus utilisé pour les offres touristiques (ATF 126 III 239 consid. 3c),
l'utilisateur moyen d'internet s'attend à trouver sous le nom de domaine
"www.montana.ch" des renseignements singulièrement sur les voies d'accès au
territoire de l'intimée, les sports que l'on peut y pratiquer, les modes
d'hébergement offerts, voire les manifestations qui s'y déroulent et la météo
locale. La défenderesse exploite ainsi la réputation de la demanderesse en
attirant sur son site web des utilisateurs qui cherchent à obtenir des
informations touristiques pour leurs vacances. C'est donc à juste titre que
la cour cantonale a retenu l'existence d'un risque de confusion qui porte
atteinte aux intérêts juridiquement protégés de l'intimée, puisque celle-ci
est empêchée d'exploiter un site web sous son propre nom.

Les arguments que présente la recourante à l'encontre de ce raisonnement sont
privés de tout fondement.

4.2.2.1 Il est sans importance que le contenu du site créé par la
défenderesse n'ait rien à voir avec l'intimée et qu'en aucune façon
l'impression d'un lien avec cette dernière y soit suggérée.

Certes, pour une partie de la doctrine suisse, il ne saurait y avoir de
risque de confusion entre un nom de domaine repris d'une corporation publique
et ladite corporation publique si le contenu du site Web rattaché audit nom
de domaine n'a pas le moindre rapport avec le porteur du nom (cf. Ueli Buri,
Die Verwechselbarkeit von Internet Domain Names, thèse Berne 1999, p. 55 s.
et p. 121 ss, spéc. p. 125; le même, Ubersicht über die Rechtsprechung im
Bereich Informatik und Recht in: Tagung 2000 für Informatik (und) Recht,
Berne 2001, p. 188/189; Rolf H. Weber/Roland Unternährer, in: SZW 2000, p.
262). Cette question a été laissée ouverte dans l'ATF 126 III 239 consid. 3c
in fine.

Toutefois, ce qui est décisif pour juger du risque de confusion en cause, ce
n'est pas le contenu du site mais bien l'adresse internet qui permet d'y
accéder. C'est uniquement celle-ci qui éveille l'intérêt du public et lui
donne l'espoir d'obtenir des informations conformes à l'association d'idées
évoquée par le nom de domaine. Partant, il n'importe que les services offerts
dans le site soient de nature totalement différente de ceux proposés par le
porteur du nom (cf. également Jann Six, Der privatrechtliche Namensschutz von
und vor Domänennamen im Internet, thèse Zurich 2000, p. 70-72).

Ueli Buri (Die Verwechselbarkeit von Internet Domain Names, op. cit., p. 128)
affaiblit d'ailleurs sa position en reconnaissant que la mention sur un site
web - émanant de la personne qui l'exploite sous une adresse qui comporte le
nom d'autrui comme SLD - que ce site n'a aucun rapport avec le porteur du
nom, n'empêche pas nécessairement un risque de confusion, car on ne saurait
admettre que les utilisateurs d'internet lisent entièrement et avec grande
attention chaque page du site en question.

4.2.2.2 L'argument selon lequel la demanderesse pourrait toujours utiliser
l'adresse "www.commune-montana.ch" tombe à faux. L'intérêt du titulaire du
nom à enregistrer son site avec son propre nom comme adresse internet, cela
sous le domaine géographique de premier niveau correspondant au code du pays
dans lequel il est domicilié, est en effet particulièrement élevé pour les
corporations publiques, en particulier au vu de l'attente de l'ensemble des
gens à trouver sous cette adresse des informations officielles émanant de la
personne morale de droit public. C'est donc bien plutôt l'usurpateur du nom
protégé qui doit être contraint de mettre un ajout à son adresse internet
pour éviter un risque de confusion. Il est au demeurant significatif que la
recourante, sans doute pour parer à toute éventualité, a déjà réservé
notamment le nom de domaine "institut-montana.ch".

4.3 Il est temps désormais d'examiner la seconde hypothèse posée au
considérant 4.1 ci-dessus, à savoir celle où il est admis que la force
distinctive du nom de la défenderesse résulte uniquement de l'utilisation
dans sa raison sociale depuis 1926 du mot "Montana", en sorte que la
recourante peut également se prévaloir de son droit au nom pour désigner le
site internet qu'elle a fait enregistrer sous l'adresse "montana.ch".

4.3.1 Le conflit entre deux homonymes issu de l'enregistrement par l'un d'eux
d'une adresse internet revendiquée par l'autre, dont le nom de domaine de
second niveau est formé de leur nom commun protégé de manière absolue, n'a
encore jamais été soumis au Tribunal fédéral. Il convient donc de rappeler
liminairement quelques principes de résolution de conflits entre droits
absolus, qui ont été développés par la jurisprudence.

4.3.2 Le droit au nom donne à son titulaire non seulement le droit d'utiliser
son nom pour identifier sa personne même, mais l'autorise encore à désigner
par son nom ses propres oeuvres et productions de toute sorte et à participer
aux affaires sous son propre nom (ATF 116 II 614 consid. 5c/aa).

Toutefois, lorsqu'il y a un conflit entre le droit au nom et le droit des
marques, le Tribunal fédéral a jugé que l'existence d'une marque célèbre
antérieure justifiait que soient imposées à l'homonyme, nouveau participant à
la concurrence, des restrictions quant à l'utilisation de son nom (ATF 125
III 91 consid. 3c et la référence). Dans le cadre d'une collision des mêmes
droits absolus, la juridiction fédérale a estimé que si une marque
patronymique a acquis une force distinctive telle que le public assimile sans
autre le patronyme aux produits de l'entreprise du titulaire et que les
acheteurs partent de l'idée que toute autre marque postérieure, même dotée
d'adjonctions propres à la différencier, désigne ces produits ou se rapporte
à cette entreprise, le titulaire de la marque la plus récente doit se voir
interdire d'y faire figurer son nom patronymique comme élément
caractéristique, dès l'instant où il s'agit du seul moyen idoine pour éviter
des confusions (ATF 116 II 614 consid. 5c/aa).

Dans le domaine de la protection de la personnalité, qui englobe, comme on
l'a vu, la protection du nom, le droit d'exercer l'activité de son choix de
l'un ne doit pas être limité par le besoin de protection d'un autre d'après
des règles schématiques de priorité. Au contraire, il est nécessaire de peser
les intérêts en présence dans chaque cas, de manière à adopter la solution
qui soit le plus équitable (arrêt 4C.516/1996 du 4 juin 1997, consid. 3c ,
in: sic! 1997 p. 493; cf. aussi ATF 125 III 91 consid. 3c; 116 II 614 consid.
5d p. 619). En tout cas, le principe de priorité dans le temps qui régit
l'enregistrement des noms de domaine ne peut pas entraîner que le premier qui
a déposé son patronyme comme nom de domaine sous un TLD géographique (code de
son pays) puisse de ce seul fait avoir la prééminence sur n'importe quel
homonyme désirant aussi enregistrer un nom de domaine formé sur son nom avec
le même TLD (cf. à ce propos ATF 126 III 239 consid. 3b in fine).

4.3.3 Dans le cas présent, il convient de ne pas perdre de vue qu'il y a
homonymie (partielle) entre une commune et une personne morale de droit
privé. Certes, si aucun schématisme ne doit gouverner la solution à apporter
à la querelle, qui dépend de la pesée des intérêts antagonistes, il n'en
demeure pas moins que seul un sujet de droit dont le nom bénéficierait en
Suisse d'une notoriété au moins égale à celui de la corporation publique
pourrait revendiquer l'utilisation d'une adresse internet avec son nom comme
nom de domaine de deuxième niveau, sans y apporter aucune autre adjonction
(cf. Jann Six, op. cit., p. 147 -150).

Il a été retenu souverainement que la commune demanderesse bénéfice tant dans
la Suisse entière qu'à l'étranger d'une large renommée au plan touristique,
alors que la défenderesse, qui exploite une école internationale au
Zugerberg, ne jouit d'une certaine notoriété qu'auprès d'une "clientèle
étudiante internationale" et tout au plus localement, soit dans la région de
Zoug.

Il est indubitable que le nom "Montana" est immédiatement associé en Suisse
dans l'esprit du public au secteur du tourisme et des loisirs, plus
particulièrement en région de montagne. La demanderesse abrite en effet sur
son territoire une célèbre station de sports d'été et d'hiver, où il a été
organisé en 1987 une compétition mondiale dans une discipline sportive parmi
les plus populaires dans le pays.

En comparaison, la renommée de la défenderesse apparaît bien moindre, et, à
tout le moins, limitée au nord-est de la Suisse. On ne sait du reste rien des
matières qui y sont enseignées, des professeurs qui y dispensent leur savoir,
ni des étudiants qui la fréquentent.
Dans ces circonstances, il est évident que l'utilisateur moyen d'internet
escompte trouver sous le nom de domaine "montana.ch", lequel éveille en lui
un endroit de villégiature dans les Alpes valaisannes, des informations
relatives à la demanderesse. L'utilisateur, qui arrive sur le site de la
défenderesse après avoir tapé l'adresse internet précitée, est ainsi amené à
croire que la recourante a un quelconque lien avec l'intimée, alors qu'il
n'en est rien. On ne saurait admettre que la défenderesse puisse tirer un
profit indu de la réputation de sa partie adverse. Il suit de là que
l'intérêt de la demanderesse à utiliser son nom, sans adjonction, comme nom
de domaine l'emporte largement sur l'intérêt opposé de la défenderesse.

La cour cantonale n'a nullement violé le droit fédéral en considérant que
l'usage du nom de domaine litigieux consacrait une atteinte au droit au nom
de l'intimée.

5.
5.1 La recourante prétend que l'intimée a toléré pendant près de cinq ans que
l'école utilise le nom de domaine "montana.ch". D'après elle, les prétentions
tirées du droit au nom élevées par la demanderesse seraient donc périmées. En
mai 1996, la défenderesse était notoirement en difficultés financières, si
bien que la demanderesse aurait dû savoir au plus tard à cette époque que
l'école utilisait ledit nom de domaine. La recourante fait encore valoir que
l'abandon de son adresse internet lui occasionnerait de grands frais.

5.2 La péremption en raison du retard mis à agir ne doit pas être admise
facilement, seul l'exercice manifestement abusif d'un droit pouvant faire
obstacle à sa protection. La péremption suppose que l'ayant droit ait toléré
la violation de ses droits pendant une longue période sans s'y opposer et que
l'auteur de la violation ait entre-temps acquis lui-même une position digne
de protection (ATF 117 II 575 consid. 4a). Il en découle que la péremption
suppose en principe que le lésé ait eu connaissance de la violation de ses
droits et qu'il soit néanmoins resté inactif, la preuve de cette connaissance
incombant à l'auteur de la violation (arrêt cité, consid. 5a). Toutefois, la
péremption peut aussi être invoquée lorsque la tardiveté de la réaction du
lésé est imputable à une méconnaissance fautive de la violation de ses
droits, ce qui est le cas lorsqu'il omet, contrairement à la diligence qu'on
peut attendre de lui, de surveiller l'apparition de signes distinctifs
adverses sur le marché (arrêt cité, consid. 4b). Enfin, dans des cas
exceptionnels, la péremption peut être invoquée même en l'absence de
méconnaissance fautive de la violation des droits du lésé, ainsi lorsque
l'auteur de la violation a un intérêt à pouvoir conserver d'importantes
valeurs économiques alors que l'intérêt de l'ayant droit à la suppression de
l'état de fait illicite est inexistant ou proportionnellement bien moindre
(arrêt cité, consid. 4c).

5.3 Le moyen, qui repose pour partie sur des faits non retenus par les juges
cantonaux, n'a aucun fondement.

En l'espèce, la cour cantonale a constaté que c'est au début de l'année 2000,
lorsqu'elle a mandaté un informaticien pour créer un site internet destiné à
ses administrés et aux touristes, que la demanderesse s'est aperçue que
l'adresse "montana.ch" était déjà attribuée. On ne saurait ainsi admettre que
l'intimée est restée inactive après avoir eu connaissance de la violation de
ses droits, puisque, le 31 mai 2000 déjà, elle ouvrait action en protection
du nom contre la recourante. Il est en outre exclu d'imputer à la
demanderesse une méconnaissance fautive de la violation de ses droits, du
moment que l'enregistrement des noms de domaine ".ch" ne fait pas l'objet
d'une publication officielle, lesdits noms de domaine étant simplement
enregistrés par CH/LI DOM-REG dans sa propre base de données (Philippe
Gilliéron, op. cit., p. 73). Enfin, la pesée des intérêts respectifs des
parties, qui a été opérée au considérant 4.3.3 ci-dessus, démontre clairement
que la défenderesse ne peut invoquer la protection d'aucune valeur économique
importante, à l'inverse de l'intimée.

6.
La recourante prétend, à titre subsidiaire, que la demanderesse ne peut faire
valoir aucune prétention fondée sur le droit de la concurrence déloyale.

L'autorité cantonale n'ayant examiné le litige que sous l'angle de la
protection du nom, elle n'a pas retenu que l'usage du nom de domaine
"montana.ch" constituait un acte de concurrence déloyale. Le grief n'a donc
aucune portée.

7.
La défenderesse affirme que les actions fondées sur une atteinte illicite au
droit au nom ne permettent pas d'obtenir de SWITCH un transfert à l'intimée
du nom de domaine litigieux. La cour cantonale a partagé ce point de vue et
déclaré irrecevable la conclusion de la demanderesse en attribution du nom de
domaine "montana.ch".

Comme pour l'exercice de toute voie de droit, le recours en réforme suppose
un intérêt au recours. La partie recourante ne peut ainsi soulever des
questions juridiques dénuées d'intérêt pratique (ATF 126 III 198 consid. 2b
et les arrêts cités).

La défenderesse, qui avait conclu à libération, a obtenu gain de cause sur ce
point, de sorte que son intérêt à recourir a depuis lors disparu.

8.
En résumé, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable et
le jugement attaqué confirmé.
A propos des frais de la cause, la recourante allègue que si l'issue du
procès devait lui être défavorable, elle ne devrait pas en être chargée, vu
le retard de sa partie adverse à agir, les investissements qu'elle a
consentis pour créer son site internet et le vide juridique en la matière.

Selon l'art. 156 al. 3 OJ, lorsque aucune des parties n'a eu entièrement gain
de cause ou que la partie qui a succombé pouvait de bonne foi se croire
fondée à poursuivre le procès, les frais peuvent être répartis
proportionnellement entre elles. Il s'agit là d'une disposition d'exception,
qui doit dès lors être interprétée strictement (Poudret, COJ V, n. 4 ad art.
156 OJ).

In casu, la recourante n'a nullement été déboutée pour un motif imprévisible,
de sorte qu'elle ne saurait se prévaloir de sa bonne foi. Quant aux autres
motifs qu'elle présente pour obtenir la dispense des frais judiciaires, ils
sont privés de toute pertinence. Par conséquent, il n'y a pas lieu de déroger
à la règle générale au sujet de la répartition des frais judiciaires. A
considérer l'issue de la querelle, les frais et dépens seront donc mis à la
charge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et le jugement
attaqué est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 5000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
IIe Cour civile du Tribunal cantonal valaisan.

Lausanne, le 23 juillet 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:   Le greffier: