Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.218/2002
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4C.218/2002 /RrF

Arrêt du 11 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffière Aubry Girardin.

A. ________ AG,
demanderesse et recourante, représentée par Me Walter H. Meier, avocat,
Bienenstrasse 1, 8004 Zurich,

contre

Église B.________,
défenderesse et intimée, représentée par Me Olivier Steiner, avocat, rue
Karl-Neuhaus 21, case postale 508, 2501 Bienne,

C.________ AG,
intervenante et intimée, représentée par Me Heinz Freivogel, avocat,
Güterstrasse 27, case postale 800, 2501 Bienne.

droit d'emption; interprétation

(recours en réforme contre le jugement de la IIe Chambre civile de la Cour
d'appel du canton de Berne du 1er mai 2002).

Faits:

A.
X. ________ et D.________ S.A. avaient pour projet d'implanter un centre
commercial en ville de Y.________. La réalisation de ce projet, dénommé
"Z.________", impliquait l'acquisition de plusieurs immeubles, dont l'un
appartenant à l'Église B.________ (ci-après : l'Église).

Dans ce cadre, X.________, par l'intermédiaire de A.________ AG (ci-après :
A.________), qui est sa société immobilière, et D.________ S.A., intervenant
par le biais de C.________ AG (ci-après : C.________), ont conclu, le 17
septembre 1997, avec l'Église, un contrat en la forme authentique intitulé
"Pacte d'emption - Bail à loyer".

Selon la première partie de ce contrat, l'Église accordait à A.________ et à
C.________ un droit d'emption sur son immeuble no 1080, limité au 31 décembre
1998, mais prolongeable en fonction de la durée du bail à loyer. Pour
l'essentiel, l'accord précisait qu'en cas d'exercice du droit d'emption, qui
devait s'effectuer par une déclaration écrite adressée à la propriétaire, les
acquéreurs deviendraient copropriétaires à raison de ½ chacun, que le droit
d'emption était cessible, sauf à des organisations dont les buts seraient
contraires à ceux poursuivis par l'Église, et, enfin, qu'il était annoté au
registre foncier jusqu'au 31 décembre 1998. Le prix de vente fixé à 1'300'000
fr. était payable dans les 30 jours dès l'exercice du droit d'emption, les
acquéreurs en répondant solidairement.

Dans une seconde partie, le contrat stipulait que l'Église louait à
A.________ et à C.________ l'immeuble en question, dans la mesure où il
n'était pas déjà loué à des tiers. Le bail commençait le 1er juillet 1997 et
devait prendre fin, sans résiliation, le 31 décembre 1998, la bailleresse
concédant toutefois aux locataires une option pour deux prolongations d'une
année chacune. Il était prévu que l'option avait pour effet de prolonger
automatiquement le droit d'emption pour toute la nouvelle durée du bail.
L'Église confiait à A.________ la gérance de l'ensemble de l'immeuble,
celle-ci ne demandant aucun frais pour cette activité. Le loyer était
constitué d'un montant forfaitaire de 7'100 fr. dont les locataires
répondaient solidairement.

A. ________ et C.________ ont valablement demandé la prolongation du bail et,
par conséquent, du droit d'emption, une première fois jusqu'au 31 décembre
1999 et une seconde fois jusqu'au 31 décembre 2000. L'annotation du droit
d'emption au registre foncier a pris fin comme prévu le 31 décembre 1998.

Au début de l'année 2000, des divergences ont surgi entre X.________ et
D.________ S.A. Par courrier du 9 juin 2000, cette société a signalé à
A.________ qu'elle ne désirait plus acquérir l'immeuble litigieux avec elle
et que l'Église acceptait de le vendre à C.________ seule à l'expiration du
droit d'emption, c'est-à-dire dès le 1er janvier 2001. Elle a également
demandé à A.________ si celle-ci était disposée à consentir à une telle vente
avant cette date.

Le 20 juin 2000, X.________ a manifesté son désaccord et il a invité
D.________ S.A. à lui faire savoir si elle acceptait d'exercer le droit
d'emption avec A.________ comme prévu, faute de quoi cette dernière se
réservait le droit de l'exercer seule. Le même jour, D.________ S.A. a
signalé à X.________ sa détermination d'acheter l'immeuble litigieux seule,
par l'intermédiaire de C.________.

Le 26 juin 2000, A.________ a informé l'Église qu'elle exerçait son droit
d'emption au 1er août 2000. Deux jours plus tard, elle a demandé à D.________
S.A. de prendre position, en l'avisant qu'elle exercerait ce droit seule si
C.________ renonçait à l'exercer de son côté.

Le 3 juillet 2000, D.________ S.A. a indiqué à A.________ qu'elle ne
renonçait à rien, mais qu'elle constatait que la convention du 17 septembre
1997 ne permettait qu'un exercice conjoint du droit d'emption, de sorte que
A.________ n'était pas fondée à l'exercer seule.

L'Église a refusé d'autoriser l'inscription au registre foncier d'une seule
des deux parties cocontractantes comme propriétaire unique de l'immeuble.

B.
Le 29 décembre 2000, le Président de l'arrondissement judiciaire de
W.________ a admis la requête de mesures provisoires formée par A.________ et
a ordonné au bureau du Registre foncier compétent de procéder à l'annotation
d'une restriction au droit d'aliéner l'immeuble en cause, propriété de
l'Église. Saisie d'un appel de cette dernière, la IIe Chambre civile de la
Cour d'appel du canton de Berne a confirmé la mesure provisoire par jugement
du 14 février 2001, tout en impartissant un délai à A.________ pour agir au
fond et en lui ordonnant de constituer une sûreté de 1'300'000 fr.

C.
Par demande du 23 février 2001, déposée devant le Président du Tribunal
d'arrondissement judiciaire de W.________ et dirigée contre l'Église,
A.________ a conclu à ce qu'il soit constaté qu'elle avait exercé en temps
utile son droit d'emption découlant du contrat du 17 septembre 1997, qu'elle
était par conséquent devenue la propriétaire du bien-fonds concerné en
contrepartie du prix convenu de 1'300'000 fr. et qu'il fallait procéder à
l'inscription de ce transfert au registre foncier.

En mai 2002 (recte: 2001), C.________ est intervenue dans la procédure aux
côtés de l'Église.
Par jugement du 25 octobre 2001, le Président a rejeté la demande et ordonné
au bureau du Registre foncier de procéder à la radiation de la restriction du
droit d'aliéner ordonnée le 14 février 2001 à titre de mesure provisoire.

Statuant sur appel de A.________, la IIe Chambre civile de la Cour d'appel du
canton de Berne a, par jugement du 1er mai 2002, débouté cette société de
l'ensemble de ses conclusions et enjoint le bureau du registre foncier
compétent de procéder, dès l'entrée en force du jugement, à la radiation de
la restriction du droit d'aliéner sur l'immeuble feuillet no 1080 propriété
de l'Église, ordonnée par jugement du 14 février 2001.

D.
Contre le jugement du 1er mai 2002, A.________ (la demanderesse) interjette
un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut, avec suite de frais
et dépens, à l'annulation du jugement entrepris, à l'admission de son recours
et à ce qu'il soit constaté qu'elle a exercé en temps utile le droit
d'emption prévu dans le contrat du 17 septembre 1997, ce qui implique que la
propriété de l'immeuble no 1080 lui soit attribuée et que l'office du
registre foncier compétent soit autorisé à l'inscrire en tant que
propriétaire de cet immeuble, en contre- partie du versement du prix convenu
de 1'300'000 fr.

L'Église (la défenderesse) propose au Tribunal fédéral de déclarer le recours
irrecevable, éventuellement de le déclarer mal fondé dans la mesure de sa
recevabilité.

Quant à C.________ (l'intervenante), elle conclut à la confirmation du
jugement du 1er mai 2002 et au rejet du recours, pour autant qu'il soit
recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le mémoire de recours et les observations de l'intervenante sont rédigés en
langue allemande, alors que le jugement entrepris est en français.

Un tel procédé est parfaitement admissible (cf. art. 30 al. 1 OJ; art. 4
Cst.). Il n'y a cependant aucune raison de déroger en l'espèce à l'art. 37
al. 3 1ère phrase OJ, à teneur duquel l'arrêt est rédigé, en règle générale,
dans la langue de la décision attaquée. Ni la demanderesse ni l'intervenante
ne font du reste valoir qu'elles seraient incapables de comprendre un arrêt
en français (cf. ATF 124 III 205 consid. 2).

2.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit mener son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ;
ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Hormis ces exceptions que le
recourant doit invoquer expressément, il ne peut être présenté de griefs
contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55 al. 1 let. c OJ).

En l'espèce, la demanderesse méconnaît à l'évidence ces principes, dès lors
qu'elle invoque des éléments de fait ne ressortant pas du jugement entrepris,
sans se prévaloir d'une des exceptions lui permettant de s'en écarter. En
outre, elle présente de nombreuses critiques relevant de l'appréciation des
preuves à laquelle se sont livrés les juges cantonaux, oubliant, comme le
soulignent pertinemment la défenderesse et l'intervenante, que de tels griefs
doivent être formés dans un recours de droit public pour arbitraire, mais
qu'ils n'ont pas leur place dans un recours en réforme (cf. ATF 128 III 324
consid. 2.4; 126 II 171 consid. 4c/bb p. 182 et les arrêts cités). Dans ces
circonstances, on pourrait se demander, à l'instar de la défenderesse, si le
recours mérite d'être considéré comme recevable. Cette question peut
toutefois demeurer indécise, pour les raisons développées ci-après.

3.
La cour cantonale a débouté la demanderesse de toutes ses conclusions sur la
base du raisonnement suivant. Elle a tout d'abord admis la qualité pour agir
de cette société, au motif que celle-ci avait déclaré exercer son droit
d'emption à titre personnel et en vue de l'acquisition de la totalité de
l'immeuble litigieux. Puis, interprétant le contrat du 17 septembre 1997,
elle a déduit des termes utilisés par les parties et des éléments en sa
possession que leur réelle et commune intention était de n'envisager qu'un
exercice conjoint du droit d'emption, ce qui excluait l'exercice individuel
de ce droit par la seule demanderesse pour la totalité de l'immeuble. En
outre, le droit d'emption tel que prévu dans cet accord n'avait fait l'objet
d'aucune modification ou de cession par acte authentique. Les juges cantonaux
ont également constaté que l'intervenante n'avait renoncé qu'à l'exercice
conjoint du droit d'emption avec la demanderesse, mais en aucun cas à
acquérir un jour la propriété de l'immeuble. Dans ces circonstances, la
demanderesse n'étant pas seule au bénéfice d'un titre d'acquisition au sens
de l'art. 665 al. 1 CC, ses prétentions devaient être rejetées.

4.
La demanderesse s'en prend à tous les pans du raisonnement de la cour
cantonale. Elle oublie cependant que, comme pour l'exercice de toute voie de
droit, le recours en réforme suppose un intérêt, de sorte qu'elle ne peut
soulever des questions juridiques qui ne présentent aucun intérêt pratique
(cf. ATF 126 III 198 consid. 2b et les arrêts cités).

Il ne sera donc pas entré en matière sur les griefs formulés dans le recours
qui n'ont aucune incidence sur le résultat du jugement entrepris. Tel est en
particulier le cas lorsque la demanderesse tente de démontrer qu'elle n'a pas
agi abusivement en cherchant à exercer seule le droit d'emption, alors que la
cour cantonale a précisément reconnu qu'il n'y avait pas d'abus de droit de
sa part ou lorsqu'elle envisage la position de la défenderesse en regard de
la clause du contrat permettant la cession du droit d'emption, bien qu'aucune
cession n'ait été convenue. Faute d'intérêt pratique, la Cour de céans
n'examinera pas davantage les griefs de la demanderesse portant sur la
violation des dispositions sur la société simple, dès lors qu'après avoir
admis qu'elle formait une telle société avec l'intervenante en vue de
l'acquisition de l'immeuble litigieux, la cour cantonale n'en a pas tenu
compte au détriment de la demanderesse dans la suite de sa motivation.

5.
L'examen des autres griefs ne se justifie que si la cour cantonale n'aurait
pas dû d'emblée rejeter le recours, faute de qualité pour agir de la
demanderesse. Dans ses observations, l'intervenante soutient ce point de vue,
laissant entendre que la cour cantonale aurait méconnu les règles sur la
représentation de la société simple. Il convient donc de vérifier cette
question en premier lieu.

La légitimation active appartient au titulaire du droit litigieux (ATF 116 II
253 consid. 3) et signifie que celui-ci a le droit de faire valoir en justice
la prétention qu'il réclame (Hohl, Procédure civile, tome I, Berne 2001, no
433). La reconnaissance de la qualité pour agir n'emporte cependant pas
décision sur l'existence de la prétention du demandeur, que ce soit quant au
principe ou à la mesure dans laquelle il la fait valoir (ATF 125 III 82
consid. 1a p. 84; 114 II 345 consid. 3a).

Comme déjà indiqué, la cour cantonale a certes admis que la demanderesse et
l'intervenante formaient une société simple dans le cadre de la location et
de l'éventuel achat de l'immeuble litigieux, mais elle a aussi constaté que
la demanderesse avait déclaré exercer son droit d'emption à titre personnel
et en vue de l'acquisition de la totalité de l'immeuble. Ce dernier élément
suffit à exclure que celle-ci ait agi en tant que représentante directe de la
société simple au sens de l'art. 543 al. 2 CO, dès lors qu'il ressort
expressément de cette disposition qu'il ne peut y avoir de représentation que
si celui qui agit déclare le faire au nom de la société ou de tous les
associés. En outre, selon les faits ressortant du jugement entrepris, c'est
après que l'intervenante l'avait avisée qu'elle ne désirait plus acquérir
l'immeuble litigieux avec elle que la demanderesse a déclaré exercer ce droit
seule. Cet élément permet donc aussi d'écarter l'hypothèse de la
représentation indirecte, car celle-ci supposerait que la demanderesse ait
entendu agir en son nom personnel, mais pour le compte de la société simple
ou des associés (Tercier, Les contrats spéciaux, Zurich 1995, no 5697). On ne
peut par conséquent reprocher à la cour cantonale d'avoir admis la
légitimation active de la demanderesse contrairement aux règles sur la
représentation de la société simple.

6.
Il convient donc d'examiner si, comme le soutient la demanderesse, le
jugement attaqué viole le droit fédéral en refusant d'admettre la possibilité
pour cette société d'exercer seule le droit d'emption.

6.1 De l'argumentation touffue présentée dans le recours, on parvient en
substance à déduire que la demanderesse reproche principalement à la cour
cantonale d'avoir méconnu les règles sur le comblement des lacunes et d'avoir
écarté le principe de "l'accroissement" (Akkreszenz) posé dans l'ATF 92 II
147, selon lequel elle aurait été en droit d'exercer seule le droit
d'emption, puisque l'intervenante y avait renoncé.

6.1.1 Les règles sur le comblement des lacunes s'appliquent lorsque le juge
est en présence d'un contrat valablement conclu, mais qui ne prévoit pas de
solution à une difficulté surgie entre les parties (ATF 107 II 144 consid. 3
p. 149). En l'occurrence, la cour cantonale n'a pas constaté de lacune dans
le contrat du 17 septembre 1997 concernant l'exercice conjoint du droit
d'emption, contrairement à ce que semble croire la demanderesse. Elle a
certes relevé que ce contrat ne prévoyait pas expressément l'exercice
conjoint du droit d'emption par les deux bénéficiaires, mais elle a aussi
souligné que cet accord explicitait à suffisance quelle était la volonté des
parties sur ce point. Les développements prolixes de la demanderesse sur la
façon de combler les lacunes, notamment en déterminant la volonté
hypothétique des parties, sont ainsi dépourvus de tout fondement.

De plus, ces critiques ne tiennent pas compte du fait que les juges cantonaux
ont établi que la réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO)
était d'envisager seulement un exercice conjoint du droit d'emption. Sur la
base de cette constatation de fait, qui ne peut être remise en cause dans un
recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ; ATF 126 III 25 consid. 3c p. 29 et les
arrêts cités), on ne voit pas en quoi la cour cantonale aurait violé le droit
fédéral en considérant qu'en vertu du contrat, la demanderesse n'était pas en
droit d'exercer seule le droit d'emption.

6.1.2 Quant à la théorie de "l'accroissement" (Akkreszenz), issue du droit
allemand et dont la jurisprudence s'est inspirée dans l'ATF 92 II 147, elle
n'est pas transposable au cas d'espèce. Dans l'arrêt précité, le Tribunal
fédéral a posé le principe que, si un droit de préemption a été concédé à
plusieurs personnes et qu'il n'est pas exercé par l'un ou plusieurs des
bénéficiaires, le droit des autres s'accroît d'autant (cf. ATF 92 II 147
consid. 3). Cette jurisprudence, à supposer qu'elle puisse également
s'appliquer au droit d'emption, a été rendue dans l'hypothèse où l'un des
deux bénéficiaires du droit de préemption avait renoncé tacitement à
l'exercer (cf. ATF 92 II 147 let. A p. 149). Elle ne saurait en revanche
s'étendre à la situation où l'un des bénéficiaires s'oppose clairement à
l'exercice individuel du droit concerné (cf. Liver, Die privatrechtliche
Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahre 1966 / Sachenrecht, RJB 104/1968
p. 12 ss, 15). Or, c'est précisément ce qui s'est produit en l'espèce, dès
lors que, le 9 juin 2000, l'intervenante a manifesté son intention d'acheter
seule la totalité de l'immeuble après l'expiration, le 31 décembre 2000, du
droit d'emption, ce qui, comme l'a constaté la cour cantonale, ne saurait
être interprété comme exprimant la volonté de cette société de renoncer à son
propre droit d'emption et de le céder à la demanderesse. L'intervenante a
d'ailleurs confirmé sa position dans son courrier du 3 juillet 2000, où,
interrogée sur le point de savoir si elle renonçait pour sa part à exercer le
droit d'emption, elle a répondu, par l'intermédiaire de D.________ S.A.,
qu'elle ne renonçait à rien. Dans un tel contexte, l'on ne peut reprocher à
la cour cantonale de ne pas avoir appliqué par analogie la théorie de
l'accroissement ressortant de l'ATF 92 II 147.

Il importe peu que, dans sa décision sur mesures provisionnelles du 14
février 2001, la cour cantonale se soit fondée sur cette jurisprudence pour
ordonner, à titre conservatoire, la restriction au droit d'aliéner l'immeuble
en cause au registre foncier. En effet, en statuant sur une requête de
mesures provisionnelles, le juge ne procède pas à une analyse juridique
complète, mais se limite à un examen sommaire des questions de droit sans
préjudice du jugement au fond (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4P.189/1991 du 3
mars 1992, résumé in SJ 1992 p. 578, consid. 5a; ATF 108 II 69 consid. 2a).
La demanderesse ne peut donc rien tirer de l'existence d'une décision sur
mesures provisoires reposant sur une position juridique contraire à celle
contenue dans le jugement final.

6.2 La demanderesse reproche également à la cour cantonale d'avoir considéré
que seul un acte authentique aurait été nécessaire pour modifier ou céder le
droit d'emption prévu dans le contrat du 17 septembre 1997.

Par cette affirmation, au demeurant exacte (cf. art. 12, 216 al. 2 et 216b
al. 2 CO; Steinauer, Les droit réels, tome II, 3e éd. Berne 2002, no 1715
s.), les juges n'ont pas fait une énumération exhaustive des possibilités
offertes à la demanderesse de devenir propriétaire de l'immeuble en cause.
Ils ont seulement voulu dire qu'en l'absence de modification ou de cession du
droit d'emption par acte authentique, la demanderesse ne pouvait prétendre,
sur la base du pacte conclu le 17 septembre 1997, à pouvoir exercer seule le
droit d'emption. La demanderesse se méprend lorsqu'elle tire de ce
raisonnement que la cour cantonale aurait exclu la possibilité qu'un jugement
exécutoire puisse aussi conduire à son inscription au registre foncier en
tant que propriétaire ou qu'elle aurait nié l'existence du principe de
l'"accroissement" (Akkreszenz) posé dans l'ATF 92 II 147. Le grief, qui
procède d'une mauvaise compréhension du jugement entrepris, tombe donc
manifestement à faux.
Dans ces circonstances, aucun élément ne permet de conclure que la cour
cantonale aurait violé le droit fédéral en déboutant la demanderesse de ses
prétentions liées à l'exercice individuel du droit d'emption tel que prévu
par l'accord du 17 septembre 1997. Le recours doit par conséquent être rejeté
et le jugement attaqué confirmé.

7.
La demanderesse, qui succombe, sera condamnée aux frais (art. 156 al. 1 OJ)
et supportera les dépens de la défenderesse (art. 159 al. 1 OJ).

S'agissant de l'intervenante, le Tribunal fédéral, en vertu de l'art. 69 al.
2 in fine PCF, applicable par renvoi de l'art. 40 OJ, considère qu'il n'y a
en principe pas lieu d'allouer des dépens à l'intervenant qui a soutenu la
position de la partie ayant obtenu gain de cause, à moins que des motifs
particuliers d'équité ne l'imposent (ATF 109 II 144 consid. 4). Dès lors que
l'on ne discerne pas d'élément justifiant en l'occurrence une dérogation à la
règle générale, l'intervenante ne percevra aucun dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté et le jugement attaqué confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 15'000 fr. est mis à la charge de la demanderesse.

3.
La demanderesse versera une indemnité de 17'000 fr. à la défenderesse à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la IIe Chambre
civile de la Cour d'appel du canton de Berne.

Lausanne, le 11 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: