Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.202/2002
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4C.202/2002 /ech

Arrêt du 30 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz, Klett, Rottenberg
Liatowitsch et Favre,
greffière de Montmollin.

A. ________ Société Fiduciaire SA,
demanderesse et recourante, représentée par Me Bertrand Reich, avocat,
boulevard St-Georges 72, 1205 Genève,

contre

X.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Michel Bosshard, avocat, rue de
Candolle 16, 1205 Genève.

responsabilité aquilienne; personne morale; culpa in contrahendo

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 19 avril 2002)

Faits:

A.
A. ________ Société Fiduciaire SA (ci-après: A.________) assumait la gestion
d'environ 500 sociétés, parmi lesquelles des sociétés belges, anglaises,
espagnoles et panaméennes dont l'ayant droit économique était Z.________,
promoteur immobilier belge. Y.________, administrateur et président du
conseil d'administration de A.________, simultanément l'un de ses principaux
actionnaires, travaillait pratiquement à plein temps pour ce promoteur et ses
sociétés. Le 6 mai 1987, X.________, retraité néerlandais, a acquis de l'une
d'elles, C.________ Ltd (ci-après: C.________ ), dont Y.________ était
administrateur-président, la nue-propriété d'un bungalow en Espagne ainsi que
divers droits réels et personnels contre paiement de 159 800 florins
hollandais (ci-après: NLG), versés en trois fois sur le compte de C.________
auprès de D.________ Genève. Devant la carence de son cocontractant,
X.________ a demandé à "retirer le capital investi", ce qui a donné lieu à
une multitude de démarches aboutissant le 30 novembre 1992 à la signature
d'une convention destinée à le dédommager. Cet accord portait sur la vente
d'un immeuble payé par compensation avec le montant encaissé dans le cadre de
la promotion C.________ , immeuble que la société vendeuse devait ensuite
aliéner pour le compte de X.________. L'acte de vente a été finalement passé
le 10 septembre 1993, pour le prix de 490 000 Pts déjà payé. X.________ ne
s'est cependant vu proposer aucun acquéreur, la seule offre reçue étant une
location qu'il a refusée.

Y. ________ a quitté sa fonction d'administrateur de A.________ au début
décembre 1991; la radiation de ses pouvoirs a été publiée dans la FOSC du 18
décembre 1991. Il a continué à travailler encore plusieurs années pour
Z.________ dans des locaux sous-loués à A.________. C.________, devenue
B.________ Ltd (ci-après: B.________), a été liquidée et radiée. Z.________ a
été assassiné en Espagne en décembre 1998. Le détail de l'état de fait
susmentionné, connu des parties, ressort de l'arrêt rendu entre elles par le
Tribunal de céans le 30 mai 2001 (4C.6/2001, p. 2 à 6).

B.
S'estimant lésé par la transaction des 30 novembre 1992-10 septembre 1993,
X.________ a introduit des poursuites contre A.________, qui a ouvert action
à son endroit pour faire constater qu'elle n'était pas sa débitrice (art. 85a
LP). Reconventionnellement, X.________ a conclu au paiement par A.________ de
558 480 NLG, avec intérêts à 6% dès le 1er janvier 1998, montant porté en
cours d'instance à 564 480 NLG avec intérêts, sous imputation de 30 411 fr.
(valeur moyenne du bungalow acquis en 1992-1993). Par jugement du 6 septembre
1999, le Tribunal de première instance de Genève a condamné A.________ à
payer à X.________ 159 800 NLG, plus intérêts, sous imputation de 43 796 NLG,
ce dernier montant représentant la valeur du second bungalow, acquis suite au
contrat des 30 novembre 1992-10 septembre 1993. Sur appel de A.________, et
appel incident de X.________, la Cour de justice a annulé le jugement de
première instance par arrêt du 10 novembre 2000. Elle a estimé que le rapport
de causalité adéquate entre l'acte illicite susceptible d'être reproché à
A.________ dans le cadre du premier contrat litigieux, de mai 1987, et le
dommage allégué avait été rompu par le comportement dolosif de Z.________,
"et, vraisemblablement, (de) W.________ ainsi que (de) Y.________", lors de
la signature de la convention du 30 novembre 1992, qui reléguait à
l'arrière-plan les agissements antérieurs susceptibles d'être reprochés à
A.________.

C.
X.________ a recouru en réforme au Tribunal fédéral en concluant au paiement,
par A.________, de 370 480 NLG, avec intérêts.

Statuant le 30 mai 2001, le tribunal de céans a renvoyé la cause à la cour
cantonale pour examiner le caractère illicite et fautif des actes reprochés à
A.________ en 1987 ainsi que la portée de la convention du 30 novembre 1992
sur la dette de A.________. Dans l'hypothèse d'une responsabilité de cette
dernière, la cour devait procéder au calcul du préjudice subi par X.________.

D.
Par arrêt du 19 avril 2002, la Cour de justice a condamné A.________ à payer
à X.________ la somme de 278 013 fr. (contre-valeur de 370 684 NLG), portant
intérêts à 5% dès le 8 janvier 1998; elle a prononcé la mainlevée définitive
de l'opposition formée par A.________ au commandement de payer correspondant.

En substance, la cour cantonale a retenu un cas de "Doppelorganschaft",
jugeant que les faits produits entre mars 1987 et le 10 septembre 1993
constituaient un dol intentionnel de la part de Y.________, et engageaient la
responsabilité de A.________ dans le cadre de l'exécution du mandat de
gestion que cette dernière lui avait confié pour l'administration de
C.________/B.________ . Sans la tromperie dont il avait été victime,
X.________ aurait pu placer son capital de 159 800 NLG à 14%, affirmation non
contredite par A.________, de sorte que son dommage ascendait à 414 480 NLG,
sous déduction des 43 796 NLG représentant la valeur du second bungalow,
acquis suite au contrat du 30 novembre 1992-10 septembre 1993, selon
l'estimation d'un expert privé espagnol, ingénieur de formation. Le montant
du dommage était en définitive de 370 684 NLG, avec intérêts à 5% dès le 8
janvier 1998. Le rapport de causalité naturelle et adéquate entre l'acte
illicite de 1987 et le dommage était établi et non interrompu. Aucune faute
concomitante ne pouvait être imputée à X.________, qui avait, à l'époque, été
dissuadé de faire des vérifications au vu de la publicité efficace et
richement illustrée; de même A.________ ne pouvait faire grief à X.________
d'avoir refusé l'offre de louer le second bungalow, proposition non établie
et de plus susceptible de faire obstacle à la vente dudit immeuble. Par
surabondance de motifs, la cour a retenu que Y.________ et A.________
s'étaient aussi rendus coupables de culpa in contrahendo envers X.________,
lui causant de ce fait un dommage d'un montant identique.

E.
A. ________ recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle sollicite
principalement l'annulation de l'arrêt du 19 avril 2002 et le rejet de toutes
les conclusions du défendeur, subsidiairement le renvoi de la cause à la cour
cantonale. Elle reproche à cette dernière de n'avoir pas examiné la portée de
la convention du 30 novembre 1992, dans laquelle elle voit une novation,
respectivement une remise conventionnelle de dette de la part de X.________.
De plus, comme Y.________ n'agissait pas en qualité d'organe de A.________
lorsqu'il intervenait au sein et pour le compte de C.________ , la Cour de
justice n'aurait pas dû retenir une situation de "Doppelorganschaft". La
demanderesse fait encore valoir que Y.________ n'a participé à aucune
discussion précontractuelle; la culpa in contrahendo ne saurait donc être
établie. La société recourante ajoute que ce dernier n'a commis aucun acte
illicite, qu'il n'est pas intervenu comme son organe et conteste que le
défendeur ait subi un quelconque dommage, en raison de la convention du 30
novembre 1992, de sorte que toute responsabilité fondée sur les articles 55
CC, 55 CO et 718 aCO serait exclue. Enfin, le défendeur aurait commis une
faute concomitante en ne louant pas le second bungalow, pour réduire le
dommage allégué.

X. ________ conclut à la confirmation de l'arrêt entrepris, au déboutement de
A.________ de toutes ses conclusions et à l'octroi de l'assistance
judiciaire.

La cour cantonale se réfère à sa décision.

F.
Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a écarté le recours de droit public
interjeté par A.________ contre le prononcé de la Cour de justice.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, mais
il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).

2.
En premier lieu, la demanderesse invoque deux inadvertances manifestes qui
entacheraient l'état de fait de la décision attaquée. Ces inadvertances
manifestes concernent l'estimation de l'immeuble dont le défendeur est devenu
propriétaire en 1993, ainsi que les constatations de la cour cantonale à
propos de l'attitude de Y.________, qui n'aurait jamais rencontré le
défendeur ou été en contact avec celui-ci, qui aurait été convaincu de
l'avenir du projet du C.________ et qui n'aurait pas eu la moindre intention
de dissimulation à l'égard du retraité néerlandais.

2.1 En instance de réforme, le Tribunal fédéral est en principe lié par les
constatations de fait de l'autorité cantonale (art. 63 al. 2 OJ),
l'appréciation des preuves par celle-ci ne pouvant être revue par le Tribunal
fédéral (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78
consid. 3a et les arrêts cités). Cette règle souffre cependant certaines
exceptions, notamment en cas d'inadvertance manifeste. Selon la
jurisprudence, cette hypothèse est réalisée lorsque l'autorité cantonale a
omis de prendre en considération une pièce déterminée, versée au dossier, ou
l'a mal lue, s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en particulier de
son vrai sens littéral (ATF 115 II 399 consid. 2a; 109 II 159 consid. 2b).
Tel est le cas lorsque l'examen d'une pièce du dossier, qui n'a pas été prise
en considération, révèle une erreur évidente dans les constatations de fait.
L'absence de mention d'une pièce dans le cadre de l'appréciation des preuves
ne signifie pas encore qu'il y ait inadvertance, qui plus est inadvertance
manifeste: il faut que ladite pièce n'ait pas été examinée, même
implicitement, en d'autres termes que le juge n'en ait pas pris connaissance
ou l'ait purement et simplement laissée de côté.

L'autorité cantonale s'écarte, par mégarde, de la teneur exacte d'une pièce,
par exemple, lorsqu'elle commet une erreur de lecture, ou lorsqu'elle ne
remarque pas l'existence d'une faute d'écriture ou lorsqu'elle ne prend pas
en considération la relation évidente existant entre différentes pièces du
dossier. Cependant, l'inadvertance manifeste ne saurait être confondue avec
l'appréciation des preuves. Dès l'instant où une constatation de fait repose
sur l'appréciation, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensemble de preuves
ou d'indices, une inadvertance est exclue (Poudret, COJ II, n. 5.4 ad art. 63
OJ). Il ne peut en effet être remédié à une mauvaise appréciation des preuves
par la voie prévue à l'art. 55 al. 1 let. d OJ (ATF 96 I 193 consid. 2;
Poudret, op. cit., n. 1.6.3 ad art. 55 OJ).

Au demeurant, le moyen tiré de l'inadvertance manifeste n'est recevable que
si l'acte de recours contient l'indication exacte de la constatation attaquée
et la pièce du dossier qui la contredit (art. 55 al. 1 let. d OJ; ATF 110 II
494 consid. 4 et les arrêts cités).

2.2 Dans le cas particulier, concernant l'estimation de la seconde villa, la
demanderesse n'indique pas quelle pièce du dossier aurait été mal lue ou mal
saisie par la cour cantonale, qui se serait par hypothèse écartée de sa
teneur exacte. Sous couvert du grief d'inadvertance manifeste, elle s'en
prend en réalité à l'appréciation des preuves par la cour cantonale. La
demanderesse reprend ainsi toute l'argumentation qu'elle a développée dans
son recours de droit public, notamment à propos de la force probante de
l'expertise privée et reproche à la cour cantonale d'avoir ignoré les art.
126 al. 2 et 222 de la loi de
procédure civile genevoise (ci-après: CPC/GE), ainsi que d'avoir méconnu les
faits de la cause. Pareille remise en question de l'appréciation des preuves
opérée en instance cantonale est inadmissible dans le cadre du présent
recours en réforme.

Il en va de même pour l'examen du comportement ou de l'attitude de Y.________
à l'égard du défendeur, que ce soit en ce qui concerne une éventuelle
rencontre entre les deux, la conviction de l'administrateur président du
C.________ ou l'intention de celui-ci. La demanderesse reprend la déposition
de Y.________ devant le Tribunal de première instance, alors que la Cour de
justice l'a écartée au bénéfice d'autres éléments du dossier démontrant que
sa conviction quant à l'avenir du projet était fausse, et qu'il avait
connaissance de faits révélant l'impossibilité d'ouvrir l'exploitation du
club de vacances le 1er janvier 1988 et, par conséquent, de rentabiliser à
10% l'investissement de l'acheteur dès cette date. Le reproche articulé par
la cour cantonale à l'encontre de Y.________ consiste dans le fait d'avoir
obtenu l'accord du défendeur en sachant que le contrat ne pourrait être
exécuté par le C.________ . Dans ce contexte, la phrase critiquée:
"Y.________ s'est tu à dessein", ne signifie pas que les deux protagonistes
se seraient rencontrés et auraient eu des échanges de vive voix,
contrairement à ce que Y.________ affirme dans sa déposition, mais que ce
dernier aurait dû porter, d'une quelconque manière, à la connaissance du
défendeur que le contrat ne pourrait être exécuté par C.________ , en raison
du défaut de permis de construire et de crédit de construction.

La cour cantonale n'a pas ignoré par mégarde ou mal lu la déposition de
Y.________, mais a estimé, au vu de l'ensemble des circonstances, soit
notamment de la publicité faite par C.________ , de la position de Y.________
comme administrateur-président et de la maîtrise du dossier qu'il avait comme
conseiller de l'ayant droit économique de C.________ , que
l'administrateur-président ne devait pas laisser le cocontractant de cette
société dans l'idée fausse que le contrat serait exécuté alors qu'il savait
qu'il n'en serait rien. Dans cette acception, il a "tu" un ensemble
d'éléments au défendeur, ce qu'a retenu la cour cantonale à l'issue d'une
appréciation des preuves qui inclut la prise en considération de la
déposition de Y.________. Ici également, aucune inadvertance manifeste au
sens de l'art. 63 al. 2 OJ ne peut être discernée.

Le moyen doit en conséquence être écarté.

3.
Selon l'art. 718 al. 3 aCO, en vigueur jusqu'au 30 juin 1992, dont la teneur
est pratiquement identique à l'actuel art. 722 CO, la société répond des
actes illicites commis dans la gestion de ses affaires par une personne
autorisée à la gérer ou à la représenter. Il s'agit là d'un cas d'application
de l'art. 55 al. 2 CC. Cela concerne notamment les organes au sens formel -
en l'espèce un administrateur - dont il suffit que l'acte entre, par un
rapport fonctionnel, dans le cadre général de leurs attributions. La personne
morale ne répond donc pas de l'acte commis par un organe à titre privé, même
s'il a eu lieu à l'occasion de la gestion des affaires sociales. En revanche,
il importe peu que l'organe ait agi dans son intérêt personnel et non dans
celui de la société. Pour admettre une telle responsabilité de la personne
morale, les autres conditions habituelles de la responsabilité délictuelle
doivent être réalisées (ATF 121 III 176 consid. 4a et les références, p.
179/180).

Aussi convient-il d'abord d'examiner si l'administrateur Y.________ a
accompli un acte illicite envers le défendeur et si ce fait peut être imputé
à la demanderesse (ATF 121 III 176 consid. 4b p. 182 et les références).

3.1 Selon la théorie objective de l'illicéité suivie par la jurisprudence du
Tribunal fédéral et la doctrine dominante (ATF 115 II 15 consid. 3a et les
références), un comportement causant un préjudice est illicite s'il lèse un
droit absolu du lésé. Quant à l'acte qui porte atteinte à des droits purement
patrimoniaux, il n'est illicite qu'à la condition que la norme violée ait
pour but de prévenir de telles atteintes, en d'autres termes s'il existe une
obligation juridique d'agir (ATF 126 III 113 consid. 2a/aa in initio et les
arrêts cités, p. 114/115). Lorsqu'aucun droit absolu n'est en cause, mais
qu'il s'agit d'un dommage strictement économique, l'illicéité ne peut
résulter que de la violation d'une norme protégeant le lésé contre un dommage
du genre de celui qui est survenu, la création d'un état de choses dangereux
ne suffisant pas (ATF 124 III 297 consid. 5b in fine et les références, p.
301).

La cour cantonale a retenu que Y.________ avait eu une attitude dolosive. Le
dol, au sens de l'art. 28 CO, constitue manifestement un acte illicite (ATF
108 II 419 consid. 5 et les auteurs cités p. 421). Il s'agit d'une tromperie
intentionnelle de la victime par l'auteur. Il peut être commis aussi bien par
une affirmation inexacte que par le silence relatif à un fait que l'auteur
avait le devoir de révéler. Agi notamment par dol celui qui se tait sur des
faits que la loyauté en affaires exigeait qu'il indiquât à l'autre partie
lors de pourparlers précédant la conclusion du contrat, ou de manière
générale lorsque l'auteur dissimule des faits, alors qu'il avait l'obligation
juridique de renseigner (ATF 117 II 218 consid. 6a et l'arrêt cité p. 228).

3.2 Concernant l'obligation de renseigner, elle peut découler de la loi, du
contrat ou de la bonne foi (ATF 117 II 218 consid. 6a p. 228; ATF 116 II 431
consid. 3a). Dans le cadre de pourparlers contractuels, il existe un rapport
de confiance qui oblige les parties à se renseigner l'une l'autre de bonne
foi, dans une certaine mesure, sur les faits qui sont de nature à influer la
décision de l'autre partie de conclure le contrat ou de le conclure à
certaines conditions (ATF 106 II 346 consid. 4a p. 351; 105 II 75 consid. 2a
p. 80). L'étendue du droit d'information des parties ne peut être déterminée
de façon générale, mais dépend des circonstances du cas particulier,
notamment de la nature du contrat, de la manière dont les pourparlers se sont
déroulés, de même que des intentions et des connaissances des participants
(ATF 116 II 431 consid. 3a p. 434; ATF 105 II 75 consid. 2a p. 80).

Ainsi, entre les futures parties au contrat, les règles de la bonne foi
commandent la conduite des pourparlers, dont l'ouverture crée déjà une
relation juridique entre les interlocuteurs et leur imposent des devoirs
réciproques. Au nombre de ceux-ci figurent l'obligation de négocier
sérieusement, conformément à ses véritables intentions, et celle de fournir
des renseignements à l'autre partie, propres à influer sa décision de
conclure, le cas échéant à des conditions déterminées (ATF 121 III 350
consid. 6c p. 354; 105 II 75 consid. 2a p. 80). La violation des règles de la
bonne foi, à ce stade, constitue une culpa in contrahendo et entraîne la
responsabilité précontractuelle de son auteur.

Enfin, l'établissement des circonstances dans lesquelles se sont déroulés les
pourparlers, respectivement la conclusion du contrat, et la détermination de
la volonté des parties relèvent du fait; elles lient donc le Tribunal fédéral
en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ; ATF 126 II 171 consid. 4c/bb p.
182; 123 III 165 consid. 3a et les arrêts cités).

3.3 En l'espèce, la cour cantonale a établi, au terme d'une appréciation des
preuves jugée non arbitraire par le tribunal de céans, que Y.________ avait
eu connaissance, par la presse française en 1985, puis par la presse
espagnole en janvier 1987, des déboires des investisseurs floués par les
projets de Z.________, étant précisé que ce dernier avait cessé d'acquitter
les honoraires dus à A.________ pour la gestion de ses sociétés. Comme
administrateur-président de C.________ , devenue par la suite B.________,
sociétés anglaises, et plus généralement en sa qualité de conseiller
financier, juridique et fiscal chargé d'étudier les projets immobiliers, et
destinataire de toute la correspondance, Y.________ savait que le club de
vacances, et le bâtiment dont le défendeur voulait se porter acquéreur,
n'existaient qu'à l'état de plans et qu'ils ne seraient jamais réalisés,
habitables et exploitables au 1er janvier 1988, avec le rendement annuel
garanti de 10%, dès cette date. En effet, au cours de l'année 1987 - pas
davantage que par la suite - aucun crédit de construction n'avait été octroyé
à la société dont il était l'administrateur-président, et aucune autorisation
de construire n'avait été délivrée. Malgré cela, Y.________ a laissé le
défendeur dans l'idée qu'il s'était forgé en consultant la publicité faite
pour le C.________ , et en se rendant à une séance d'information en avril
1987, selon laquelle le projet était en train de se réaliser, pour l'échéance
indiquée du 1er janvier 1988. Même si, comme il le prétend, Y.________ a
considéré que les difficultés rencontrées n'étaient qu'un retard dans la
réalisation du projet, ce qui est douteux au vu de l'absence de permis de
bâtir et de crédits de construction, il aurait dû au moins informer les
cocontractants éventuels d'un retard si important que le projet ne pourrait
être matérialisé pour la date prévue, élément déterminant en raison du
rendement promis - et attendu par les acquéreurs - du capital investi. En
effet, l'opération envisagée ne se limitait pas au seul achat d'une résidence
secondaire de vacances, mais incluait la participation à une entreprise, présentée comme active et rémunératrice, dès le 1er janvier 1988. Or,
X.________ n'a consenti la signature du contrat de vente, du 6 mai 1987, que
dans la perspective de la rentabilité promise, et n'aurait pas été d'accord
d'attendre davantage, cet investissement représentant une partie de son avoir
de retraite. En raison des espérances suscitées par la publicité très
efficace de C.________ , des qualités promises dans cette dernière, et par la
connaissance certaine qu'il avait de l'impossibilité pour C.________ de tenir
ses engagements, Y.________ devait sans conteste informer X.________. En
négligeant de le faire, il a commis une culpa in contrahendo d'une part, et,
par la signature du contrat de vente des 5 et 6 mai 1987, un dol au sens de
l'art. 28 CO, d'autre part. Dans les deux cas, lui-même et la société dont il
est l'organe engagent respectivement leur responsabilité précontractuelle et
contractuelle. Ainsi, C.________/B.________ doit répondre du comportement
dolosif de Y.________.

La question se pose dès lors de savoir si un tiers peut aussi être tenu pour
responsable de cette attitude et de ces faits.

4.
La Cour de justice a admis que la demanderesse, A.________, pouvait se voir
imputer la culpa in contrahendo et le dol de Y.________.

4.1 A partir, et à côté de la jurisprudence relative à la responsabilité
précontractuelle, le Tribunal fédéral a développé la responsabilité fondée
sur la confiance, qui apparaît comme une troisième voie entre la
responsabilité contractuelle et la responsabilité aquilienne (Hans-Peter
Walter, La responsabilité fondée sur la confiance dans la jurisprudence du
Tribunal fédéral, in: La responsabilité fondée sur la confiance, Zurich 2001,
p. 151 et 158).

Cette forme de responsabilité a particulièrement été mise en évidence dans le
contexte des groupes de sociétés. La confiance éveillée chez un partenaire
contractuel par la société mère d'un groupe d'entreprises peut, suivant les
circonstances, entraîner une responsabilité de la première, même si les
conditions d'une responsabilité contractuelle ou délictuelle ne sont pas
remplies. Une telle responsabilité fondée sur la confiance n'entre toutefois
en considération que dans des circonstances strictes (Walter, op. cit., p.
158). En principe, le partenaire contractuel d'une société filiale d'un
groupe d'entreprises doit apprécier lui-même le degré de confiance qu'elle
mérite et ne peut pas simplement mettre le risque qu'il court à la charge de
la société mère. Cette dernière ne garantit pas sans limites le succès de la
société filiale et ne répond pas sans autre forme du dommage que le
partenaire contractuel peut avoir subi en cas d'insuccès. Ne mérite pas de
protection celui qui est victime de sa propre imprudence ou de la réalisation
des risques inhérents aux affaires commerciales. Il n'y a de responsabilité
que si une confiance justifiée a été abusivement trompée, notamment si la
société mère a éveillé chez le partenaire contractuel certains espoirs quant
au comportement et à la responsabilité du groupe, et si ces espoirs ont été
par la suite déçus d'une manière déloyale (ATF 124 III 297 consid. 6a et les
références, p. 303/304; 123 III 220 consid. 4e p. 231).

De façon plus générale, la responsabilité fondée sur la confiance ainsi
définie et délimitée vaut pour le comportement de tout tiers, c'est-à-dire de
toute personne qui se trouve indirectement mêlée à un contrat vicié (Walter,
op. cit., p. 153/154). La responsabilité fondée sur la confiance postule un
élargissement de la notion d'actes illicites au sens de l'art. 41 CO, tendant
à étendre le champ d'application de cette règle pour ne pas exclure par
principe la réparation du dommage économique (Franz Werro, La responsabilité
fondée sur la confiance: quelques variations sur un thème commun ou les
leçons du droit comparé, in: La responsabilité fondée sur la confiance,
Zurich 2001, p. 113). Concernant plus particulièrement la responsabilité de
l'auteur d'une fausse information, la victime doit avoir été en droit de se
fier à l'information reçue. Le droit à la réparation du dommage consécutif à
cette dernière dépend notamment du lien qui existe entre le destinataire de
l'information et son auteur; il faut en déterminer l'intensité et se fonder
par exemple sur le fait que l'auteur de l'information savait ou pouvait
savoir que celui à qui il la destinait allait la recevoir et en faire usage.
Doit aussi être pris en considération le fait que l'auteur de l'information
ait, de manière expresse ou tacite, par des affirmations ou des silences,
incité la victime à faire confiance à ce dernier, soit la protection de la
confiance raisonnable, et non pas celle de la crédulité naïve (Werro, op.
cit., p. 114; Walter, op. cit., p. 159). Pour entraîner des conséquences
juridiques, la confiance déçue doit être liée à la violation de devoirs de
comportement ou de protection, qui existent dans les phases de négociation,
d'exécution et de liquidation des contrats, soit en présence d'un "rapport de
protection uniforme" (Walter, op. cit., p. 160).

4.2 En l'espèce, il est sans importance que la demanderesse et les sociétés
dont Z.________ était l'ayant droit économique n'aient pas constitué
formellement un groupe de sociétés, reconnaissable d'emblée par tous les
cocontractants éventuels des sociétés appartenant économiquement au promoteur
belge. Il est par contre décisif que les liens entre ces diverses entités
apparaissent au cours des pourparlers et lors de la conclusion des contrats.

Il ressort des faits souverainement établis par la cour cantonale que la
demanderesse avait une certaine maîtrise de l'activité des sociétés que ses
organes ou ses cadres (directeurs ou fondés de pouvoirs) administraient pour
le compte de ses clients, ayants droit économiques desdites sociétés. Plus
concrètement, les organes et cadres de la demanderesse disposaient des
signatures sociales et bancaires de ces sociétés, à l'exclusion de leurs
ayants droit économiques, qui devenaient néanmoins codébiteurs solidaires de
celles-ci pour le paiement des honoraires que la demanderesse leur facturait
pour ses prestations.

Ce système s'appliquait aux sociétés belges, panaméennes, espagnoles et
anglaises, à savoir C.________ Ltd, devenue B.________ Ltd , dont Z.________
était l'ayant droit économique. Les entités appartenant à ce dernier ne
disposaient, dans leur pays d'incorporation, que d'un siège fictif consistant
en une domiciliation, à partir de laquelle la correspondance était renvoyée à
la demanderesse qui accomplissait tous les actes de gestion et de traitement
bancaire les concernant, par le biais des membres de sa direction institués
administrateurs de celles-là, étant précisé que si chaque société était
administrée par deux membres de la demanderesse, seul l'un deux suivait
effectivement le dossier. Ainsi, Y.________, fondateur de la demanderesse,
l'un de ses administrateurs et président du conseil d'administration,
actionnaire important de cette entreprise, était l'homme de confiance de
Z.________, et travaillait presqu'à plein temps pour ce dernier et ses
sociétés, avec l'assistance occasionnelle d'autres organes ou employés
supérieurs de la fiduciaire. Les sociétés de Z.________ n'avaient aucune
consistance, en dehors de celle que lui conférait l'activité de Y.________.
Tel était le cas de C.________ à la tête de laquelle la demanderesse avait
désigné Y.________ comme administrateur-président et un autre de ses
administrateurs comme vice-président; deux fondés de procuration, puis
directeurs, de la fiduciaire ont également occupé les fonctions
d'administrateur, respectivement secrétaire de C.________ .

Par le biais de Y.________, essentiellement, la demanderesse s'occupait de la
structure juridique des projets immobiliers, préparait les plans financiers
pour les crédits de construction, avec l'aide d'un architecte genevois et
d'architectes espagnols, donnait des conseils comptables et fiscaux,
rédigeait des contrats de vente et de garantie, tenait la comptabilité de la
société, établissait ses bilans et comptes de pertes et profits, effectuait
enfin diverses opérations bancaires. La promotion du complexe immobilier et
la recherche d'acheteurs incombaient à Z.________ et à ses collaborateurs
belges, mais la publicité diffusée mettait en évidence le contrôle de
C.________ par un bureau suisse de comptables, membre de la Chambre suisse
d'experts-comptables, et mentionnait l'adresse à Genève du centre
administratif de C.________ , ainsi que le nom de ses administrateurs
suisses. Dès 1988, lorsque C.________ est devenue B.________, la désignation
de "A.________ Société Fiduciaire" à Genève est apparue sur le papier à
lettres de B.________, à côté de la mention du président, Y.________.

Si la demanderesse et les sociétés de Z.________ ne constituaient pas
formellement un groupe de sociétés, leur imbrication organique et
l'importance considérable de l'assistance fournie par la fiduciaire genevoise
à chacune de ces sociétés, dont C.________ , démontrent l'influence que
celle-là exerçait. Certes, jusqu'en 1988, les cocontractants éventuels ne
pouvaient, à la seule lecture de la publicité faite par C.________ ,
assimiler le "bureau suisse de comptables" et le centre administratif de
C.________ à Genève à la demanderesse. Toutefois, la seule lecture des
mentions consacrées par le Registre du commerce de Genève à Y.________ et aux
autres organes de C.________ cités dans sa publicité permettait de savoir
qu'ils étaient organes ou employés dirigeants de A.________, dont l'adresse
était la même que celle de C.________ . De plus, ces deux références
éveillaient l'idée de sérieux et de fiabilité des projets de la société
anglaise animée par le promoteur belge, mais présidée par
l'administrateur-président suisse. Ainsi, même en l'absence d'un groupe de
sociétés au sens strict, la demanderesse, qui a délégué son administrateur
comme administrateur-président de C.________ , doit répondre des actes
illicites ou contraires à la bonne foi en affaires commis par ce dernier dans
l'exercice de ses attributions d'administrateur de chacune des deux sociétés.
En particulier, la demanderesse doit répondre de la confiance suscitée par
l'importance de ses prestations en faveur de C.________ , qui eût été
incapable d'attirer d'éventuels clients pour son projet immobilier, sans
bénéficier des prestations administratives de la fiduciaire qui donnaient une
consistance au système mis sur pied. La recherche des clients eût été vaine
sans la présence d'administrateurs suisses et le contrôle de la société
anglaise par le bureau suisse de comptables, membre de la Chambre suisse
d'experts-comptables, toutes circonstances de nature à dissuader les
acquéreurs éventuels de bien-fonds de procéder à davantage d'investigations
avant de se déterminer à conclure. Les conditions de la responsabilité pour
la confiance créée par l'administrateur de la demanderesse dans le cadre de
ses doubles fonctions (Walter, op. cit., p. 153, 154 et 159) sont réalisées.
La demanderesse doit donc répondre du dol, respectivement de la culpa in
contrahendo de Y.________, pour le dommage subi par le défendeur, et dont la
cour cantonale a souverainement fixé le montant (ATF 123 III 241 consid. 3a
p. 243 et les références; pour la notion de dommage, cf. ATF 128 III 22
consid. 2 e/aa et les arrêts cités, p. 26).

5.
La cour cantonale a admis, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral en
instance de réforme, la causalité naturelle entre le comportement de
Y.________, imputable à la demanderesse, et le dommage subi en 1987 par le
défendeur. Dans l'arrêt rendu entre les mêmes parties par le tribunal de
céans, ce dernier a également retenu une relation de causalité adéquate, les
faits reprochés étant à l'évidence propres, d'après le cours ordinaire des
choses et l'expérience de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui
qui s'est produit (arrêt du 30 mai 2001 consid. 2a et 2b).

De plus, le Tribunal fédéral a jugé que la conclusion du contrat du 30
novembre 1992 - 10 septembre 1993 n'était pas de nature à porter atteinte au
rapport de causalité adéquate mentionné ci-dessus. La convention du 30
novembre 1992 ne constituait pas un acte dommageable, susceptible
d'interrompre la relation de causalité adéquate, mais elle était en réalité
un arrangement, un compromis ou une transaction, destiné à supprimer le
dommage subi antérieurement, mais qui s'est finalement révélé impropre à
produire ce résultat bénéfique (arrêt du 30 mai 2001 consid. 2c, p. 13).
Aussi, la cour cantonale était-elle invitée à examiner la portée de cette
convention - et de son éventuelle inexécution ou mauvaise exécution - sur la
dette de la demanderesse pouvant résulter des actes illicites qui lui sont
reprochés, et le cas échéant procéder au calcul du préjudice subi par le
défendeur.

Faisant grief à la Cour de justice de n'avoir pas procédé à l'analyse du
contrat du 30 novembre 1992 et d'avoir méconnu à ce sujet l'injonction du
Tribunal fédéral, la demanderesse estime que le défendeur prétend,
contrairement à la bonne foi, ne pas être tenu par cette convention qui
constitue une novation au sens de l'art. 116 CO, voire une remise de dette
selon l'art. 115 CO, mettant fin à toutes ses prétentions contre elle.

5.1 Dans le cas présent, E.________ SA, agissant par B.________ , soit pour
elle Z.________, a vendu le 30 novembre 1992 un immeuble comportant un
bungalow en Espagne au défendeur, pour le prix de 159 800 NLG, payés par
compensation avec le montant encaissé par C.________/B.________ en 1987.
Selon l'art. 6 de cette convention, les parties entendaient annuler avec
effet immédiat le contrat du 6 mai 1987, demeuré inexécuté, et renoncer à
toute réclamation l'une contre l'autre du chef de ce contrat annulé. Le
défendeur donnait le même jour procuration à E.________ SA de vendre ce
bien-fonds pour le prix de 175 000 NLG, mandat valable jusqu'au 30 juillet
1993, qui n'a pas été exécuté.

En réalité, l'acte notarié prévu n'a été passé que le 10 septembre 1993 et
E.________ SA n'a proposé que le 14 mai 1996 un locataire, qui offrait de
payer un loyer mensuel de 14 500 fr. belges, sous déduction de 10% de
commission en faveur de E.________ SA, modalité que le défendeur a refusée.

Si le contrat du 30 novembre 1992 peut être qualifié de novation subjective
ou personnelle par changement de débiteur (Engel, Traité des obligations en
droit suisse, 2e éd., p. 769), ayant également des effets réels dans la
mesure où le contenu de l'obligation est modifié et remplacé par un nouveau
(Gauch/Aepli, Commentaire zurichois, n. 21 à 23 ad art. 116 CO), cette
situation n'a aucune incidence sur la responsabilité délictuelle, ou fondée
sur la confiance créée, de la demanderesse et de ses organes. Aussi n'est-il
pas nécessaire de revenir sur la qualification donnée par le Tribunal fédéral
dans sa décision du 30 mai 2001 (consid. 2c), la cour cantonale ayant eu
raison de ne pas reprendre l'examen de l'intégralité des rapports
contractuels entre le défendeur et respectivement C.________/B.________ ,
puis E.________ SA, agissant par Z.________, et de juger la cause dans les
limites de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral concernant "la portée de la
convention du 30 novembre 1992 (...) sur la dette de la demanderesse pouvant
résulter des actes illicites qui lui sont reprochés".

5.2 Au demeurant, la demanderesse ne saurait accuser le défendeur d'avoir agi
de mauvaise foi, dans la mesure où ce dernier a porté en déduction de sa
créance la valeur du second bungalow, souverainement estimée par la cour
cantonale au sens de l'art. 63 al. 2 OJ. En cela, le défendeur a démontré
qu'il entendait faire profiter la demanderesse de l'effet extinctif partiel
de la convention du 30 novembre 1992, sa volonté, comme créancier (ATF 126
III 375 consid. 2f p. 381 et les références), étant déterminée par la valeur
objective du bien-fonds reçu de son nouveau débiteur, et non pas par le prix
indiqué dans l'acte de vente, largement inférieur.

5.3 L'arrêt de la Cour de justice ne viole donc pas le droit fédéral, en ne
confondant pas la responsabilité délictuelle ou fondée sur la confiance de la
demanderesse avec la responsabilité contractuelle des deux sociétés de
Z.________ ayant traité successivement avec le défendeur, et en imputant sur
le montant du dommage la valeur du second bungalow, qu'elle a estimée au
terme d'une appréciation non arbitraire des preuves, liant le Tribunal
fédéral en instance de réforme.

6.
6.1 Aux termes de l'art. 44 al. 1 CO, le juge peut réduire les
dommages-intérêts ou même n'en point allouer, notamment lorsque des faits
dont la partie lésée est responsable ont contribué à créer le dommage, à
l'augmenter ou qu'ils ont aggravé la situation du débiteur. Cette disposition
laisse au juge un large pouvoir d'appréciation (ATF 127 III 453 consid. 8c et
l'arrêt cité, p. 459).

6.2 La demanderesse allègue en vain qu'il n'aurait pas été excessif
d'attendre du défendeur qu'il sollicite des documents prouvant l'existence
des immeubles, tels que des photos. La cour cantonale n'a pas abusé de son
pouvoir d'appréciation, au point de violer le droit fédéral en retenant que
l'on ne pouvait imposer au défendeur d'aller vérifier sur place, en Espagne,
l'avancement du projet vanté par une publicité richement illustrée et
détaillée, et remise avec des explications à l'occasion d'une séance
d'information tenue dans un grand hôtel de Bruxelles. A juste titre la Cour
de justice a considéré que tous ces éléments convergents avaient eu pour
effet de convaincre l'intéressé, et non pas de susciter en lui le doute quant
à la réalité et à l'avancement du projet.

De même, il ne peut être reproché au défendeur d'avoir refusé l'offre faite
par Imes SA (dont la réalité a d'ailleurs été qualifiée de douteuse par la
cour cantonale), de louer le second bungalow pour une somme d'environ 570 fr.
par mois, dans la mesure où celle-ci paraissait irréaliste au vu de la valeur
de la propriété à louer, soit 43 796 NLG, équivalant à environ 30 411 fr. Le
défendeur pouvait tenir cette offre pour illusoire, en raison de l'importance
du loyer annuel, de l'ordre de 6840 fr., par rapport à la valeur de ce
bien-fonds. En outre, le défendeur, désireux de rentrer dans ses fonds,
pouvait raisonnablement considérer que la mise en location était de nature à
contrecarrer, ou à retarder la perspective d'une revente de son bungalow.

La cour cantonale a fait un usage correct de son pouvoir d'appréciation en
retenant qu'aucune faute concomitante ne pouvait être mise à la charge du
défendeur, sous l'angle de l'art. 44 CO et de son obligation de réduire le
dommage. Ce moyen de la demanderesse est également mal fondé.

7.
Il s'ensuit que le recours en réforme doit être rejeté dans son ensemble, les
frais et dépens étant mis à la charge de la demanderesse qui succombe. Pour
les motifs déjà exposés dans l'arrêt rendu sur le recours de droit public, la
demande d'assistance judiciaire déposée par l'intimé doit être rejetée,
celui-ci ne pouvant être considéré comme indigent au sens de l'art. 152 OJ.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
La demande d'assistance judiciaire déposée par le défendeur est rejetée.

2.
Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.

3.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge de la demanderesse.

4.
La demanderesse versera au défendeur une indemnité de 4000 fr. à titre de
dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 30 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:     La greffière: