Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.177/2002
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4C.177/2002 /mks

Arrêt du 31 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz, Klett, Rottenberg
Liatowitsch et Favre,
greffière Godat Zimmermann.

A. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Bénédict Fontanet, avocat, rue
du Rhône 84, case postale 3200, 1211 Genève 3,

contre

B.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Michel Lellouch, avocat, boulevard des
Tranchées 16, case postale 328, 1211 Genève 12.

contrat de travail; heures supplémentaires

(recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel des prud'hommes du
canton de Genève du 22 janvier 2002)

Faits:

A.
Inscrite au registre du commerce depuis le 24 septembre 1998, A.________ SA
(ci-après: A.________) a notamment pour but la fabrication de montres,
produits de luxe et accessoires s'y rapportant; ses administrateurs sont
C.________, D.________ et E.________.

En juin 1998, C.________ a fait appel à B.________, horloger, pour la
création d'un prototype d'une montre appelée «X.________». B.________ a livré
le prototype artisanal à fin juillet 1998 et reçu pour ce travail un montant
de 3'200 fr. En octobre 1998, C.________ a demandé à l'horloger de trouver
des fournisseurs ainsi qu'une entreprise capable de commercialiser la
nouvelle montre; il l'a également chargé de la supervision de tout le
processus de fabrication de la boîte de montre, puis du produit lui-même
jusqu'à sa mise sur le marché. B.________ devait consacrer trois jours de la
semaine à cette tâche. Aucun accord n'a été passé par écrit. A partir
d'octobre 1998, B.________ a adressé chaque mois à A.________ une facture
comportant un montant de 5'000 fr. ainsi que ses frais.

A. ________ a confié l'industrialisation de la montre à F.________ SA, à
Porrentruy, où l'horloger se rendait souvent pour exercer ses tâches de
surveillance avant d'y louer un appartement dès avril 1999.

En août 1999, B.________ a fait observer à C.________ qu'il effectuait sur le
projet «X.________» beaucoup plus d'heures que ce qui avait été convenu. Il
s'est rendu à Genève quelque temps après afin d'obtenir un contrat écrit avec
A.________. Malgré la demande pressante de B.________, C.________ n'a jamais
signé la convention établie par sa secrétaire.

Les relations entre les parties se sont détériorées et A.________ a mis fin
au contrat le 5 octobre 1999. Le même jour, elle a fait parvenir à B.________
pour signature un document par lequel l'horloger s'engageait à respecter le
secret professionnel pour une durée illimitée «après la cessation [des]
rapports de travail qui prend effet ce mardi 5 octobre 1999».

B.
Par demande déposée le 14 novembre 2000, B.________ a assigné A.________ en
paiement de la somme de 236'895 fr.10, plus intérêts à 5% dès le 17 février
1999. Ce montant représentait l'indemnisation des heures supplémentaires que
le demandeur estimait avoir effectuées en faveur de la défenderesse.

Par jugement du 23 mai 2001, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève:

s'est déclaré incompétent ratione materiae pour connaître des prétentions de
B.________ relatives à la période du 29 juin au 30 septembre 1998;
s'est déclaré compétent ratione materiae pour trancher le litige opposant
B.________ à A.________ pour la période du 1er octobre 1998 au 5 octobre
1999;
a condamné A.________ à verser à B.________ la somme de 91'702 fr.60, plus
intérêts à 5% dès le 5 octobre 1999;
a invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et
légales usuelles.
Statuant le 22 janvier 2002 sur appel d'A.________ et appel incident de
B.________, la Cour d'appel des prud'hommes a confirmé le jugement de
première instance.

C.
A.________ interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut
à l'annulation de l'arrêt du 22 janvier 2002 et au déboutement du demandeur
de toutes ses conclusions, subsidiairement au renvoi de la cause à la
juridiction cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

B. ________ propose le rejet du recours. Par ailleurs, il demande
l'assistance judiciaire et la désignation de Me Michel Lellouch comme avocat
d'office.

Par arrêt de ce jour, la cour de céans a rejeté dans la mesure où il était
recevable le recours de droit public déposé parallèlement par A.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Dans un premier moyen, la défenderesse se plaint d'une violation de
l'art. 319 CO. A la suivre, les juges précédents ont qualifié à tort de
contrat de travail la relation juridique entre les parties.

1.2 Par le contrat de travail, le travailleur s'engage, pour une durée
déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et
celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni (art.
319 al. 1 CO). Le contrat de travail se distingue essentiellement du mandat
ou du contrat d'entreprise par le rapport de subordination existant entre
travailleur et employeur (ATF 125 III 78 consid. 4 p. 81; 121 I 259 consid.
3a p. 262; 112 II 41 consid. 1a/aa et bb p. 46/47); ce lien suppose que le
travailleur exerce son activité de manière dépendante, sous la direction et
selon les instructions de l'employeur (Rémy Wyler, Droit du travail, p. 42).
Au surplus, la qualification du contrat dépendra de l'ensemble des
circonstances du cas particulier (ATF 112 II 41 consid. 1a/aa p. 46).
Il convient à présent d'examiner les différents points soulevés dans le
recours.

1.2.1 La défenderesse fait tout d'abord observer que l'activité du demandeur
n'était pas indépendante du résultat, puisqu'elle tendait à la production en
série de la montre «X.________».

Le demandeur était chargé de l'aspect technique de la montre; en particulier
il devait trouver des fournisseurs, puis superviser l'activité des
sous-traitants. Son rôle dans la réalisation du projet «X.________» était
essentiel. Mais cela ne signifie pas pour autant que l'horloger se soit
engagé à livrer un ouvrage, soit à obtenir un résultat déterminé. Aucun
élément constaté dans l'arrêt attaqué ne permet d'aboutir à une telle
conclusion. Par ailleurs, l'activité exercée par le demandeur consistait bien
à fournir des services au sens de l'art. 319 al. 1 CO, soit à effectuer un
travail déterminé, en consacrant son temps et ses compétences à cette fin
(cf. Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 2508, p. 306). La
nature et la multiplicité des tâches exécutées par le demandeur ne s'opposent
dès lors pas à la qualification de contrat de travail retenue par la cour
cantonale.

1.2.2 Contrairement à la Cour d'appel, la défenderesse est d'avis que la
durée de la relation contractuelle n'était pas un élément pertinent en faveur
du contrat de travail. Elle fait valoir que le demandeur n'était pas tenu de
mettre tout son temps à disposition de la société et qu'il pouvait aménager
sa présence comme il l'entendait.

Il ressort des faits constatés souverainement par la cour cantonale (art. 55
al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ) que les parties avaient convenu d'un horaire de
trois jours par semaine. Comme l'art. 319 al. 2 CO le spécifie, le travail à
temps partiel est également soumis aux dispositions régissant le contrat de
travail. L'argument de la défenderesse selon lequel l'horloger ne devait pas
consacrer tout son temps à la société tombe dès lors à faux. En outre, la
souplesse dans l'organisation laissée au demandeur n'exclut pas la
qualification de contrat de travail, pour autant qu'il existe un lien de
subordination, ce qui sera examiné par la suite (cf. ATF 107 II 430 consid. 1
p. 432). Enfin, comme la cour cantonale l'a souligné à juste titre, le fait
que le demandeur ait exercé l'activité en cause pendant une année plaide en
faveur du contrat de travail.

1.2.3 La défenderesse conteste également tout rapport de subordination avec
le demandeur. D'une part, elle observe qu'aucun horaire précis n'avait été
convenu entre les parties. D'autre part, elle note que le demandeur n'a
quasiment jamais exercé ses activités dans les locaux de la défenderesse.
Enfin, C.________ n'aurait disposé d'aucun pouvoir hiérarchique sur le
demandeur. La défenderesse insiste à cet égard sur le fait que le premier
nommé était le dessinateur de la montre «X.________» de sorte qu'il était
normal que le demandeur, chargé de l'aspect technique du projet, le consulte.
Malgré les dénégations de la défenderesse et comme déjà relevé, la Cour
d'appel a établi que les parties s'étaient entendues sur un horaire de trois
jours par semaine. Il s'agit là d'une constatation de la volonté réelle des
intéressés, soit un point de fait qui ne peut être revu en instance de
réforme (art. 55 al. 1 let. c et art. 63 al. 2 OJ). Par ailleurs, la
subordination intitulée «spatiale» dans le recours n'est pas une composante
nécessaire du contrat de travail, contrairement à ce que la défenderesse
semble supposer. La dépendance du point de vue organisationnel (cf. ATF 121 I
259 consid. 3a p. 262; Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du contrat de
travail, 2e éd., p. 10; Tercier, op. cit., n. 2509, p. 306) ne signifie pas
que le travailleur ne puisse exercer son activité que dans les locaux de
l'entreprise, l'employeur disposant précisément du droit de désigner le lieu
de travail (Jürg Brühwiler, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., p.
26). Il n'est donc pas déterminant en l'espèce que le demandeur ait fourni sa
prestation essentiellement au sein de l'entreprise F.________ SA, à
Porrentruy, et non au siège genevois de la défenderesse.

En ce qui concerne la subordination sous l'angle personnel, il ressort de
l'état de fait cantonal que le demandeur était en contact régulier avec
C.________ dont il exécutait strictement les ordres; c'est ainsi qu'il
modifiait ou faisait modifier des pièces selon les directives de
l'administrateur de la défenderesse. Dès lors, même s'il était chargé de
toute la supervision du projet «X.________» sur le plan technique, le
demandeur n'en restait pas moins soumis aux instructions de la défenderesse.
Le rapport de subordination doit être admis en l'espèce.

1.2.4 En dernier lieu, la défenderesse fait valoir que le mode de
rémunération adopté par les parties est typique du mandat ou du contrat
d'entreprise.

Il est vrai que la rémunération sur facture ne constitue pas la manière
habituelle de régler le salaire d'un travailleur. En l'espèce, il convient
toutefois de relever que la facturation s'effectuait par mois et que le
document destiné à la défenderesse comportait un montant à chaque fois
identique, ainsi que des frais variables. Même si l'initiative émanait du
demandeur, le paiement d'une somme forfaitaire mensuelle correspond au
versement d'un salaire. Quant au remboursement des frais imposés par
l'exécution du travail, il rentre tout à fait dans le cadre du contrat de
travail; il sied de rappeler à cet égard que les art. 327a à 327c CO
régissent cette question et prévoient notamment que le remboursement des
frais a lieu en principe avec le paiement du salaire. Force est dès lors
d'admettre que la manière choisie pour le règlement de la rémunération du
demandeur n'est pas incompatible avec la qualification de contrat de travail.

En conclusion, comme la Cour d'appel l'a reconnu à bon droit, les parties
étaient liées par un contrat de travail. Le moyen tiré de la violation de
l'art. 319 al. 1 CO ne peut être que rejeté.

2.
Dans une argumentation subsidiaire, la défenderesse reproche à la Cour
d'appel d'avoir méconnu les art. 321c CO et 8 CC. Elle estime que le
demandeur, qui supportait le fardeau de la preuve, n'a pas été en mesure de
démontrer les heures supplémentaires qu'il alléguait. Elle note à ce sujet
que le travailleur n'a jamais fait apparaître lesdites heures sur ses
factures mensuelles et qu'il n'en a dressé aucun décompte. Se fondant sur la
facture émise par le demandeur pour octobre 1999, la défenderesse relève
enfin que le travailleur lui-même considérait que le montant mensuel de 5'000
fr. correspondait à la rémunération d'un poste à plein temps.

2.1 Sauf clause contraire d'un accord écrit, d'un contrat-type de travail ou
d'une convention collective, l'employeur est tenu de rétribuer les heures de
travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé en versant le
salaire normal majoré d'un quart au moins (art. 321c al. 3 CO). Les heures
supplémentaires au sens de cette disposition correspondent aux heures de
travail effectuées au-delà de l'horaire contractuel. Elles se distinguent du
travail supplémentaire, à savoir le travail dont la durée excède le maximum
légal, soit 45 ou 50 heures selon la catégorie de travailleurs concernée (cf.
art. 9 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le
commerce [LTr; RS 822.11]). La rémunération du travail supplémentaire est
régie par l'art. 13 LTr, qui prévoit également une rétribution à hauteur du
salaire de base majoré de 25%, mais uniquement à partir de la 61ème heure
supplémentaire accomplie dans l'année civile pour les employés de bureau, les
techniciens et les autres employés (ATF 126 III 337 consid. 6a p. 341/342 et
consid. 6c p. 343).

Il appartient au travailleur de prouver, d'une part, qu'il a accompli des
heures supplémentaires et, d'autre part, que celles-ci ont été ordonnées par
l'employeur ou qu'elles étaient nécessaires à la sauvegarde des intérêts
légitimes de ce dernier (Brunner/Bühler/Waeber, op. cit., p. 32; Streiff/von
Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n. 10, p. 82; Matthias
Müller, Die rechtliche Behandlung der Überstundenarbeit, thèse Zurich 1986,
p. 59). L'employeur est également tenu à rémunération lorsqu'il n'a émis
aucune protestation, tout en sachant que le travailleur effectuait des heures
supplémentaires, et que ce dernier a pu déduire de ce silence que lesdites
heures étaient approuvées (ATF 86 II 155 consid. 2 p. 157); ce n'est que si
le travailleur prend l'initiative d'accomplir des heures au-delà de la limite
contractuelle contrairement à la volonté de l'employeur ou à son insu que la
qualification d'heures supplémentaires au sens de l'art. 321c CO prêtera à
discussion (ATF 116 II 69 consid. 4b et les références).

Par ailleurs, lorsque le travailleur a prouvé avoir effectué des heures
supplémentaires dont le nombre ne peut plus être établi de manière exacte, le
juge pourra en faire l'estimation par application analogique de l'art. 42 al.
2 CO; le travailleur devra toutefois alléguer et prouver, dans la mesure du
possible, toutes les circonstances qui permettent d'apprécier le nombre
d'heures supplémentaires exécutées, car la conclusion selon laquelle les
heures alléguées ont effectivement été fournies doit s'imposer au juge avec
une certaine force (consid. 4a non publié de l'ATF 123 III 84; cf. également
Matthias Müller, op. cit., p. 59).

2.2 Le Tribunal des prud'hommes, dont la Cour d'appel a confirmé le calcul
des heures supplémentaires, a procédé en deux temps. Compte tenu des
témoignages recueillis et de l'envergure du projet «X.________», il a tout
d'abord admis que le demandeur avait travaillé en réalité cinq jours par
semaine en tout cas, et non pas trois comme convenu. Sur la base d'un salaire
journalier de 416 fr.55 (5'000 fr. : 12), la rémunération de deux jours
supplémentaires par semaine correspondait à un salaire mensuel complémentaire
de 3'333fr.35 (416 fr.55 x 8), ce qui donnait un montant total de 40'766
fr.50 pour la période du 1er octobre 1998 au 5 octobre 1999. Dans une seconde
phase, le Tribunal des prud'hommes a tenu pour constant que le demandeur
avait régulièrement travaillé plus de 45 heures par semaine, soit plus que le
maximum admis par l'art. 9 LTr. Les juges de première instance ont estimé
qu'il n'était toutefois pas possible d'établir le nombre exact d'heures
supplémentaires effectuées. Appliquant l'art. 42 al. 2 CO par analogie, ils
ont évalué ce travail supplémentaire à deux heures par jour du lundi au
vendredi et à huit heures le samedi, soit 77,94 heures par mois. Pour ce
faire, le tribunal s'est fondé sur les témoignages, sur les brefs délais
imposés par la défenderesse, sur la complexité du projet, assumé en grande
partie par le demandeur seul. Il a considéré au surplus que la défenderesse
ne pouvait nier avoir été au courant des heures supplémentaires effectuées
par l'horloger. Partant du salaire de base majoré de 25% conformément à
l'art. 13 LTr, le tribunal a alloué au demandeur un montant de 50'936 fr.10 à
titre de travail supplémentaire du 1er octobre 1998 au 5 octobre 1999.

Pour sa part, la Cour d'appel a relevé que l'audition de plusieurs témoins,
qui avaient fait équipe relativement longtemps avec le demandeur, permettait
d'établir que ce dernier avait travaillé, d'une manière générale et non
seulement avant la Foire de Bâle, cinq jours par semaine, selon un horaire
quotidien plus proche de quatorze que de huit heures, ainsi que les
week-ends. La cour cantonale a également insisté sur la complexité du travail
à accomplir et sur les délais serrés imposés par la défenderesse. Enfin, les
juges précédents ont jugé que C.________ connaissait l'horaire effectué par
son collaborateur ou, en tout cas, qu'il ne pouvait de bonne foi prétendre
l'avoir ignoré puisqu'il était en contact quasi-permanent avec le demandeur.

2.3 A propos du calcul des heures supplémentaires, la défenderesse n'invoque
pas l'art. 42 al. 2 CO. Elle se borne à nier que le demandeur ait prouvé les
heures supplémentaires alléguées. Or, dans le cadre d'une application
analogique de l'art. 42 al. 2 CO, la preuve stricte du nombre d'heures
supplémentaires effectuées n'est précisément pas exigée. En revanche, le juge
doit être convaincu, sur le principe, que le travailleur a bien exécuté des
heures supplémentaires. Sur le degré de conviction requis, la défenderesse
n'émet aucune critique à l'égard de la juridiction cantonale. Au demeurant,
il n'apparaît pas que la Cour d'appel se soit contentée d'une simple
vraisemblance à ce sujet (cf. ATF 126 III 388 consid. 8a p. 389).

Par ailleurs, la défenderesse ne s'en prend pas à la quotité d'heures
supplémentaires retenue en première instance et confirmée dans l'arrêt
attaqué. Dans la mesure où elle repose sur le pouvoir d'apprécier les faits,
l'estimation reprise par la Cour d'appel ne peut effectivement pas être revue
en instance de réforme (cf. ATF 126 III 388 consid. 8a p. 389). En revanche,
la défenderesse aurait pu faire valoir que les faits allégués par le
demandeur ne permettaient pas de statuer sur sa prétention en paiement
d'heures supplémentaires (cf. même arrêt, ibid.). Cela étant, les éléments
pris en considération pour l'évaluation des heures effectuées par le
demandeur apparaissent pertinents: les témoignages émanent de personnes qui
ont travaillé avec le demandeur et l'ont vu à l'oeuvre; en outre, la
complexité du projet «X.________», le fait que sa réalisation reposait
presque exclusivement sur un seul homme, les délais serrés imposés notamment
dans la perspective de la présentation de la montre à la Foire de Bâle
étaient de nature à conduire le demandeur à travailler sans compter ses
heures.

Force est dès lors de conclure que le moyen tiré de la violation des art.
321c CO et 8 CC est mal fondé, pour autant qu'il soit recevable.

2.4 Le Tribunal des prud'hommes, suivi par la Cour d'appel, a calculé la
rémunération du travail dépassant 45 heures par semaine sur la base de l'art.
13 LTr. En l'espèce, les parties n'avaient passé aucun accord écrit excluant
ou limitant la rétribution des heures supplémentaires; le demandeur n'était
par ailleurs soumis ni à un contrat-type de travail, ni à une convention
collective (cf. art. 321c al. 3 CO). Dans cette hypothèse, la rémunération
des heures supplémentaires, y compris les 60 premières heures au-delà du
maximum légal, est régie par l'art. 321c al. 3 CO. En effet, l'art. 13 LTr -
et la restriction qu'il contient - n'a de portée qu'en cas d'accord
dérogatoire au sens de l'art. 321c al. 3 CO (Wyler, op. cit., p. 86; Pascale
Byrne-Sutton, Le contrat de travail à temps partiel, thèse Genève 2001, p.
201). L'erreur de base légale commise dans la procédure cantonale demeure
néanmoins sans incidence sur le sort du recours en réforme puisque, pour les
heures dépassant l'horaire maximum légal, l'application de l'art. 321c al. 3
CO aurait conduit au même résultat que celui confirmé dans l'arrêt attaqué.

Sur le vu de ce qui précède, le recours sera rejeté, l'arrêt attaqué étant
confirmé.

3.
La valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. Par conséquent, il convient
de percevoir des frais judiciaires (art. 343 al. 2 et 3 CO), qui seront mis à
la charge de la défenderesse (art. 156 al. 1 OJ). En outre, cette dernière
versera au demandeur une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

La demande d'assistance judiciaire déposée par le demandeur doit être admise
dans la mesure où elle n'a pas perdu son objet, dès lors que le risque existe
pour le prénommé de ne pouvoir recouvrer les dépens auxquels il a droit; son
conseil sera désigné comme avocat d'office.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse.

3.
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 6'000 fr. à titre de
dépens.

4.
La demande d'assistance judiciaire du demandeur est admise, autant qu'elle
n'est pas sans objet, et Me Michel Lellouch est désigné comme avocat
d'office.

5.
Au cas où les dépens ne pourraient pas être recouvrés, la caisse du Tribunal
fédéral versera au mandataire du demandeur une indemnité de 6'000 fr. à titre
d'honoraires d'avocat d'office.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 31 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: