Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.14/2002
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4C.14/2002 /ech

Arrêt du 5 juillet 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz, Klett, Favre, Zappelli, juge suppléant,
greffier Ramelet.

Fondation X.________,
demanderesse et recourante, représentée par Me Maurice Schneeberger, avocat,
rue des Eaux-Vives 49, 1207 Genève,

contre

A.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Dominique de Weck, avocat, carrefour
de Rive 1, 1207 Genève.

mandat d'architecte; devoir d'information

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 16 novembre 2001)

Faits:

A.
La Fondation X.________ (ci-après: la Fondation) est une fondation de droit
public inscrite au registre du commerce, dont le but est toutes opérations
immobilières à caractère social.

Par contrat du 1er janvier 1989, elle a confié à A.________, architecte, la
direction générale des travaux de construction de trois immeubles
d'habitation à Genève. Ce contrat intègre le règlement SIA 102; en dérogation
à l'art. 1.6 de ce règlement, la responsabilité de l'architecte est régie par
le code des obligations. D'après l'art. 3 du contrat, le mandat d'architecte
comprend toutes les phases des prestations ordinaires (selon l'art. 3.6 du
règlement SIA 102); l'art. 12 du contrat précise qu'en dérogation à l'art.
1.4.3. du règlement SIA 102, l'architecte ne représente pas le mandant auprès
des pouvoirs publics et des tiers, sauf accord préalable du mandant.

Les travaux de serrureries, balustrades et mains courantes ont été confiés
aux entreprises Y.________ S.A. et Z.________ S.A. Ils ont été exécutés en
hiver 1990/1991. Le décompte final relatif aux aménagements extérieurs et
balustrades de jardin, établi par Y.________ S.A., a été transmis le 13
septembre 1991 à la Fondation.

En juillet 1994, des problèmes de corrosion des serrureries extérieures ont
été constatés. Le 12 juillet 1995, A.________ a adressé à Y.________ S.A. un
avis des défauts par écrit.

Le 25 janvier 1996, les intéressés se sont rendus sur place, la Fondation
étant représentée par B.________, par ailleurs architecte-conseil des
fondations immobilières de droit public. Ils ont constaté des traces de
rouille sur les balustrades extérieures. Un second déplacement sur les lieux
a été effectué le 30 janvier 1996. Une expertise des travaux a été proposée
et il a été demandé à Y.________ S.A. de faire une déclaration à son assureur
responsabilité civile, W.________.

Le 25 mars 1996, avec l'accord de A.________ et de la Fondation, une
expertise sur les causes des dégâts a été confiée au laboratoire C.________.

Par courrier du 19 avril 1996, W.________ a contesté toute responsabilité de
l'entreprise Y.________ S.A. et s'est prévalue de la prescription.

Le 16 décembre 1996, le laboratoire C.________ a conclu que la finition du
travail effectué sur les balustrades en cause n'avait pas respecté la qualité
déterminée dans la soumission ni, par conséquent, les obligations contenues
dans les normes SIA.

Le 10 février 1997, A.________ a réitéré l'avis des défauts à Y.________ S.A.
Le 9 mars 1998, il a mis en demeure cette entreprise de lui faire part de sa
proposition concernant la remise en état des serrureries, faute de quoi une
procédure d'arbitrage serait entamée.

B.
Considérant que A.________ avait failli à son devoir de diligence en omettant
d'interrompre la prescription, la Fondation lui a fait notifier, le 12 avril
1999, une poursuite, puis a ouvert action à son encontre le 3 septembre 1999
devant le Tribunal de première instance de Genève. Elle a conclu à ce que le
défendeur soit condamné à lui verser la somme de 156 724 fr. avec intérêts à
5% dès le 25 janvier 1996, la mainlevée définitive de l'opposition faite au
commandement de payer étant prononcée.

Le défendeur, se prévalant de la prescription quinquennale, a conclu au rejet
de la demande.

Le 12 avril 2000, les parties ont accepté que le Tribunal détermine d'abord
si la responsabilité du défendeur était en principe engagée.

Par jugement du 14 septembre 2000, le Tribunal de première instance a débouté
la demanderesse de toutes ses conclusions. Retenant que l'action n'était pas
prescrite, il a jugé que le défendeur n'avait pas failli à son devoir de
diligence.

Par arrêt du 16 novembre 2001, la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève a rejeté l'appel de la demanderesse et confirmé le jugement
attaqué.

C.
La demanderesse exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre
l'arrêt cantonal, dont elle demande l'annulation. Invoquant notamment une
violation des art. 321a et 321e CO auxquels renvoie l'art. 398 CO, elle
conclut à ce que le Tribunal fédéral dise que la responsabilité du défendeur
est engagée, donne acte à la demanderesse qu'elle a retiré la poursuite n°
... et renvoie le dossier au Tribunal de première instance pour déterminer le
montant dû à la Fondation.

L'intimé propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248
consid. 2c). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert pour se plaindre de
l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF
126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

2.
La cour cantonale a admis en substance qu'il ne peut être tiré du contrat
écrit passé entre les parties ni du règlement SIA 102 que le défendeur avait
le devoir de donner des conseils juridiques à la demanderesse, en particulier
en matière de prescription ou de péremption, cela même si les plaideurs
s'étaient accordés tacitement sur le fait que l'architecte devait accomplir
certaines prestations supplémentaires au sens dudit règlement. L'autorité
cantonale a encore retenu que le devoir d'informer le mandant, découlant de
l'obligation de fidélité du mandataire, portait essentiellement sur des
questions ayant trait à la compétence spécifique de celui-ci. En sa qualité
d'architecte, le défendeur n'avait pas de compétences particulières en droit,
de sorte qu'il n'avait pas à conseiller la demanderesse sur la manière
d'interrompre la prescription des droits du maître à la garantie, d'autant
plus que la mandante était elle-même assistée d'un architecte-conseil qui
n'avait pas davantage pris garde aux problèmes de prescription.

3.
La recourante, se prévalant des art. 63 al. 2 et 64 al. 2 OJ, reproche à la
cour cantonale d'avoir commis toute une série d'inadvertances manifestes.

3.1 Il y a inadvertance manifeste lorsque l'autorité cantonale, par une
simple inattention, a dressé un état de fait qui, à l'évidence, ne correspond
pas avec le résultat de l'administration des preuves; tel est le cas par
exemple si l'autorité a omis de mentionner un fait clairement établi ou si,
par mégarde, elle s'est clairement trompée sur un point de fait établi sans
équivoque; il n'y a en revanche pas d'inadvertance manifeste lorsque
l'autorité cantonale a retenu ou écarté un fait à la suite d'un raisonnement
ou d'un choix dans l'appréciation des preuves. Il y a inadvertance manifeste
si une constatation est manifestement contraire aux pièces du dossier et que
cela ne peut s'expliquer que par l'inattention. Il en sera ainsi si
l'autorité a omis de prendre connaissance d'une pièce, l'a mal lue ou mal
comprise par mégarde, mais pas si elle a mal apprécié les preuves. En outre,
la rectification n'intervient que si le point de fait est pertinent pour
l'issue du litige (Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral,
in: SJ 2000 II p. 66).

3.2 Selon la recourante, la cour cantonale aurait dû retenir en fait, d'une
part, que le secrétariat de l'Association genevoise des fondations
immobilières de droit public et l'architecte-conseil B.________ n'étaient pas
rattachés à la demanderesse, mais à ladite Association, qui est une entité
distincte, et, d'autre part, que le défendeur avait présidé durant une
vingtaine d'années l'une des dix fondations immobilières membres de cette
Association.

On ne voit pas en quoi ce dernier fait revêt de l'importance pour le litige.
La recourante ne le précise d'ailleurs nullement. Quant à la circonstance que
l'architecte B.________ représentait la recourante, il est expressément
retenu par la cour cantonale, sous la let. B de la partie "en fait" de son
arrêt, ce qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2
OJ).

3.3 Pour la recourante, la Cour de justice aurait dû prendre en compte le
montant des honoraires auxquels avait droit le défendeur, à savoir 321 480
fr.95. La recourante n'indique toutefois pas en quoi ce fait serait
essentiel. La cour cantonale a constaté que si le défendeur avait
effectivement accompli certaines prestations non comprises dans le contrat
écrit, rien n'indiquait qu'une rémunération supplémentaire lui ait été
allouée pour cela. De toute manière, la circonstance que l'intimé ait eu
droit à 321 480 fr.95 d'honoraires n'emporte pas en soi qu'il eût été tenu de
fournir des conseils juridiques à sa mandante.

3.4 Selon la recourante, l'autorité cantonale aurait dû retenir en fait que
la participation du maître de l'ouvrage aux rendez-vous de chantier ne
restreignait pas la responsabilité du mandataire. Mais il ne s'agit pas là
d'un point de fait, mais d'une question de droit. Or le moyen de
l'inadvertance manifeste ne peut être utilisé pour corriger l'appréciation
juridique des faits (Poudret, COJ II, n. 5.2 ad art. 63 OJ).

3.5 D'après la recourante, la cour cantonale aurait dû relever que le contrat
passé entre le défendeur et l'entreprise Y.________ S.A. était soumis à la
norme SIA 118. Cet élément, qui a trait à un accord conclu avec un tiers, n'a
aucune pertinence pour le règlement du présent différend. La recourante ne
tente d'ailleurs même pas d'établir le contraire.

3.6 A suivre la demanderesse, le fait que l'intimé était présent lors du
rendez-vous de chantier du 25 janvier 1996, lors duquel il a été mentionné
que la responsabilité de Y.________ S.A. était engagée, aurait dû être relevé
dans l'état de fait. Cet élément pourrait à la rigueur devoir être
spécialement cité si l'on admettait que l'intimé était seul habilité à
intervenir pour interrompre la prescription vis-à-vis de l'entreprise fautive
et qu'il ne l'avait pas fait malgré sa connaissance des défauts. Pourtant, ce
n'est pas du tout ce qu'a retenu l'autorité cantonale, de sorte que
l'inadvertance alléguée ne saurait influer sur la querelle.

3.7 A en croire la demanderesse, la cour cantonale aurait dû spécialement
relever qu'elle avait payé un supplément pour le thermolaquage des
balustrades. Ce fait n'est en soi pas contesté, de même que n'est pas remise
en cause la question du défaut affectant ces balustrades. On ne voit donc pas
la pertinence de ce point de fait pour la question à juger.

3.8 Pour la recourante, enfin, la cour cantonale aurait dû mentionner dans
l'état de fait que le représentant de l'assurance responsabilité civile de
l'intimé avait indiqué, lors d'une séance du 23 avril 1998, que si les
entreprises ne reconnaissaient pas leurs torts, une lettre de l'architecte ne
suffisait pas, les propriétaires devant alors envoyer un commandement de
payer aux entreprises. Ce fait serait plutôt de nature à établir la seule
responsabilité du maître de l'ouvrage sur ce point. En tout état de cause, ce
qu'a pu dire le représentant de l'assureur lors d'une séance en 1998, soit à
un moment où la prescription de l'action contre les entrepreneurs était
acquise, n'est pas pertinent pour la question à juger, qui est celle de
savoir s'il incombait au défendeur de signaler en temps utile à sa mandante
quelles étaient les démarches juridiques à accomplir.

Le grief de violation des art. 63 al. 2 et 64 al. 2 OJ doit être rejeté en
tant qu'il est recevable.

4.
4.1 Dans un deuxième moyen, la recourante reproche à l'autorité cantonale
d'avoir violé les art. 321a et 321e CO, par renvoi de l'art. 398 CO, en ne
retenant pas que l'intimé avait enfreint son devoir d'information, faute
d'avoir signalé en temps utile au maître de l'ouvrage qu'il y avait lieu
d'interrompre la prescription contre l'entreprise responsable des défauts dus
à la corrosion. La recourante admet ne pas avoir expressément demandé au
défendeur d'accomplir des prestations supplémentaires au sens du règlement
SIA 102; ces tâches auraient toutefois été convenues tacitement et auraient
comporté pour l'architecte le devoir de fournir des conseils juridiques à la
demanderesse.

4.2 D'après la jurisprudence, lorsqu'un architecte est chargé d'établir des
plans, des soumissions ou des projets de construction, il se conclut un
contrat d'entreprise (art. 363 CO); s'il est chargé des adjudications et de
la surveillance des travaux, il s'agit d'un mandat (art. 394 CO); si sa
mission englobe des activités relevant des deux catégories, le contrat est
mixte et relève, suivant les prestations, du mandat ou du contrat
d'entreprise (ATF 127 III 543 consid. 2a; 114 II 53 consid. 2b; 110 II 380
consid. 2).
Dans le cas du contrat complet (comme celui d'espèce), la jurisprudence a
admis que relèvent du mandat les mesures à prendre si des défauts
apparaissent en cour d'exécution, parce que cette activité se rattache à la
direction et au contrôle des travaux (arrêt 4C.81/2000 du 23 mai 2000,
consid. 2a, in: SJ 2001 I 136; ATF 110 II 380 consid. 2).

C'est donc à juste titre que les faits litigieux ont été examinés à la
lumière des règles propres au mandat (art. 394 ss CO).

4.3 Comme l'a constaté la cour cantonale, le règlement SIA 102 auquel les
parties étaient soumises distingue deux types de prestations: les prestations
ordinaires et les prestations supplémentaires. Les prestations ordinaires
sont celles qui sont en général nécessaires et suffisantes à
l'accomplissement du mandat. A cela peuvent s'ajouter des prestations
supplémentaires, si la nature de la tâche l'exige ou si le mandant le désire;
l'accomplissement de telles prestations doit donner lieu à un accord
préalable (art. 3.2 du règlement SIA 102; Peter Gauch, Le contrat
d'entreprise, adaptation française par Benoît Carron, n. 770 ss, p. 229 ss;
Anton Egli, Das Architektenhonorar, in: Le droit de l'architecte, 3e éd., n.
1006, p. 321). Concernant la phase finale du mandat, ces prestations
supplémentaires comprennent (art. 4.5 du règlement SIA 102) celles effectuées
après l'expiration des délais de réclamation de deux ans, les conseils au
mandant, la participation aux pourparlers en cas de procès avec des tiers, la
surveillance des travaux de garantie en cas de prorogation des délais, les
interventions supplémentaires dues à des travaux de garantie d'une importance
exceptionnelle.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le texte du contrat exclut les
prestations supplémentaires et que celles-ci n'ont pas expressément été
confiées au défendeur. Avec la cour cantonale, il convient de retenir que
même si l'intimé avait, tacitement, accepté de fournir des prestations
supplémentaires au sens de l'art. 4.5 du règlement SIA 102, comme le soutient
la recourante, cela ne l'obligeait pas, de ce seul fait, à fournir des
conseils d'ordre juridique à sa mandante. Les "conseils au mandant" compris
dans les prestations supplémentaires dudit règlement sont avant tout ceux que
dictent l'expérience professionnelle de l'architecte et les connaissances
propres à sa profession. L'architecte ne se voit nullement confier un mandat
de conseiller juridique, quand bien même l'on peut attendre de lui qu'il
possède les connaissances de droit nécessaires à la pratique de sa profession
(cf. Rainer Schumacher, Die Haftung des Architekten aus Vertrag, in: Le droit
de l'architecte, 3e éd., n. 443-448 p. 142-144, spéc. n. 447 p. 143).

5.
5.1 De l'avis de la recourante, si l'intimé avait entendu ne plus assumer ses
devoirs de conseiller de la demanderesse après l'expiration du délai de récla
mation de deux ans, il aurait dû le faire savoir immédiatement, sous peine
d'engager sa responsabilité par application analogique de l'art. 405 al. 2 CO

Comme on vient de le voir, le devoir de conseiller le mandant en matière
juridique n'est pas spécialement imposé à l'architecte par le règlement SIA.
Quoi qu'il en soit, le défendeur n'a nullement cessé de déployer son activité
une fois écoulé le délai biennal de réclamation. La question de savoir si la
loi lui imposait de fournir en l'espèce des conseils d'ordre juridique à sa
mandante en ce qui concerne l'écoulement du délai de prescription sera
examinée ci-dessous.

5.2 Il résulte de l'art. 321a al. 1 CO, applicable en vertu du renvoi de
l'art. 398 al. 1 CO, que l'architecte doit exécuter avec soin la mission qui
lui est confiée et sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son
cocontractant. Il est responsable envers le maître de l'ouvrage de la bonne
et fidèle exécution de sa mission (art. 398 al. 2 CO). Il appartient au
maître de l'ouvrage de prouver les faits dont on peut déduire objectivement
une violation du devoir de fidélité (art. 8 CC; dans ce sens, arrêt
4C.81/2000 du 23 mai 2000, consid. 2a, in: SJ 2001 I p. 136).

L'obligation de fidélité du mandataire comprend un devoir général
d'information et de conseil (cf. ATF 119 II 456 consid. 2a, qui concerne les
obligations du médecin vis-à-vis de son patient). Ce devoir concerne avant
tout les aspects techniques que le mandataire, par définition, connaît mieux
que le mandant, mais il peut aussi comprendre des obligations accessoires,
telles que, par exemple pour le médecin, celle d'informer le patient des
conséquences économiques du traitement entrepris, lorsque le praticien sait
qu'un traitement, une intervention ou ses honoraires ne sont pas couverts par
l'assurance-maladie ou lorsqu'il éprouve ou doit éprouver des doutes à ce
sujet. (ATF 119 II 456 consid. 2d p. 460/461).

Quant à l'architecte, son devoir d'information et de conseil porte
essentiellement sur les procédés mis en oeuvre dans la construction. Il doit
par exemple avertir le maître de tous les inconvénients techniques
apparaissant lors de la réalisation de l'ouvrage, ainsi que des conséquences
financières des modifications de commandes. Il doit également assister son
client lors de la réception de l'ouvrage en lui signalant les défauts
éventuels de la construction (Franz Werro, Le mandat et ses effets, n.
590-591, p. 204-205). La jurisprudence (ATF 111 II 72 consid. 3d) a admis que
l'architecte devait attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur l'utilité
de contracter une assurance responsabilité civile lorsque la construction
comporte des risques particuliers dont il peut, en tant que spécialiste,
mieux se rendre compte que le maître, inexpérimenté à ce sujet. De même que
pour le médecin, l'obligation de conseil de l'architecte sur des questions
qui ne ressortissent pas purement à l'aspect technique de la profession est
fonction de la position d'initié qu'il détient face au mandant, en général
profane en la matière (Werro, op. cit. n. 589).

Mais il est sans doute excessif d'affirmer, comme la cour cantonale au
consid. 4d p. 11 in fine de l'arrêt déféré, que "les conseils juridiques ne
peuvent pas faire partie des compétences spécifiques propres d'un
architecte". On peut en effet concevoir que l'architecte, sans être juriste,
doive connaître le système juridique des défauts de la construction instauré
par la loi et les normes SIA, en particulier les questions qui touchent à la
péremption ou à la prescription des droits du maître, en sorte qu'il soit
tenu dans une certaine mesure d'orienter celui-ci à cet égard. En effet, le
risque est grand que le maître, souvent ignorant des règles de la
construction et, partant, inexpérimenté, ne soit pas à même d'exercer ses
droits vis-à-vis des tiers en raison de l'écoulement du temps. Dans un tel
cas, il incombe à l'architecte de veiller à ce que le maître de l'ouvrage
puisse prendre note des délais et les contrôler (Rainer Schumacher, op. cit.
n. 520; Walter Fellmann, Commentaire bernois, n. 376 ad. art. 398 CO).

En l'occurrence toutefois, on ne peut pas reprocher à l'intimé l'absence de
conseil exprès en relation avec le problème lié à la sauvegarde du délai de
prescription de l'action contre l'entrepreneur responsable. Le maître de
l'ouvrage est une fondation de droit public spécialisée dans les opérations
immobilières à caractère social. Elle est affiliée au secrétariat des
fondations immobilières de droit public, où elle est domiciliée. Le maître de
l'ouvrage n'est donc pas un profane dans le domaine de la construction; il ne
le prétend d'ailleurs pas. La demanderesse était assistée d'un
architecte-conseil, qui a été associé en temps utile aux questions relatives
à la constatation des défauts, en particulier de celui afférent à la présence
de rouille sur les balustrades. Toujours en temps utile, soit avant
l'expiration du délai de prescription, le maître de l'ouvrage, représenté par
l'architecte-conseil précité, a invité Y.________ S.A. à annoncer le sinistre
à son assureur en responsabilité civile.

Dans ces circonstances particulières, il n'est pas possible de faire grief à
l'intimé de n'avoir pas, formellement, rappelé l'existence du délai de
prescription. La recourante ne soutient du reste pas avoir ignoré l'existence
des dispositions légales topiques. Enfin, la recourante n'a pas établi que la
prétendue carence du mandataire l'ait empêchée de faire valoir ses droits.

Il suit de là qu'aucune violation du devoir de fidélité n'entre in casu en
ligne de compte.

6.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité, l'arrêt attaqué étant confirmé. Les frais de la procédure
seront mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 OJ).
Elle devra en outre verser à l'intimé une indemnité pour ses dépens (art.159
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué
est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 5500 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 6000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 5 juillet 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: