Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.136/2002
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4C.136/2002 /ech

Arrêt du 20 juin 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, président, Favre et Chaix, juge suppléant.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

Masse en faillite A.________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Christophe Piguet, avocat,
place St.-François 5,
case postale 3860, 1002 Lausanne,

contre

X.________ S.A.,
demanderesse et intimée, représentée par Me Daniel Pache, avocat, case
postale 3485, 1002 Lausanne.

contrat de travail; salaire

(recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois du 9 mai 2001).

Faits:

A.
A.a Du 21 août 1989 jusqu'au 31 mai 1990, A.________ a travaillé pour le
compte de X.________ S.A., une société dont le but est la fourniture de
produits et de services dans le domaine de l'organisation, en particulier
informatique. L'activité de A.________ consistait à veiller au marketing et à
fidéliser les clients de son employeur.

Aucun contrat de travail n'a été signé par les parties. Le seul document
produit est un "plan de commission" rédigé à la main par B.________,
administrateur de X.________ S.A., le 27 juillet 1989 et comportant des
annotations qui y ont été portées ultérieurement au crayon gris. Ce plan fait
notamment état d'un "revenu minimum garanti" et comporte la mention suivante
"le revenu est composé du salaire brut et d'une indemnité forfaitaire de
déplacement (max. autorisé par la loi env. 2 kf.)", soit 2'000 fr.
Apparemment, il était prévu d'établir sur cette base un contrat écrit, lequel
n'a cependant jamais été rédigé.

A.b Au cours de son emploi, A.________ a rempli des fiches de vacation,
faisant état d'un nombre d'heures très variable, allant de 47 heures 05 en
avril 1990 à 154 heures 45 en février 1990. Sur la base de ces fiches, il a
reçu de X.________ S.A. entre septembre et novembre 1989 un montant total de
17'300 fr. sous la forme de trois chèques avec la mention "avance sur
honoraires" ou "avance sur commissions et honoraires".

Comme la collaboration entre les parties permettait d'être optimiste pour
l'avenir, B.________ et A.________ ont signé, le 28 décembre 1989, une
convention prévoyant le versement d'un montant de 140'000 fr. à ce dernier à
titre de commissions. Ce texte précisait qu'un décompte justifiant ces
commissions serait établi chaque fin de mois et viendrait réduire ce montant
considéré comme une avance. Un décompte de clôture serait établi au terme de
la relation contractuelle pour solde de tout compte, avec remboursement de la
soulte éventuelle. La convention prévoyait également la remise en garantie
d'une cédule hypothécaire au porteur.

Il est établi que A.________ exerçait des activités annexes lorsqu'il était
employé par X.________ S.A. Le nombre d'heures qu'il a annoncées au cours de
son emploi correspond à un taux d'activité de 62,55 % si l'on se fonde sur
une semaine de travail de 42 heures 30 et à un taux de 59,10 % pour une
semaine de travail de 45 heures.

A.c Un litige est survenu entre les parties au sujet du paiement des
allocations familiales, des rapports d'activité et du remboursement
forfaitaire des frais de A.________. Le 27 avril 1990, ce dernier a réclamé
le versement des allocations familiales et le paiement de ses frais par le
versement d'un montant forfaitaire de 2'000 fr. II a évoqué le fait que le
contrat de travail cessait ses effets à fin mai 1990 et qu'il allait dans
l'intervalle remplir ses obligations militaires et prendre son solde de
vacances. Tout en contestant les réclamations de A.________, X.________ S.A.
a accepté cette résiliation dans un courrier du 16 mai 1990.

Le 26 juin 1990, X.________ S.A. a adressé à A.________ un décompte de
commissions se soldant par un montant de 23'700 fr. en faveur de ce dernier.
Deux jours plus tard, elle déclarait résilier le prêt accordé par la
convention du 28 décembre 1989 et entendait réclamer un taux d'intérêt de 7,5
% l'an sur le solde à rembourser dès le 1er janvier 1990. Le 26 juin 1991,
elle a fait valoir un taux d'intérêt de 10 % dès le 1er juillet 1991.

Le 3 août 1993, X.________ S.A. et B.________ ont signé une convention,
notifiée à A.________, dans laquelle la société se reconnaît seule détentrice
des droits mentionnés dans le contrat du 28 décembre 1989 que son
administrateur avait certes signé en son nom, mais qui la lie elle
uniquement.

B.
Le 27 août 1993, X.________ S.A. a assigné A.________ en paiement de 129'861
fr. avec intérêt à 7,5 % l'an dès le 1er janvier 1990, puis à 10 % dès le 1er
juillet 1991. A.________ a conclu à sa libération et, reconventionnellement,
au paiement de 3'618 fr. 65 avec intérêt de droit, invoquant expressément la
compensation. Il a également demandé qu'il soit ordonné à X.________ S.A. de
lui restituer la cédule hypothécaire remise en garantie conformément à la
convention du 28 décembre 1989. A la suite de la faillite personnelle de
A.________ le 22 avril 1999, la masse en faillite a décidé de continuer le
procès.

Par jugement du 9 mai 2001, dont la motivation a suivi le 14 mars 2002, la
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a condamné la masse en faillite de
A.________ à verser à X.________ S.A. la somme de 123'498 fr. 60 avec intérêt
à 5 % l'an dès le 1er juin 1990 et a mis à la charge de la défenderesse les
frais de justice, ainsi que les dépens de la demanderesse. Pour fixer le
montant du salaire, les premiers juges ont écarté le "plan de commission" du
27 juillet 1989 au motif qu'il s'agissait d'un brouillon au contenu
inintelligible. Ils se sont fondés sur les allégués des parties lors de la
procédure pour retenir un salaire mensuel de base ascendant, pour une
activité à temps complet, à 6'400 fr., montant qu'ils ont réduit au prorata
d'un taux d'activité de 60 %. Ils ont rejeté les prétentions en paiement
d'une indemnité de vacances et d'une indemnité forfaitaire pour frais de
2'000 fr. par mois, car elle n'était établie ni par le "plan de commission",
ni par les témoins entendus. Enfin, ils ont considéré la somme de 140'000 fr.
comme une avance sur salaire qui devait être restituée dans la mesure où elle
excédait les créances de A.________.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois du 28 août 2002, qui a rejeté, dans la mesure de sa
recevabilité, le recours interjeté par la masse en faillite de A.________.

C.
Contre le jugement de la Cour civile du 9 mai 2001, la masse en faillite de
A.________ (la défenderesse) interjette un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Elle conclut à la réforme du jugement entrepris dans le sens du
rejet de l'action de X.________ S.A. et de la condamnation de cette société à
restituer à la masse en faillite, respectivement à A.________, la cédule
hypothécaire remise en garantie conformément à la convention du 28 décembre
1989, avec suite de dépens. A titre subsidiaire, elle conclut à ce que
A.________ en faillite soit reconnu débiteur de X.________ S.A. de la somme
de 61'880 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er juin 1990, que cette somme
soit portée à l'état des charges et à l'état de collocation en gage mobilier
avec droit de gage sur la cédule hypothécaire au porteur au capital de 50'000
fr. et à ce que les dépens dus à X.________ S.A. soient très sensiblement
réduits. Plus subsidiairement encore, elle requiert que A.________ en
faillite soit reconnu débiteur de X.________ S.A. de la somme de 123'498 fr.
60 avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er juin 1990, reprenant pour le surplus
les conclusions formées à titre subsidiaire.

X. ________ S.A. (la demanderesse) conclut au rejet du recours avec suite de
frais et dépens.

D.
Alors que la procédure sur le recours en réforme était pendante, la masse en
faillite de A.________ a formé un recours de droit public à l'encontre de
l'arrêt de la Chambre des recours du 28 août 2002. Le Tribunal fédéral a
rejeté ce recours par arrêt de ce jour.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie défenderesse qui a succombé dans ses conclusions
libératoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ; art. 444 CPC vaud.)
sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de
8000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable,
puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 34 al. 1 let. a et 54 al. 1 OJ)
dans les formes requises (art. 55 OJ).

1.2 En règle générale, il n'est pas procédé à un second échange d'écritures
(cf. art. 59 al. 4 2ème phrase OJ). Il n'est fait exception à ce principe que
dans les cas où la réponse au recours contiendrait des arguments nouveaux et
pertinents justifiant, en vertu du droit d'être entendu, que la partie
recourante puisse s'exprimer à nouveau (ATF 124 III 382 consid. 5d et la
référence citées). En l'espèce, de telles circonstances n'existent pas, de
sorte que rien ne justifie de donner suite à la requête de la défenderesse
tendant à un nouvel échange d'écritures.

1.3 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral, mais
non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1
OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c). L'acte
de recours doit contenir les motifs à l'appui des conclusions; ils doivent
indiquer succinctement quelles sont les règles de droit fédéral violées par
la décision attaquée et en quoi consiste cette violation (art. 55 al. 1 let.
c 1ère phrase OJ).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248
consid. 2c). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible d'en tenir compte. L'appréciation des preuves à laquelle s'est
livrée l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 127 III 543
consid. 2c p. 547). II ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, mais
il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 128 III 22 consid. 2c2e/cc p. 29; 127 III 248 consid. 2c).

2.
La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir adapté le salaire
mensuel de base en fonction d'un taux d'activité inférieur à un temps
complet. Elle y voit une violation des art. 322 CO et 8 CC.

2.1 De l'avis de la défenderesse, les parties se sont entendues sur une
rétribution de base afférente à une activité à temps complet. A partir de là,
point ne serait besoin de rechercher le nombre d'heures effectivement
réalisées par le travailleur et toute réduction du salaire en fonction d'un
taux d'activité réel violerait le droit fédéral.

Aux termes de l'art. 322 al. 1 CO, l'employeur paie au travailleur le salaire
convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une convention
collective. En l'absence de salaire usuel, de contrat-type ou de convention
collective se rapportant à l'activité exercée par l'employé concerné, seule
entre en considération la rémunération convenue par les parties.

La cour cantonale a retenu, de manière à lier le Tribunal fédéral en instance
de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que les parties s'étaient accordées sur une
rétribution de base ascendant, pour une activité à temps complet, à 6'400 fr.
Il s'agit donc du salaire convenu au sens de l'art. 322 CO. Reste cependant à
déterminer si les parties ont prévu que le travailleur déploierait son
activité à temps complet (art. 319 al. 1 CO) ou à temps partiel (art. 319 al.
2 CO). A suivre la défenderesse, la cour cantonale aurait violé l'art. 8 CC
dans l'examen de cette question.

2.2 Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral (cf. ATF 125
III 78 consid. 3b), l'art. 8 CC, en l'absence d'une disposition spéciale
contraire, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base,
laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve
(ATF 129 III 18 consid. 2.6). En principe, c'est au créancier d'établir les
circonstances propres à fonder sa prétention, alors que c'est le débiteur qui
doit établir les circonstances propres à rendre cette prétention caduque. En
matière de droit au salaire tiré d'un rapport de travail, cette répartition
du fardeau de la preuve signifie que le travailleur doit apporter la preuve
des circonstances de fait nécessaires à démontrer la conclusion d'un contrat
de travail, de même que le montant du salaire convenu (art. 322 al. 1 CO).
Pour sa part, l'employeur qui s'oppose au paiement du salaire doit démontrer
l'extinction du rapport de travail. Cette obligation lui incombe quelle que
soit la cause de l'extinction: résiliation (valable) ou annulation
conventionnelle du contrat, par exemple (ATF 125 III 78 consid. 3b et les
références citées).

L'art. 8 CC ne règle cependant pas comment et sur quelles bases le juge peut
forger sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25). En effet, lorsque
l'appréciation des preuves convainc le juge de la réalité ou de l'inexistence
d'un fait, la question de l'application de l'art. 8 CC ne se pose plus; seul
le moyen tiré d'une appréciation arbitraire des preuves, à invoquer
impérativement dans un recours de droit public, est alors recevable (ATF 127
III 248 consid. 3a; 122 III 219 consid. 3c p. 223).

2.3 En l'espèce, le fardeau de la preuve d'un salaire fixé pour un emploi
convenu à temps complet incombait à la seule défenderesse, en tant que masse
en faillite de l'employé concerné. II ne s'agit en effet pas ici d'examiner
des circonstances propres à démontrer l'extinction du droit au salaire, mais
bien celles relatives à l'existence - et plus précisément à l'étendue - de ce
droit. A cet égard, on peut relever que les variations chaque mois dans les
heures accomplies pour l'employeur ne remettent pas en cause la qualification
de travail à temps partiel (Pascale Byrne-Sutton, Le contrat de travail à
temps partiel, thèse Genève 2001, p. 83).

En déclarant ne rien vouloir déduire de témoignages apparemment
contradictoires sur la question du taux d'activité du travailleur, la cour
cantonale n'a donc pas violé la règle sur le fardeau de la preuve. Quant à
l'appréciation qu'elle a fait des éléments en présence (activités accessoires
avérées du travailleur; fiches de vacation faisant état d'un nombre très
variable d'heures et expertise judiciaire), elle échappe à l'examen du
Tribunal fédéral en instance de réforme. Dans l'arrêt parallèle rendu ce jour
sur le recours de droit public dirigé contre la décision de la Chambre des
recours cantonale, la position de cette autorité, qui avait considéré que
l'appréciation des premiers juges était exempte de tout arbitraire sur ce
point, a du reste été confirmée par la Cour de céans.

2.4 Contrairement à ce que prétend la défenderesse, le salaire arrêté par les
premiers juges doit être considéré comme un salaire brut, ce qui est
communément le cas (Wyler, Droit du travail, Berne 2002, p. 126). Cette
conclusion se justifie d'autant plus que la défenderesse ne fait pas valoir
des circonstances de fait exceptionnelles dans lesquelles le travailleur
aurait été fondé à croire à l'existence d'un salaire net (cf.
Schönenberger/Staehelin, Commentaire zurichois, no 24 ad art. 322 CO). Le
résultat auquel est parvenue la cour cantonale ne viole donc pas le droit
fédéral.

Par conséquent, tous les griefs soulevés par la défenderesse en rapport avec
le montant de son salaire sont mal fondés.

3.
La défenderesse fait grief à la cour cantonale d'avoir écarté ses prétentions
en paiement d'une indemnité forfaitaire de 2'000 fr. par mois: elle aurait
méconnu la notion d'indemnité forfaitaire en exigeant du travailleur qu'il
apporte la preuve de ses dépenses effectives et elle aurait comparé la
situation d'une autre employée au bénéfice d'une indemnité forfaitaire de 300
fr., sans que l'état de fait ne permette de connaître l'activité réelle de
cette employée.

Ces critiques générales, sans référence à une norme précise de droit fédéral
susceptible d'avoir été violée, devraient entraîner l'irrecevabilité du
recours sur ce grief (art. 55 al. 1 let. c OJ; cf. Hohl, Procédure civile,
tome II, Berne 2002, no 3245). De surcroît, ce qui n'est pas non plus
envisageable dans un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ), ces critiques
s'écartent de l'état de fait des premiers juges qui ont estimé que ni le
principe ni le montant d'une indemnité forfaitaire pour frais ne pouvaient
être tenus pour établis. Enfin, cette constatation de fait se trouve en
parfait accord avec l'absence de force probante que la cour cantonale a
accordée au plan de commissions dont la défenderesse se réclame à tort.

Il en découle que, sur ce point également et dans la mesure de sa
recevabilité, le recours apparaît mal fondé.

4.
4.1 La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir considéré la somme de
140'000 fr. remise à l'employé comme une avance sur salaire, plutôt que comme
un bonus. Dans la mesure où la critique s'en prend à l'appréciation des
preuves à disposition des premiers juges et consiste en considérations de
nature essentiellement appellatoire, le recours est irrecevable (cf. ATF 127
III 543 consid.2c p. 547).

Dans le jugement querellé, il a été procédé à une interprétation de la
convention du 28 décembre 1989. Une violation de l'art. 18 CO susceptible de
constituer un grief recevable en réforme pourrait entrer en ligne de compte.
Or, la défenderesse ne se hasarde pas à articuler une telle critique,
contrairement à ce que lui impose l'art. 55 al. 1 let. c OJ. Au surplus, une
violation du droit fédéral en rapport avec cette interprétation ne saute pas
aux yeux, de sorte que le Tribunal fédéral n'a pas à faire porter son examen
sur cette question (Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, SJ
2000 II 1 ss, 59 note 469).

Le grief soulevé est donc mal fondé, à supposer qu'il puisse être considéré
comme recevable.

4.2 La défenderesse invoque la nullité de la convention du 28 décembre 1989 :
celle-ci serait contraire à l'ordre public et immorale au sens de l'art. 20
CO; lui reconnaître sa validité, comme l'ont fait les premiers juges,
violerait ainsi l'art. 27 al. 2 CC.

Selon la jurisprudence, l'objectif de protection de la liberté personnelle
recherché par cette dernière disposition n'entraîne pas la nullité des
engagements excessifs - laquelle doit être constatée d'office - mais confère
simplement à la partie liée de manière excessive le droit de refuser
l'exécution du contrat (ATF 129 III 209 consid. 2.2). En l'occurrence, la
question de savoir si le travailleur s'est lié de manière excessive à la
demanderesse en acceptant une avance de salaire correspondant à deux ans
environ de travail peut rester indécise. D'une part, cet engagement
contractuel ne l'a pas empêché de rapidement résilier son contrat de travail;
d'autre part, le droit qu'il aurait de refuser d'exécuter le contrat
conduirait à la même solution que celle retenue par la cour cantonale, à
savoir la restitution de la somme de 140'000 fr., sous imputation des
montants dus à titre de salaire. Enfin, la défenderesse ne peut tirer
argument de l'art. 27 CC pour tenter de modifier la qualification juridique
qu'a retenue la cour cantonale pour la somme de 140'000 fr. (cf. supra
consid. 4.1.).

Le grief soulevé est ainsi dénué de pertinence et, par voie de conséquence,
infondé.

4.3 La défenderesse relève enfin que la convention du 28 décembre 1989 a été
signée par l'administrateur de la demanderesse et non par la société
elle-même; quant à la cession de créance subséquente, elle serait nulle, car
il s'agirait d'un contrat avec soi-même, puisque l'administrateur a signé cet
acte à la fois pour lui-même et pour le compte de la demanderesse.

Cette argumentation, même si elle n'a pas été soumise à la cour cantonale,
est en principe recevable si elle repose sur le même état de faits que celui
retenu dans la décision attaquée (ATF 125 III 305 consid. 2e p. 311 s.). A
cet égard, la violation éventuelle d'une norme de procédure cantonale (cf.
art. 4 CPC vaud.) ne devrait pas empêcher l'application des normes de droit
fédéral.

Selon les constatations de la cour cantonale, la cession de créance
litigieuse a été passée entre l'administrateur d'une part, et la
demanderesse, d'autre part. Cette formulation empêche de tenir pour avéré que
l'administrateur en question aurait agi seul pour la demanderesse. Dans la
mesure où la défenderesse ne se réclame pas de l'une des exceptions prévues
par les art. 63 al. 2 ou 64 OJ sur ce point, le Tribunal fédéral ne peut
s'écarter de l'état de fait souverainement constaté par les premiers juges,
ce qui rend vaine l'argumentation de la défenderesse, exprimée pour la
première fois devant le Tribunal fédéral.

Au demeurant, l'interdiction de principe de conclure un contrat avec soi-même
se fonde sur le risque de conflits d'intérêt et tend à éviter que le
représenté ne soit lésé (cf. ATF 127 III 332 consid. 2a; 126 III 361 consid.
3a). Or, en l'espèce, la cession est dans l'intérêt de la société et les
circonstances permettent d'exclure d'emblée que l'administrateur ait abusé de
son pouvoir de représentation pour conclure avec lui-même. En outre, la
société a en quelque sorte ratifié cet accord en agissant contre son ancien
employé. On ne voit donc pas ce qui justifierait de considérer le contrat de
cession comme nul.

5.
5.1 La défenderesse a pris des conclusions subsidiaires tendant à ce qu'elle
ne soit pas elle-même condamnée au paiement, mais à ce que la créance de la
demanderesse contre A.________ soit portée à l'état de collocation de la
masse en faillite à titre définitif.

Développée pour la première fois devant le Tribunal fédéral, cette
argumentation est recevable, car elle repose sur le même état de fait que
celui retenu dans la décision attaquée (cf. supra consid. 4.3). II est en
effet constant qu'à la suite de la faillite personnelle de l'ancien employé
de la demanderesse en cours de procédure, la masse en faillite a décidé de
continuer le procès intenté par la demanderesse, comme le lui permet l'art.
63 al. 3 de l'Ordonnance du Tribunal fédéral du 13 juillet 1911 sur
l'administration des offices de faillite (RS 281.32; ci-après : OAOF). Or,
cette disposition précise que, selon l'issue du litige, la créance contestée
sera ou bien radiée ou bien colloquée définitivement. II s'agit dès lors d'un
procès en collocation dont le jugement liera tous les créanciers et la
poursuite de l'instance déjà liée a pour but d'éviter la mise en oeuvre d'un
(nouveau) procès en collocation devant le juge qui a prononcé la faillite
(ATF 112 III 36 consid. 3a p. 39; 109 III 31 consid. 4 p. 35).

En condamnant directement la masse en faillite défenderesse, la juridiction
inférieure a donc méconnu le droit fédéral que constitue l'art. 63 al. 3 OAOF
(cf. Corboz, op. cit., p. 31). Dans la mesure où l'état de fait dont est
saisi le Tribunal fédéral est suffisant, il convient de réformer l'arrêt
cantonal et de colloquer définitivement la créance de la demanderesse contre
la défenderesse, en application de l'art. 63 al. 3 OAOF.

5.2 En revanche, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de se prononcer,
comme le voudrait la défenderesse dans ses conclusions, sur le sort de la
cédule hypothécaire remise en garantie conformément à l'accord du 28 décembre
1989. Ce sera à l'administration de la faillite d'en tenir compte le cas
échéant.

6.
La défenderesse se plaint encore de ce que les dépens mis à sa charge
seraient choquants, car exorbitants et bien supérieurs à ceux alloués
d'ordinaire. Cette question, dans la mesure où elle dépend de l'application
du droit cantonal de procédure, échappe à la cognition du Tribunal fédéral
saisi d'un recours en réforme (cf. Corboz, op. cit., p. 36). La défenderesse
se garde d'ailleurs bien d'invoquer la violation d'une règle de droit
fédéral, de sorte que son recours sur ce chef doit être déclaré irrecevable.

7.
En définitive, le recours est entièrement rejeté, sous réserve d'une
modification du dispositif liée à la faillite de l'ancien employé de la
demanderesse. Cette réforme très partielle de la décision cantonale ne change
rien aux prétentions de la demanderesse, de sorte qu'elle n'amène pas le
Tribunal fédéral à modifier l'attribution des émoluments de justice et des
dépens, qui seront mis à la charge de la défenderesse (art. 156 al. 1 et 159
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis.

2.
Le point I du jugement attaqué est annulé et il est prononcé que la créance
de la demanderesse, d'un montant de 123'498 fr. 60 avec intérêt à 5 % l'an
dès le 1er juin 1990, est colloquée à titre définitif dans la masse en
faillite de A.________. Le jugement entrepris est confirmé pour le surplus.

3.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse.

4.
La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 6'000 fr. à titre
de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 20 juin 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:   La greffière: