Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.615/2002
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2A.615/2002 /DAC/elo
Arrêt du 21 avril 2004
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Dupraz.

X. ________, recourant,
représenté par Me Charles Guerry, avocat,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

Refus d'approuver l'octroi d'une autorisation de séjour et renvoi de Suisse,

recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de
justice et police du 28 novembre 2002.

Faits:

A.
Ressortissant yougoslave (du Kosovo) né 1968, X.________ est arrivé en Suisse
en mars 1988 et y aurait travaillé depuis lors sans autorisation, à part en
1989 et 1991, années durant lesquelles il aurait obtenu une autorisation de
séjour saisonnière et à l'exception des mois pendant lesquels il serait
retourné dans sa patrie en 1990.

B.
Le 17 février 1999, X.________ a déposé une demande d'autorisation de séjour
pour prise d'emploi auprès du Bureau des étrangers de la commune de Moudon
(ci-après: le Bureau communal).

Le 10 février 2000, le Service de la population du canton de Vaud (ci-après:
le Service cantonal) a refusé l'autorisation de séjour sollicitée et imparti
à X.________ un délai de deux mois dès la notification de cette décision pour
quitter le territoire vaudois. Le Service cantonal s'est fondé sur les
infractions graves aux prescriptions de police des étrangers commises par
l'intéressé.

C.
Par jugement du 14 juillet 2000, le Tribunal correctionnel du district de
Moudon (ci-après: le Tribunal correctionnel) a condamné X.________ à dix-huit
mois d'emprisonnement sous déduction de soixante-sept jours de détention
préventive, avec sursis durant deux ans, et à une amende de 1'000 fr., avec
délai d'épreuve en vue d'une radiation anticipée de même durée, pour
infraction à la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement
des étrangers (LSEE; RS 142.20), infraction grave à la loi fédérale du 3
octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (loi sur sur
les stupéfiants; LStup; RS 812.121) et opposition aux actes de l'autorité; il
a également prononcé l'expulsion du territoire suisse de l'intéressé pour une
durée de cinq ans, avec sursis durant deux ans.

D.
Le 21 août 2000, X.________, qui était resté en Suisse en dépit de la
décision du Service cantonal du 10 février 2000, a déposé une demande
d'autorisation de séjour pour prise d'emploi par l'octroi d'une exception aux
mesures de limitation du nombre des étrangers. Cette demande est restée en
suspens auprès du Service cantonal.

E.
Le 1er février 2001, X.________ a épousé à Moudon Y.________, ressortissante
espagnole née en 1971 et titulaire d'une autorisation d'établissement en
Suisse. Le 5 février 2001, il a demandé une autorisation de séjour en raison
de son mariage.

Le 5 octobre 2001, le Service cantonal a fait savoir à X.________ qu'il était
favorable à l'octroi d'une autorisation de séjour à titre conditionnel sur
une période de trois ans en vertu de l'art. 5 al. 1 LSEE. Il indiquait que le
maintien et la prolongation de l'autorisation de séjour seraient subordonnés
à un comportement irréprochable de l'intéressé, à son indépendance financière
ainsi qu'à la réalisation des conditions du regroupement familial prévues à
l'art. 17 al. 2 LSEE. En cas de "non-respect" d'une de ces conditions, le
Service cantonal prendrait "une décision négative". Toutefois, la délivrance
de l'autorisation de séjour était subordonnée à l'approbation de l'Office
fédéral des étrangers, actuellement l'Office fédéral de l'immigration, de
l'intégration et de l'émigration, (ci-après: l'Office fédéral). Au demeurant,
le Service cantonal précisait que, si ladite approbation était donnée, sa
lettre "constituait un sérieux et dernier avertissement".

F.
Le 17 janvier 2002, l'Office fédéral a refusé d'approuver l'octroi d'une
autorisation de séjour à X.________ et prononcé le renvoi de l'intéressé de
Suisse, en lui fixant un délai de départ échéant le 10 avril 2002. Il a
retenu en substance que X.________ avait gravement enfreint l'ordre public et
que l'intérêt public à son éloignement prévalait sur son intérêt privé à
séjourner en Suisse.

G.
Par décision du 28 novembre 2002, le Département fédéral de justice et police
(ci-après: le Département fédéral) a rejeté le recours de X.________ contre
la décision de l'Office fédéral du 17 janvier 2002 et ordonné à l'intéressé
de quitter la Suisse dans le délai que lui communiquerait l'Office fédéral,
en exécution de cette décision. Le Département fédéral a notamment retenu
que, si X.________ avait séjourné longtemps en Suisse, c'était pour
l'essentiel de manière parfaitement illégale; son attitude permettait de
conclure qu'il ne voulait ou ne pouvait pas s'adapter à l'ordre établi en
Suisse. En outre, X.________ avait participé à un trafic de stupéfiants
réalisé en bande et portant sur des quantités d'héroïne considérables; il
constituait donc une menace pour l'ordre et la sécurité publics. Par son
comportement en Suisse, X.________ avait si gravement enfreint l'ordre et la
sécurité publics que l'intérêt public à son éloignement était prépondérant,
même si le refus d'une autorisation de séjour devait entraîner la séparation
du couple.

Par lettre du 9 décembre 2002, l'Office fédéral a imparti à l'intéressé un
délai échéant le 15 février 2003 pour quitter la Suisse.

H.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de dépens, que la décision du Département
fédéral du 28 novembre 2002 soit annulée et qu'une autorisation de séjour lui
soit accordée. Il se plaint que l'autorité intimée ait violé les art. 17 al.
2 LSEE et 8 CEDH ainsi que ses obligations de procéder à une pesée de
l'ensemble des intérêts en présence et de respecter le principe de la
proportionnalité. Il fait notamment valoir la durée de son séjour en Suisse
et sa bonne intégration dans ce pays. Il conteste représenter une menace pour
l'ordre et la sécurité publics. Il invoque la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme dans l'arrêt Boultif.

Le Département fédéral conclut au rejet du recours.

I.
Par ordonnance du 17 janvier 2003, le Président de la IIe Cour de droit
public a admis la demande d'effet suspensif présentée par le recourant.

J.
Le 11 février 2003, le Service cantonal a produit son dossier.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227).

1.1 Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers contre
l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère
pas un droit. D'après l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes statuent
librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec
l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou
d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas de droit à l'octroi d'une
autorisation de séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est
irrecevable, à moins que ne puisse être invoquée une disposition particulière
du droit fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la délivrance d'une
telle autorisation (ATF 128 II 145 consid. 1.1.1 p. 148).

1.2 Le 1er juin 2002 est entré en vigueur l'Accord du 21 juin 1999 entre la
Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats
membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après cité:
Accord sur la libre circulation des personnes ou ALCP; RS 0.142.112.681).

Du moment que son épouse est une ressortissante espagnole au bénéfice d'une
autorisation d'établissement, le recourant dispose, en principe, en vertu des
art. 7 lettre d ALCP et 3 al. 1 et 2 annexe I ALCP, d'un droit (dérivé) à une
autorisation de séjour en Suisse pendant toute la durée formelle de son
mariage, à l'image de ce que prévoit l'art. 7 al. 1 LSEE pour le conjoint
étranger d'un ressortissant suisse (cf. arrêt destiné à la publication du 19
décembre 2003, 2A.246/2003, consid. 8.3). Son recours est donc recevable au
sens de l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ.

1.3 Dans la mesure où l'intéressé fait ménage commun avec son épouse, son
recours est également recevable en vertu de l'art. 17 al. 2 LSEE, le point de
savoir si les conditions pour la délivrance d'une autorisation de séjour au
sens de la disposition précitée sont, ou non, remplies, étant une question de
fond et non de recevabilité (cf. arrêt du 15 août 2000, 2A.227/2000, consid.
1b).

1.4 Le recourant peut aussi se prévaloir du droit au respect de sa vie privée
et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle
séparation de sa famille et obtenir ainsi une autorisation de séjour, du
moment que son épouse dispose d'un droit de s'établir en Suisse (en principe,
nationalité suisse ou autorisation d'établissement) et que sa relation avec
elle paraît étroite et effective (ATF 129 II 193 consid. 5.3.1 p. 211).

1.5 Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la
loi, le présent recours est en principe recevable en vertu des art. 97 ss OJ.

2.
Saisi d'un recours de droit administratif dirigé contre une décision qui
n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral revoit, le cas
échéant d'office, les constatations de fait (art. 104 lettre b et 105 al. 1
OJ). Sur le plan juridique, il vérifie d'office l'application du droit
fédéral qui englobe en particulier les droits constitutionnels des citoyens
(ATF 129 II 183 consid. 3.4 p. 188) - en examinant notamment s'il y a eu
excès ou abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 lettre a OJ) -, sans être
lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En
revanche, il ne peut pas revoir l'opportunité de la décision attaquée, le
droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen dans ce domaine (art. 104 lettre
c ch. 3 OJ).

En matière de police des étrangers, lorsque la décision entreprise n'émane
pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principe ses
jugements, formellement et matériellement, sur l'état de fait et de droit
existant au moment de sa propre décision (ATF 124 II 361 consid. 2a p. 365;
122 II 1 consid. 1b p. 4).

3.
3.1 Aux termes de l'art. 1er lettre a LSEE, la loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers n'est applicable aux ressortissants des Etats
membres de la Communauté européenne et aux membres de leur famille que si
l'Accord n'en dispose pas autrement ou si ladite loi prévoit des dispositions
plus favorables.

3.2 Partie intégrante de l'Accord sur la libre circulation des personnes (cf.
art. 15 ALCP), l'annexe I ALCP règle le détail du droit mentionné à l'art. 7
lettre d ALCP en prévoyant que, quel que soit sa nationalité, le conjoint
d'un ressortissant d'une partie contractante a le droit de "s'installer" avec
ce dernier (art. 3 al. 1 et 2 annexe I ALCP). Ce droit est calqué sur la
réglementation prévue aux art. 10 et 11 du Règlement (CEE) no 1612/68 du
Conseil, du 15 octobre 1968, sur la la libre circulation des travailleurs à
l'intérieur de la Communauté (JO no L 257, p. 2), si bien que son
interprétation doit se faire en tenant compte de la jurisprudence antérieure
au 21 juin 1999 qui a été rendue en la matière par la Cour de justice des
Communautés européennes (cf. arrêt destiné à la publication du 19 décembre
2003, 2A.246/2003, consid. 5 et les références citées).

S'inspirant d'une récente jurisprudence de cette juridiction (arrêt de la
CJCE du 23 septembre 2003, Secretary of State c. Akrich, C-109/2001, non
encore publié dans le Recueil de jurisprudence de la Cour de justice mais
reproduit in: EuGRZ 2003, p. 607 ss, pt 57), le Tribunal fédéral a précisé
que l'art. 3 annexe I ALCP n'était pas applicable lorsque, au moment de la
demande de regroupement familial, le membre de la famille concerné du
ressortissant communautaire n'avait pas la nationalité d'un Etat membre de la
Communauté européenne et ne résidait pas déjà légalement dans un Etat membre
(ATF 130 II 1 consid. 3.6, p. 9 ss).

3.3 En dépit de sa qualité d'époux d'une ressortissante espagnole établie et
travaillant en Suisse, les autorités compétentes ont refusé d'accorder au
recourant une autorisation de séjour.

Depuis lors, il ne doit donc sa présence en Suisse qu'à la faveur de l'effet
suspensif attaché aux différentes procédures qu'il a engagées, jusqu'ici
vainement, en vue d'obtenir la régularisation de sa situation. Au simple
bénéfice d'une tolérance, il ne saurait, en conséquence, prétendre qu'il
résidait légalement en Suisse au moment de ses demandes d'autorisation de
séjour pour prise d'emploi et en raison de son mariage. Dans cette mesure,
l'art. 3 annexe I ALCP ne lui est pas applicable et son éventuel droit à une
autorisation de séjour doit s'examiner à la lumière des dispositions du droit
interne.

4.
4.1 Tandis que le droit à l'autorisation de séjour de l'étranger qui a épousé
une personne bénéficiant d'une autorisation d'établissement s'éteint, en
vertu de l'art 17 al. 2 LSEE, si l'ayant droit a enfreint "l'ordre public",
la déchéance de ce droit est soumise à des conditions plus rigoureuses pour
le conjoint étranger d'un ressortissant suisse, puisqu'elle est subordonnée,
aux termes de l'art. 7 al. 1 in fine LSEE, à l'existence d'un "motif
d'expulsion" (cf. l'art. 10 LSEE), ainsi qu'au respect du principe de la
proportionnalité, notamment sous l'angle de la gravité de la faute commise
par l'étranger, de la durée de son séjour en Suisse et du préjudice qu'il
aurait à subir avec sa famille du fait de l'expulsion (cf. les art. 11 al. 3
LSEE et 16 al. 3 du règlement d'exécution du 1er mars 1949 de la loi fédérale
sur le séjour et l'établissement des étrangers [RSEE; RS 142.201]). La
jurisprudence a certes précisé que l'extinction du droit à l'autorisation de
séjour devait, conformément aux règles générales du droit administratif,
également respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elle était
justifiée par un motif d'ordre public au sens de l'art. 17 al. 2 LSEE. Il
n'en demeure pas moins que, dans la mesure où une atteinte moindre suffit en
principe au regard de cette disposition, les intérêts privés opposés pèsent
moins lourd dans la balance que si un motif d'expulsion était nécessaire au
sens de l'art. 7 al. 1 in fine LSEE (cf. ATF 122 II 385 consid. 3a p. 390;
120 Ib 129 consid. 4a p. 130/131; Philip Grant, La protection de la vie
familiale et de la vie privée en droit des étrangers, thèse Genève 2000, p.
190/191). En matière de regroupement familial, le conjoint étranger d'une
personne au bénéfice d'une autorisation d'établissement jouit donc, d'après
les dispositions de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des
étrangers, d'une situation moins favorable que le conjoint étranger d'un
ressortissant suisse.

4.2 Bien que l'art. 3 annexe I ALCP ne soit pas applicable au recourant (cf.
supra consid. 3.3), celui-ci, dont l'épouse est ressortissante d'un Etat
membre de la Communauté européenne, peut invoquer le bénéfice de l'art. 2
ALCP, aux termes duquel "les ressortissants d'une partie contractante qui
séjournent légalement sur le territoire d'une autre partie contractante ne
sont pas, dans l'application et conformément aux dispositions des annexes I,
II et III de cet accord, discriminés en raison de leur nationalité." L'art. 2
ALCP figure en effet dans les "dispositions de base" de l'Accord (art. 1 à 9
ALCP) dont il exprime l'un des objectifs fondamentaux. Le principe de
non-discrimination revêt ainsi une portée générale.

4.3 Selon la jurisprudence applicable au conjoint étranger d'un citoyen
suisse, une condamnation à deux ans de privation de liberté constitue la
limite à partir de laquelle, en général, il y a lieu de refuser
l'autorisation de séjour quand il s'agit d'une demande d'autorisation
initiale ou d'une requête de prolongation d'autorisation déposée après un
séjour de courte durée (ATF 120 Ib 6 consid. 4b p. 14 se référant à l'arrêt
Reneja, ATF 110 Ib 201). Ce principe vaut même lorsqu'on ne peut pas - ou
difficilement - exiger de l'épouse suisse de l'étranger qu'elle quitte la
Suisse, ce qui empêche de fait les conjoints de vivre ensemble d'une manière
ininterrompue. En effet, lorsque l'étranger a gravement violé l'ordre
juridique en vigueur et qu'il a ainsi été condamné à une peine d'au moins
deux ans de détention, l'intérêt public à son éloignement l'emporte
normalement sur son intérêt privé - et celui de sa famille - à pouvoir rester
en Suisse. Cette référence à une quotité de peine de détention de deux ans
n'a cependant qu'un caractère indicatif.

4.4 Le recourant réalise en tout cas un motif d'expulsion: il a été condamné
par une autorité judiciaire pour "crime ou délit" (cf. l'art. 10 al. 1 lettre
a LSEE). En effet, dans son jugement précité du 14 juillet 2000, le Tribunal
correctionnel a notamment infligé une peine de dix-huit mois d'emprisonnement
à l'intéressé. Cette condamnation reposait en particulier sur l'implication
de ce dernier dans un important trafic de stupéfiants. Le Tribunal
correctionnel a considéré que le recourant et ses trois co-accusés devaient
être reconnus coupables d'infraction grave à la loi sur les stupéfiants, les
circonstances aggravantes de la quantité de stupéfiants et de la bande étant
réalisées. Or, il s'agit d'un domaine où la jurisprudence se montre
particulièrement rigoureuse (cf. l'ATF 122 II 433 consid. 2c p. 436). En
effet, la protection de la collectivité publique face au développement du
marché de la drogue constitue incontestablement un intérêt public
prépondérant justifiant l'éloignement de Suisse d'un étranger qui s'est rendu
coupable d'infraction grave à la loi sur les stupéfiants. Les étrangers qui
sont mêlés au commerce des stupéfiants doivent donc s'attendre à faire
l'objet de mesures d'éloignement (arrêt 2A.326/2000 du 30 octobre 2000,
consid. 3c). Le trafic auquel l'intéressé a participé portait sur des
quantités très importantes d'héroïne, à savoir 300 g, 980 g, 1880 g et un
kilo, rien que pour les quatre livraisons dont les quantités ont pu être
déterminées. Le recourant ne pouvait donc pas ignorer que la quantité de
stupéfiants sur laquelle portait le commerce dans lequel il était impliqué
pouvait mettre en danger la santé d'un grand nombre de personnes. Toutefois,
il a joué un rôle de second plan dans le trafic de stupéfiants susmentionné,
comme l'a reconnu le Tribunal correctionnel, et il a été condamné à dix-huit
mois d'emprisonnement, alors que ses co-accusés se sont vu infliger des
peines de sept à huit ans de réclusion. Le Tribunal correctionnel a ainsi
condamné l'intéressé à une peine de détention inférieure à la quotité de deux
ans mentionnée dans la jurisprudence rappelée ci-dessus (consid. 3.4) et il
lui a accordé le sursis aussi bien pour la peine d'emprisonnement que pour la
mesure d'expulsion. Il a donc fait un pronostic favorable quant au
comportement futur du recourant.

Par ailleurs, on ne saurait suivre l'intéressé quand il prétend n'avoir plus
commis d'infractions depuis 1998. En effet, il a continué à séjourner et à
travailler illégalement en Suisse, même après avoir reçu la décision précitée
du Service cantonal du 10 février 2000 qui lui ordonnait de quitter le
territoire vaudois dans les deux mois. On pourrait déduire de ce comportement
que le recourant ne s'est pas encore adapté à l'ordre établi en Suisse et
considérer qu'il en est incapable, de sorte qu'il réaliserait aussi le motif
d'expulsion de l'art. 10 al. 1 lettre b LSEE.

D'un autre côté, on ne saurait que difficilement exiger de sa femme qu'elle
aille vivre au Kosovo, même si elle devait être consciente de ce risque
lorsqu'elle a épousé le recourant. En revanche, un retour et une
réinstallation en Espagne n'apparaît pas impossible.

Quoi qu'il en soit, le recourant a été condamné à une peine de détention
inférieure à deux ans. Il conviendrait donc en principe d'approuver la
décision du Service cantonal du 5 octobre 2001, pour autant que les
conditions auxquelles elle subordonne le maintien et la prolongation d'une
autorisation de séjour aient été respectées jusqu'à maintenant. Cela
présuppose que l'instruction du dossier soit complétée sur ce point.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis dans le sens des considérants,
la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à l'autorité qui a statué
en première instance pour complément d'instruction et nouvelle décision.

Bien qu'elle succombe, la Confédération n'a pas à supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 2 OJ).

Le recourant a droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans le sens des considérants. La décision du
Département fédéral de justice et police du 28 novembre 2002 est annulée. La
cause est renvoyée à l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et
de l'émigration pour complément d'instruction et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
La Confédération versera au recourant une indemnité de 1'800 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à
l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration, au
Département fédéral de justice et police et au Service de la population du
canton de Vaud.

Lausanne, le 21 avril 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: