Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.538/2002
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2A.538/2002 /dxc

Arrêt du 6 février 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Müller et Merkli,
greffière Rochat.

X. ________,
recourant, représenté par Me Yves Auberson, avocat, route de
la Glâne 107, case postale 137, 1752 Villars-sur-Glâne 1,

contre

Direction générale des douanes, Monbijoustr. 40, 3003 Berne,
Commission fédérale de recours en matière de douanes, avenue Tissot 8, 1006
Lausanne.

importation illégale de viande; assistance judiciaire,

recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédérale
de recours en matière de douanes du 23 octobre 2002.

Faits:

A.
Le 17 mai 2002, la Direction générale des douanes a rejeté le recours de
X.________ contre la décision d'assujettissement de la Direction du IIIème
arrondissement des douanes, qui déclarait l'intéressé débiteur solidaire des
montants de 12'969 fr. 95 au titre de droits de douane et de 395 fr. 50 au
titre de la taxe sur la valeur ajoutée, pour avoir importé illégalement de la
viande en Suisse.

Par acte du 20 juin 2002, X.________ a recouru auprès de la Commission
fédérale de recours en matière de douanes et a conclu à l'annulation de la
décision du 17 mai 2002. Il a également sollicité l'assistance judiciaire, en
expliquant que ses dépenses, d'un montant de 7'412 fr. par mois, dépassaient
de 600 fr. les revenus mensuels du couple.

B.
Par décision du 23 octobre 2002, le Président de la Commission fédérale de
recours en matière de douanes a rejeté la demande d'assistance judiciaire et
a invité le recourant à effectuer le paiement de l'avance de frais de 1'500
fr. Il a considéré en bref que les revenus totaux du recourant (6'898 fr. 85
par mois) et sa fortune à disposition, soit 4789 fr. 20 d'économies, lui
permettaient de supporter les frais de procédure sans entamer son minimum
vital élargi, estimé à 6'449 fr. 70.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ conclut,
sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision du Président de
la Commission fédérale de recours en matière de douanes du 23 octobre 2002,
la cause étant renvoyée à cette autorité pour nouvelle décision. Il demande
aussi d'être dispensé de payer des frais judiciaires et de fournir des
sûretés pour les dépens. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où son recours
serait rejeté, il requiert que les honoraires de son avocat soient supportés
par la Caisse du Tribunal fédéral.

Le Président de la Commission intimée a renoncé à déposer des observations et
se réfère aux considérants de sa décision.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
En tant qu'elle refuse l'assistance judiciaire au recourant, la décision
entreprise est une décision incidente qui cause au recourant un dommage
irréparable au sens de l'art. 45 al. 1 PA; elle peut ainsi être attaquée par
la voie du recours de droit administratif, dans la mesure où, selon les art.
97 et ss OJ et l'art. 109 al. 1 lettre e de la loi fédérale sur les douanes
(LDA; RS 631.0), cette voie de droit est ouverte contre la décision finale
(art. 101 lettre a OJ a contrario; ATF 128 V 199 consid. 2a p. 202; 127 II
132 consid. 2a p. 136).

2.
2.1 D'après l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de
ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de
toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre
droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde
de ses droits le requiert. Une personne est dans le besoin lorsqu'elle ne
bénéficie pas de moyens lui permettant d'assumer les frais de procédure
prévisibles sans porter atteinte à son minimum vital ou à celui de sa famille
(ATF 128 I 225 consid. 2.3 p. 227; 127 I 202 consid. 3b p. 205 et les arrêts
cités). L'art. 65 al. 1 PA, appliqué par le Président de la Commission
intimée conjointement à la garantie constitutionnelle de l'art. 29 al. 3
Cst., contient  les mêmes notions.

Pour déterminer l'indigence, il y a lieu de prendre en considération
l'ensemble de la situation du requérant au moment où la demande est
présentée, soit de ses ressources effectivement disponibles (ATF 124 I 1
consid. 2a p. 2; 120 Ia 179 consid. 3a p. 181). Il n'est donc en principe pas
pertinent de reprocher à l'intéressé un loyer ou un engagement en leasing
trop élevé car, même s'il rompait ce dernier ou cherchait à se loger à
meilleur prix, il ne pourrait pas disposer des fonds nécessaires à sa défense
dans un avenir proche (ATF 109 Ia 5 consid. 3a p. 8; Christian Favre,
L'assistance judiciaire gratuite en droit suisse, thèse Lausanne 1989, p.
46). Quant au propriétaire d'immeuble, il n'est tenu de requérir un crédit
supplémentaire garanti par son immeuble que si ce dernier peut encore en être
grevé (ATF 119 Ia 11 consid. 5 p. 12).

2.2 En l'espèce, le Président de la Commission fédérale de recours a admis
qu'il n'était plus possible d'augmenter l'hypothèque de la villa du recourant
pour couvrir les frais judiciaires, car une telle opération avait déjà eu
lieu à la suite de la fermeture de sa boucherie, les dettes commerciales
ayant alors été transférées sur le crédit hypothécaire. Il a en outre
considéré que chacun des époux avait besoin d'une voiture pour se rendre à
son travail, mais a relevé que le recourant n'alléguait aucun frais de
déplacement, seul un montant de 147 fr. par mois étant indiqué pour les repas
pris à l'extérieur.

De son côté, le recourant fait valoir qu'il avait inclus dans son budget les
frais de benzine, pour un montant de 300 fr., ainsi que les frais d'impôts et
d'assurances pour voitures, soit une somme de 301 fr. 95; il estime dès lors
que ces frais doivent être compris comme frais de déplacement. Cette
argumentation paraît pertinente. En effet, du moment que  l'autorité intimée
a admis que le recourant et son épouse pouvaient avoir deux véhicules en
leasing, car ils devaient se rendre à leur travail en voiture, il est logique
de prendre aussi en considération les frais inhérents à ce moyen de
transport. Toutefois, dans la mesure où le recourant déclare rouler 34 km par
jour, pendant 220 jours par an, et son épouse 22 km pendant 110 jours, soit
environ 10'000 km par année, les 300 fr. mensuels demandés pour la benzine
doivent être réduits à 100 fr. (900 lit. x 1,33 fr. [à la date de l'arrêt] :
12). Quant au montant de 300 fr. par mois, ou 3'600 fr. par année concernant
les impôts et les assurances pour voitures, il peut également être admis,
compte tenu du fait qu'il s'agit de véhicules en leasing, pour lesquels une
assurance casco complète est indispensable. Or, si l'on ajoute ces frais,
soit 400 fr., au minimum vital élargi de 6'449 fr. 70 calculé par le
Président de la Commission fédérale de recours, le budget du recourant ne
laisse apparaître un solde positif que d'environ 50 fr. par mois (6'898 fr.
85 de revenu mensuel total - 6'849 fr. 70 de dépenses d'entretien de la
famille), en lieu et place de l'excédent de 449 fr. 15 retenu dans la
décision entreprise. En ce qui concerne le montant de 4'789 fr. 20 indiqué à
titre d'économies par le recourant, il s'agit de soldes sur comptes
bancaires, qui peuvent varier d'un mois à l'autre. Comme l'excédent de 50 fr.
par mois, ces  montants servent en priorité à financer les besoins courants
du ménage. Ils permettent notamment de couvrir une partie des dépenses
additionnelles d'environ 300 fr. alléguées par le recourant (téléphone,
ramoneur, eau, mazout, assurance ménage et incendie, redevances radio et
télévision, journaux), dès lors qu'il ne paraît pas possible que toutes ces
charges soient déjà comprises dans le montant de base augmenté de 20 %, soit
la somme de 450 fr. fixée par le Président de la Commission fédérale de
recours. Même si le recourant n'a pas produit les extraits récents de ses
comptes bancaires, il est certain qu'il ne dispose que d'une marge très
réduite pour couvrir les dépenses extraordinaires et qu'il n'est ainsi pas en
mesure de trouver rapidement 1'500 fr. pour verser l'avance de frais requise,
à moins de devoir imputer cette somme sur les montants destinés aux besoins
courants du ménage.

2.3 Il s'ensuit que le recourant n'a actuellement pas de ressources
suffisantes pour assumer les frais judiciaires de la procédure devant la
Commission fédérale de recours en matière de douanes sans porter atteinte au
minimum vital élargi nécessaire à son entretien et à celui de sa famille. Par
conséquent, la décision attaquée viole le droit fédéral, en tant qu'elle
refuse de reconnaître l'indigence du recourant et rejette sa demande
d'assistance judiciaire pour ce motif. Il reste au Président de la Commission
fédérale de recours à examiner si les conclusions du recourant ne paraissent
pas d'emblée vouées à l'échec au sens de l'art. 65 al. 1 PA.

3.
3.1 Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et la décision
attaquée annulée, l'affaire étant renvoyée à l'autorité intimée pour nouvelle
décision dans le sens des considérants. Il n'y a pas lieu de mettre des frais
judiciaires à la charge de la Commission fédérale de recours en matière de
douanes, dont les intérêts pécuniaires ne sont pas en cause (art. 156 al. 2
OJ). En revanche, celle-ci versera au recourant une indemnité à titre de
dépens (art. 159 al. 1 OJ).

3.2 Compte tenu de l'issue du recours, la demande d'assistance judiciaire
présentée par le recourant devient sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée est annulée.
L'affaire est renvoyée au Président de la Commission fédérale de recours en
matière de douanes pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.
Il est constaté que la demande d'assistance judiciaire est devenue sans
objet.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
La Commission fédérale de recours en matière de douanes versera au recourant
une indemnité de 800 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à la
Direction générale des douanes et à la Commission fédérale de recours en
matière de douanes.

Lausanne, le 6 février 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: