Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.401/2002
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2A.401/2002/elo
Arrêt du 31 octobre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler et Yersin,
greffière Dupraz.

C. ________ recourant, représenté par Me Michel Lellouch, avocat, boulevard
des Tranchées 16, case postale 328,
1211 Genève 12,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

Refus d'approbation à l'octroi d'une autorisation d'établissement,
respectivement au renouvellement d'une autorisation de séjour, et renvoi de
Suisse

(recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de
justice et police du 21 juin 2002)

Faits:

A.
Ressortissant turc né le 5 juin 1963, C.________ est arrivé en Suisse le 18
septembre 1986 et y a déposé le 22 septembre 1986 une demande d'asile. Durant
la procédure, il a déclaré qu'il s'était marié religieusement le 25 septembre
1984 avec une compatriote, N.________, qui lui avait donné un fils,
I.________, en 1985. La demande d'asile de C.________ a été rejetée le 20
octobre 1987. Le recours contre cette décision a été rejeté le 12 avril 1989
par le Département fédéral de justice et police (ci-après: le Département
fédéral). Un délai échéant le 31 juillet 1989 a été imparti à l'intéressé
pour quitter la Suisse.

Le 18 avril 1989, C.________ a demandé au Contrôle de l'habitant du canton de
Genève de remplacer la mention « marié » figurant sur l'attestation de dépôt
de sa demande d'asile par le terme « célibataire », sur la base d'un document
officiel turc, l'intéressé désirant signer une promesse de mariage. La
requête de C.________ a été rejetée.

Le 5 août 1989, l'intéressé a quitté la Suisse.

B.
Le 28 août 1989, C.________ a épousé civilement en Turquie A.________,
ressortissante chilienne née le 23 août 1950 et titulaire d'une autorisation
d'établissement en Suisse. Le 29 août 1989, C.________ a déposé auprès de la
représentation de Suisse à Ankara une demande d'autorisation d'entrée en
Suisse pour pouvoir vivre avec sa femme.

Le 10 juillet 1990, l'Office fédéral des étrangers (ci-après: l'Office
fédéral) a autorisé les représentations suisses à délivrer à C.________ un
visa lui permettant de vivre un an auprès de sa femme (regroupement familial)
en Suisse. L'intéressé est arrivé en Suisse le 30 août 1990. Le 28 janvier
1991, il s'est vu octroyer une autorisation de séjour à l'année qui a été
prolongée à plusieurs reprises, la dernière fois jusqu'au 30 août 1996.

Le 10 décembre 1995, A.________ est décédée.

C.
Le 19 juillet 1996, C.________ a épousé civilement dans son pays N.________
née le 1er janvier 1968, dont il avait trois enfants, I.________ né le 1er
(ou le 15) août 1985, J.________ né le 7 mai 1990 et K.________, né le 21
avril 1994.

Le 23 août 1996, C.________ a déposé auprès de l'Office cantonal de la
population du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) une demande de
regroupement familial tendant à faire venir en Suisse sa femme et leurs trois
fils.

Par décision du 19 octobre 1998, l'Office cantonal a refusé de renouveler
l'autorisation de séjour de l'intéressé et de lui accorder une autorisation
d'établissement. Il a par conséquent rejeté la demande de regroupement
familial précitée et imparti à C.________ un délai de départ échéant le 20
janvier 1999. L'Office cantonal a considéré que l'intéressé avait commis un
abus de droit et qu'il avait obtenu une autorisation de séjour et les
renouvellements de celle-ci en dissimulant des faits essentiels. Il a
notamment retenu que C.________ avait vécu deux relations « conjugales »
simultanées, qu'il avait caché sa liaison avec N.________ et qu'il avait tu
l'existence de deux de ses enfants.

D.
Le 12 décembre 2000, la Commission cantonale de recours de police des
étrangers du canton de Genève (ci-après: la Commission cantonale de recours)
a admis le recours de C.________ et N.________ ainsi que de leurs enfants
I.________, J.________ et K.________ contre la décision de l'Office cantonal
du 19 octobre 1998, annulé ladite décision et renvoyé la cause à l'Office
cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle a
notamment estimé qu'il ne pouvait être reproché à C.________ d'avoir utilisé
l'institution du mariage pour obtenir l'octroi puis le renouvellement de son
autorisation de séjour. Elle a également considéré que l'intéressé ne pouvait
pas être accusé d'avoir intentionnellement trompé l'autorité sur une
circonstance déterminante dans le renouvellement de son autorisation de
séjour, voire dans l'octroi d'une autorisation d'établissement.

E.
L'Office cantonal a alors soumis le dossier à l'Office fédéral qui, par
décision du 5 juillet 2001, a refusé d'approuver l'octroi d'une autorisation
d'établissement à  C.________, voire le renouvellement de son autorisation de
séjour, et prononcé son renvoi de Suisse en lui fixant un délai de départ
échéant le 30 octobre 2001. Il a considéré que l'intéressé avait commis un
abus de droit et contrevenu à l'ordre public suisse, qui ne tolère pas la
bigamie de fait.

F.
Le 21 juin 2002, le Département fédéral a rejeté, dans la mesure où il était
recevable, le recours de C.________ contre la décision de l'Office fédéral du
5 juillet 2001 et ordonné à l'intéressé de quitter la Suisse dans le délai
que lui communiquerait l'Office fédéral. Le Département fédéral a déclaré
irrecevable la conclusion du recourant relative à son exemption des mesures
de limitation. Il a laissé ouverte la question de savoir si l'intéressé avait
contracté un mariage de complaisance avec A.________. En revanche, il a
considéré que C.________ avait entretenu parallèlement deux unions «
conjugales » et caché aux autorités des éléments essentiels déterminants par
rapport à sa situation de police des étrangers. Il existait donc un motif de
révocation au sens de l'art. 9 al. 4 lettre a de la loi fédérale du 26 mars
1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20) qui
excluait pour l'intéressé la faculté de revendiquer encore un droit à
l'octroi d'une autorisation d'établissement sur la base de l'art. 17 al. 2
2ème phrase LSEE. Le Département fédéral a également retenu que C.________
avait commis un abus de droit qui l'empêchait de déduire un droit à
l'obtention d'une autorisation d'établissement fondé sur l'art. 17 al. 2 2ème
phrase LSEE. Au demeurant, il n'y avait pas lieu d'accorder une autorisation
d'établissement à l'intéressé ni de renouveler son autorisation de séjour
pour respecter le principe de la proportionnalité ou assurer la protection de
sa vie privée garantie par l'art. 8 CEDH. Dès lors, il n'était pas nécessaire
de se prononcer sur la demande de regroupement familial présentée par
C.________.

G.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, C.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler la décision du Département
fédéral du 21 juin 2002. A titre principal, il demande encore au Tribunal
fédéral de reconnaître qu'il a le droit d'obtenir une autorisation
d'établissement et d'ordonner à l'Office cantonal de lui délivrer une
autorisation d'établissement, subsidiairement une autorisation de séjour; il
demande également au Tribunal fédéral de reconnaître qu'il a le droit
d'obtenir le regroupement familial pour sa femme N.________ et leurs trois
enfants, I.________, J.________ et K.________, et d'ordonner à l'Office
cantonal de délivrer des autorisations d'établissement, subsidiairement des
autorisations de séjour, au titre du regroupement familial à N.________,
ainsi qu'à ses enfants I.________, J.________ et K.________. Il se plaint de
la violation des art. 7 al. 2, 9 al. 4 lettre a et 17 al. 2 LSEE ainsi que 8
CEDH. Il invoque aussi le respect du principe de la proportionnalité.

Le Département fédéral conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 46 consid. 2a p. 47).

1.1 Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers contre
l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère
pas un droit. D'après l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes statuent
librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec
l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou
d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas de droit à l'octroi d'une
autorisation de séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est
irrecevable, à moins que ne puisse être invoquée une disposition particulière
du droit fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la délivrance d'une
telle autorisation (ATF 127 II 60 consid. 1a p. 62/63). Par ailleurs, la voie
du recours de droit administratif est ouverte contre la décision de refus
d'approbation des autorités administratives fédérales lorsqu'elle l'aurait
été contre une décision cantonale refusant l'autorisation de séjour.

1.2 L'art. 17 al. 2 LSEE dispose que le conjoint d'un étranger possédant
l'autorisation d'établissement a droit à l'autorisation de séjour aussi
longtemps que les époux vivent ensemble (1ère phrase) et qu'après un séjour
régulier et ininterrompu de cinq ans, il a lui aussi droit à l'autorisation
d'établissement (2ème phrase). Selon l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE, si un
étranger possède l'autorisation d'établissement, ses enfants célibataires
âgés de moins de dix-huit ans ont le droit d'être inclus dans l'autorisation
d'établissement aussi longtemps qu'ils vivent auprès de leurs parents.

D'après la jurisprudence - rendue au sujet de l'art. 7 LSEE -, le décès du
conjoint suisse d'un étranger entraîne pour ce dernier l'extinction du droit
à une autorisation de séjour, à moins qu'il ne puisse personnellement
revendiquer un droit à une autorisation d'établissement sur la base de l'art.
7 al. 1 2ème phrase LSEE (ATF 120 Ib 16 consid. 2c et 2d p. 19-21). Il y a
lieu d'appliquer cette jurisprudence par analogie au cas du décès du conjoint
étranger titulaire d'une autorisation d'établissement d'un étranger, d'autant
plus que l'art. 17 al. 2 1ère phrase LSEE fait dépendre l'octroi ou la
prolongation de l'autorisation de séjour du fait que les époux vivent
ensemble.

Le recourant a été marié à une Chilienne titulaire d'une autorisation
d'établissement en Suisse. Ils ont fait ménage commun en Suisse du 30 août
1990 au 10 décembre 1995, soit pendant plus de cinq ans. Cette union a pris
fin par la mort de A.________. Dès lors, dans la mesure où C.________ se
prévaut de l'art. 17 al. 2 LSEE, le présent recours est recevable en tant que
l'intéressé demande une autorisation d'établissement en sa faveur.

1.3 Le recourant semble également invoquer l'art. 8 CEDH. Un étranger peut,
selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de la vie privée et
familiale garanti par cette disposition pour s'opposer à l'éventuelle
séparation de sa famille et obtenir ainsi une autorisation de séjour. Encore
faut-il pour pouvoir invoquer la protection de la vie familiale découlant de
l'art. 8 CEDH que la relation entre l'étranger et une personne de sa famille
ayant le droit de résider durablement en Suisse (en principe nationalité
suisse ou autorisation d'établissement) soit étroite et effective (ATF 124 II
361 consid. 1b p. 364). D'après la jurisprudence, les relations familiales
qui peuvent fonder, en vertu de l'art. 8 CEDH, un droit à une autorisation de
police des étrangers sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre
parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 120 Ib 257 consid. 1d p.
261). Par ailleurs, pour pouvoir déduire de la protection de la vie privée
garantie par l'art. 8 CEDH un droit de résider en Suisse, il faut avoir tissé
des relations privées spécialement intenses avec ce pays. Le Tribunal fédéral
a considéré qu'une présence en Suisse d'environ seize ans et les liens privés
habituels qui en découlent ne fondaient pas encore à eux seuls des relations
particulièrement intenses et ne créaient par conséquent pas un droit à une
autorisation selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ (ATF 126 II 377 consid.
2c/aa p. 384/385).

Le recourant ne peut faire valoir aucune relation étroite et effective avec
une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse,
depuis que A.________ est décédée. De plus, l'intéressé, qui est arrivé en
Suisse le 30 août 1990 et n'est que toléré depuis le 31 août 1996 en raison
des procédures qu'il a entamées, ne peut pas invoquer des relations privées
exceptionnellement intenses en Suisse. Par conséquent, dans la mesure où le
recourant invoque l'art. 8 CEDH pour demander l'octroi d'une autorisation de
séjour en sa faveur, le recours est irrecevable.

1.4 En tant que le recourant peut revendiquer une autorisation
d'établissement, sa conclusion tendant à faire reconnaître qu'il a le droit
d'obtenir le regroupement familial pour sa femme N.________ et leurs trois
enfants est recevable. En outre, au regard de l'art. 17 al. 2 LSEE, ce
regroupement familial pourrait déboucher uniquement sur la délivrance d'une
autorisation de séjour à la femme du recourant et sur l'octroi
d'autorisations d'établissement à ses trois enfants. Les conclusions du
recourant sont donc recevables, dans la mesure où elles tendent à cela; elles
sont en revanche irrecevables en tant qu'elles visent à la délivrance d'une
autorisation d'établissement à la femme du recourant.

1.5 Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la
loi, le présent recours est en principe recevable en vertu des art. 97 ss OJ.

2.
Saisi d'un recours de droit administratif dirigé contre une décision qui
n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral revoit, le cas
échéant d'office, les constatations de fait (art. 104 lettre b et 105 al. 1
OJ). Sur le plan juridique, il vérifie d'office l'application du droit
fédéral qui englobe en particulier les droits constitutionnels des citoyens
(ATF 124 II 517 consid. 1 p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388) - en examinant
notamment s'il y a eu excès ou abus du pouvoir d'appréciation (art. 104
lettre a OJ) -, sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art.
114 al. 1 in fine OJ). En revanche, il ne peut pas revoir l'opportunité de la
décision attaquée, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen dans ce
domaine (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

En matière de police des étrangers, lorsque la décision entreprise n'émane
pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principe ses
jugements, formellement et matériellement, sur l'état de fait et de droit
existant au moment de sa propre décision (ATF 124 II 361 consid. 2a p. 365;
122 II 1 consid. 1b p. 4).

3.
3.1 D'après l'art. 17 al. 2 2ème phrase LSEE, le conjoint d'un étranger
possédant l'autorisation d'établissement a droit à l'autorisation
d'établissement, après un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans.
Toutefois ce droit s'éteint si l'ayant droit a enfreint l'ordre public (art.
17 al. 2 4ème phrase LSEE). Le but de l'art. 17 al. 2 LSEE est de permettre
et d'assurer juridiquement la vie familiale commune vécue de manière
effective (ATF 119 Ib 81 consid. 2c p. 86 et la jurisprudence citée), en
particulier de permettre à des époux de vivre ensemble.

Le conjoint étranger d'une étrangère au bénéfice d'une autorisation
d'établissement n'a pas plus de droit à l'octroi ou à la prolongation d'une
autorisation de séjour que le conjoint étranger d'une Suissesse. La réalité
de son mariage doit donc s'apprécier selon la jurisprudence développée à
propos de l'art. 7 al. 2 LSEE, qui sanctionne les mariages contractés « dans
le but d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des
étrangers et notamment celles sur la limitation du nombre des étrangers »
(cf. ATF 121 II 5 consid. 3a p. 7), et à propos de l'abus de droit, qui
existe notamment lorsqu'une institution juridique est utilisée à l'encontre
de son but pour réaliser des intérêts que cette institution juridique ne veut
pas protéger (ATF 127 II 49 consid. 5a p. 56). D'après la jurisprudence, le
fait d'invoquer l'art. 7 al. 1 LSEE peut être constitutif d'un abus de droit
en l'absence même d'un mariage contracté dans le but d'éluder les
dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers (ATF 121 II 97
consid. 4a p. 103). Cette jurisprudence est applicable dans le cadre de
l'art. 17 LSEE: ainsi, il y a abus de droit lorsque le conjoint étranger du
titulaire d'une autorisation d'établissement en Suisse invoque un mariage
n'existant plus que formellement dans le seul but d'obtenir une autorisation
de séjour, car ce but n'est pas protégé par l'art. 17 al. 2 LSEE. L'existence
d'un éventuel abus de droit doit être appréciée dans chaque cas particulier
et avec retenue, seul l'abus de droit manifeste pouvant être pris en
considération (ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103).

3.2 On peut se demander si le recourant a véritablement eu l'intention de
fonder une communauté conjugale avec A.________. En effet, différents indices
permettent d'en douter. L'intéressé avait environ treize ans de moins que
A.________. Les démarches en vue de leur mariage ont été entreprises pendant
le délai fixé au recourant pour quitter la Suisse, à la suite du rejet
définitif de sa demande d'asile. Il est vrai que le recourant a vécu
conjugalement avec son épouse chilienne dont il s'est bien occupé, comme de
ses filles, semble-t-il, pendant sa maladie. Toutefois, durant ce mariage,
l'intéressé a maintenu sa relation avec la compatriote qu'il avait épousée
coutumièrement en 1984. Enfin, il s'est remarié avec cette dernière dans les
huit mois qui ont suivi le décès de son épouse chilienne. Cependant, on peut
laisser ouverte la question de savoir si le recourant cherchait, par son
mariage avec A.________, à éluder les dispositions sur le séjour et
l'établissement des étrangers, car le présent recours doit de toute façon
être rejeté - dans la mesure où il est recevable - pour une autre raison. En
effet, en invoquant un droit à une autorisation d'établissement reposant sur
l'art. 17 al. 2 2ème phrase LSEE - au demeurant après le décès de sa
conjointe - l'intéressé commet un abus de droit, parce qu'il a utilisé
l'institution du mariage dans un but de police des étrangers.

Le recourant conteste avoir eu une « relation conjugale » avec C.________,
durant son mariage avec son épouse chilienne. Il se serait contenté d'avoir
occasionnellement des relations adultères avec N.________, lorsqu'il rendait
visite à sa progéniture. Ces « menues infidélités » auraient
malencontreusement abouti à la naissance de deux enfants illégitimes.

En réalité, l'intéressé a vraisemblablement toujours maintenu des relations
étroites et effectives avec N.________, qui vit d'ailleurs depuis des années
chez le père de C.________. Ainsi, le recourant vivait sous le même toit que
N.________ lorsqu'il attendait l'autorisation de séjour consécutive à son
mariage avec A.________. La conception de J.________ remonte du reste à
l'époque dudit mariage. Par la suite, C.________ est régulièrement retourné
seul en Turquie et il rencontrait forcément N.________, puisqu'elle vivait
avec ses enfants chez le père du recourant. C'est au cours d'un de ces
séjours qu'a été conçu K.________, ce qui indique quelle était la nature des
relations que C.________ entretenait encore avec N.________. D'ailleurs, ces
relations découlaient naturellement du mariage coutumier, existant en
Turquie, qui liait encore l'intéressé à N.________, puisque rien au dossier
ne prouve que ledit mariage aurait été rompu un jour. Durant son mariage avec
son épouse chilienne titulaire d'une autorisation d'établissement en Suisse,
le recourant a toutefois pris quelque distance, en tout cas géographiquement,
par rapport à la famille qu'il avait fondée en Turquie et il a caché aux
autorités suisses l'existence des deux fils qu'il a eus de son épouse
coutumière turque, tout en étant marié avec une autre femme. Ce comportement
n'indique cependant pas un éloignement véritable. En fait, depuis que le
recourant a épousé A.________ le 28 août 1989 et jusqu'au décès de celle-ci
le 10 décembre 1995, il a mené de front deux unions conjugales, l'une
coutumière en Turquie, l'autre civile en Suisse, reconnue de façon générale.
Une telle attitude est contraire à l'ordre public suisse, car elle se fonde
sur une bigamie de fait, même si elle ne peut être sanctionnée par l'art. 215
CP.

C'est en dissimulant des faits essentiels que le recourant a pu obtenir une
autorisation de séjour à l'année, puis sa prolongation pendant des années, à
la suite de son mariage avec une Chilienne titulaire d'une autorisation
d'établissement en Suisse. Si l'intéressé avait été en possession d'un titre
de séjour au moment où les autorités suisses ont eu connaissance des ces
faits, ce titre de séjour aurait pu être révoqué en vertu de l'art. 9 LSEE,
plus précisément de l'art. 9 al. 2 lettre a ou al. 4 lettre a LSSE selon
qu'il aurait eu une autorisation de séjour à l'année ou une autorisation
d'établissement. Dans ces circonstances, invoquer l'art. 17 al. 2 2ème phrase
pour obtenir une autorisation d'établissement constitue un abus de droit.
C'est à juste titre que l'Office fédéral a refusé d'approuver l'octroi d'une
autorisation d'établissement à l'intéressé, de sorte que la question du
regroupement familial ne se pose même pas. Par conséquent, l'autorité intimée
n'a pas violé le droit fédéral, en prenant la décision attaquée. Elle a
respecté en particulier la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des
étrangers ainsi que le principe de la proportionnalité.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est
recevable.

Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al.
1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Département fédéral de justice et police et à l'Office cantonal de la
population du canton de Genève.

Lausanne, le 31 octobre 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:    La greffière: