Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.386/2002
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2002
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2002


2A.386/2002/elo
Arrêt du 30 octobre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Müller et Meylan, juge suppléant,
greffier Dubey.

X. ________, recourante,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

assistance des Suisses de l'étranger,

recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de
justice et police du 1er juillet 2002.

Faits:

A.
X. ________, ressortissante suisse originaire du canton de Vaud, réside en
France (Alpes-Maritimes) depuis le mois de septembre 1994, au bénéfice d'une
carte de séjour temporaire pour "visiteur". En juin 1996, elle a acquis un
appartement en propriété par étage. Jusqu'en 2000, elle a subvenu à ses
besoins grâce à des commissions touchées sur diverses affaires immobilières
effectuées en France, à une pension alimentaire versée par son ex-mari à
titre de contribution à l'entretien de son fils P.________, né en 1980, et à
une contribution financière allouée par sa soeur. Son fils étant, à cette
époque, rentré en Suisse et sa soeur ayant supprimé sa contribution,
X.________ ne disposait plus désormais de ressources financières suffisantes
lui permettant de vivre en France. Par requête du 26 septembre 2000, elle a
sollicité de l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral), par
l'entremise du Consulat général de Suisse à Marseille (ci-après: le
Consulat), une aide financière au titre de la loi fédérale du 21 mars 1973
sur l'assistance des Suisses à l'étranger (LASE ou loi fédérale du 21 mai
1973; RS 852.1) et de son ordonnance du 26 novembre 1973 sur l'assistance des
Suisses de l'étrangers (OASE; RS 852.11). Expliquant qu'elle entendait
demeurer en permanence en France où elle avait d'étroites attaches et que son
état de santé ne permettait pas d'envisager un rapatriement, elle demandait
le versement en sa faveur d'une aide mensuelle jusqu'à la vente de son
appartement et la prise en charge du loyer d'un studio jusqu'à l'obtention
d'une autorisation de travail de la part des autorités françaises.

Par décision du 16 octobre 2000, l'Office fédéral lui a octroyé une aide
mensuelle de 2'500 francs français valable du 1er octobre 2000 au 31 janvier
2001, à titre d'«aide transitoire dans l'attente de la liquidation, vente de
l'appartement, qui devrait intervenir dans les trois prochains mois». Par
décision du 4 mai 2001 remplaçant celle du 16 octobre 2000, cette aide a été
portée à 3'720 francs français par mois dès le 1er avril 2001 et son
versement limité au 31 janvier 2002.

La vente de l'appartement est intervenue le 17 juillet 2001. X.________ a
signé un contrat de bail pour le 1er août 2001, portant sur un appartement de
trois pièces à Cannes. Le consulat a garanti le versement ponctuel du loyer
mensuel (4'000 francs français) durant une année à compter de la signature du
contrat de bail. Cependant, par lettre du 6 septembre 2001, X.________ a
résilié ce bail au 31 décembre 2001.

Par courrier du 26 septembre 2001, le Consulat lui a confirmé être autorisé à
lui accorder, d'une part, une assistance personnelle mensuelle de 3'720
francs français et, d'autre part, un montant mensuel de 4'300 francs français
pour le paiement de son loyer (charges comprises), ceci jusqu'au 31 janvier
2002. II lui
indiquait en outre que, en l'état actuel des choses, un rapatriement en
Suisse était désormais l'unique solution pour laquelle il pourrait encore
prêter son concours.

Le 13 novembre 2001, X.________ s'est adressée au Consulat pour solliciter
une prolongation de «l'aide transitoire» en faisant valoir notamment que sa
demande de naturalisation allait être acceptée par les autorités françaises
«dans les 2-3 mois à venir», que son état de santé s'était amélioré et
qu'elle avait trouvé plusieurs possibilités de relogement dans des studios ou
de petits deux pièces, dont les loyers oscillaient entre 2'800 et 3'200
francs français.

Par décision du 4 décembre 2001, l'Office fédéral a rejeté cette demande de
prolongation.

B.
X.________ a recouru contre la décision du 4 décembre 2001 auprès du
Département fédéral de justice et police (ci-après: le Département fédéral).
En cours de procédure, elle a demandé la prise en charge d'une facture de
télécommunications correspondant à des frais de téléphones engagés pour des
recherches d'appartements ainsi que le versement, pour les mois de février
(ou mars) à mai 2002, d'un montant mensuel équivalent au revenu minimum
d'insertion.

Le Département fédéral a invité la recourante à produire divers
renseignements supplémentaires sur les recherches effectuées en vue de se
reloger, sur les démarches administratives entreprises auprès des autorités
françaises en vue d'obtenir le renouvellement de son autorisation de séjour
en France ainsi que sur la durée approximative de la procédure de
naturalisation française. La recourante a produit une copie de son titre de
séjour français portant mention d'une échéance au 1er mars 2003. Elle a
d'autre part fait état de nombreuses démarches entreprises en vue de trouver
un nouvel appartement et indiqué que la durée de la procédure de
naturalisation, ouverte le 28 novembre 2000, devait être de l'ordre d'une
année et demi.

Par décision du 1er juillet 2002, le Département fédéral a refusé d'entrer en
matière sur les points n'ayant pas fait l'objet de la décision de première
instance - prise en charge de la facture de télécommunications, versement
pour les mois de février (ou mars) à mai 2002, d'un montant mensuel
équivalent au revenu minimum d'insertion - et a, pour le surplus, rejeté le
recours. Il a considéré en substance que si la recourante remplissait bien
les conditions d'une assistance énumérées par les art. 5 à 7 LASE et ne
réalisait en particulier aucune cause d'exclusion, encore convenait-il
d'examiner sous quelle forme cette assistance pouvait être concrétisée. La
situation de la recourante en France apparaissant précaire, tant du point de
vue financier que du point de vue administratif (autorisation de séjour), ses
chances d'obtenir une naturalisation à relativement court terme
apparaissaient incertaines et les perspectives de retrouver une certaine
autonomie dans ce pays aléatoires. La recourante s'était certes créée des
liens avec sa région de résidence, mais n'y disposait pas d'attaches
particulièrement étroites, notamment sur le plan familial. A son avis, le
rapatriement, bien loin de léser les intérêts bien compris de X.________ lui
permettrait au contraire de bénéficier d'une assistance adaptée, notamment
sur le plan social, médical et financier, ce qui ne pouvait se réaliser si
elle devait continuer à vivre dans les mêmes conditions à l'étranger. Le
rapatriement constituait dès lors la solution la mieux adaptée aux
circonstances, de sorte que l'Office fédéral avait à bon droit refusé la
prolongation de l'aide financière.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ déclare
«(réitérer) sa requête initiale, soit la reprise du paiement des loyers
impayés...» et solliciter du Tribunal fédéral «l'examen de (sa) demande de
R.M.I. de 397 Euros, de mars à juillet (soit sur cinq mensualités)...».

Le Département fédéral conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Dirigé contre une décision au sens de l'art. 5 PA, prise par le
Département fédéral de justice et police (art. 98 lettre b OJ) et fondée sur
le droit public fédéral, le présent recours, qui ne tombe sous aucune des
exceptions mentionnées aux art. 99 à 102 OJ, est recevable en vertu des art.
97 ss OJ ainsi que de la règle particulière de l'art. 22 al. 2 LASE.

1.2 Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif
peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus
du pouvoir d'appréciation (ATF 128 II 56 consid. 2a p. 60). Le Tribunal
fédéral revoit d'office l'application du droit fédéral qui englobe notamment
les droits constitutionnels du citoyen (ATF 128 II 56 consid. 2b p. 60 et les
arrêts cités). Comme il n'est pas lié par les motifs que les parties
invoquent, il peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles
avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer la décision attaquée
pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1
in fine OJ; ATF 127 II 264 consid. 1b p. 268, 8 consid. 1b p. 12; 125 II 497
consid. 1b/aa p. 500 et les arrêts cités).

Par ailleurs, l'autorité intimée n'étant pas une autorité judiciaire, le
Tribunal fédéral peut également revoir d'office les constatations de fait
(art. 104 lettre b et
105 OJ; ATF 128 II 56 consid. 2b p. 60). En revanche, il ne peut pas revoir
l'opportunité de la décision entreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas un
tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ; ATF 127 II 297 consid.
2a p. 298).

1.3 Le Département fédéral a déclaré irrecevable le recours formé devant lui
en tant qu'il contenait des conclusions portant sur des points n'ayant pas
fait l'objet de la procédure de première instance. II a considéré que tel
était le cas pour la demande de remboursement de frais de télécommunications
et la demande d'allocation d'une indemnité d'un montant équivalent au R.M.I.
pour les mois de février (ou mars) à mai 2002.

La décision du Département fédéral ne souffre aucune critique s'agissant des
frais de télécommunications. En revanche, la question de l'irrecevabilité de
la conclusion tendant à l'allocation d'un montant mensuel équivalent au
revenu minimum d'insertion est plus délicate: une telle conclusion pourrait
constituer une autre manière de formuler la demande de prolongation de l'aide
antérieure, en tant qu'elle portait, outre le paiement du loyer, sur
l'allocation d'une aide mensuelle qui faisait incontestablement l'objet de la
demande de première instance; elle pourrait éventuellement équivaloir à une
réduction de conclusions, dans la mesure où le montant ainsi réclamé est
inférieur à celui de l'aide mensuelle dont la prolongation était demandée en
première instance et dans la mesure où la nouvelle formulation comporte une
limitation dans le temps, ce qui n'était pas le cas de la demande de
prolongation formulée en première instance.

Des questions semblables pourraient en outre se poser s'agissant des
conclusions formulées sur ce point dans la présente procédure de recours,
étant cependant précisé que s'il y avait lieu de considérer que la recourante
avait réduit ses conclusions dans le sens d'une limitation de sa demande aux
seuls mois de février (ou mars) à mai, elle ne pourrait alors être recevable
à en étendre la durée jusqu'au mois de juillet.

Ces questions peuvent cependant demeurer indécises La recourante elle-même ne
reproche pas au Département fédéral, même sur ce point précis, d'avoir
déclaré à tort son recours irrecevable et le sort qu'il convient de toute
manière de réserver au présent recours en rend superflu l'examen.

2.
2.1 II n'est pas contesté que la recourante remplit les conditions de l'art. 5
LASE, selon lequel des prestations d'assistance ne sont allouées qu'aux
Suisses de l'étranger qui ne peuvent subvenir dans une mesure suffisante à
leur entretien par leurs propres moyens ou par une source privée ou de l'Etat
de résidence et qu'elle ne réalise aucune des hypothèses de l'art. 7 LASE
propres à en justifier le refus. La seule question qui se pose dès lors est
celle de savoir si c'est à juste titre que le Département fédéral a confirmé
la décision de l'Office fédéral selon laquelle les circonstances de l'espèce
justifiaient l'invitation faite à la recourante de rentrer en Suisse et la
prise en charge des frais de rapatriement de la recourante.

2.2 Selon l'art. 11 al. 1 LASE, la personne qui a besoin d'aide peut être
invitée à rentrer en Suisse si cette mesure est dans son véritable intérêt ou
dans celui de sa famille. En pareil cas, la Confédération se charge des frais
de rapatriement au lieu d'accorder à l'intéressé des secours à l'étranger.
L'art. 14 al. 2 OASE précise que le requérant ne sera pas invité à rentrer en
Suisse notamment lorsque des motifs d'humanité y font obstacle, en
particulier lorsque cette mesure aurait pour effet de rompre d'étroits liens
de famille ou des attaches étroites avec le pays de résidence, qui résultent
d'un long séjour, lorsque le besoin d'aide n'est que temporaire et aussi
longtemps que la personne dans le besoin ou l'un des membres de sa famille
n'est pas transportable.

2.3 Il convient de relever d'emblée que la recourante ne réalise aucune des
hypothèses énumérées par l'art. 14 OASE. II ne résulte nullement du dossier
qu'elle ne pourrait être transportée; même si elle a, à diverses reprises,
fait allusion à des problèmes de santé, voire à de graves problèmes de santé,
il reste que, au mois d'avril 2002, la recourante s'était - pour la première
fois - déclarée d'accord de rentrer en Suisse, avant de se rétracter peu
après.

Il ne résulte pas davantage du dossier qu'elle aurait dans son lieu ou dans
son pays de résidence des liens de famille, et, au-delà d'affirmations tout à
fait générales, elle n'a pas davantage justifié avoir noué d'étroits contacts
avec ce lieu ou ce pays. II est vrai qu'un rapatriement lui ferait
probablement perdre tout espoir de voir aboutir la demande de naturalisation
française qu'elle a introduite en novembre 2000 et à laquelle elle semble
beaucoup tenir. Rien ne permet cependant de penser que cette procédure
devrait connaître une issue rapide: il résulte au contraire du dossier que,
au mois de mars 2002, l'autorité française compétente en ce domaine n'en
était encore qu'à traiter des demandes déposées au mois de juillet 2000 et
que, une fois engagée, cette instruction demanderait de 12 à 18 mois avant
que le dossier ne puisse être soumis à décision ministérielle (lettre du
consulat à l'Office fédéral du 13 mars 2002). De plus, les chances de voir
cette demande aboutir apparaissent fort minces, dés lors que la recourante
n'a jamais bénéficié en France que d'un statut de visiteur et qu'elle n'est,
cela étant - quoi qu'elle en dise, sans cependant apporter le moindre
commencement de preuve de son affirmation - pas en mesure d'obtenir une
autorisation de travail ni, partant, de démontrer une quelconque autonomie
financière.

Enfin, rien ne permet de penser que le besoin d'aide ne serait que
temporaire. Tout indique même que c'est le contraire qui est vrai. Bien
qu'elle ait, depuis le mois d'octobre 2000, bénéficié d'aides importantes de
la part de la Confédération, elle n'a pas réussi jusqu'ici à stabiliser sa
situation économique et financière, qui n'a cessé de se dégrader.
Force est ainsi de constater que la possibilité pour la recourante de
reprendre, en France, une activité lucrative et d'y assurer de la sorte son
indépendance financière dépend d'une procédure de naturalisation dont l'issue
n'est pas proche et demeure, surtout, fort incertaine. Le retour en Suisse de
la recourante lui permettra en revanche de chercher un emploi dans le marché
du travail sans restriction. Compte tenu des diplômes qu'elle possède et des
expériences qu'elle a accumulées dans le domaine immobilier, une telle
recherche n'est pas, même dans la conjoncture actuelle, nécessairement vouée
à l'échec. Quoi qu'il en soit, en Suisse, elle pourra, tout le temps
nécessaire, bénéficier d'un encadrement social qu'une Représentation suisse à
l'étranger - par définition même -, ne saurait fournir dans la même mesure
que les institutions indigènes, quand bien même l'on ne peut manquer de
souligner que le Consulat général de Suisse à Marseille a fait preuve, en
l'occurrence, d'une patience et d'une disponibilité très grandes!

Il n'est en d'autres termes pas contestable que l'existence de la recourante,
voire la perspective de la voir recouvrer son autonomie financière est
beaucoup mieux assurée par un rapatriement en Suisse que par la poursuite
d'une aide dans le pays de résidence actuelle. Cette conclusion est conforme
à la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle lorsque l'existence de
la personne dans le besoin apparaît assurée en Suisse et que le besoin
d'assistance tire son origine du seul fait qu'elle a quitté ce pays, l'octroi
de prestations d'assistance n'est pas compatible avec la nature de la loi
fédérale du 21 mai 1973, en tant que loi d'assistance, (arrêt du Tribunal
fédéral 2A.555/2001 du 19 décembre 2001). Le même principe doit s'appliquer,
par identité de motifs, lorsque, comme en l'espèce, le besoin d'assistance
provient non pas, ou pas exclusivement, du départ pour l'étranger, mais du
maintien du séjour à l'étranger.

2.4 Par conséquent, en confirmant le refus de l'Office fédéral de prolonger
au-delà du 31 janvier 2002 l'octroi, au lieu de résidence, des aides allouées
à la recourante au profit d'une prise en charge des frais de rapatriement, le
Département fédéral a correctement appliqué l'art. 11 LASE.

3.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure
où il est recevable. Compte tenu de la situation financière de la recourante,
il se justifie de statuer sans frais (art. 154 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Il est statué sans frais.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, par l'intermédiaire
du Consulat général de Suisse à Marseille et au Département fédéral de
justice et police.

Lausanne, le 30 octobre 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: