Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.329/2002
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2A.329/2002/dxc

Arrêt du 14 janvier 2003
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Yersin et Merkli,
greffière Dupraz.

X. ________,
recourant,

contre

Département fédéral des finances,
Bundesgasse 3, 3003 Berne,
Commission fédérale de recours en matière de personnel fédéral, avenue Tissot
8, 1006 Lausanne.

Loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes: création initiale des
rapports de service

(recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédérale
de recours en matière de personnel fédéral du
29 mai 2002)

Faits:

A.
Le 26 mars 2001, X.________ a posé sa candidature à un poste de spécialiste
de douane. Le 6 avril 2001, il a eu un entretien avec deux personnes à la
Direction d'arrondissement des douanes de Bâle (ci-après: la Direction
d'arrondissement). Par lettre du 12 juin 2001, la Direction d'arrondissement
a fait savoir à l'intéressé que sa candidature n'avait pas été retenue, sans
donner de motivation.

Le 15 juin 2001, X.________ a demandé à la Direction d'arrondissement de
reconsidérer sa décision du 12 juin 2001 et, en cas de rejet de cette
requête, de lui communiquer sa motivation et de lui indiquer les éventuelles
voies de droit. Le 11 juillet 2001, la Direction d'arrondissement a adressé à
X.________ une lettre ayant le même contenu que celle du 12 juin 2001.

B.
Le 18 juillet 2001, X.________ a recouru contre la décision de la Direction
d'arrondissement du 11 juillet 2001 auprès de la Direction générale des
douanes (ci-après: la Direction générale). Il se plaignait de violation du
droit d'être entendu. Le 23 juillet 2001, la Direction générale a fait savoir
à l'intéressé qu'elle ne pouvait pas entrer en matière sur son recours, car
un refus d'engagement n'était pas une décision sujette à recours.

C.
X.________ a alors porté sa cause devant le Département fédéral des finances
(ci-après: le Département fédéral). Il se plaignait de violation du droit
d'être entendu, de déni de justice et de violation de la loi fédérale du 24
mars 1995 sur l'égalité entre femmes et hommes (loi sur l'égalité; LEg; RS
151.1).

Par décision du 20 décembre 2001, le Département fédéral a déclaré le recours
irrecevable. En tant qu'autorité de surveillance, il a cependant examiné le
recours comme une dénonciation qu'il n'a pas prise en considération.

D.
Le 21 janvier 2002, X.________ a adressé au Tribunal fédéral un recours de
droit administratif pour violation de la loi sur l'égalité à l'encontre de la
décision du Département fédéral du 20 décembre 2001. L'autorité de céans a
transmis ledit recours à la Commission fédérale de recours en matière de
personnel fédéral (ci-après: la Commission fédérale de recours) comme objet
de sa compétence.

Par décision du 29 mai 2002, la Commission fédérale de recours a rejeté le
recours en ce qui concerne le grief de violation de la loi sur l'égalité et
l'a déclaré irrecevable au surplus. Elle a rappelé qu'il appartient à la
personne qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'une discrimination à
l'embauche, conformément à l'art. 8 CC. Si l'état civil et la situation
familiale de l'intéressé avaient pu jouer un rôle, ce n'était pas en tant que
tels, mais par l'absence de souplesse qu'ils semblaient entraîner. Au
demeurant, le défaut de motivation de X.________ constituait un élément
déterminant de nature à justifier à lui seul un refus d'engagement.

E.
X.________ a déposé auprès du Tribunal fédéral un recours de droit
administratif pour violation de la loi sur l'égalité à l'encontre de la
décision de la Commission fédérale de recours du 29 mai 2002. Il demande à
l'autorité de céans de constater la nullité de la décision attaquée et
d'ordonner qu'il lui soit versé une indemnité pour dommages matériels et
moraux d'un montant équivalant à neuf mois de salaire. Il fait notamment
valoir que la décision entreprise est contraire à la loi sur l'égalité en ce
qui concerne la répartition du fardeau de la preuve.

La Commission fédérale de recours a expressément renoncé à présenter des
observations sur le recours, tout en renvoyant à la décision attaquée.

Le Département fédéral conclut, sous suite de frais, à ce que le Tribunal
fédéral rejette le recours en ce qui concerne le grief de violation de la loi
sur l'égalité et le déclare irrecevable au surplus.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 46 consid. 2a p. 47).

Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours de droit
administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droit public
fédéral - ou qui auraient dû l'être -, à condition qu'elles émanent des
autorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des exceptions
prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne soit réalisée
(ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49). Le présent recours est recevable
puisqu'il fait valoir la violation de la loi sur l'égalité (art. 100 al. 2
lettre b OJ).

2.
Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif peut
être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du
pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du
droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels du citoyen
(ATF 124 II 517 consid. 1 p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388), sans être lié
par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En
revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la
décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits
constatés dans cette décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 105 al. 2 OJ). Enfin, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir
l'opportunité de la décision attaquée, le droit fédéral ne prévoyant pas un
tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

3.
L'art. 3 LEg, intitulé "Interdiction de discriminer", dispose à ses alinéas 1
et 2:
"1Il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit
directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil
ou leur situation familiale ou, s'agissant de femmes, leur grossesse.
2L'interdiction de toute discrimination s'applique notamment à l'embauche, à
l'attribution de tâches, à l'aménagement des conditions de travail, à la
rémunération, à la formation et au perfectionnement professionnels, à la
promotion et à la résiliation des rapports de travail."

Selon l'art. 5 al. 2 et 4 LEg, lorsque la discrimination porte sur un refus
d'embauche, la personne lésée ne peut prétendre qu'au versement par
l'employeur d'une indemnité n'excédant pas le montant correspondant à trois
mois de salaire.

Quant à l'art. 6 LEg, qui traite de l'allégement du fardeau de la preuve, il
a la teneur suivante:

"L'existence d'une discrimination est présumée pour autant que la personne
qui s'en prévaut la rende vraisemblable; la présente disposition s'applique à
l'attribution des tâches, à l'aménagement des conditions de travail, à la
rémunération, à la formation et au perfectionnement professionnels, à la
promotion et à la résiliation des rapports de travail."

Il ressort du texte de cette dernière disposition que l'allégement du fardeau
de la preuve ne s'applique pas à l'embauche (cf. Sabine Steiger-Sackmann, in
Commentaire de la loi sur l'égalité, éd. par Margrith Bigler-Eggenberger et
Claudia Kaufmann, Lausanne 2000, n. 5-13 p. 164-166 et 39 p. 174 ad art. 6;
Patricia Schulz, Die Anstellung, insbesondere Schutz vor Diskriminierung, in
Das Bundesgesetz über die Gleichstellung von Frau und Mann, éd. par Yvo
Schwander et René Schaffhauser, St-Gall 1996, p. 45 ss, spéc. p. 53/54). Dès
lors, on ne saurait suivre le recourant quand il prétend qu'il appartient à
l'employeur de prouver qu'il n'y a pas eu discrimination à l'embauche.

4.
Les personnes qui se sont entretenues avec le recourant le 6 avril 2001 ont
pris des notes puis établi un document sur cet entretien. Il en ressort que
l'intéressé s'est montré peu décidé, sans objectif à moyen ou long terme. Il
n'avait pas d'intérêt particulier pour une carrière professionnelle. Il avait
peu de mobilité, sa femme ne voulant pas aller dans la région germanophone;
lui-même semblait réticent à l'égard d'une période d'internat à Liestal
pendant sa formation. Dans ses déterminations des 27 août/4 septembre 2001
adressées au Département fédéral, la Direction générale a relevé que la
décision de renoncer à l'engagement du recourant était notamment due au fait
que la formule de l'internat pendant la formation à Liestal et la souplesse
requise ultérieurement en matière d'engagement posaient des problèmes à
l'intéressé. Dans son écriture du 13 mars 2002 à la Commission fédérale de
recours, le Département fédéral a notamment expliqué que la formation de
"douanier spécialiste" est une formation de monopole qui coûte cher en temps
et en argent, de sorte que la Direction générale a intérêt à engager des
personnes qui ont l'intention de faire carrière dans les douanes. Or, la
Direction générale n'avait pas l'impression que le recourant était prêt à
s'engager durablement dans la profession de spécialiste de douane. Il n'avait
pas manifesté d'intérêt particulier pour son avenir à moyen ou long terme à
la Direction générale. Ce sentiment était confirmé par les déclarations de
l'intéressé selon lesquelles il avait mis de côté, pour le moins
provisoirement, l'achèvement de ses études de droit.

Le recourant se prétend victime d'une discrimination à l'embauche liée à son
état civil et à sa situation familiale. Devant le Département fédéral, il a
contesté avoir manifesté qu'une période d'internat ou des déménagements
ultérieurs pourraient lui poser des problèmes. Il a estimé que ses
interlocuteurs du 6 avril 2001 avaient fait une appréciation erronée de sa
situation familiale, ce qui avait conduit à prendre une décision contraire à
l'art. 3 LEg. Dans son recours du 21 janvier 2002, l'intéressé a encore fait
valoir que sa situation familiale était gênante pour la Direction générale
dans la mesure où cette dernière aurait dû en tenir compte lors de la
répartition géographique des spécialistes de douane.

En réalité, le recourant n'a pas apporté la preuve que le refus d'embauche le
touchant résulterait d'une discrimination liée à son état civil et à sa
situation familiale. Il déduit du fait que la Direction d'arrondissement a
retenu qu'il manquait de souplesse et de mobilité - ce qu'il nie - que le
rejet de sa candidature serait fondée sur son état civil et sur sa situation
familiale. En fait, le manque de souplesse et de mobilité n'est qu'un des
arguments retenus à l'encontre du recourant, son manque de motivation
constituant l'élément déterminant du rejet de sa candidature. De plus, le
simple fait que les interlocuteurs de l'intéressé ont considéré qu'il
manquait de mobilité n'est pas en soi un signe de discrimination liée à son
état civil et à sa situation familiale. Pour que tel soit le cas, il faudrait
que cet argument soit avancé en rapport avec son état civil et avec sa
situation familiale sans reposer sur une justification objective (cf. le
message du Conseil fédéral du 17 février 1993 concernant la loi sur
l'égalité, in FF 1993 I 1163 ss, p. 1211). Or, la seule trace d'une relation
entre ce manque de mobilité et la famille de l'intéressé réside dans une
note, prise au cours de l'entretien du 6 avril 2001, selon laquelle la femme
du recourant ne voulait pas déménager en pays germanophone, et que
l'intéressé n'a pas contestée. En réalité, la Direction générale recherche
des candidats au poste de spécialiste de douane disposés à changer de
domicile. En effet, les personnes retenues doivent effectuer une formation de
base de plusieurs mois à Liestal, puis un stage de plusieurs mois dans un
bureau de douane principal, sans parler de leurs postes ultérieurs.
D'ailleurs, l'annonce à laquelle a répondu l'intéressé mentionnait à propos
du profil requis: "souple quant au lieu de travail". La mobilité exigée des
candidats est donc fondée objectivement. Ainsi, c'est à juste titre que la
Commission fédérale de recours a estimé que le recourant n'avait pas apporté
la preuve d'une discrimination à l'embauche liée à son était civil et à sa
situation familiale. D'ailleurs, même dans son présent recours, l'intéressé
n'essaie pas d'apporter ladite preuve. Il se réfugie derrière l'argument
erroné selon lequel ce ne serait pas à lui qu'il incomberait d'apporter cette
preuve.

Par conséquent, l'autorité intimée n'a pas constaté les faits de manière
incomplète ou inexacte ni au mépris de règles essentielles de procédure; elle
les a appréciés correctement, de sorte qu'elle n'a pas violé le droit
fédéral, en particulier la loi sur l'égalité, en prenant la décision
attaquée. De plus, en l'absence d'une discrimination à l'embauche liée à son
était civil et à sa situation familiale, le recourant ne saurait prétendre
valablement à une indemnité sur la base de l'art. 5 al. 2 et 4 LEg.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Comme le recours se fonde sur la loi sur l'égalité, la procédure est gratuite
(art. 13 al. 5 LEg).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Département fédéral
des finances et à la Commission fédérale de recours en matière de personnel
fédéral.

Lausanne, le 14 janvier 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: