Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.205/2002
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2A.205/2002 /RrF

Arrêt du 27 juin 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Müller et Berthoud, juge suppléant,
greffier Langone.

X. ________, recourante,
représentée par Me Hans E. Rüegsegger, avocat, Schanzenstrasse 1, case
postale 7749, 3001 Berne,

contre

Département fédéral des affaires étrangères,
Bundeshaus West, 3003 Berne,
Commission fédérale de recours en matière de personnel fédéral, avenue Tissot
8, 1006 Lausanne.

restitution de l'effet suspensif

(recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédérale
de recours en matière de personnel fédéral
du 17 avril 2002)

Faits:

A.
X. ________, ressortissante belge, née le 24 avril 1946, a été engagée par
l'Ambassade de Suisse à Kinshasa le 26 septembre 1975. Elle a été nommée en
qualité d'employée non permanente dès le 1er septembre 1978 puis, dès le 1er
janvier 1990, en qualité d'employée permanente. Depuis 1980, elle a été
affectée à la préparation et au suivi des demandes de visas. A la suite de
rumeurs selon lesquelles des visas pouvaient être obtenus contre rémunération
et de la constatation de certaines irrégularités dans le traitement des
dossiers, le Secrétariat général du Département fédéral des affaires
étrangères (ci-après: le Département fédéral) a ordonné une inspection de la
pratique de délivrance des visas. Sur la base du rapport d'enquête établi le
20 janvier 2001 par l'Inspectorat consulaire et financier, il a envisagé de
résilier pour justes motifs les rapports de service de X.________ et lui a
soumis un projet de décision le 26 janvier 2001. L'intéressée a nié les faits
et a contesté les griefs articulés à son encontre, de sorte que le
Secrétariat général du Département fédéral a ordonné une instruction
complémentaire, dont les conclusions ont fait l'objet d'un rapport du 13
juillet 2001. Se fondant sur les deux rapports d'enquête, il a résilié avec
effet immédiat, pour justes motifs, les rapports de service de X.________,
par décision du 6 décembre 2001, l'a suspendue immédiatement de ses fonctions
et a retiré l'effet suspensif à un éventuel recours. Cette décision retient à
la charge de l'intéressée différents manquements dans le traitement des
demandes de visas, le non respect de certaines prescriptions de service ainsi
que la collaboration intéressée avec une organisation spécialisée dans le
trafic de visas.

B.
X.________ a recouru le 16 janvier 2002 contre cette décision auprès du
Département fédéral, en concluant à son annulation et à la restitution de
l'effet suspensif. Par décision incidente du 20 février 2002, le Département
fédéral a rejeté la requête en restitution de l'effet suspensif. Saisi d'un
recours, le Président de la Commission fédérale de recours en matière de
personnel fédéral (ci-après: la Commission fédérale de recours) a confirmé le
retrait de l'effet suspensif par décision incidente du 17 avril 2002. Il a
retenu en substance qu'une décision sur la résiliation des rapports de
service ne portait pas directement sur une prestation pécuniaire, que
l'autorité compétente pouvait en conséquence retirer l'effet suspensif à un
recours formé contre une telle décision et que le Département fédéral n'avait
pas abusé de son pouvoir d'appréciation en estimant que les difficultés
professionnelles et financières alléguées par X.________ ne suffisaient pas à
contrebalancer l'intérêt prépondérant de la Confédération à protéger le
fonctionnement, la crédibilité et la réputation de l'Ambassade de Kinshasa.

C.
Agissant le 3 mai 2002 par la voie du recours de droit administratif,
X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens,
d'annuler la décision du Président de la Commission fédérale de recours du 17
avril 2002 et d'ordonner la restitution de l'effet suspensif au recours
interjeté le 16 janvier 2002 contre la décision du Secrétaire général du
Département fédéral du 6 décembre 2001. Elle invoque une violation de l'art.
55 PA, l'absence d'un intérêt public particulier qui justifierait le retrait
de l'effet suspensif au recours, ainsi qu'un abus du pouvoir d'appréciation
de l'autorité intimée dans la pesée des intérêts des parties en cause.

Le Président de la Commission fédérale de recours se réfère à la décision
entreprise et renonce à présenter des observations. Le Département fédéral
conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 127 IV 148 consid. 1a p.
151; 127 I 92 consid. 1 p. 93; 127 II 198 consid. 2 p. 201 et la
jurisprudence citée).

2.
La décision attaquée est une décision incidente portant sur la restitution de
l'effet suspensif à un recours.

2.1 De telles décisions sont attaquables séparément par la voie du recours de
droit administratif si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 97
OJ en relation avec les art. 5 et 45 al. 1 et 2 lettre g PA). Dans la
procédure du recours de droit administratif, un pur intérêt de fait, en
particulier économique, est suffisant pour reconnaître aux recourants un
intérêt digne de protection, c'est-à-dire pour admettre le risque d'un
préjudice irréparable (ATF 127 II 132 consid. 2a p. 136). Cette condition est
assurément remplie en l'espèce puisque la décision attaquée prive la
recourante de son emploi et de son traitement.

2.2 Le recours de droit administratif n'est recevable contre des décisions
incidentes que s'il est ouvert contre la décision finale (art. 101 lettre a
OJ a contrario). Cette exigence est satisfaite, dans la mesure où le recours
de droit administratif est en principe recevable contre les décisions de la
Commission fédérale de recours (art. 97 et 98 lettre e OJ). Aucune des
exceptions visées aux art. 99 à 102 OJ n'entre en ligne de compte. Le litige
au fond porte sur la résiliation des rapports de service de la recourante, de
sorte que la clause d'exclusion de l'art. 100 al. 1 lettre e OJ n'est en
particulier pas applicable au cas d'espèce.

Il y a lieu dès lors d'entrer en matière sur le présent recours qui a été
déposé dans le délai de dix jours de l'art. 106 al. 1 OJ et qui remplit les
autres conditions de recevabilité des art. 97ss OJ.

3.
3.1 Selon l'art. 55 al. 1 PA, le recours a effet suspensif. Sauf si elle porte
sur une prestation pécuniaire, la décision de l'autorité inférieure peut
prévoir qu'un recours éventuel n'aura pas d'effet suspensif; l'autorité de
recours, ou son président s'il s'agit d'un collège, a le même droit après le
dépôt du recours (art. 55 al. 2 PA). L'autorité de recours ou son président
peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l'autorité inférieure
l'avait retiré; la demande de restitution de l'effet suspensif est traitée
sans délai (art. 55 al. 3 PA).

3.2 D'après la jurisprudence, une décision porte sur une prestation
pécuniaire au sens de l'art. 55 al. 2 PA lorsqu'elle oblige l'administré à
fournir une telle prestation (ATF 99 Ib 215 consid. 4 p. 220). Or, la
décision relative à la résiliation des rapports de service de la recourante
ne porte pas, de par sa nature, sur une prestation pécuniaire. En effet, une
telle décision est une mesure non pécuniaire entraînant des effets
pécuniaires (Schroff/Gerber, die Beendigung der Dienstverhältnisse in Bund
und Kantonen, St-Gall 1985, n. 278, p. 175 et n. 451, p. 268). En l'espèce,
l'élément prédominant que la recourante fait valoir, savoir le maintien de
son traitement, constitue précisément une conséquence pécuniaire de la mesure
en cause. Au regard de la nature de la cause, l'autorité intimée pouvait donc
confirmer le retrait de l'effet suspensif au recours.

3.3 La recourante soutient que l'autorité intimée a abusé de son pouvoir
d'appréciation en procédant à la pesée des intérêts en présence, qui l'a
conduite à prendre la décision attaquée.

3.3.1 La loi n'indique pas quels motifs peuvent justifier le retrait de
l'effet suspensif. L'octroi, le retrait ou la restitution de l'effet
suspensif résultent d'une comparaison entre les intérêts à l'exécution
immédiate de la décision, d'une part, et au maintien du régime antérieur
jusqu'à droit connu, d'autre part. Il s'agit donc de procéder à une pesée des
intérêts publics et privés en présence. Selon la jurisprudence, le retrait de
l'effet suspensif doit reposer sur des motifs clairs et convaincants.
Disposant d'une certaine liberté d'appréciation, l'autorité se fonde en
général sur les documents qui sont dans le dossier et qu'elle examine "prima
facie", sans ordonner de complément de preuves (ATF 117 V 185 consid. 2b p.
191; 110 V 40 consid. 5b p. 45; 106 Ib 115 consid. 2a p. 116). En outre,
lorsqu'elle statue sur une demande de restitution de l'effet suspensif,
l'autorité n'a pas à tenir compte de l'issue probable du recours, à moins
qu'aucun doute n'existe à ce sujet (ATF 127 II 132 consid. 3 p. 138 et les
références citées). En cas de recours contre une décision refusant la
restitution de l'effet suspensif, le Tribunal fédéral contrôle pratiquement
seulement si l'autorité intimée a commis un excès ou un abus de son pouvoir
d'appréciation. Il n'annule sa décision que si elle a négligé des intérêts
essentiels ou fait une appréciation manifestement fausse.

3.3.2 La recourante fait valoir que l'intérêt prépondérant de la
Confédération ne peut pas résider dans la protection du bon fonctionnement et
de la crédibilité de la représentation de l'Ambassade suisse de Kinshasa dans
la mesure où elle a pratiquement cessé toute activité auprès de cette
ambassade depuis le début de l'année 2001. Au demeurant, la recourante ne
demande pas à reprendre son activité, mais revendique la poursuite du
paiement de son traitement pendant la procédure de recours. Depuis le 7
février 2001, la recourante a présenté une incapacité de travail pour cause
de maladie pendant 163 jours ouvrables jusqu'au 6 décembre 2001, date de la
résiliation de ses rapports de service. Cette incapacité de travail est en
outre attestée par un certificat médical jusqu'au 22 février 2002. Elle a été
libérée de ses fonctions le 26 octobre 2001. La poursuite du paiement de son
salaire ne compromettrait donc pas le bon fonctionnement de l'Ambassade. Dans
la mesure où la recourante n'y a plus accès, l'Ambassade ne risque en outre
guère d'être atteinte dans sa crédibilité et sa réputation.

3.3.3 La pesée des intérêts en présence doit dès lors s'opérer entre
l'intérêt public de la Confédération à ne pas continuer à verser le salaire
de la recourante sans contre-prestation et l'intérêt privé de la recourante à
percevoir son traitement jusqu'à décision définitive sur son recours du 16
janvier 2002. Elle doit tenir compte des circonstances du cas d'espèce,
notamment de la situation personnelle de la recourante.

Si la Confédération était tenue de poursuivre le paiement du traitement de la
recourante, elle ne pourrait très probablement pas le récupérer sans grandes
difficultés si elle devait obtenir gain de cause à l'issue de la procédure de
recours. Cette conséquence serait d'autant plus dommageable que la recourante
a déjà bénéficié de son salaire pendant approximativement dix mois en 2001
alors qu'elle n'a exercé pratiquement aucune activité professionnelle.
L'intérêt financier de la Confédération doit donc être pris en considération
et ce d'autant plus que la durée de la procédure pourrait être longue,
puisque la recourante conteste l'ensemble des faits qui lui sont reprochés.

A l'inverse, la recourante est assurée de recevoir son salaire
rétroactivement, en cas de refus de restitution de l'effet suspensif et de
succès de son recours au fond. La recourante fait cependant valoir qu'il lui
serait impossible de retrouver un emploi, compte tenu de son âge. Les
rapports de service étant rompus, la recourante a la possibilité,
contrairement à ce qu'elle affirme, d'accepter un poste de travail en dehors
de l'administration fédérale. Dans ces conditions, la possibilité de
retrouver une autre activité professionnelle n'apparaît pas comme
insurmontable. Etant née au Congo, il y a cinquante-six ans, la recourante
est bien intégrée dans la communauté étrangère de Kinshasa; elle maîtrise
certains idiomes locaux et bénéficie d'un vaste de réseau de connaissances.
Elle devrait donc, malgré son âge, pouvoir retrouver une activité lucrative
dans laquelle elle aurait l'occasion de faire valoir son expérience
professionnelle. Il est en outre établi que, même en cas de rejet de son
recours, la recourante bénéficiera d'une prestation de sortie de la Caisse
fédérale de pension d'un montant de 350'000 fr. C'est dire que son avenir
matériel à moyen terme est assuré. Il est par ailleurs vraisemblable, comme
le soutient de Département fédéral, que la recourante, pendant les vingt-six
années passées au service de la Confédération, a pu réaliser certaines
économies, compte tenu du coût de la vie à Kinshasa. Sa situation financière
à court terme lui permet donc de subvenir à ses besoins. La recourante
n'invoque d'ailleurs pas qu'elle se trouverait dans une situation personnelle
difficile.

3.3.4 Compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, l'autorité
intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que l'intérêt
public de la Confédération à ne pas poursuivre le versement du salaire de la
recourante - compte tenu du risque d'un paiement non récupérable -
l'emportait sur l'intérêt privé de la recourante à continuer à bénéficier de
son traitement en dehors de toute activité professionnelle pour le compte de
la Confédération - avec la certitude de pouvoir bénéficier de ce traitement
en cas d'issue favorable de son recours - alors que ses chances de retrouver
un emploi à Kinshasa ne sont pas négligeables.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. Succombant, la recourante
doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et n'a pas droit à
des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
Département fédéral des affaires étrangères et à la Commission fédérale de
recours en matière de personnel fédéral.

Lausanne, le 27 juin 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: