Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.192/2002
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2A.192/2002/elo
Arrêt du 7 mars 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Dupraz.

X. ________ et 22 consorts, recourantes,
toutes représentées par Me Pierre Vallat, avocat, chemin de la Gare 27, case
postale 1, 2900 Porrentruy 1,

contre

Département de l'éducation du canton du Jura,
rue du 24-Septembre 2, 2800 Delémont,
Tribunal cantonal du canton du Jura, Chambre administrative, Le Château, case
postale 24, 2900 Porrentruy 2.

Statut des enseignantes ACT; égalité des sexes

(recours de droit administratif contre l'arrêt de la Chambre administrative
du Tribunal cantonal du canton du Jura du 7 mars 2002)

Faits:

A.
Le 2 décembre 1998, le Syndicat des enseignants jurassiens s'est adressé au
Département de l'éducation du canton du Jura (ci-après: le Département
cantonal) pour lui demander la revalorisation du salaire des maîtresses
enseignant les activités créatrices textiles (ci-après: ACT). Il se référait
à une intervention qu'il avait faite antérieurement et produisait un dossier.

Par lettre du 17 février 1999, le Département cantonal a répondu qu'il
n'entendait pas engager une procédure tendant à la modification du salaire
d'une catégorie déterminée du corps enseignant au moment où allait très
vraisemblablement s'amorcer une réflexion d'ensemble sur le statut, la
rémunération et les modalités de travail de l'ensemble de la profession
enseignante. Au demeurant, au cours des dernières années, les enseignantes
ACT avaient fait l'objet d'une sollicitude toute particulière du Département
cantonal (mesures de protection de leur emploi, offres abondantes en matière
de formation continue, ouverture à l'enseignement de disciplines connexes aux
ACT).

B.
Le 5 janvier 2000, vingt-trois enseignantes ACT ont demandé au Département
cantonal que, pour leurs cours d'ACT, leur traitement soit fixé en classe 3
comme c'était le cas pour les enseignants de l'école primaire (ci-après: les
instituteurs) et les enseignantes en économie familiale lorsqu'ils donnaient
des cours d'ACT et comme c'était également le cas lorsqu'elles-mêmes
enseignaient les activités créatrices manuelles et l'éducation visuelle.
Elles requéraient que la mesure tendant à rétablir l'égalité prenne effet
rétroactivement cinq ans avant leur demande; elles étaient cependant
disposées à renoncer à cette dernière revendication en cas d'acceptation
rapide de leur demande.

Le 12 juillet 2000, le Département cantonal a rejeté cette requête dans la
mesure où elle était recevable. Il a souligné qu'il n'y avait pas inégalité
de traitement, les situations des catégories d'enseignants comparées
différant en particulier au niveau de la formation. En outre, le fait que les
enseignantes ACT bénéficiaient d'une rémunération en classe 3 lorsqu'elles
donnaient des cours d'activités créatrices manuelles résultait d'une erreur.

Le 20 septembre 2000, le Département cantonal a rejeté l'opposition des
intéressées à sa décision du 12 juillet 2000 et confirmé ladite décision.

C.
Par arrêt du 7 mars 2002, la Chambre administrative du Tribunal cantonal du
canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours déposé
par les vingt-trois enseignantes ACT concernées contre la décision du
Département cantonal du 20 septembre 2000. Le Tribunal cantonal a notamment
retenu que les enseignantes ACT avaient une profession typiquement féminine
alors que les instituteurs exerçaient une profession neutre. Puis, il a
constaté que les recourantes qui enseignaient les ACT étaient rémunérées en
classe 2 alors que les instituteurs étaient rémunérés en classe 3 lorsqu'ils
donnaient des cours d'ACT. Il a également souligné que les recourantes
étaient rémunérées comme les instituteurs, en classe 3, lorsqu'elles
enseignaient les activités créatrices manuelles ou l'éducation visuelle. Le
Tribunal cantonal a considéré que les intéressées avaient rendu vraisemblable
l'existence d'une discrimination en raison du sexe. Il a alors comparé la
situation des enseignantes ACT et des instituteurs à partir du 1er janvier
1995 (date déterminante). Il est arrivé à la conclusion que la différence de
rémunération entre ces deux catégories d'enseignants tenait à la formation
des instituteurs qui était plus élevée en raison de l'éventail plus large de
disciplines qu'ils devaient enseigner. Il s'agissait donc d'une raison
objective et non pas de motifs liés au sexe. Le Tribunal cantonal a aussi
écarté les griefs d'inégalité de traitement et d'arbitraire. Il a relevé en
particulier qu'on ignorait pour quelle raison les recourantes étaient
rémunérées en classe 3 lorsqu'elles enseignaient les activités créatrices
manuelles et l'éducation visuelle, en précisant que cette mesure s'inscrivait
vraisemblablement dans une volonté de préserver la situation des enseignantes
ACT qui se dégradait.

D.
Les vingt-trois enseignantes ACT qui avaient agi au niveau cantonal,
c'est-à-dire X.________ et 22 consorts, ont déposé au Tribunal fédéral un
recours de droit administratif à l'encontre de l'arrêt du Tribunal cantonal
du 7 mars 2002. Elles concluent, sous suite de frais et dépens, à
l'annulation de l'arrêt attaqué. En outre, elles demandent, principalement,
au Tribunal fédéral de dire qu'elles doivent être rémunérées en classe 3 au
sens de l'art. 3 du décret jurassien du 6 décembre 1978 sur les traitements
des membres du corps enseignant pour les leçons qu'elles dispensent en ACT et
de condamner le canton du Jura à les rémunérer en classe 3 pour les leçons
d'ACT à compter du 1er janvier 1995 ainsi qu'à payer avec intérêt à 5 % au
titre de l'arriéré correspondant à la différence de traitement entre les
classes 2 et 3 pour les leçons d'ACT à:

X.________       20'453,35 fr.
1 consort         8'459,95
fr.
1 consort       13'110,50 fr.
1 consort       28'403,45 fr.
1 consort         1'664,45
fr.
1 consort       28'264,-- fr.
1 consort         6'066,50
fr.
1 consort       26'037,05 fr.
1 consort         5'537,50
fr.
1 consort            989,10
fr.
1 consort       22'468,25 fr.
1 consort       14'848,80 fr.
1 consort       10'940,75 fr.
1 consort       16'845,30 fr.
1 consort       14'538,-- fr.
1 consort       16'213,60 fr.
1 consort         2'587,80
fr.
1 consort       29'890,80 fr.
1 consort       49'652,65 fr.
1 consort       10'028,95 fr.

Subsidiairement, les recourantes demandent au Tribunal fédéral de renvoyer la
cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision. Elles se plaignent de
constatation inexacte et incomplète des faits au sens de l'art. 105 al. 2 OJ
ainsi que de violation du droit fédéral. Elles reprochent au Tribunal
cantonal d'avoir violé les art. 3, 6 et 13 de la loi fédérale du 24 mars 1995
sur l'égalité entre femmes et hommes (loi sur l'égalité; LEg; RS 151.1) ainsi
que les art. 8 et 29 Cst.

Le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours. Le Département cantonal a
envoyé sa réponse hors délai.

Le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes propose d'admettre le
recours et de renvoyer la cause à l'autorité intimée pour nouvel examen des
faits.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a p. 16).

Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours de droit
administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droit public
fédéral - ou qui auraient dû l'être -, à condition qu'elle émanent des
autorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des exceptions
prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne soit réalisée
(ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49). En particulier, l'art. 13 al. 1 LEg
prévoit que, dans les rapports de travail de droit public, les voies de droit
sont régies par les dispositions générales sur la procédure fédérale. Dès
lors, le recours de droit administratif est recevable à l'encontre de l'arrêt
attaqué dans la mesure où il examine le grief d'inégalité liée au sexe.

2.
Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif peut
être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du
pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du
droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels du citoyen
(ATF 124 II 517 consid. 1 p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388), sans être lié
par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En
revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la
décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits
constatés dans cette décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 105 al. 2 OJ). Enfin, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir
l'opportunité de l'arrêt attaqué, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel
examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

3.
3.1 Les recourantes se plaignent que le Tribunal cantonal ait constaté les
faits de façon inexacte ou incomplète au sens de l'art. 105 al. 2 OJ.

En réalité, ce que les intéressées contestent, c'est la façon dont l'autorité
intimée a apprécié ces faits, à savoir qu'elles étaient rémunérées en classe
2 quand elles enseignaient les ACT alors que, d'une part, les instituteurs
l'étaient en classe 3 quand ils donnaient des cours d'ACT et que, d'autre
part, elles-mêmes l'étaient en classe 3 quand elles enseignaient les
activités créatrices manuelles ou l'éducation visuelle. Au demeurant,
l'appréciation des faits est une question de droit que le Tribunal fédéral
revoit librement.

3.2 Les recourantes reprochent aussi au Tribunal cantonal de n'avoir pas
véritablement examiné le moyen tiré d'une discrimination salariale liée au
sexe résultant des rémunérations différentes qu'elles-mêmes touchent selon
qu'elles enseignent les ACT ou une autre branche (les activités créatrices
manuelles ou l'éducation visuelle) et d'avoir ainsi violé l'art. 29 Cst.

L'autorité intimée a considéré que les recourantes ne pouvaient pas se
plaindre d'une discrimination salariale fondée sur le sexe - et, par
conséquent, contraire à la loi sur l'égalité - en comparant deux postes de
leur propre traitement. Toutefois, elle a examiné ce grief sous l'angle de la
violation des principes de l'égalité au sens de l'art. 8 al. 1 Cst. et de
l'interdiction de l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. On ne saurait donc
lui reprocher d'avoir commis un déni de justice formel ou, plus
particulièrement, d'avoir violé le droit d'être entendues des recourantes, ce
dernier droit étant un des aspects de l'interdiction du déni de justice
formel (cf. le message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une
nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss, p. 183). Au demeurant,
même si le Tribunal cantonal avait violé le droit d'être entendues des
intéressées, ce vice aurait été réparé par la présente procédure, de sorte
que le moyen que les recourantes tirent d'une prétendue violation de l'art.
29 Cst. doit être écarté.

4.
4.1 L'interdiction de toute discrimination directe ou indirecte des employés
liée au sexe figurant à l'art. 4 al. 2 aCst., a été reprise à l'art. 8 al. 3
Cst. Elle se trouve également dans l'art. 3 al. 1 LEg. Selon cette
disposition, il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du
sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur
état civil ou leur situation familiale ou, s'agissant de femmes, leur
grossesse. L'interdiction de toute discrimination s'applique notamment à
l'embauche, à l'attribution de tâches, à l'aménagement des conditions de
travail, à la rémunération, à la formation et au perfectionnement
professionnels, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail
(art. 3 al. 2 LEg).

Une discrimination est dite "directe" lorsqu'elle se fonde explicitement sur
le critère du sexe ou sur un critère ne pouvant s'appliquer qu'à l'un des
deux sexes et qu'elle n'est pas justifiée objectivement. La discrimination
est en revanche qualifiée d'"indirecte" lorsque le critère utilisé pourrait
s'appliquer à l'un ou l'autre sexe, mais qu'il a ou peut avoir pour effet de
désavantager une plus grande proportion de personnes d'un sexe par rapport à
l'autre, sans être justifié objectivement (cf. le message du Conseil fédéral
du 24 février 1993 concernant la loi sur l'égalité [ci-après: le Message], in
FF 1993 I 1163 ss, spéc. p. 1210; voir aussi ATF 124 II 409 consid. 7 p.
424/425).

Il y a discrimination en matière de rémunération lorsqu'il existe, au
détriment d'une profession identifiée comme typiquement liée à un sexe, des
différences de salaire qui ne sont pas fondées objectivement sur le travail
lui-même. Les différences de salaire qui reposent sur des circonstances
spécifiquement liées au sexe sont interdites (ATF 124 II 409 consid. 8 p.
425).

4.2 L'art. 6 LEg, qui traite de l'allégement du fardeau de la preuve, a la
teneur suivante:
"L'existence d'une discrimination est présumée pour autant que la personne
qui s'en prévaut la rende vraisemblable; la présente disposition s'applique à
l'attribution des tâches, à l'aménagement des conditions de travail, à la
rémunération, à la formation et au perfectionnement professionnels, à la
promotion et à la résiliation des rapports de travail."
Cette disposition représente un assouplissement par rapport au principe
général de l'art. 8 CC selon lequel il incombe à la partie qui déduit un
droit de certains faits d'apporter la preuve de ces faits. Dans les relations
de travail, la preuve devra généralement porter sur des faits qui se trouvent
dans la sphère d'influence de l'employeur et ne sont connus que de lui.
Lorsque le juge, à l'instar de l'employé, ignore l'existence de ces moyens de
preuve, la maxime officielle, qui veut que les faits soient établis d'office,
demeure inopérante. En revanche, si le fardeau de la preuve est à la charge
de l'employeur, il est dans l'intérêt de ce dernier d'informer le juge avec
la plus grande diligence et de lui fournir toutes pièces utiles. La règle
spéciale de l'art. 6 LEg trouve sa justification dans la nécessité de
corriger l'inégalité de fait résultant de la concentration des moyens de
preuve en mains de l'employeur. Toutefois, pour éviter que des actions ne
soient introduites à la légère, on exige, avant de mettre le fardeau de la
preuve à la charge de l'employeur, que la prétendue victime apporte quelques
indices qui rendent vraisemblable l'existence d'une discrimination. Sur ce
dernier point, on précisera que le juge n'a pas à être convaincu du
bien-fondé des arguments du travailleur; il doit simplement disposer
d'indices objectifs suffisants pour que les faits allégués lui paraissent
vraisemblables, sans pour autant exclure qu'il puisse en aller différemment.
Lorsqu'une discrimination a été rendue vraisemblable, le fardeau de la preuve
incombe à l'employeur. Celui-ci obtiendra gain de cause s'il parvient à
établir, preuves à l'appui, que la différence de traitement repose sur des
facteurs objectifs (cf. le Message, in FF 1993 I p. 1215/1216; voir aussi
Sabine Steiger-Sackmann, in Commentaire de la loi sur l'égalité, éd. par
Margrith Bigler-Eggenberger et Claudia Kaufmann, Lausanne 2000, n. 28 p. 171
et n. 42-64 p. 175-180 ad art. 6; Luzius Mader, Das Gleichstellungsgesetz -
Entstehung, Ziele und Instrumente, in Das Bundesgesetz über die
Gleichstellung von Frau und Mann, éd. par Yvo Schwander et René Schaffhauser,
St-Gall 1996, p. 9 ss, spéc. p. 31-34).

Selon la jurisprudence, la vraisemblance doit porter sur les conditions
effectives de la discrimination, surtout en ce qui concerne la spécification
des sexes et le fait que l'échelle des traitements repose sans raison
objective sur des critères liés au sexe (cf. ATF 125 III 368 consid. 4 p.
372). La preuve de la vraisemblance incombe à la partie qui entend faire
valoir un droit (cf. ATF 127 III 207 consid. 7 p. 218). Le fait qu'une
employée exerçant une profession typiquement féminine gagne moins que dans
une autre profession (neutre du point de vue du sexe ou masculine) ne rend
pas encore vraisemblable une discrimination (ATF 125 II 541 consid. 6a p.
550). En revanche, lorsque des travailleurs de sexe opposé ont une position
semblable avec des cahiers des charges comparables, il est présumé, s'il y a
une différence de rémunération entre eux, que celle-ci est de nature sexiste
(ATF 127 III 207 consid. 3b p. 213). Si la discrimination est rendue
vraisemblable, le fardeau de la preuve est renversé: l'employeur doit prouver
que la différence de traitement n'est pas discriminatoire (ATF 127 III 207
consid. 3b p. 213). Il ne s'agit pas d'établir si une classification de
traitement basse est appropriée, mais si elle est discriminatoire (ATF 125 II
541 consid. 6e p. 552). L'existence ou l'absence de discrimination, qui
dépend de questions de fait et de droit, ne peut pas être prouvée de façon
absolue. Il faut déduire de l'art. 6 LEg - pour autant qu'une discrimination
ait été rendue vraisemblable - que l'employeur doit prouver, d'une part, les
faits sur lesquels il fonde sa politique salariale et, d'autre part, les
motifs justifiant les différences critiquées comme discriminatoires (ATF 125
II 541 consid. 6c p. 551; 125 III 368 consid. 4 p. 373; arrêt 2A.200/2001 du
18 juin 2002, consid. 3.5).

5.
5.1 D'après les recourantes, le Tribunal cantonal aurait dû constater que le
Département cantonal n'avait pas apporté la preuve qu'il lui incombait de
fournir. Les intéressées reprochent aussi à l'autorité intimée d'avoir
considéré que le fait que les instituteurs reçoivent un traitement plus élevé
qu'elles pour l'enseignement des ACT était justifié par la différence de
leurs formations respectives. Elles font valoir que la formation supérieure
des instituteurs n'est d'aucune utilité pour les cours d'ACT. Elles se
plaignent que le Tribunal cantonal n'ait pas véritablement traité l'inégalité
liée au sexe résultant du fait qu'elles perçoivent des rémunérations
différentes selon qu'elles enseignent les ACT ou une autre branche (activités
créatrices manuelles ou éducation visuelle). Elles en donnent d'ailleurs une
explication historique: à l'origine, les activités créatrices manuelles
étaient un travail typiquement masculin et l'éducation visuelle un travail
neutre, d'où leur rémunération en classe 3 lorsqu'elles enseignent ces
branches; en revanche les ACT ont toujours été un travail typiquement
féminin, d'où leur rémunération en classe 2 pour les cours d'ACT.

5.2 D'après la jurisprudence, des différences de salaire entre hommes et
femmes, pour un travail identique ou de même valeur, ne violent pas la
garantie constitutionnelle de l'égalité de rémunération, si elles reposent
sur des motifs objectifs tels que l'âge, l'ancienneté, les charges
familiales, l'expérience, le degré de qualification, le genre et la durée de
la formation, le temps de travail ou les responsabilités assumées; en ce qui
concerne la rémunération des enseignants, on retient aussi comme critères la
formation nécessaire, le genre d'école, le nombre d'heures d'enseignement ou
la taille des classes (ATF 123 I 1 consid. 6c p. 8). Il s'agit là de raisons
touchant aux prestations ou à la personne du travailleur. Mais il existe
d'autres circonstances objectives, elles aussi étrangères à toute
considération fondée sur le sexe, qui peuvent justifier une entorse au
principe de l'égalité de rémunération, lors même qu'elles n'ont pas trait à
la personne ou à l'activité du travailleur. Ce peut être le cas, par exemple,
de la situation conjoncturelle, qui peut avoir une incidence au moment de
l'embauche de personnel nouveau. Ainsi, des différences de salaire, dues à
l'évolution de la conjoncture, sont en principe compatibles, du moins
temporairement, avec le droit à l'égalité de rémunération, puisqu'elles ne
sont aucunement liées au sexe des travailleurs concernés. La prudence est
toutefois de mise dans ce domaine, car les motifs avancés pour expliquer une
inégalité de traitement entre travailleurs masculins et féminins peuvent ne
servir en réalité qu'à masquer une discrimination à raison du sexe, surtout
lorsqu'ils se rapportent à des circonstances extérieures à la personne ou à
l'activité du travailleur. Aussi convient-il d'exiger de l'employeur qui
invoque de tels motifs qu'il en établisse clairement l'existence et, s'il n'y
parvient pas, de lui faire supporter les conséquences de l'échec de la preuve
sur ce point (ATF 113 Ia 107 consid. 4a p. 116/117). Par ailleurs, le
Tribunal fédéral considère comme douteux que la conception selon laquelle une
formation plus poussée peut justifier un salaire plus élevé soit valable de
façon générale. En revanche, rien n'empêche de se fonder sur ce critère
lorsqu'une meilleure formation est exigée pour un emploi ou qu'elle est utile
pour le travail à accomplir (ATF 117 Ia 270 consid. 4a p. 276). Ainsi, le
Tribunal fédéral a considéré, dans une affaire bernoise (ATF 117 Ia 270
consid. 4b p. 276/277), qu'une différence de rémunération entre des maîtres
primaires et des maîtresses de travaux manuels n'était pas contraire à l'art.
4 al. 2 aCst.; la formation des maîtres primaires, compte tenu des
disciplines qu'ils étaient autorisés à enseigner selon le droit bernois,
était plus large que celle des maîtresses de travaux manuels; de plus, les
différences dans la formation étaient adaptées à l'activité professionnelle
qui présupposait des connaissances plus nombreuses et plus grandes chez le
maître primaire que chez la maîtresse de travaux manuels. En outre, le
Tribunal fédéral a admis qu'une différence de traitement de 21,72 % entre
instituteurs et maîtres de l'école d'orientation, dans le canton de
Schaffhouse, était compatible avec l'art. 4 al. 1 aCst., en raison de la
formation plus longue, ainsi que de l'enseignement à un niveau plus élevé et
plus complexe des maîtres de l'école d'orientation (ATF 121 I 49 consid. 4c
p. 53/54). De même il a estimé qu'une différence de rémunération de 8-9 %
entre deux logopédistes ne violait pas l'art. 4 al. 1 aCst. dans la mesure où
elle était motivée par une formation différente (maturité, respectivement
brevet de maître d'école) (ATF 123 I 1 consid. 6e p. 9/10).

5.3 Le Département cantonal a constamment justifié la différence de salaire
existant entre les instituteurs et les enseignantes ACT par leur différence
de formation et c'est cette argumentation que le Tribunal cantonal a reprise
dans l'arrêt attaqué.

Pour avoir accès à une formation pédagogique, les futures enseignantes ACT
devaient être titulaires d'un certificat fédéral de capacité de couturière,
alors que les futurs instituteurs devaient être au bénéfice d'une maturité ou
d'un titre équivalent. Cela signifie que les premières ont une culture
générale du niveau de l'apprentissage alors que les seconds ont une culture
générale du niveau de la maturité. De plus, les enseignantes ACT sont au
bénéfice d'un diplôme limité à l'enseignement d'une seule discipline alors
que les instituteurs obtiennent un diplôme étendu à l'enseignement de
l'ensemble des disciplines du plan d'études primaire. Par conséquent, les
premières ont une approche très sectorielle des élèves tandis que les seconds
prennent en charge les élèves dans leur globalité. Il ressort de la
comparaison des formations respectives des enseignantes ACT et des
instituteurs que ceux-ci ont acquis une formation plus poussée que celle des
enseignantes ACT. Ces qualifications supérieures constituent une formation
utile à l'enseignement de toutes les disciplines qui sont confiées aux
instituteurs, car elles influent sur leur méthode de travail et sur la façon
dont ils abordent les élèves. Les instituteurs peuvent en tirer parti
notamment lorsqu'ils donnent des cours d'ACT. Dès lors, le fait qu'ils
reçoivent une rémunération supérieure à celle des enseignantes ACT même quand
ils enseignent les ACT repose sur une justification objective reconnue par la
jurisprudence rappelée ci-dessus (consid. 5.2). Au surplus, la différence de
traitement en cause est de l'ordre de 6 %, ce qui reste dans les limites
admises par la jurisprudence (cf. consid. 5.2). On ne saurait donc suivre les
recourantes quand elles voient dans cette différence de rémunération une
discrimination liée au sexe.

5.4 Le Département cantonal a varié dans ses explications au sujet de la
rémunération des recourantes qui change en fonction des branches qu'elles
enseignent: traitement de la classe 2 pour l'enseignement des ACT et
traitement de la classe 3 pour l'enseignement des activités créatrices
manuelles et de l'éducation visuelle. Il a parlé d'une erreur d'appréciation
des dispositions légales, puis d'un parti pris de bienveillance à l'égard des
enseignantes ACT dont la situation professionnelle se dégradait; au
demeurant, au cours de l'audience du 29 août 2001 devant le Tribunal
cantonal, un représentant du Département cantonal a déclaré ignorer pourquoi
les recourantes étaient payées en classe 3 lorsqu'elles enseignaient les
activités créatrices manuelles. Ces explications ont été partiellement
reprises par le Tribunal cantonal, lorsqu'il a examiné le grief des
recourantes portant sur leurs rémunérations différentes sous l'angle de la
violation des principes de l'égalité au sens de l'art. 8 al. 1 Cst. et de
l'interdiction de l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. consid. 3.2
ci-dessus).

La rémunération des recourantes en classe 3 pour l'enseignement des activités
créatrices manuelles et de l'éducation visuelle est contraire à l'art. 18 de
l'ordonnance jurassienne du 6 octobre 1992 concernant le passage de maîtres
primaires dans l'enseignement secondaire et vice-versa et l'accès des
maîtresses ACT à l'enseignement des activités manuelles (ci-après:
l'Ordonnance). Cette disposition prévoit en effet que l'enseignante ACT
soumise à l'Ordonnance conserve le traitement lié à son statut de titulaire
du certificat d'aptitudes pédagogiques à l'enseignement des ACT. Toutefois,
l'art. 18 de l'Ordonnance paraît contestable au regard du principe de
l'égalité et de l'interprétation qui en a été donnée, alors que la pratique
plus généreuse du Département cantonal en ce qui concerne la rémunération
apparaît sensée (cf. consid. 5.2, ci-dessus). En effet, on trouve dans les
déclarations des recourantes une justification de leur rémunération en classe
3 pour les cours d'activité créatrices manuelles et d'éducation visuelle -
même si ce n'est pas l'explication qu'elles-mêmes avancent. Elles disent en
effet avoir suivi une formation complémentaire importante pour pouvoir donner
ces cours. Le Département cantonal a certes exclu cette justification, car il
a toujours considéré que la formation complémentaire suivie par les
recourantes était modeste et ne pouvait être assimilée à une formation au
sens plein du terme. Cependant, la prise en compte de cette formation
complémentaire dans la rémunération est conforme aux principes rappelés
ci-dessus (consid. 5.2) - et d'ailleurs invoqués par le Département cantonal
à propos de la différence de salaire entre les instituteurs et les
enseignantes ACT. On peut tout au plus se demander si la formation
complémentaire en cause justifie une augmentation d'une classe de traitement.
C'est donc à tort que les recourantes voient une discrimination fondée sur le
sexe dans le fait qu'elle reçoivent un salaire plus élevé pour les cours
d'activité créatrices manuelles et d'éducation visuelle que pour ceux d'ACT.

5.5 Au demeurant, on peut comprendre que les recourantes aient un sentiment
de discrimination liée au sexe, mais pas pour les raisons qu'elles invoquent.
A l'époque où elles ont entrepris leur formation de base, on avait encore
tendance à orienter les jeunes filles vers une formation de durée courte ou
moyenne, soit un apprentissage, les études étant plutôt réservées aux jeunes
gens. Cependant, une telle orientation a des répercussions sur toute la
carrière professionnelle, car elle cantonne souvent les personnes qui ont
fait un apprentissage dans des postes inférieurs à ceux qu'obtiennent les
salariés ayant pu faire des études. L'orientation en cause était
discriminatoire, mais non la situation professionnelle et le salaire des
intéressées qui en découlent et qui correspondent à une différence
malheureusement objective. Cet état de fait ne peut changer qu'avec
l'évolution des mentalités.

6.
Ainsi, en rendant l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal n'a constaté les
faits ni de manière manifestement inexacte ou incomplète ni au mépris de
règles essentielles de procédure. Il n'a pas non plus violé le droit fédéral,
en particulier la loi sur l'égalité.

7.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.

La procédure est gratuite (art. 13 al. 5 LEg).

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux recourantes qui succombent (art.
159 al. 1 OJ) ni au canton du Jura (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourantes, au
Département de l'éducation et à la Chambre administrative du Tribunal
cantonal du canton du Jura, ainsi qu'au Bureau fédéral de l'égalité entre
femmes et hommes.

Lausanne, le 7 mars 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: