Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.183/2002
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2A.183/2002 /dxc

Arrêt du 4 juin 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Hungerbühler, juge présidant,
Müller et Yersin,
greffière Rochat.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Moser, avocat,
avenue Jean-Jacques Cart 8, 1006 Lausanne,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation

(recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de
justice et police du 5 mars 2002)

Faits:

A.
X. ________, ressortissant du Kosovo, est arrivé en Suisse le 7 mars 1998 en
compagnie de sa mère. Il était au bénéfice d'un visa touristique lui
permettant de venir rendre visite à son père pour une durée de trois mois,
sans prolongation possible. Le 25 mai 1998, l'employeur de son père,
exploitant viticole, a présenté une demande d'autorisation de séjour et de
travail en sa faveur. De son côté, le père de l'intéressé a également déposé,
le 9 septembre 1998, une demande de regroupement familial pour son fils, qui
a été rejetée par décision du 6  novembre 1998. X.________ a toutefois
bénéficié d'une admission provisoire accordée aux ressortissants yougoslaves
domiciliés au Kosovo, jusqu'à la levée de cette mesure par le Conseil
fédéral, le 11 août 1999, et pendant le délai d'un an, fixé au 31 août 2000,
pour quitter le territoire cantonal.
Le 14 août 2000, X.________ a sollicité le réexamen de la décision du 6
novembre 1998, en concluant à l'octroi d'une autorisation de séjour au titre
de regroupement familial. Cette requête a été rejetée, par décision du
Service de la population du 5 septembre 2000.
Par arrêt du 10 avril 2001, le Tribunal administratif du canton de Vaud a
confirmé que les conditions du regroupement familial n'étaient pas réunies;
il a cependant admis partiellement le recours de l'intéressé et renvoyé le
dossier au Service cantonal de la population pour qu'il le transmette à
l'Office fédéral des étrangers en vue de la délivrance éventuelle d'une
autorisation de séjour fondée sur l'art. 13 lettre f de l'ordonnance du
Conseil fédéral du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS
823.21).

B.
Le 17 mai 2001, l'Office fédéral des étrangers a refusé d'exempter X.________
des mesures de limitation.
Saisi d'un recours contre ce prononcé, le Département fédéral de justice et
police l'a rejeté dans la mesure où il était recevable, par décision du 5
mars 2002. Il a retenu au préalable que les motifs concernant le regroupement
familial sortaient du cadre du litige et n'avaient pas à être examinés. Au
sujet de l'exemption des mesures de limitation, il a ensuite considéré que
l'intéressé était âgé de plus de vingt-et-un an et pouvait donc se passer du
soutien de ses parents; il ne lui était par ailleurs pas impossible d'aller
vivre dans le pays où il avait passé la majeure partie de sa vie. Quant à son
appartenance à une ethnie minoritaire, les Goranis, elle relevait de la
procédure d'asile, voire de la procédure de renvoi, mais ne pouvait pas être
prise en considération lors de l'examen d'un cas personnel d'extrême gravité.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ conclut à
l'annulation de la décision du Département fédéral de justice et police du 5
mars 2002 et demande principalement au Tribunal fédéral de prononcer qu'il
n'est pas soumis aux mesures de limitation et, subsidiairement, de renvoyer
la cause à l'autorité fédérale pour qu'elle statue dans le même sens. Il
présente également une requête de mesures provisoires tendant à ce qu'il
puisse séjourner en Suisse et dans le canton de Vaud jusqu'à droit connu sur
son recours.
Le Département fédéral de justice et police conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La voie du recours de droit administratif est ouverte contre les décisions
relatives à l'assujettissement aux mesures de limitation prévues par
l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 II 403 consid. 1 p.
404/405; 119 Ib 33 consid. 1a p. 35).
Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi, le présent
recours est donc en principe recevable en vertu des art. 97ss OJ. Il ne peut
toutefois porter que sur l'objet du litige, soit sur le refus des autorités
fédérales d'exempter le recourant des mesures de limitation. A cet égard, les
arguments du recourant au sujet du statut de son père, saisonnier pendant
douze saisons avant d'obtenir une autorisation annuelle de séjour, de même
que ceux qui ont déjà été examinés dans le cadre de la décision relative au
regroupement familial devenue définitive à la suite de l'arrêt du Tribunal
administratif du 10 avril 2001, ne peuvent pas être pris en considération.

2.
D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit administratif peut être formé pour
violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus de pouvoir
d'appréciation (lettre a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète
des faits pertinents (lettre b).
L'autorité intimée étant une autorité administrative, le Tribunal fédéral
peut revoir d'office les constatations de fait (art. 105 OJ). En outre, en
matière de police des étrangers, pour autant que la décision attaquée émane
d'une telle autorité, le Tribunal fédéral fonde en principe ses jugements sur
l'état de fait et de droit existant au moment de la décision de dernière
instance, soit de sa propre décision (art. 104 lettre b et 105 al. 1 OJ; ATF
121 II 97 consid. 1c p. 99; 120 Ib 257 consid. 1f p. 262/263).

3.
3.1 Les mesures de limitation visent, en premier lieu, à assurer un rapport
équilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la population
étrangère résidante, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du travail
et à assurer un équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er lettres a et
c OLE). L'art. 13 lettre f OLE soustrait aux mesures de limitation "les
étrangers qui obtiennent une autorisation de séjour dans un cas personnel
d'extrême gravité ou en raison de politique générale". Cette disposition a
pour but de faciliter la présence en Suisse d'étrangers qui, en principe,
seraient comptés dans les nombres maximums fixés par le Conseil fédéral, mais
pour lesquels cet assujettissement paraîtrait trop rigoureux par rapport aux
circonstances particulières de leur cas ou pas souhaitable du point de vue
politique.
Il découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette disposition
dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions mises à
la reconnaissance d'un cas de rigueur doivent être appréciées
restrictivement. Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une
situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et
d'existence, comparées à celles de la moyenne des étrangers, doivent être
mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire que le refus de soustraire
l'intéressé aux restrictions des nombres maximums comporte pour lui de graves
conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas personnel d'extrême gravité, il
y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier.
La reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité n'implique pas
forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'unique moyen
pour échapper à une situation détresse. Par ailleurs, le fait que l'étranger
se soit bien intégré en Suisse, socialement et professionnellement, et que
son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui
seul, à constituer un cas d'extrême gravité; il faut encore que la relation
du requérant avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse pas exiger qu'il
aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine. A cet
égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que le requérant a
pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si
étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exemption des mesures de
limitation du nombre des étrangers (ATF 124 II 110 consid. 2 p. 111ss et les
références citées).

3.2   En l'espèce, il s'agit d'un étranger de vingt-deux ans, célibataire,
qui est en mesure de mener une existence indépendante de ses parents et de
ses frères et soeurs. Il n'a vécu que quatre ans en Suisse et ne démontre pas
qu'il y ait tissé des liens particulièrement étroits. Il a donc la
possibilité de se réintégrer dans son pays d'origine, quand bien même une
grande partie de sa proche famille se trouve désormais en Suisse et qu'il n'a
plus qu'une soeur au Kosovo. Quant à son intégration professionnelle, elle
n'a rien d'exceptionnelle, puisqu'il travaille comme manoeuvre dans une
exploitation viticole. L'autorité fédérale a dès lors fait une juste
appréciation de la situation et il peut être renvoyé aux considérants de la
décision attaquée sur ce point (art. 36a al. 3 OJ).
Reste à déterminer si la question de l'appartenance du recourant à une ethnie
minoritaire au Kosovo, les Goranis, serait de nature à lui causer un
préjudice tel qu'il pourrait constituer un cas d'extrême gravité.

3.3   Selon la jurisprudence, l'exemption des mesures de limitation selon
l'art. 13 lettre f OLE n'est pas destinée à permettre à un étranger de
séjourner en Suisse pour des motifs liés à la protection de sa personne en
raison d'une situation de guerre, d'abus des autorités étatiques ou d'actes
de persécution dirigé contre lui. De tels motifs relèvent en effet de la
procédure d'asile ou doivent être examinés à l'occasion d'une décision de
renvoi entrée en force (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd p. 133; 119 Ib 33
consid. 4b p. 43 et les références citées). A ce titre, le contexte
socio-économique discriminatoire qui peut sévir dans une région donnée en
raison de la situation politique de l'ex-Yougoslavie est réputé provenir
directement ou indirectement des autorités étatiques; les différences de
traitement qui en résultent ne sont pas prises en considération dans le cadre
d'une procédure d'exception aux mesures de limitation, même si elles sont
susceptibles de causer des préjudices graves aux intéressés. Il reste
cependant possible de tenir compte de telles circonstances lors de l'examen
de la situation particulière d'un étranger, pour déterminer si elles peuvent
constituer un cas personnel d'extrême gravité au sens de l'art. 13 lettre f
OLE (arrêts non publiés du 12 septembre 1994 (2A.260/1993) en la cause A. c.
DFJP et du 3 juillet 1992 (2A.279/1991 en la cause P.-K. c. DFJP).
Sur ce point, le recourant ne démontre pas que la minorité ethnique à
laquelle il appartient serait l'objet d'une persécution non-étatique
particulière par rapport aux autres minorités ethniques du Kosovo. La
situation du recourant, s'il devait rentrer dans son pays d'origine, ne
serait donc pas différente de celle des membres d'autres communautés telles
que les Serbes, les Roms, les Achkalis ou les Bosniaques, qui peuvent toutes
subir certaines discriminations sociales suivant les endroits où elles se
trouvent. Toutefois, cela ne suppose pas des persécutions non-étatiques sur
le plan individuel qui pourraient constituer un cas d'extrême gravité.
L'appartenance du recourant à la minorité ethnique des Goranis n'a dès lors
pas à être prise en compte dans le cadre d'une exception aux mesures de
limitation. Il appartiendra, le cas échéant, à l'autorité compétente
d'examiner lors de l'exécution de la décision de renvoi, si la situation
présente permet le retour dans le pays d'origine. En l'état, la décision du
Département fédéral de justice et police ne viole donc pas le droit fédéral.

4.
4.1Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, avec suite de
frais à la charge du recourant (art. 156 al. 2 OJ).

4.2 Au vu de l'issue du recours, la demande de mesures provisionnelles
présentée par le recourant devient sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au
Département fédéral de la justice.

Lausanne, le 4 juin 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant: La greffière: