Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.34/2002
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2002
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2002


1A.34/2002
1P.70/2002/svc

Arrêt du 8 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du
Tribunal fédéral,
Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

T. ________, représenté par Me Jean-Pierre Bloch, avocat, case postale 246,
1001 Lausanne,

contre

Département des infrastructures du canton de Vaud, Service de l'aménagement
du territoire, 1014 Lausanne, représenté par Me Edmond C.M. de Braun, avocat,
place St-François 5, case postale 2700, 1002 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014
Lausanne,

Commune de C.________.

refus de mettre en oeuvre une inspection locale

(recours de droit administratif [1A.34/2002] et recours de droit public
[1P.70/2002] contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 10
janvier 2002)
Faits:

A.
T. ________ est propriétaire d'une parcelle bâtie d'un ancien moulin sur la
commune de C.________, en zone agricole. Le 19 mai 1995, il a requis
l'autorisation de transformer ce bâtiment en maison d'habitation. Après deux
refus motivés par le caractère excessif des travaux de transformation, le
Service de l'aménagement du territoire du Département des infrastructures du
canton de Vaud (ci-après: le Service de l'aménagement du territoire) a
finalement délivré, le 27 novembre 1995, l'autorisation spéciale requise à
teneur de l'art. 24 al. 2 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire
(LAT; RS 700). La Municipalité de C.________ a délivré le permis de
construire sollicité le 6 décembre 1995.
Dans le courant de l'année 1999, le Service de l'aménagement du territoire a
constaté que les travaux effectués ne correspondaient pas à ceux qu'il avait
autorisés, en particulier par la réalisation de deux logements
supplémentaires dans les volumes réservés à l'usage de dépôt et de nouvelles
ouvertures en façade et en toiture. Par décision du 28 août 2001, il a
ordonné la remise en état des lieux et a imparti à T.________ un délai
échéant le 31 mars 2002 pour exécuter les travaux de remise en état de
l'immeuble, sous commination des peines d'arrêts ou d'amende prévues à l'art.
292 du Code pénal.

T. ________ a recouru le 18 septembre 2001 contre cette décision auprès du
Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif
ou la cour cantonale) en demandant la mise en oeuvre d'une vision locale; il
contestait en substance l'opportunité de la remise en état des lieux, tout en
n'excluant pas d'apporter quelques correctifs à l'immeuble. La Commune de
C.________ a sollicité également une inspection locale en présence des
parties concernées afin de trouver une solution acceptable. Le 31 octobre
2001, le juge instructeur a invité T.________ à compléter ses moyens, en
précisant s'il admettait le principe de la remise en état et, dans
l'affirmative, sur quels points précis l'ordre de remise en état violerait le
principe de la proportionnalité; il relevait en outre que, dans la négative,
la fixation d'une audience avec inspection locale serait vraisemblablement
inutile. T.________ a déposé, le 20 novembre 2001, un mémoire complémentaire
au terme duquel il déclarait ne pas contester de manière catégorique la
légalité de la décision attaquée, mais son opportunité, en arguant du
caractère mineur des dérogations, du dommage qu'entraîneraient les travaux de
remise en état et de sa bonne foi. Le juge instructeur a transmis un
exemplaire de cet acte aux autres parties, en relevant que le recourant ne
répondait pas clairement aux questions évoquées dans le courrier du 31
octobre 2001; il ajoutait que «dans la mesure où le principe même de la mise
en conformité paraît désormais contesté, on se réserve de statuer sans
audience, si une telle mesure devait s'avérer superflue». T.________ est
intervenu le 28 novembre 2001 pour préciser qu'il ne contestait qu'à titre
tout à fait accessoire la légalité de la décision attaquée, dont il remettait
essentiellement en cause l'opportunité; il déclarait maintenir sa requête
tendant à la tenue d'une inspection locale. Dans ses déterminations du 6
décembre 2001, le Service de l'aménagement du territoire a considéré que
l'audience fixée sur place pour le 18 janvier 2002 ne se justifiait plus dès
lors que le recours était dirigé contre le principe même de l'ordre de remise
en état et non sur ses modalités.
Statuant par arrêt du 10 janvier 2002, le Tribunal administratif a rejeté le
recours et confirmé la décision attaquée. Il a considéré qu'une audience avec
vision des lieux était superflue, car T.________ n'avait pas précisé les
points sur lesquels la décision entreprise violait le principe de la
proportionnalité, alors même qu'il y avait été expressément invité, mais
s'était borné à la remettre en cause dans son principe. Sur le fond, il a
confirmé la non-conformité des travaux réalisés au droit en vigueur et le
bien-fondé de l'ordre de remise en état.

B.
T.________ a formé un recours de droit administratif et un recours de droit
public contre cet arrêt, dont il demande l'annulation. Il voit une violation
de son droit d'être entendu dans le fait que le Tribunal administratif a
statué sans avoir procédé à une vision locale.
La cour cantonale et le Service de l'aménagement du territoire concluent au
rejet des recours. La Commune de C.________ n'a pas formulé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt du Tribunal administratif du 10 janvier 2002 confirme un ordre de
remise en état d'un bâtiment sis en zone agricole fondé sur l'art. 24 LAT et
doit être attaqué par un recours de droit administratif au Tribunal fédéral
(art. 34 al. 1 et 3 LAT; cf. ATF 118 Ib 234 consid. 1b p. 237; 111 Ib 213
consid. 6c p. 226; 105 Ib 272 consid. 1c p. 276). Il importe peu à cet égard
que le recourant ne critique pas la conformité des travaux de remise en état
à l'art. 24 LAT, mais fait uniquement valoir une violation de son droit
d'être entendu tenant au fait que l'autorité intimée a statué sans avoir
procédé à une inspection locale, car le recours de droit administratif peut
être formé pour violation du droit fédéral, qui comprend les droits
constitutionnels (art. 104 let. a OJ; ATF 125 II 1 consid. 2a p. 5; 124 V 90
consid. 3 p. 92) et, plus particulièrement, le droit d'être entendu garanti à
l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 114 Ib 81 consid. 1a p. 83). Le recours de droit
public est ainsi irrecevable (art. 84 al. 2 OJ).
En tant que propriétaire de l'ouvrage dont la remise en état est requise, le
recourant a un intérêt digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué.
Il a donc qualité pour agir au sens de l'art. 103 let. a OJ. Les autres
conditions de recevabilité du recours de droit administratif sont par
ailleurs réunies. Il y a lieu d'entrer en matière.

2.
Le recourant voit une violation de son droit d'être entendu dans le fait que
le Tribunal administratif a statué sans avoir procédé à une vision locale;
cette mesure d'instruction se justifiait, selon lui, dans la mesure où il
remettait en cause l'opportunité de certains travaux de remise en état. Il
n'invoque à ce propos aucune disposition de droit cantonal de procédure, de
sorte que le mérite de son grief doit être examiné librement à la lumière de
l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts cités).

2.1 Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère
formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision
attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Tel
qu'il est reconnu par l'art. 29 al. 2 Cst., il comprend notamment le droit
pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du
dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à
tout le moins, de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les
arrêts cités). Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur
les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est
ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes,
lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas
important pour la solution du cas, qu'il résulte déjà de constatations
versées au dossier, lorsqu'il parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas
décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à
modifier son opinion. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu
des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de
preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire
(ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208
consid. 4a p. 211, 241 consid. 2 p. 242, 274 consid. 5b p. 285 et les arrêts
cités; sur la notion d'arbitraire, voir ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56, 60
consid. 5a p. 70). Ces principes s'appliquent également à la tenue d'une
inspection locale (ATF 120 Ib 224 consid. 2b p. 229; 112 Ia 198 consid 2b p.
202).

2.2 En l'occurrence, la cour cantonale a considéré qu'une visite des lieux
aurait été nécessaire pour apprécier si, et dans quelle mesure, on aurait pu
renoncer à certains travaux de remise en conformité, tout en demeurant dans
les limites du régime dérogatoire de l'art. 24 al. 2 LAT, mais qu'une telle
mesure d'instruction était en l'espèce superflue dès lors que T.________
contestait la remise en état des lieux dans son principe uniquement et non
dans ses modalités. Le recourant prétend pour sa part avoir précisément
cherché tout au long de la procédure à redéfinir l'ampleur des travaux de
remise en état, en affirmant que les dérogations apportées au projet autorisé
par le Service de l'aménagement du territoire étaient mineures et qu'elles ne
justifiaient pas les mesures de remise en état requises. L'inspection locale
aurait permis de constater ce point et de démontrer qu'il n'avait pas agi
dans un dessein de lucre, mais pour utiliser rationnellement les volumes
disponibles.
Dans son recours, T.________ contestait en substance l'opportunité de l'ordre
de remise en état en insistant sur le caractère mineur et les effets positifs
des modifications apportées au projet autorisé par le Service de
l'aménagement du territoire, tout en n'excluant pas d'apporter quelques
correctifs à l'immeuble. Invité à compléter ses moyens, il a précisé que
cette autorité aurait été fondée à renoncer à exiger la mise en conformité de
la construction litigieuse en admettant que les dérogations étaient mineures
et que l'intérêt public lésé n'était pas tel qu'il justifiait le dommage que
la remise en conformité de l'ouvrage lui causerait. Il n'a en revanche pas
indiqué sur quels points précis l'ordre de remise en état attaqué violerait
le principe de proportionnalité, conformément à l'invitation du juge
instructeur du 31 octobre 2001. Le Tribunal administratif n'a donc pas fait
preuve d'arbitraire en admettant que le recours portait sur le principe même
de la remise en état et non sur ses modalités et que, pour se prononcer sur
cette question de nature juridique, la tenue d'une audience sur place était
superflue. Le recourant ne conteste d'ailleurs pas que le dossier comportait
tous les éléments nécessaires pour statuer en connaissance de cause sur la
légalité de l'ordre de remise en état et sur la compatibilité de celui-ci
avec le principe de la proportionnalité. Pour le surplus, l'opportunité des
travaux entrepris sans droit par le recourant n'entrait pas en considération
pour apprécier leur admissibilité au regard de l'art. 24 al. 2 LAT ou la
proportionnalité de l'ordre de remise en état et n'imposait pas la tenue
d'une audience sur place. Il importe enfin peu qu'une inspection locale ait
été initialement fixée; l'admission d'un moyen de preuve ne lie pas
l'autorité compétente; celle-ci peut ainsi revenir sur une mesure
d'instruction précédemment ordonnée sans faire preuve d'arbitraire ou de
mauvaise foi lorsque, comme en l'espèce, elle se révèle ultérieurement
superflue (ATF 106 Ia 161 consid. 2b p.162/163).

3.
Entièrement mal fondé, le recours de droit administratif doit être rejeté aux
frais du recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Les délais fixés par le
Service de l'aménagement du territoire aux chiffres 7 et 8 de sa décision du
28 août 2001 étant échus, il appartiendra à ce dernier de statuer à nouveau
sur ce point. Il n'y a pas lieu d'octroyer des dépens (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est irrecevable;

2.
Le recours de droit administratif est rejeté;

3.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant;

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Tribunal administratif du canton de Vaud, ainsi qu'à la Commune de
C.________.

Lausanne, le 8 avril 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: