Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.243/2002
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1A.243/2002 /col

Arrêt du 15 janvier 2003
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et président du Tribunal
fédéral,
Reeb et Fonjallaz;
greffier Kurz.

B. ________,
recourante, représentée par Me Patrick Blaser, avocat,
rue de Jargonnant 2, case postale 6045, 1211 Genève 6,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève,
rue des Chaudronniers 9, case postale 3344, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France

recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation
du canton de Genève du 24 octobre 2002.

Faits:

A.
Le 29 mai 2001, le Vice-président du Tribunal de Grande Instance de Marseille
a adressé à la Suisse une commission rogatoire pour les besoins d'une
information suivie contre X. des chefs d'abus de confiance, recel et usage de
faux, sur plainte de C.________ faisant état des faits suivants. Après le
décès de G.________, le 3 avril 1998, sa fille C.________, instituée
légataire universelle par testament du 1er décembre 1997, s'était adressée à
la Banque Franck SA à Genève, où le défunt devait disposer de 4,5 millions de
FF. Le directeur de la banque l'avait informée que le compte avait été soldé
le 29 octobre 1996, selon une lettre d'instruction datée du même jour. La
plaignante mettait en doute l'authenticité de cette lettre et soupçonnait un
détournement de fonds, dès lors que son père avait été hospitalisé le 29
octobre 1996. L'autorité requérante demandait la production des documents
d'ouverture et des relevés du compte, l'original de la lettre du 29 octobre
1996, ainsi que l'audition des gestionnaires du compte, notamment le
directeur de la banque et la personne qui se serait rendue à Marseille pour
recevoir les instructions de G.________.

Le Juge d'instruction du canton de Genève, chargé d'exécuter cette demande,
est entré en matière le 23 novembre 2001 en considérant que les faits décrits
seraient constitutifs, en droit suisse, d'abus de confiance, recel et faux
dans les titres. La banque a fourni les documents demandés le 17 décembre
2001. Son directeur a été entendu le 11 mars 2002, en expliquant avoir
rencontré G.________ le 8 octobre 1996 à Marseille. Celui-ci avait manifesté
son intention de clôturer son compte au plus vite en faveur de sa soeur
B.________, en règlement d'une dette. N'étant pas certain de pouvoir se
déplacer à Genève en raison de son entrée imminente en clinique, il avait
signé une lettre en blanc. Exécutant ces instructions, confirmées peu après
par téléphone, le directeur avait rempli le document et versé les fonds sur
un compte détenu dans la même banque par dame B.________.

B.
Par décision de clôture du 8 avril 2002, le juge d'instruction a ordonné la
transmission des documents remis par la banque et du procès-verbal d'audition
du 11 mars 2002.

Par ordonnance du 24 octobre 2002, la Chambre d'accusation genevoise a
confirmé cette décision en déclarant irrecevable le recours formé par le
directeur de la banque, et en écartant celui formé par l'établissement
lui-même et par B.________. Les faits décrits dans la demande étaient en tout
cas constitutifs, en droit suisse, de faux dans les titres. La demande
tendait aussi à déterminer où les fonds de G.________ avaient abouti.

C.
B.________ forme un recours de droit administratif contre cette ordonnance.
Elle en demande, principalement, l'annulation et elle requiert,
subsidiairement, le caviardage du procès-verbal d'audition, afin que
n'apparaissent pas les informations qui la concernent.

La Chambre d'accusation se réfère à son ordonnance. Le juge d'instruction et
l'Office fédéral de la justice concluent au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté dans le délai et les formes utiles contre une décision de clôture
confirmée en dernière instance cantonale, le recours de droit administratif
est recevable (art. 80e let. a et 80f al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide
internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1). Même si la Chambre
d'accusation n'est pas des plus claires à ce propos, la recourante n'a pas
qualité pour recourir contre la transmission d'un compte bancaire détenu par
une tierce personne (art. 9a let. a OEIMP; ATF 128 II 211 consid. 2.3 p.
217); l'établissement bancaire a d'ailleurs veillé à ce que l'opération de
clôture ne laisse pas apparaître le destinataire des fonds. Pour l'essentiel,
la recourante s'en prend à la transmission du procès-verbal d'audition du
directeur de la banque. Selon la jurisprudence, la qualité pour agir est
admise, dans un tel cas, lorsque les renseignements donnés par le témoin
équivalent à une transmission de documents relatifs au compte de l'intéressé
(ATF 124 II 180 consid. 2b p. 182). En l'occurrence, le directeur de la
banque s'est borné à indiquer que, sur instructions de G.________, les fonds
avaient été versés sur un autre compte détenu par sa soeur, le bénéficiaire
de l'opération ne devant pas apparaître. Une telle indication est certes
propre à susciter l'intérêt de l'autorité requérante, voire à motiver une
demande d'entraide complémentaire, mais elle ne précise pas les références du
compte de la recourante, ni le détail des opérations; elle ne paraît pas
utilisable directement comme le seraient les documents d'ouverture, les
extraits de compte et les justificatifs.

La question de la qualité pour agir peut toutefois demeurer indécise, car le
recours apparaît de toute façon manifestement mal fondé.

2.
La recourante reprend les griefs soulevés en instance cantonale. Elle
soutient que les faits décrits dans la demande ne seraient pas suffisamment
précis, l'autorité requérante s'étant contentée de reprendre, sans les
discuter, l'état de fait présenté par la plaignante, ainsi que la
qualification juridique retenue. Subsidiairement, la recourante conteste que
les faits mentionnés soient constitutifs, comme l'a estimé le juge
d'instruction, d'abus de confiance, de recel et de faux dans les titres.

2.1 Contrairement à ce que soutient la recourante, rien n'empêche l'autorité
requérante de reprendre, à l'appui d'une demande d'entraide judiciaire, les
soupçons évoqués dans la plainte pénale dont elle est saisie. Elle ne peut
d'ailleurs guère procéder autrement lorsque l'entraide judiciaire est l'une
des premières mesures à s'imposer après réception de la plainte, et que les
faits dénoncés ne peuvent être vérifiés autrement, ce qui semble être le cas
en l'occurrence. Il suffit que, conformément à l'art. 14 al. 2 CEEJ, les
faits dénoncés soient décrits avec suffisamment de précision pour que l'on
comprenne l'objet et le but de la demande d'entraide. L'autorité requérante
n'a ni à prouver, ni même à rendre vraisemblables ces faits.
En l'espèce, l'objet de la demande est parfaitement compréhensible: selon les
soupçons exprimés par la plaignante, une personne non identifiée aurait
détourné les fonds placés sur le compte de G.________ en adressant à la
banque des instructions falsifiées. On comprend aisément que cela nécessite
des éclaircissements de la part de l'établissement bancaire.

2.2 La recourante conteste en vain la punissabilité des faits selon le droit
suisse. En effet, pour juger de cette question, l'autorité requise se fonde
exclusivement sur l'exposé des faits qui lui est fourni. Si les soupçons
évoqués dans la commission rogatoire peuvent ensuite être levés dans le cadre
des investigations requises, cela n'affecte évidemment pas la recevabilité de
la démarche du magistrat requérant. Dans le cas contraire, la Suisse devrait
refuser l'entraide chaque fois que les renseignements recueillis se révèlent
finalement à décharge. Cela étant, l'utilisation d'instructions falsifiées
adressées à la banque, dans le but d'obtenir un avantage illicite à l'insu et
au préjudice du titulaire d'un compte bancaire, constituerait, en droit
suisse, un faux dans les titres (art. 251 CP). Comme le rappelle la Chambre
d'accusation, en cas de pluralité d'infractions, il suffit que l'une d'entre
elles soit punissable en droit suisse pour permettre l'octroi de l'assistance
judiciaire.

3.
La recourante reproche ensuite au juge d'instruction d'avoir statué ultra
petita en autorisant la transmission de renseignements relatifs à son compte
bancaire, alors que l'autorité requérante cherche simplement à savoir si la
signature figurant dans la lettre du 29 octobre 1996 est bien celle de
G.________, et, selon les termes de la demande, "les conditions dans
lesquelles le compte a été soldé". La recourante perd de vue que le
destinataire du virement des fonds fait également partie des instructions
données par G.________, de même que la manière dont l'opération a été menée.
Les explications données à ce sujet par le directeur de la banque concernent
bien les circonstances de la clôture du compte, et restent dans le cadre de
la requête. Elles n'ont pas, par conséquent, à être caviardées.

4.
Manifestement mal fondé en tant qu'il est recevable, le recours doit être
rejeté, aux frais de la recourante (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté en tant qu'il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève ainsi
qu'à l'Office fédéral de la justice (B 130074 BOT).

Lausanne, le 15 janvier 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: