Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.21/2002
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1A.21/2002/col

Arrêt du 15 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Kurz.

P.________, recourant, représenté par Me Olivier Boillat, avocat, rue de la
Fontaine 9, case postale 3781, 1211 Genève 3,

contre

Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section
extraditions, Bundesrain 20,
3003 Berne.

extension de l'extradition à la France

(recours de droit administratif contre la décision de l'Office fédéral de la
justice du 22 novembre 2001)
Faits:

A.
Les 16 septembre 1993 et 11 octobre 1994, l'Office fédéral de la police a
accordé à la France l'extradition de P.________, ressortissant français né en
1943, sur la base d'un mandat d'arrêt du Juge d'instruction du Mans pour
tentative de vol et d'homicide volontaire, et d'un mandat d'arrêt du Juge
d'instruction de Dijon pour vol armé en bande. P.________ a été remis aux
autorités françaises le 8 mars 2001 après exécution d'une peine de huit ans
de réclusion prononcée par la Cour d'Assises du canton de Genève.

B.
Le 19 juillet 2001, l'Ambassade de France en Suisse a fait parvenir à
l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'OFJ) une demande d'extension de
l'extradition, transmise par le Parquet de la Cour d'appel de Paris à la
requête du Parquet du Tribunal de Grande Instance de Bobigny, fondée sur un
arrêt rendu le 7 décembre 1995 par la Cour d'Assises de Seine-Saint-Denis,
condamnant P.________ à vingt ans de réclusion criminelle pour vol aggravé.
Les faits remontent au 25 février 1986 et consistent dans l'attaque à main
armée, avec deux complices, du Crédit Lyonnais des Lilas; 138'850 FF avaient
été emportés. Arrêté puis remis en liberté, P.________ avait pris la fuite et
la procédure avait été suivie par défaut. L'autorité requérante précise qu'en
vertu de l'art. 639 du code de procédure pénale, l'arrêt de condamnation est
« anéanti de plein droit » après l'arrestation du contumax. Entendu le 21 mai
2001 par la police judiciaire d'Angers, P.________ s'était opposé à
l'extension.
Par décision de 22 novembre 2001, l'OFJ a accordé l'extension de
l'extradition pour les faits mentionnés dans la demande.

C.
Par acte du 30 janvier 2002, P.________ forme un recours de droit
administratif contre cette dernière décision, qui lui a été notifiée le 31
décembre 2001. Il en demande l'annulation, subsidiairement le renvoi de la
cause à l'OFJ pour nouvelle décision. Il demande l'effet suspensif et
requiert l'assistance judiciaire.
L'OFJ conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
Le 19 février 2002, le recourant a demandé la consultation des pièces
évoquées dans la réponse de l'OFJ, soit la demande d'extension, les pièces à
l'appui ainsi que la note de transmission de l'Ambassade de France à Berne.
Il a été fait droit  à cette demande et, le 11 mars 2002, le recourant a
déclaré persister dans ses conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision par laquelle l'OFJ accorde l'extradition ou son extension (art.
55 al. 1 et 39 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière
pénale - EIMP, RS 351.1) peut faire l'objet d'un recours de droit
administratif (art. 25 al. 1 EIMP). La personne extradée a qualité, au sens
de l'art. 103 let. a OJ, pour recourir contre l'extension accordée par l'OFJ
(art. 21 al. 3 EIMP).

2.
L'extradition entre la France et la Suisse est régie par la Convention
européenne d'extradition (CEExtr., RS 0.353. 1) et ses deux protocoles
additionnels (RS 0.353.11 et 0.353.12). Le droit interne, soit l'EIMP et son
ordonnance d'exécution (OEIMP, RS 351.11), s'applique aux questions qui ne
sont pas réglées par le droit conventionnel, et lorsqu'il permet la
collaboration internationale à des conditions plus favorables (ATF 122 II 373
consid. 1a p. 375).

3.
Dans un grief de nature formelle, qu'il convient d'examiner d'emblée, le
recourant invoque l'art. 12 al. 2 let. b CEExtr. Le 9 janvier 2002, son
avocat avait requis de l'OFJ l'envoi d'une copie du dossier en vue du dépôt
du recours de droit administratif et, le cas échéant, l'octroi d'un délai
supplémentaire pour déposer ses écritures au Tribunal fédéral. Aucune réponse
n'aurait été apportée à ce courrier, et le recourant n'aurait ainsi pas
connaissance des indications exigées par l'art. 12 al. 2 let. b CEExtr.
On discerne mal si le recourant entend, par son grief, se plaindre d'une
violation de son droit d'être entendu, en raison du défaut d'accès au
dossier, ou s'il se plaint d'une violation des conditions de forme exigées
pour une demande d'extradition, respectivement d'extension de celle-ci. Dans
l'un ou l'autre cas, le grief apparaît manifestement mal fondé.

3.1 Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend
notamment le droit d'accès au dossier. En matière d'extradition, l'art. 52
EIMP permet à la personne poursuivie de prendre connaissance de la demande et
des pièces à l'appui (al. 1), d'être entendue et de présenter ses objections
à l'extradition (al. 2). Dans le cadre d'une procédure de réextradition, le
droit d'être entendu ne peut être exercé dans les mêmes conditions puisque
l'intéressé se trouve déjà en main de l'Etat requérant. L'OFJ doit ainsi
exiger l'audition de l'intéressé par une autorité de justice de l'Etat
requérant, et se faire remettre un procès-verbal de cette audition (art. 52
al. 3 EIMP). En l'espèce, l'autorité française a procédé d'emblée et
spontanément à l'audition du recourant, le 21 mai 2001. Elle lui a donné
connaissance des faits visés par la Chambre d'accusation de la Cour d'appel
de Paris dans son arrêt de renvoi du 10 juillet 1992. Les formalités prévues
à l'art. 52 al. 3 EIMP ont ainsi été respectées.
L'actuel avocat du recourant s'est constitué auprès de l'OFJ le 14 février
2001, en demandant une copie d'une requête de remise temporaire formée par la
France au cours de l'exécution de la peine en Suisse. Le recourant, qui
connaissait l'existence et les motifs de la demande d'extension, disposait
donc déjà d'un défenseur en Suisse. Celui-ci n'est toutefois intervenu
qu'après le prononcé de la décision d'extension du 22 novembre 2001 en
demandant copie du dossier par lettre du 9 janvier 2002. Il prétend n'avoir
reçu aucune réponse à cet envoi alors que, comme cela ressort du dossier, son
étude a été informée par téléphone, le 10 janvier 2002, qu'une procuration
devait être produite. Cette communication n'a, semble-t-il, suscité aucune
réaction, de sorte que le mandataire du recourant paraissait avoir renoncé à
la consultation du dossier.

Le recourant a toutefois requis, dans le cadre de la présente procédure, la
consultation des pièces auxquelles se référait l'OFJ dans sa réponse, et
sollicité un délai pour se déterminer à ce sujet. Le caractère tardif de
cette requête n'a pas échappé à la cour de céans, qui ne voit pas pourquoi le
recourant n'a pas requis d'emblée, avec le dépôt de son recours de droit
administratif, la consultation de pièces aussi essentielles que la demande
d'extension et ses annexes, et a attendu la réponse de l'autorité pour ce
faire. Il a néanmoins été donné suite à la demande de consultation, et le
recourant a encore eu l'occasion de présenter des observations. Son droit
d'être entendu a par conséquent été respecté.

3.2 Il n'y a pas non plus de violation des dispositions relatives aux
conditions de forme de la demande d'extension. Selon l'art. 14 al. 1 let. a
CEExtr., la demande d'extension de l'extradition doit être accompagnée
notamment des pièces prévues à l'art. 12 CEExtr., soit en particulier le
mandat d'arrêt, un exposé des faits indiquant le temps et le lieu de
commission de l'infraction, ainsi que les dispositions légales applicables.
Ces exigences, qui sont reprises aux art. 28 al. 3 et 41 EIMP, sont destinées
à permettre à l'Etat requis d'examiner si les conditions de fond posées par
la Convention sont réalisées (double incrimination - art. 2 - , nature du
délit - art. 3-5 -, impossibilité d'extrader les nationaux - art. 6 -, lieu
de perpétration - art. 7 -, respect des principes ne bis in idem - art. 8 et
9 - et de la spécialité - art. 14 -, etc.).
En l'espèce l'autorité requérante a produit un exposé sur l'objet de la
demande, les faits reprochés et leur qualification juridique, ainsi que des
considérations de procédure, une copie de l'arrêt de renvoi du 10 juillet
1992 et de l'arrêt de condamnation par contumace du 7 décembre 1995. Outre
qu'ils constituent des titres d'arrestation suffisants, ces actes comportent
également l'indication précise des faits reprochés et des dispositions
légales applicables. Le grief tombe donc à faux.

4.
Le recourant invoque l'art. 6 CEDH. Il relève que la France n'a pas ratifié
le deuxième protocole additionnel à la CEExtr. (RS 0.353.12), dont l'art. 3
fixe les conditions d'extradition d'un condamné par défaut, notamment en
imposant  le respect des droits de la défense. Lors du jugement du 7 décembre
1995, le recourant était absent sans sa faute puisqu'il était détenu en
Suisse, ce que savaient les autorités françaises. Celles-ci auraient pu
obtenir une comparution de l'accusé, par le biais d'une remise temporaire,
telle qu'elle avait d'ailleurs été accordée en 1997. En outre, la décision de
l'OFJ ne réserve aucune possibilité d'obtenir de relief du défaut.

4.1 La France n'ayant pas ratifié le deuxième protocole additionnel à la
CEExtr., il se pose la question de savoir si l'art. 37 al. 2 EIMP est
applicable. Cette disposition, directement inspirée de la norme
conventionnelle précitée, prévoit le refus de l'extradition si la demande se
fonde sur une procédure par défaut n'ayant pas satisfait aux droits minimums
de la défense, à moins que l'Etat requérant donne des assurances jugées
suffisantes pour garantir à la personne poursuivie le droit à une nouvelle
procédure de jugement qui sauvegarde les droits de la défense. En principe,
l'application d'une norme du droit interne n'est envisageable que si cela est
de nature à faciliter l'extradition (consid. 2 ci-dessus). Cette question
peut demeurer indécise.

4.2 L'argument du recourant est en effet contredit par la simple lecture de
la demande d'extension. Le Procureur de Bobigny expose clairement qu'en cas
d'arrestation du condamné par défaut, la condamnation est annulée de plein
droit en vertu de l'art. 639 du code de procédure pénale français. Un nouveau
procès aura ainsi lieu devant la Cour d'Assises de Seine-Saint-Denis,
conformément aux règles de procédure ordinaire, en présence de l'accusé et
avec tous les droits de la défense. Il n'y a pas, cela étant, à rechercher si
les autorités judiciaires françaises pouvaient tenter d'obtenir la
comparution de l'intéressé lors de la première procédure et, le cas échéant,
à connaître les raisons de leur inaction. Le respect des droits découlant de
l'art. 6 CEDH apparaît en effet garanti. Sur le vu des assurances
parfaitement crédibles données par l'autorité requérante, l'OFJ n'avait pas à
formuler de conditions à ce sujet dans sa décision d'extension.

5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être
rejeté. Cette issue était d'emblée prévisible, ce qui entraîne le rejet de la
demande d'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ). Compte tenu des
circonstances, il peut être renoncé, à titre exceptionnel, à la perception de
l'émolument judiciaire. Le présent arrêt rend sans objet la demande d'effet
suspensif

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et à l'Office fédéral
de la justice (B 65610).

Lausanne, le 15 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: