Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.209/2002
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1A.209/2002 /col

Arrêt du 7 novembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du
Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Kurz.

B. ________,
E.________,
F.________, recourantes,
représentées par Me Bruno de Preux, avocat, rue François-Bellot 6, 1206
Genève,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève,
case postale 3344, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France

recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation
du canton de Genève du 28 août 2002.

Faits:

A.
Le 6 septembre 2001, un Juge d'instruction au Tribunal de Grande Instance de
Chalon-sur-Saône a adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire pour
les besoins d'une information suivie notamment contre T.________ pour
association de malfaiteurs, trafic de stupéfiants et blanchiment en bande
organisée. Le magistrat expose que T.________ avait été arrêté le 28 juin
2001 alors qu'il participait à une transaction portant sur 30000 fr. de
cocaïne. Bien que sans activité professionnelle définie, celui-ci disposait
de nombreux biens mobiliers et immobiliers, par l'entremise de différentes
sociétés: des véhicules de luxe, un appartement à Miami sous le couvert de la
société F.________, gérée par la société I.________ à Genève, des
participations dans des bars de Saint-Tropez, ainsi qu'une goélette au nom de
la société E.________, également gérée par I.________. T.________ aurait
aussi accordé un prêt de plus d'un million de francs et se serait livré à une
fraude à la TVA permettant notamment de blanchir de l'argent. Le magistrat
requérant demande des enquêtes auprès de I.________ afin, en résumé, de
connaître l'activité des sociétés impliquées dans ces agissements.

B.
Par ordonnance du 9 octobre 2001, le Juge d'instruction genevois chargé
d'exécuter cette demande est entré en matière. Entendu le 24 octobre 2001 par
la police, puis le 25 avril 2002 par le juge d'instruction, S.________ a
confirmé que I.________ agissait dès 1996 pour T.________, à titre
fiduciaire, par l'entremise des sociétés dont il était l'ayant droit.
E.________ avait pour but la détention du bateau. F.________ était active
dans le commerce d'articles informatiques. T.________ était encore ayant
droit d'autres sociétés parmi lesquelles B.________. Par ordonnance
complémentaire du 25 avril 2002, le juge d'instruction a étendu ses
recherches à cette société.

C.
Par ordonnance du 7 mai 2002, le juge d'instruction a prononcé la clôture de
la procédure d'entraide et la transmission à l'autorité requérante des
documents remis par I.________, concernant les trois sociétés précitées.

D.
Sur recours de ces dernières, la Chambre d'accusation genevoise a confirmé
cette décision. L'exposé à l'appui de la demande d'entraide était suffisant;
les recourantes avaient eu accès au dossier d'entraide et auraient pu
indiquer au juge d'instruction les pièces qu'il ne fallait pas transmettre;
les renseignements concernant B.________ n'allaient pas au-delà de l'entraide
requise puisque cette société était détenue par T.________.

E.
E.________, F.________ et B.________ forment un recours de droit
administratif contre cette dernière ordonnance. Elles en demandent
l'annulation et le renvoi de la cause à l'autorité d'exécution afin qu'elle
refuse l'entraide, subsidiairement afin qu'elle procède à un tri des pièces
avec le concours des recourantes.

La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de son ordonnance.
L'Office fédéral de la justice conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté dans le délai et les formes utiles contre une décision de clôture
confirmée en dernière instance cantonale, le recours de droit administratif
est recevable (art. 80e let. a et 80f al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide
internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1). Les recourantes ont
qualité pour recourir contre la transmission de renseignements relatifs aux
comptes dont elles sont les titulaires (art. 80h let. b EIMP et 9a let. a
OEIMP). L'ordonnance de clôture porte toutefois également sur la déposition
faite le 24 octobre 2001 par le responsable de I.________. A cette occasion,
le rôle des sociétés recourantes a été décrit avec une certaine précision,
sans toutefois que ces renseignements ne paraissent utilisables tels quels
par l'autorité requérante, au même titre par exemple que des documents
bancaires. La qualité pour recourir des sociétés est dès lors douteuse sur ce
point, mais la question peut demeurer indécise compte tenu de l'issue
évidente du recours.

2.
Les recourantes reprennent les arguments de leur recours cantonal. Elles
invoquent d'abord les art. 14 CEEJ et 28 EIMP. La demande n'exposerait pas de
manière suffisante les faits reprochés à T.________, s'agissant des
infractions de blanchiment d'argent et de participation à une organisation
criminelle.

2.1 Les exigences du droit conventionnel, respectivement interne, quant à
l'exposé des faits à l'appui d'une demande d'entraide, ont été rappelées dans
le détail par la cour cantonale dans son ordonnance, à laquelle il convient
de se référer (art. 36a al. 3 OJ).

2.2 Ces exigences sont satisfaites en l'occurrence. Dans sa demande
d'entraide, le juge d'instruction présente T.________ comme un trafiquant de
drogue et délinquant notoire, arrêté lors d'une vente de cocaïne, et ayant
des liens avec le grand banditisme de la Côte d'Azur. Le magistrat relève
l'absence d'activité professionnelle définie, puis énonce les divers biens
dont l'intéressé serait le détenteur, directement ou non, pour en déduire que
ceux-ci pourraient avoir été acquis grâce à des fonds d'origine douteuse. Il
en irait de même pour un prêt de plus d'un million de francs français concédé
par T.________ et un comparse, ainsi que pour des opérations de fraude à la
TVA. Soupçonnant T.________ de vivre du produit du crime (la transaction de
cocaïne ne constitue manifestement qu'un exemple d'activité délictueuse),
l'autorité requérante désire connaître tous les revenus de celui-ci, ainsi
que leur origine. Les divers biens énumérés par l'autorité requérante ne le
sont, eux aussi, qu'à titre d'exemples, et il est sans importance que les
sociétés aient fait ces acquisitions avant l'arrestation du prévenu. On
comprend aisément, dès lors, que les sociétés recourantes soient soupçonnées
d'avoir été utilisées afin de recueillir, puis de réinvestir, le produit
d'agissements délictueux. Ces indications permettent de juger de
l'admissibilité de l'entraide, sans que l'autorité requérante n'ait à se
montrer plus précise dans ses soupçons.

3.
La société B.________ reproche au juge d'instruction d'être allé au-delà de
l'entraide requise en produisant les documents relatifs à son compte alors
qu'elle n'est pas mentionnée par le magistrat requérant. La recourante
méconnaît que la cour cantonale a répondu de manière pertinente à cette
objection en relevant que la requête portait sur toutes les sociétés, gérées
ou non par I.________, dont T.________ serait l'animateur. Tel est le cas de
la recourante, dont le grief est manifestement mal fondé.

4.
Les recourantes invoquent enfin leur droit d'être entendues. Elles se
plaignent de ce que les pièces recueillies n'aient pas été inventoriées. Les
recourantes avaient manifesté leur volonté de participer au tri des pièces,
et le juge d'instruction avait réservé cette possibilité dans une lettre du
25 avril 2002. Sur ce point également, les recourantes feignent d'ignorer la
motivation circonstanciée de la Chambre d'accusation. Elles ne contestent pas
avoir eu accès à la demande d'entraide et à la documentation qui les
concerne, plusieurs semaines avant la clôture de la procédure, ce qui leur
permettait de présenter leurs objections. Dans sa lettre du 25 avril 2002, le
juge d'instruction s'est adressé à I.________ en lui demandant de procéder à
un "pré-tri" des documents. Les recourantes, non concernées par cet envoi, ne
sauraient y voir une assurance que les pièces seraient examinées en leur
présence.
Les recourantes ont disposé d'une occasion suffisante de faire valoir leurs
objections. Elles ne pouvaient se contenter d'une attitude passive en sachant
que des mesures d'entraide avaient été prises et qu'une décision de
transmission était imminente. Il leur appartenait d'intervenir auprès de
l'autorité d'exécution en lui indiquant précisément les documents qui, selon
elles, ne devraient pas être remis à l'autorité étrangère (ATF 126 II 258
consid. 9b p. 262 et la jurisprudence citée). Les recourantes pouvaient
encore agir dans ce sens dans le cadre de leur recours cantonal. Or, dans
celui-ci - de même d'ailleurs que dans le recours de droit administratif -,
elles se contentent de critiquer la transmission en vrac, sans pour autant
indiquer en quoi devrait consister le tri qu'elles réclament. Le grief doit
donc, lui aussi, être écarté.

5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours apparaît à la limite de la témérité.
Il doit être rejeté, aux frais des recourantes (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge des recourantes.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourantes, au
Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève ainsi
qu'à l'Office fédéral de la justice (B 111769).

Lausanne, le 7 novembre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: