Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.168/2002
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1A.168/2002/col

Arrêt du 14 janvier 2003
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et président du Tribunal
fédéral,
Féraud et Fonjallaz;
greffier Parmelin.

X. ________,
recourante,

contre

Service social cantonal, route des Cliniques 17, 1700 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg,
IIIe Cour administrative, route André-Piller 21,
case postale,1762 Givisiez.

art. 15 LAVI; droit de la victime à une provision

recours de droit administratif contre l'arrêt de la IIIe Cour administrative
du Tribunal administratif du canton de Fribourg
du 18 juillet 2002.

Faits:

A.
Le 10 septembre 2001, X.________ s'est rendue au domicile de son ex-ami,
Y.________, pour récupérer des affaires personnelles. Dans un état d'extrême
tension, celui-ci l'aurait alors injuriée, puis giflée à plusieurs reprises
avant de la poursuivre à l'extérieur de la maison; alors qu'elle allait
atteindre sa voiture, il l'aurait à nouveau giflée, ce qui lui fit perdre
l'équilibre et heurter le véhicule de la tête; il l'aurait ensuite saisie au
cou avant de l'entraîner dans la maison où il l'aurait menacée de mort, en
brandissant un couteau. Elle aurait réussi à prendre la fuite et à se
réfugier chez des voisins.
Le 10 décembre 2001, X.________ a déposé une plainte pénale à raison de ces
faits contre Y.________ pour lésions corporelles simples, tentative de
lésions corporelles graves, menaces, contrainte et injures. Elle a produit,
en annexe à sa plainte, un certificat médical établi le lendemain des
événements par le Docteur Philippe Ducrest, à Farvagny, qui met en évidence
un mini-hématome en regard de la pommette gauche, douloureux à la palpation,
une sensibilité à la palpation du rebord sous-mandibulaire bilatéral, une
marque de contusion au niveau de la jonction du cou et du visage et une autre
au niveau du cou latéro-antérieur, douloureuses à la palpation, plusieurs
abrasions dorsales bilatérales, une palpation douloureuse des épineuses
lombaires sans hématome ainsi qu'une nette douleur à la palpation de la face
postéro-supérieure de la fesse droite, sans hématome.

B.
Le 13 janvier 2002, X.________ a adressé au Service social cantonal du canton
de Fribourg (ci-après: le Service social cantonal) une demande
d'indemnisation de 10'000 fr. et de réparation morale de 100'000 fr. fondée
sur les art. 11 et suivants de la loi fédérale sur l'aide aux victimes
d'infractions (LAVI; RS 312.5); elle sollicitait également une aide
financière d'urgence, qu'elle a réitérée le 20 janvier 2002, en indiquant
qu'elle avait perdu l'emploi pour lequel elle venait d'être engagée, en
raison notamment de l'incapacité de travail totale, puis partielle, subie à
la suite des événements du 10 septembre 2001, et qu'elle risquait d'être
expulsée de son logement.
Par décision du 25 janvier 2002, le Service social cantonal a rejeté la
demande d'aide financière, traitée comme une demande de provision. Il a
estimé en substance que la requérante n'avait subi aucun préjudice matériel
directement lié à l'infraction parce qu'elle n'avait réalisé aucun revenu
durant les quatre ans précédant les événements du 10 septembre 2001 et parce
que les frais de téléphone ou les frais de gestion de comptes bancaires
évoqués dans sa demande n'étaient pas en relation de causalité avec
l'infraction et ne pouvaient être pris en considération dans le cadre de la
LAVI, laquelle ne vise que les infractions contre l'intégrité physique et
psychique d'une personne, à l'exclusion des infractions contre le patrimoine.
Il a également nié l'existence d'un besoin urgent d'une aide pécuniaire au
sens de l'art. 15 let. a LAVI, car X.________ n'avait déposé une demande
d'indemnisation et de réparation morale que quatre mois après l'infraction.
Vu l'ensemble des circonstances, il a enfin exclu de pouvoir déterminer dans
un bref délai, avec une certitude suffisante, les conséquences de
l'infraction conformément à l'art. 15 let. b LAVI. Cela étant, il a invité la
requérante à établir un décompte précis du montant de 10'000 fr. réclamé à
titre de dommages-intérêts et à indiquer les derniers développements de la
procédure pénale, en vue de la décision à rendre sur le fond.
Par acte du 4 mars 2002, complété les 11 et 19 mars 2002, X.________ a
recouru contre cette décision auprès de la IIIe Cour administrative du
Tribunal administratif du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal
administratif ou la cour cantonale). Elle a chiffré le dommage matériel subi
à 10'000 fr., soit 6'200 fr. pour les loyers impayés de son appartement de
janvier à mars 2002, 600 fr. de frais de téléphone portable relatifs à des
appels privés passés par son ex-ami à des télékiosques érotiques, et 3'400
fr. correspondant au solde négatif d'un compte-joint, dont elle était
titulaire avec Y.________ auprès du Crédit Suisse, à Fribourg. Elle a produit
un certificat médical établi le 29 janvier 2002 par le Docteur Valérie
D'Agostino, médecin psychiatre aux Hôpitaux Universitaires de Genève, qui la
suit depuis le 19 décembre 2001 pour des troubles psychiques compatibles avec
une situation durable de maltraitance morale et physique, ayant occasionné
une incapacité de travail totale du 12 décembre 2001 au 7 janvier 2002, avec
une reprise partielle à 50% dès le 7 janvier 2002. Elle a également versé un
certificat médical daté du 2 avril 2002, émanant du Docteur Cristina Rizzi
Buchs, à Genève, qui la traite depuis le 30 novembre 2001 pour l'exacerbation
d'un état dépressif, à mettre en relation avec un conflit rencontré depuis un
an environ avec son ex-ami, avec des épisodes de maltraitances psychiques et
un épisode de maltraitance physique subi trois mois auparavant entraînant des
troubles du sommeil non résolus; elle a enfin produit une lettre de la
société de gérance immobilière du 2 avril 2002 la mettant en demeure de payer
la somme de 7'720 fr. relative aux loyers et aux provisions de chauffage de
son appartement pour la période du 1er janvier au 31 mai 2002, ainsi qu'une
copie d'un commandement de payer notifié le 16 avril 2002 à la requête de
Swssicom Mobile SA pour un montant de 3'102.60 fr. correspondant à des
factures de téléphone portable impayées.
Par arrêt du 18 juillet 2002, le Tribunal administratif a rejeté le recours.
Il a considéré que l'intéressée ne pouvait pas fonder sa demande
d'indemnisation sur les difficultés financières découlant du non-paiement de
dettes bancaires et de factures téléphoniques par son ancien concubin, ce qui
excluait d'emblée l'octroi d'une provision pour les montants correspondants.
Il a estimé que X.________ n'avait pas établi avoir subi une perte de gain
issue de manière immédiate des infractions dénoncées, la perte du soutien
matériel de son ancien concubin ne pouvant être considérée comme telle. Il a
en outre retenu que les difficultés rencontrées par la requérante pour
s'acquitter du loyer de son appartement, consécutivement à son licenciement,
n'étaient pas directement liées aux infractions dénoncées et ne pouvaient
justifier une indemnité au titre de la perte d'une possibilité de gain, les
certificats médicaux attestant clairement que les troubles psychiques dont
souffre la jeune femme se trouvaient dans un rapport étroit avec la relation
conflictuelle durable vécue avec son ancien concubin durant l'année précédent
leur séparation définitive, sans qu'il soit possible d'attribuer aux
événements du 10 septembre 2001 une part décisive, ou du moins significative,
dans le processus dépressif. Il a souligné de surcroît que le dommage allégué
sur ce point n'était pas établi du moment que la requérante semblait partager
son appartement avec un ami et qu'elle n'avait pas démontré que ses revenus
actuels ne lui permettaient pas de payer sa propre part de loyer.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, de reconnaître le lien de causalité
naturelle et adéquate entre les infractions subies le 10 septembre 2001 et le
dommage de 10'000 fr., le cas échéant après audition de son médecin traitant,
et de la mettre au bénéfice de la provision de 10'000 fr. réclamée au Service
social cantonal. Invoquant l'art. 9 Cst., elle reproche à la cour cantonale
d'avoir nié l'existence d'un rapport de causalité adéquate entre le dommage
allégué et les infractions dénoncées sur la base d'une appréciation
arbitraire des certificats médicaux versés au dossier. Elle voit une
violation de son droit d'être entendue garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. et une
application arbitraire des règles de procédure cantonales dans le fait que le
Tribunal administratif a statué sans avoir demandé des explications
complémentaires aux médecins et sans avoir convoqué les parties. Elle lui
fait enfin grief d'avoir violé l'art. 15 LAVI en considérant qu'elle n'avait
subi aucune perte de gain en relation de causalité avec les événements du 10
septembre 2001.
Le Tribunal administratif et le Service social cantonal concluent au rejet du
recours. L'Office fédéral de la justice tient le recours pour infondé en tant
qu'il concerne les factures de téléphone et la prise en charge du solde
débiteur du compte bancaire auprès du Crédit Suisse; il n'exclut en revanche
pas l'octroi d'une aide financière pour le paiement des loyers, mais dans le
cadre de l'art. 3 LAVI. X.________ s'est déterminée sur l'ensemble de ces
pièces, en persistant dans ses conclusions initiales.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision refusant l'octroi d'une provision au sens de l'art. 15 LAVI est
une décision incidente susceptible de porter un préjudice irréparable à la
victime et qui peut de ce fait faire l'objet d'un recours de droit
administratif (ATF 121 II 116 consid. 1b/cc p. 119). Le recours a été
interjeté en temps utile (art. 32, 34 al. 1 let. b et 106 al. 1 OJ). Il
conserve un intérêt actuel et pratique nonobstant l'ordonnance pénale du Juge
d'instruction du canton de Fribourg du 23 août 2002 reconnaissant Y.________
coupable notamment de lésions corporelles simples, dans la mesure où ce
jugement renvoie la recourante à agir devant le juge civil pour faire valoir
ses prétentions financières. Les autres conditions de recevabilité du recours
de droit administratif sont par ailleurs réunies de sorte qu'il convient
d'entrer en matière sur le fond.

2.
La recourante prétend remplir les conditions posées à l'octroi d'une
provision selon l'art. 15 LAVI.

2.1 Aux termes des art. 2 al. 1 et 11 al. 1 LAVI, celle ou celui qui est
victime d'une infraction pénale et subit, de ce fait, une atteinte directe à
son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, peut demander une
indemnisation ou une réparation morale dans le canton où l'infraction a été
commise. L'indemnité, qui ne peut excéder 100'000 fr., est fixée en fonction
du montant du dommage subi et des revenus de la victime (art. 13 al. 1, 2 et
3 LAVI). L'art. 15 LAVI prévoit qu'après un examen sommaire de la demande
d'indemnisation, une provision est accordée à la victime, lorsque cette
dernière a besoin d'urgence d'une aide pécuniaire (let. a), ou lorsqu'il
n'est pas possible de déterminer dans un bref délai avec une certitude
suffisante les conséquences de l'infraction (let. b). A teneur de l'art. 16
LAVI, les cantons prévoient une procédure simple, rapide et gratuite (al. 1).
L'autorité constate les faits d'office (al. 2). La victime doit introduire
ses demandes d'indemnisation et de réparation morale devant l'autorité dans
un délai de deux ans à compter de la date de l'infraction; à défaut, ses
prétentions sont périmées (al. 3).
La provision est une avance sur le montant de l'indemnité réclamée à titre de
réparation du dommage matériel; il s'agit d'une mesure provisionnelle qui
tend à accorder une aide pécuniaire immédiate à la victime jusqu'à droit
connu sur sa demande d'indemnisation (ATF 121 II 116 consid. 1b/cc p. 119;
Message du Conseil fédéral du 25 avril 1990 concernant la LAVI et l'arrêté
fédéral portant approbation de la Convention européenne relative au
dédommagement des victimes d'infractions violentes, FF 1990 II 940). Selon la
jurisprudence, l'octroi d'une provision n'est possible que si une indemnité
n'est pas d'emblée exclue. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour
trancher cette question de vérifier que la demande d'indemnisation a été
déposée dans le délai de deux ans à compter de la date de l'infraction,
conformément à l'art. 16 al. 3 LAVI. Elle doit ensuite s'assurer, toujours
sommairement, que les conditions d'octroi d'une indemnité posées à l'art. 12
al. 1 LAVI sont bien réunies; s'il appert que l'intéressé n'est pas une
victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI, que l'infraction ne lui a pas causé
de dommage ou que son revenu déterminant dépasse la limite légale, la demande
d'indemnisation doit être rejetée, ce qui exclut l'octroi d'une provision. En
revanche, lorsqu'il n'est pas possible de répondre d'emblée à ces questions,
il convient d'examiner librement si l'une des conditions alternatives posées
à l'art. 15 LAVI est réalisée (ATF 121 II 116 consid. 2a p. 120; Message du
Conseil fédéral du 25 avril 1990 concernant la LAVI et l'arrêté fédéral
portant approbation de la Convention européenne relative au dédommagement des
victimes d'infractions violentes, FF 1990 II 940). La demande de provision
doit contenir tous les éléments nécessaires pour que l'autorité compétente
puisse procéder à l'examen sommaire prévu par cette disposition (Peter Gomm,
Einzelfragen bei der Ausrichtung von Entschädigung und Genugtuung nach dem
Opferhilfegesetz, in: Solothurner Festgabe zum Schweizerischen Juristentag
1998, p. 680; cf. ATF 126 II 97 consid. 2e p. 101/102, s'agissant du devoir
de la victime de collaborer à l'établissement des faits).

2.2 En l'occurrence, la demande d'indemnisation a été introduite en temps
utile; de même, la qualité de victime de la recourante au sens de l'art. 2
al. 1 LAVI n'est pas contestée; il est également constant que ses revenus
n'excèdent pas la limite légale fixée à l'art. 12 al. 1 LAVI. Seule est en
définitive litigieuse l'existence d'un dommage susceptible d'être pris en
charge au titre de la LAVI.

2.3 Selon l'art. 12 al. 1 LAVI, la victime a droit à une indemnité "pour le
dommage qu'elle a subi". Il ressort de cette formulation que seul un dommage
qui se trouve en relation de causalité adéquate avec l'infraction est de
nature à justifier l'octroi d'une indemnité au titre de la LAVI (arrêt du
Tribunal fédéral 1A.252/2000 du 8 décembre 2000, consid. 2b paru à la ZBl
2001 p. 488 et les références citées). Le dommage allégué doit ainsi être la
conséquence de l'acte illicite. Autrement dit, il doit exister un rapport de
cause à effet, appelée causalité naturelle, entre l'acte illicite et le
préjudice subi par le lésé. Lorsque la relation de causalité naturelle ainsi
définie est reconnue, il convient de se demander si le fait générateur de
responsabilité a le caractère d'une cause adéquate, à savoir si ce fait était
propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à
entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 123 III 110
consid. 3a p. 112; 123 V 98 consid. 3d p. 103; 121 II 369 consid. 3c/aa p.
373). La causalité naturelle relève du fait, de sorte que le Tribunal fédéral
est lié par les faits constatés par la Chambre administrative, sauf s'ils
sont manifestement inexacts ou incomplets, ou s'ils ont été établis au mépris
de règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ); l'existence d'un
lien de causalité adéquate est en revanche une question de droit que le
Tribunal fédéral examine librement (arrêt 1A.38/1997 du 17 septembre 1997,
consid. 3a et b).

2.4 En l'occurrence, la provision réclamée, qui se confond avec le dommage
matériel allégué, se compose d'un montant de 600 fr. correspondant à une
facture de téléphone mobile, d'une somme de 3'400 fr. pour le solde débiteur
d'un compte bancaire dont la recourante était titulaire avec son ancien
concubin et d'un montant de 6'000 fr. représentant trois mois de loyers
impayés.
Selon les explications fournies par la recourante, la facture de téléphone
correspondrait à des conversations que son ancien concubin aurait faites à
son insu depuis son appareil à des télékiosques érotiques et dont il assumait
financièrement la charge avant les événements du 10 septembre 2001.
X.________ a précisé que son ex-ami refusait de s'acquitter de cette facture
par mesure de rétorsion parce qu'elle l'avait quitté et déposé plainte contre
lui. Ces frais, résultant de la séparation même des concubins, ne sont donc
pas en relation de causalité adéquate avec les infractions à l'intégrité
physique dénoncées et ne sauraient être remboursés au titre de dommage
matériel. Il en va de même et pour les mêmes raisons des frais de gestion
d'un compte-joint réclamés par le Crédit Suisse à la recourante en sa qualité
de débitrice solidaire. Il n'y a pas lieu d'examiner si ces frais pourraient
éventuellement faire l'objet d'une indemnité en réparation du tort moral, car
une provision est de toute manière exclue à ce titre.

2.5 La recourante demande également la prise en charge des loyers de son
appartement de quatre pièces pour les mois de janvier à mars 2002 dans le
cadre des prestations d'aide immédiate de la LAVI; elle prétend qu'elle
aurait été en mesure de s'acquitter de ces sommes si elle n'avait pas perdu
l'emploi pour lequel elle avait été engagée le 5 novembre 2001, en raison de
son incapacité de travail consécutive aux événements du 10 septembre 2001.

2.5.1 Sous réserve de la couverture des frais de procédure, l'aide financière
accordée à la victime au titre de la LAVI ne couvre pas de dommages autres
que ceux découlant du droit de la responsabilité civile de l'auteur de
l'infraction. Elle n'entre donc pas en ligne de compte si l'une des
conditions de la responsabilité au sens de l'art. 41 CO fait défaut. Pour que
le lésé puisse demander des dommages-intérêts, il faut que l'atteinte à
l'intégrité physique ou psychique ait entraîné un dommage économique. Le lésé
doit s'être trouvé dans l'incapacité d'effectuer un travail ayant une valeur
économique, la perte de gain résultant de l'incapacité de travail temporaire.
En soi, la lésion corporelle ne constitue pas encore un dommage. Seules les
conséquences économiques négatives que subit le lésé par suite de la lésion
doivent être indemnisées, tels que les frais médicaux ou la perte de gain
(ATF 127 III 403 consid. 4a p. 405; Roland Brehm, La réparation du dommage
corporel en responsabilité civile, Berne 2002, n. 412, p. 182, n. 455, p.
199). Dans ce dernier cas, il faut que l'atteinte à l'intégrité physique ou
psychique ait pour conséquence une diminution de la capacité de travail
productif pour entraîner un dommage économique qui oblige l'auteur de l'acte
au sens de l'art. 41 CO.
Pour une partie de la doctrine, fondée sur la genèse de la loi et l'évolution
de la qualité de victime, seuls les dommages subis à la suite d'une atteinte
à l'intégrité physique, sexuelle ou psychique devraient être pris en charge
dans le cadre de la LAVI, à l'exclusion de purs dommages matériels, tels que
les dégâts causés aux habits au cours d'une altercation, les valeurs
patrimoniales dérobées ou les frais d'annulation d'un voyage (cf. à ce sujet
les auteurs cités par Eva Weishaupt, Finanzielle Ansprüche nach
Opferhilfegesetz, SJZ 2002 p. 326, à la note 51); le Tribunal fédéral a
laissé cette question ouverte dans un arrêt 1A.163/2000, du 8 novembre 2000;
il a également renoncé à la résoudre dans un arrêt ultérieur 1A.249/2000 du
26 janvier 2001, consid. 2b et c paru à la ZBl 2001 p. 489, tout en admettant
que le préjudice ménager ("Haushaltschaden") pouvait constituer un dommage
corporel au sens large susceptible d'être indemnisé en tant qu'il était la
conséquence d'une incapacité de travail liée à des troubles psychiques causés
par une infraction à l'intégrité physique. Aussi, une prise en charge des
loyers d'un appartement que la victime a été contrainte de prendre à la suite
d'une infraction à l'intégrité physique ou psychique et dont elle ne peut pas
ou plus assumer la location à la suite d'un licenciement consécutif à une
incapacité de travail ne saurait d'emblée être exclue dans la mesure où cette
incapacité résulterait des conséquences de l'infraction.

2.5.2 En l'occurrence, le Tribunal administratif n'a pas exclu la possibilité
d'accorder une provision pour ce motif, dans le cadre d'une indemnisation de
la perte d'une chance de gain, mais il l'a niée dans le cas particulier, au
terme d'un examen sommaire du dossier, parce qu'un lien de causalité
naturelle et adéquate entre les problèmes financiers rencontrés par la
recourante pour payer son loyer et les infractions dénoncées n'était pas
établi, l'état dépressif dans lequel celle-ci se trouvait, et qui aurait été
à l'origine de son arrêt de travail, ayant précédé les événements du 10
septembre 2001 selon les certificats médicaux versés au dossier.
Une altercation violente accompagnée de lésions corporelles et de menaces de
mort est de nature, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de
la vie, à provoquer un ébranlement nerveux évoluant en névrose traumatique.
En outre, pour qu'une cause soit généralement propre à avoir des effets du
genre de ceux qui se sont produits, il n'est pas nécessaire qu'un tel
résultat doive arriver régulièrement ou fréquemment. Si un fait est en soi
propre à provoquer un effet du genre de celui qui s'est produit, même des
conséquences singulières, c'est-à-dire extraordinaires, peuvent constituer
des conséquences adéquates de l'accident (ATF 112 V 30 consid. 4b p. 38; 107
V 173 consid. 4b p. 177; 96 II 392 consid. 2 p. 396 et les arrêts cités).

2.5.3 En l'espèce, les certificats médicaux versés au dossier mentionnent
certes que l'état dépressif et les troubles du sommeil dont souffre la
recourante et qui ont justifié une incapacité de travail totale du 12
décembre 2001 au 7 janvier 2002, puis partielle à partir de cette date, sont
à mettre en relation avec une situation durable de maltraitance morale et
physique. Cela ne suffit cependant pas encore pour dénier un lien de
causalité adéquat avec les événements du 10 septembre 2001; l'incapacité de
travail a été prononcée quelque deux mois après les événements et un peu plus
d'un mois après que la recourante eut trouvé un emploi, et il ne ressort
nullement des certificats qu'elle aurait déjà été la victime de maltraitance
physique de la part de son ancien concubin avant l'épisode du 10 septembre
2001. Dans ces conditions, on ne saurait exclure, au terme d'un examen
sommaire, que l'agression dont X.________ a été la victime ce jour-là soit à
l'origine de l'incapacité de travail qu'elle a subie, ni que cette incapacité
soit elle-même la cause de la résiliation des rapports de travail,
respectivement de la perte de gain et de l'impossibilité dans laquelle elle
se trouve de s'acquitter des loyers de son appartement (cf. dans le même
sens, l'arrêt du Tribunal administratif bernois paru à la JAB 1998 p. 546
consid. 5e p. 555). Sur ce point, le recours est fondé. Cela ne signifie pas
encore que la demande de provision doive être admise.
La recourante semble en effet avoir retrouvé au début du mois de mars 2002 un
emploi qu'elle occupe à mi-temps, sans que l'on sache toutefois si les
revenus qu'elle en retire sont suffisants pour lui permettre de prendre en
charge les loyers impayés de son appartement pour les mois de janvier à mars
2002. Il ressort en outre du dossier qu'elle partage son appartement avec son
nouvel ami. Or, l'aide financière de la LAVI est subsidiaire, c'est-à-dire
qu'elle n'entre en ligne de compte que si le dommage ne peut être assumé par
la victime elle-même ou par des personnes qui ont une obligation d'entretien
vis-à-vis de celle-ci (Eva Weishaupt, Finanzielle Ansprüche nach
Opferhilfegesetz, SJZ 2002 p. 327/328). Selon la jurisprudence rendue en
matière de poursuites pour dettes et faillite, il y a lieu de prendre en
compte la contribution du concubin aux frais communs, dont le loyer, dans le
calcul du minimum vital du débiteur (ATF 128 III 159 consid. 3b et c; 109 III
101 consid. 2 p.102). Il en va de même lorsqu'il s'agit de déterminer le
minimum vital d'un conjoint débirentier dans le cadre de la fixation de la
contribution d'entretien due en vertu de l'art. 163 CC (arrêt 5P.90/2002 du
1er juillet 2002, consid. 2b/aa; Jean-François Perrin, La méthode du minimum
vital, SJ 1993 p. 435). Il convient donc également de prendre en
considération l'aide financière éventuelle apportée sur ce point par la
personne avec laquelle la recourante partage son appartement. On ignore
cependant tout des revenus éventuels de cette personne. Des renseignements à
ce sujet sont donc nécessaires pour se prononcer en connaissance de cause.
Pour le surplus, le fait que la recourante ait déposé une demande d'aide
financière à l'Hospice général de Genève ne saurait faire obstacle à l'octroi
d'une provision dans la mesure où aucune décision n'a apparemment été prise
jusqu'ici, la susbidiarité des prestations accordées au titre de la LAVI par
rapport à celles de l'aide sociale devant au demeurant être examinée
concrètement (cf. arrêt 1A.249/2000 précité, consid. 4d et e paru à la ZBl
2001 p. 479/480).

2.5.4 Vu ce qui précède, la décision attaquée doit être annulée et le dossier
renvoyé au Tribunal administratif pour qu'il statue à nouveau, après avoir
complété l'instruction dans le sens précité. Il examinera en outre si
l'octroi d'une somme correspondant aux loyers impayés de janvier à mars 2002
répond toujours à un besoin urgent au sens de l'art. 15 let. a LAVI, étant
précisé que l'on ne saurait reprocher à X.________ d'avoir tardé à agir, dans
la mesure où elle a déposé sa demande immédiatement après s'être vue notifier
son licenciement.

3.
Le recours doit par conséquent être admis au sens des considérants. Il n'est
pas perçu d'émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ). Il n'y a pas lieu à
l'octroi de dépens, la recourante ayant agi seule.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis au sens des considérants; l'arrêt attaqué est annulé et
la cause renvoyée à la IIIe Cour administrative du Tribunal administratif du
canton de Fribourg pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, au Service social
cantonal et à la IIIe Cour administrative du Tribunal administratif du canton
de Fribourg, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice.

Lausanne, le 14 janvier 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: