Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.122/2002
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1A.122/2002/dxc

Arrêt du 6 décembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

Z. ________,
recourant, représenté par Me Robert Liron, avocat,
rue des Remparts 9, 1400 Yverdon-les-Bains,

contre

Commune de Nyon, 1260 Nyon, représentée par
Me Jean-Michel Henny, avocat, place Saint-François 11,
case postale 3485, 1002 Lausanne,
Etat de Vaud, 1014 Lausanne, représenté par
Me Marc-Henri Chaudet, avocat, avenue Paul-Ceresole 3,
case postale 812, 1800 Vevey,
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal
8, 1014 Lausanne.

expropriation matérielle

recours de droit administratif contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud du 14 mai 2002.

Faits:

A.
La Commune de Nyon est propriétaire de la parcelle n° 400 de la Commune de
Y.________, en zone industrielle, au lieu-dit "Z.________"; cette parcelle
accueille les installations de captage du puits filtrant du même nom, qui
alimente le réseau d'eau sous pression de la Commune de Nyon et fournit l'eau
de secours à sept communes de la région. Elle jouxte la parcelle n° 401,
propriété d'A.________, sur laquelle est édifiée une usine de fabrication de
machines de précision.
Par décision du 23 avril 1980, le Conseil d'Etat du canton de Vaud (ci-après:
le Conseil d'Etat) a approuvé le plan directeur en matière de protection des
eaux, qui délimite les cartes de secteurs de protection des eaux S, A, B et C
pour l'ensemble du canton; ce plan englobe l'intégralité de la zone
industrielle de la Commune de Y.________ dans le secteur S de protection des
eaux. Dans sa séance du 17 avril 1985, le Conseil d'Etat a approuvé le
nouveau plan des zones de la Commune de Y.________ et le règlement communal
sur le plan d'extension et la police des constructions (RPE), soumis à
l'enquête publique du 12 décembre 1980 au 15 janvier 1981 et adoptés par le
Conseil général de Y.________ le 29 juin 1982, en ce qui concerne le plan, et
le 1er septembre 1985, en ce qui concerne le règlement; le périmètre du
secteur S de protection des eaux est entouré d'un liseré rouge sur le plan
des zones et inclut l'ensemble de la zone industrielle; l'art. 60 al. 2 RPE
dispose que tous les travaux pouvant toucher directement ou indirectement un
secteur S de protection des eaux doivent être soumis à l'office cantonal de
la protection des eaux.
Le 10 novembre 1983, X.________ a acquis la parcelle n° 70 de la Commune de
Y.________, issue du fractionnement de la parcelle n° 401. Il envisageait
alors d'y édifier un hangar pour abriter les machines de chantier dont il
assurait la vente en Suisse. Cette opération ne s'étant finalement pas
réalisée, il a passé, le 7 octobre 1986, avec B.________ une promesse de
vente de la parcelle n° 70, pour un montant de 384'000 fr., dont la validité
était subordonnée à l'obtention par le promettant-acquéreur d'un permis de
construire des locaux artisanaux d'ici au 15 avril 1987. Le 22 décembre 1986,
X.________ a requis l'autorisation de construire un centre artisanal sur
cette parcelle. La Municipalité de Y.________ a soumis le projet pour
approbation à l'Office cantonal de la protection des eaux, qui a émis un
préavis négatif compte tenu de l'importance de l'aquifère souterrain, en
vertu de l'art. 29 al. 3 de l'ancienne loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la
protection des eaux contre la pollution (aLPEP). L'hydrologue cantonal a
confirmé ce préavis le 10 mars 1987. La Municipalité de Y.________ a refusé
de délivrer le permis de construire sollicité au terme d'une décision prise
le 11 mars 1987 et confirmée sur recours par le Conseil d'Etat du canton de
Vaud en date du 20 mai 1988. Dans son arrêt, cette autorité a considéré
qu'une interdiction de principe de toute construction sur la parcelle n° 70
était non seulement conforme aux art. 29 al. 3 et 30 aLPEP, mais également
opportune, compte tenu du fait que ce bien-fonds est inclus en zone SII de
protection des eaux, selon le plan de délimitation des zones de protection
des eaux du puits du "Z.________" établi sur la base du rapport
hydrogéologique réalisé en février 1986 par le bureau d'ingénieurs et de
géologues conseils C.________ SA.

B.
Par acte du 18 mai 1989, X.________ a introduit à l'encontre de l'Etat de
Vaud et de la Commune de Nyon une action en paiement d'une indemnité pour
expropriation matérielle de 960'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 21 mai
1988, en raison de l'interdiction qui lui a été signifiée de bâtir sur la
parcelle n° 70, conformément à l'art. 64 de la loi vaudoise sur la protection
des eaux contre la pollution du 17 septembre 1974, dans sa teneur antérieure
à la modification législative du 18 décembre 1989 entrée en vigueur le 1er
avril 1990 (LVPEP).
Dans une lettre du 10 avril 1990, le Département cantonal des travaux
publics, de l'aménagement et des transports a informé la Commune de Nyon que
pour donner suite à cette modification législative, il allait faire établir
des plans de délimitation des zones SI, SII et SIII de protection des eaux
souterraines des sources dont elle était propriétaire. La procédure ouverte
devant le Tribunal d'expropriation a été suspendue le 22 août 1990 jusqu'à
droit connu sur les enquêtes publiques relatives au plan de délimitation des
zones de protection des eaux souterraines des puits des "P.________" et du
"Z.________", confirmant le classement de la parcelle n° 70 en zone SII de
protection des eaux, et à son règlement d'application. Le 1er septembre 1997,
le Chef du Département cantonal de la justice, de la police et des affaires
militaires a pris acte de l'accord intervenu le 12 juin 1997 entre le
demandeur et le Service cantonal des eaux et de la protection de
l'environnement, permettant l'application des dispositions de la zone SIII de
protection des eaux à la parcelle n° 70, et a rayé du rôle le recours déposé
par X.________ à l'encontre de la décision du Département cantonal des
travaux publics, de l'aménagement et des transports du 15 décembre 1992
levant son opposition au plan de délimitation des zones de protection des
eaux souterraines des puits des "P.________" et du "Z.________" et à son
règlement d'application. La procédure en expropriation matérielle a été
reprise. Une audience de conciliation a été tenue sans succès le 1er mai
1998. Le demandeur a réduit ses prétentions à 384'000 fr. avec intérêts à 5%
l'an dès le 1er septembre 1987, dans le cadre de nouvelles conclusions prises
le 30 avril 1999.
Par jugement du 16 mars 2001, le Tribunal d'expropriation de l'arrondissement
de La Côte a admis partiellement les conclusions du demandeur et arrêté à
198'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 1999 l'indemnité due au
titre d'expropriation matérielle, à raison d'un tiers à la charge de la
Commune de Nyon et de deux-tiers à la charge de l'Etat de Vaud. Il a
considéré en substance que, par son ampleur et sa durée, l'interdiction de
bâtir signifiée au demandeur le 11 mars 1987 constituait une atteinte grave
au droit de propriété justifiant l'octroi d'une indemnité pour expropriation
matérielle, correspondant aux intérêts à 5% du prix fixé pour la vente de la
parcelle n° 70 le 30 avril 1987 au 1er septembre 1997, date à laquelle la
mesure d'interdiction a définitivement été levée.
Statuant par arrêt du 14 mai 2002 rendu sur appel de l'Etat de Vaud et de la
Commune de Nyon, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de
Vaud (ci-après: la Chambre des recours ou la cour cantonale) a réformé ce
jugement, en ce sens que les conclusions du demandeur sont intégralement
rejetées, ce dernier devant verser une somme de 12'733.30 fr. à la Commune de
Nyon et une somme équivalente à l'Etat de Vaud, à titre de dépens de première
instance, et l'a confirmé pour le surplus. Elle a considéré que lors de son
acquisition par le demandeur, la parcelle n° 70 était déjà frappée d'une
restriction de propriété qui ne permettait pas de la tenir pour immédiatement
et directement constructible dans un proche avenir, du fait de son inclusion
dans un secteur S de protection des eaux. Elle a estimé que le classement
provisoire de la parcelle n° 70 en zone SII de protection des eaux intervenu
par la suite était une mesure de police au sens étroit que le demandeur
devait admettre sans indemnité, l'atteinte au droit de propriété n'étant pas
si intense et d'une durée suffisamment longue pour justifier une
indemnisation pour expropriation matérielle. Elle a également rejeté les
conclusions du demandeur parce que ce dernier n'avait pas produit d'expertise
permettant de déterminer la moins-value de sa parcelle ni prouvé le montant
des frais et des investissements qu'il aurait engagés et qui auraient été
rendus inutiles par l'expropriation. Elle a enfin tenu la prétention du
demandeur à une indemnité pour expropriation matérielle pour prescrite, en
l'absence d'une quelconque mesure étatique limitant le droit de propriété de
celui-ci prise dans l'année précédant l'ouverture de l'action.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au
Tribunal fédéral de réformer cet arrêt en ce sens que les appels de la
Commune de Nyon et de l'Etat de Vaud sont rejetés, le jugement rendu le 16
mars 2001 par le Tribunal d'expropriation de l'arrondissement de La Côte
étant confirmé. Il conteste avoir agi hors délai et prétend avoir fait
l'objet d'une restriction temporaire à son droit de propriété suffisamment
grave pour justifier l'octroi d'une indemnité pour expropriation matérielle.
La Chambre des recours se réfère aux considérants de son arrêt. La Commune de
Nyon et l'Etat de Vaud concluent au rejet du recours. L'Office fédéral du
développement territorial a renoncé à formuler des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Selon l'art. 34 al. 1 LAT, la voie du recours de droit administratif est
ouverte notamment contre les décisions prises par l'autorité cantonale de
dernière instance sur des indemnisations résultant de restrictions apportées
au droit de propriété au sens de l'art. 5 de la même loi. Tel est le cas en
l'occurrence de l'arrêt attaqué qui déboute le recourant de son action en
paiement d'une indemnité pour expropriation matérielle (ATF 122 I 328 consid.
1b p. 332; 118 Ib 196 consid. 1a p. 198; 117 Ib 497 consid. 7a p. 498).
Le recourant, dont les prétentions à une indemnité d'expropriation matérielle
ont été rejetées en dernière instance cantonale, a qualité pour former un
recours de droit administratif (art. 103 let. a OJ). Les autres conditions de
recevabilité sont remplies et il y a lieu d'entrer en matière.

2.
Dans un argument qu'il convient d'examiner en premier lieu, la Chambre des
recours a considéré que la prétention du demandeur à une indemnité pour
expropriation matérielle était prescrite, en l'absence d'une quelconque
mesure étatique limitant le droit de propriété de celui-ci prise dans l'année
précédant l'ouverture de l'action. Le recourant voit pour sa part une
restriction à son droit de propriété constitutive d'une expropriation
matérielle dans la décision du Conseil d'Etat du 18 mai 1988 rejetant son
recours formé contre le refus de la Municipalité de Y.________ de lui
délivrer le permis de construire un centre artisanal sur la parcelle n° 70,
de sorte qu'en ouvrant action dans l'année suivant cette décision, il aurait
agi dans le délai prescrit par l'art. 119 al. 1 de la loi vaudoise sur
l'expropriation du 25 novembre 1974 (LEx).

2.1 La question de savoir si une indemnité pour expropriation matérielle est
due constitue une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement
(ATF 115 Ib 408 consid. 1b p. 409/410; 112 Ib 514 consid. 1b p. 517); c'est
en revanche le droit cantonal, dont l'interprétation et l'application ne sont
revues que sous l'angle de l'arbitraire, qui détermine selon quelle procédure
et pendant quel délai le propriétaire peut faire valoir une prétention à
indemnité pour expropriation matérielle, le Tribunal fédéral vérifiant
cependant librement si la cour cantonale a abusivement tenu la prescription
pour acquise au regard des règles sur la protection de la bonne foi (ATF 97 I
624 consid. 6 p. 626).
L'art. 119 al. 1 LEx prévoit à cet égard que le droit de demander une
indemnité d'expropriation matérielle se prescrit par un an dès la décision
appliquant concrètement au demandeur une restriction de droit public à la
propriété.

2.2 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le moment déterminant pour
juger si l'on est en présence d'une expropriation matérielle et, partant, si
la prétention en indemnisation est périmée ou prescrite, est celui de
l'entrée en vigueur de la restriction définitive au droit de propriété (ATF
121 II 317 consid. 12d/bb p. 347; 119 Ib 229 consid. 3a p. 233 et les arrêts
cités; voir aussi, Piermarco Zen-Ruffinen/Christine Guy-Ecabert, Aménagement
du territoire, construction, expropriation, Berne 2001, n. 1524, p. 638;
Enrico Riva, Commentaire LAT, Zurich 1999, n. 181 à 183 ad art. 5, p. 60/61,
et n. 206 ad art. 5, p. 68). En principe, c'est la date de l'approbation
définitive et exécutoire du plan de délimitation des zones de protection des
eaux souterraines et de son règlement d'application qui est décisive pour
introduire une action en paiement d'une indemnité pour expropriation
matérielle; en effet, c'est à ce moment-là seulement que l'étendue exacte des
restrictions au droit de propriété grevant la parcelle des propriétaires
riverains d'un captage est définitivement connue, l'inclusion de celle-ci
dans un secteur S de protection des eaux n'étant qu'une mesure provisoire
(arrêt du Tribunal fédéral 1A.29/1996 du 9 octobre 1996, consid. 2b; voir
aussi Stéphane Mérot, Les sources et les eaux souterraines, thèse Lausanne
1996, p. 202; Enrico Riva, op. cit, n. 182 ad art. 5, p. 61; Fritz
Kilchenmann, Grundwasserschutzzonen nach eidgenössischem und bernischem
Recht, JAB 1982 p. 377).

2.3 En l'occurrence, la parcelle n° 70 a été classée en zone SII de
protection des eaux sur la base d'un rapport établi en février 1986 par le
bureau d'ingénieurs et géologues conseils C.________ SA au terme d'une étude
hydrogéologique réalisée à la demande de la Commune de Nyon. Le plan
délimitant les zones de protection du captage du "Z.________" annexé à ce
rapport a été approuvé par l'hydrogéologue cantonal à une date que les pièces
versées au dossier ne permettent pas de déterminer précisément, avant d'être
transmis pour consultation à la Commune de Y.________ le 21 mars 1986, avec
le catalogue des restrictions d'utilisation du sol, sans que l'on sache si
cette dernière a porté ces documents à la connaissance des propriétaires
intéressés pour qu'ils puissent faire valoir leurs droits et leurs
observations, conformément à l'art. 62 aLVPEP (cf. Bulletin du Grand Conseil,
séance du 22 mai 1979, p. 799); de même, la carte des secteurs de protection
des eaux a fait l'objet d'une modification communiquée pour préavis aux
communes concernées le 23 avril 1986 et approuvée par le Conseil d'Etat le 14
novembre 1986, sans que l'on sache si cette décision a été publiée ou portée
d'une autre manière à la connaissance des propriétaires concernés avant ou
après son adoption. Aussi, en l'absence d'une décision prise sans aucun doute
possible au terme d'une procédure ménageant le droit d'être entendu des
propriétaires intéressés, on doit admettre que le délai d'un an pour agir
selon l'art. 119 al. 1 LEx partait du refus du permis de construire (cf.
Bulletin du Grand Conseil, automne 1974, p. 231), respectivement du rejet du
recours formé contre cette décision par le Conseil d'Etat en date du 20 mai
1988.
Le recourant a donc agi en temps utile en introduisant son action en paiement
d'une indemnité pour expropriation matérielle le 18 mai 1989.

3.
Cela étant, il convient d'examiner si c'est à tort que la Chambre des recours
a nié en l'occurrence l'existence d'un cas d'expropriation matérielle.

3.1 Le classement d'un bien-fonds dans une zone de protection des eaux
souterraines au sens de l'art. 30 aLPEP est une mesure de police au sens
étroit qui n'entraîne en principe aucune obligation d'indemniser (ATF 107 Ib
380 consid. 3 p. 384/385; 106 Ib 330 consid. 4 p. 332; 105 Ia 330 consid. 3b
p. 335; 96 I 356 consid. 4 p. 360; Stéphane Mérot, op. cit., p. 194 ss; voir
également ATF 122 II 17 consid. 7b p. 19; 121 II 317 consid. 12a p. 343). La
jurisprudence prévoit une exception si l'établissement d'une zone de
protection équivaut à un déclassement d'un terrain prêt pour la construction
ou équipé, ce qui serait notamment le cas si celui-ci aboutissait à une
interdiction totale de bâtir (ATF 106 Ib 336 consid. 5c p. 339; ZBl 92/1991
p. 557 consid. 3 p. 558; arrêt 1A.87/1991 du 5 juillet 1993 cité par Jörg
Leimbacher, Mesures d'aménagement et expropriation matérielle, Mémoire ASPAN
n° 63, Berne 1995, p. 78/79; Piermarco Zen-Ruffinen/Christine Guy-Ecabert,
op. cit., p. 628; sur les motifs à la base de cette jurisprudence, voir
Claude Rouiller, Considérations sur la garantie de la propriété et sur
l'expropriation matérielle faites à partir de la jurisprudence du Tribunal
fédéral, RSJB 1985 p. 8). Lorsque la restriction équivalant à une
expropriation matérielle a été remplacée avant le jugement définitif par une
restriction qui doit être supportée sans indemnité, le juge doit tenir compte
de cette nouvelle situation juridique, car l'obligation d'indemniser n'a
alors en principe plus de fondement, à défaut de dommage pour le
propriétaire; il ne se justifie de faire une exception que lorsque la période
entre la première restriction et le changement ultérieur de régime juridique
était particulièrement longue, de telle sorte que, sans la restriction, le
propriétaire aurait pu faire dans l'intervalle une meilleure utilisation de
son fonds (ATF 121 II 317 consid. 12d/bb p. 347 et les références citées). La
jurisprudence ne fixe pas de manière schématique et générale ce qu'il faut
entendre par restriction à la propriété de longue durée; la solution dépend
des circonstances de chaque cas (ATF 123 II 481 consid. 9 in fine p. 497; 120
Ib 465 consid. 5e p. 473; 112 Ib 496 consid. 3a in fine p. 507; 109 Ib 20
consid. 4a p. 22; 103 Ib 210 consid. 3 p. 218/219; 99 Ia 482 consid. 5 p.
487; 93 I 338 consid. 7 p. 344; 89 I 460 consid. a p. 463; 69 I 234 consid. 2
p. 242).

3.2 En l'occurrence, la question de savoir si le recourant aurait en principe
pu prétendre à une indemnité pour expropriation matérielle à la suite de
l'inclusion de la parcelle n° 70 dans une zone SII de protection des eaux
souterraines excluant toute construction peut rester ouverte. Selon la
jurisprudence, un déclassement n'entraîne une atteinte grave au droit de
propriété constituant un cas d'expropriation matérielle que si l'immeuble
concerné était juridiquement et pratiquement constructible au moment
déterminant et si, au vu des circonstances, il aurait été fait usage, dans un
proche avenir, de cette possibilité de construire (ATF 125 II 431 consid. 3a
p. 433; 122 II 326 consid. 4b p. 330 et les arrêts cités; Piermarco
Zen-Ruffinen/Christine Guy-Ecabert, op. cit., n. 1455, p. 610). Or, cette
condition n'est pas réalisée lorsque l'édification d'une construction dépend
de l'octroi d'une autorisation exceptionnelle à teneur de l'art. 24 LAT ou
d'une autorisation de défricher (arrêt du Tribunal fédéral 1A.260/1997 du 19
janvier 1998; voir aussi Piermarco Zen-Ruffinen/Christine Guy-Ecabert, op.
cit., p. 593/ 594).

Lorsque le recourant a acquis la parcelle n° 70, le 10 novembre 1983,
celle-ci se trouvait en secteur S de protection des eaux tant selon le plan
directeur cantonal en matière de protection des eaux approuvé par le Conseil
d'Etat le 23 avril 1980 que selon le plan des zones communal adopté par le
Conseil général de Y.________ le 29 juin 1982. Même si ce plan n'était pas
encore en vigueur, tout projet de construction devait néanmoins lui être
conforme en application de l'art. 79 de la loi cantonale sur l'aménagement du
territoire et les constructions du 19 septembre 1986 (LATC). Par ailleurs,
l'acte de vente précisait que le terrain demeure assujetti aux restrictions
légales de la propriété foncière, notamment celles résultant de la protection
des eaux. Le recourant devait donc savoir que tous travaux de construction
étaient soumis à une autorisation spéciale du Département cantonal des
travaux publics, de l'aménagement et des transports en vertu des art. 29 al.
3 aLPEP (actuellement, l'art. 19 al. 2 LEaux) et 60 al. 2 RPE, auquel renvoie
l'art. 22 al. 5 RPE régissant les immeubles sis en zone industrielle.
L'octroi de cette autorisation dépendait notamment de la zone de protection
des eaux dans laquelle la parcelle n° 70 devait finalement être colloquée;
aussi longtemps que les zones de protection des eaux n'étaient pas
délimitées, le recourant n'était pas certain de pouvoir construire sur sa
parcelle et s'exposait à ce qu'une éventuelle demande de permis soit si ce
n'est rejetée, du moins suspendue pour ce motif (cf. Luc Jansen, Les zones de
protection des eaux souterraines: des mesures d'aménagement du territoire
dans le droit de l'environnement, ZBl 1995 p. 355/356; Stéphane Mérot, op.
cit., p. 154/155).
Dans ces circonstances, il n'était pas possible de considérer la parcelle n°
70 comme très probablement vouée à la construction dans un proche avenir,
puisqu'une autorisation spéciale eut été nécessaire, et que son obtention
n'apparaissait guère vraisemblable. Cet obstacle de principe à la
construction, de nature juridique, excluait l'octroi d'une indemnité pour
expropriation matérielle. Cette solution est au surplus conforme à l'art. 119
al. 2 LEx, suivant lequel celui qui a acheté un immeuble grevé d'une
restriction de droit public ne peut réclamer en son nom une indemnité de ce
chef.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté, aux frais du recourant, qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ); l'émolument judiciaire sera fixé notamment en
fonction de la valeur litigieuse (art. 153a al. 1 et al. 2 let. c OJ; cf. le
ch. 3 du tarif des émoluments judiciaires du Tribunal fédéral, du 31 mars
1992; RS 173.118.1). Suivant la pratique relative à l'art. 159 al. 2 OJ, ni
l'Etat de Vaud, ni la Commune de Nyon qui, par son importance, dispose d'une
infrastructure suffisante pour procéder sans l'aide d'un mandataire
professionnel, n'ont droit à des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, ainsi qu'à
l'Office fédéral du développement territorial.

Lausanne, le 6 décembre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: