Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 81/2001
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U 81/01 Tn

                        IIe Chambre

MM. et Mme les juges Schön, Président, Widmer et Ferrari.
Greffier : M. Wagner

                 Arrêt du 22 février 2002

                       dans la cause

C.________, recourant, représenté par Maître Philippe
Nordmann, avocat, place Pépinet 4, 1003 Lausanne,

                          contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

                            et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

     A.- C.________, a travaillé en qualité de magasinier
au service de l'entreprise X.________ à partir du 1er mai
1990. A ce titre, il est assuré par la Caisse nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) pour les acci-
dents professionnels et non professionnels.
     Vendredi 1er mai 1998, C.________ avait pris congé. Le
matin, après avoir conduit au travail A.________, sa com-

pagne, il est allé payer des factures pour un montant d'en-
viron 3000 fr. Il a aussi effectué des travaux de concier-
gerie. Son amie et lui s'étaient donné rendez-vous l'après-
midi, afin d'aller ensemble prendre possession de leur
nouvelle voiture au garage Y.________, qu'ils devaient
payer sur-le-champ, chacun à raison de la moitié du prix
d'achat. C.________ a déposé les plaques d'immatriculation
du véhicule dans une consigne de la gare CFF de Lausanne.
Il ne s'est pas présenté au rendezvous, ni n'a donné ulté-
rieurement de nouvelles.
     Dimanche 3 mai 1998, peu avant 22 h., C.________ a été
aperçu sur le quai n° 3 de la gare de Lausanne et sur la
voie n° 5 où arrivait un Intercity en provenance de Zurich
circulant à destination de Genève-aéroport. Heurté par le
train, il fut propulsé sous le fourgon de la rame immobili-
sée sur la voie n° 4, le long du quai n° 2. Gisant sur le
rail sis à l'opposé du quai n° 2, il fut transporté au Cen-
tre hospitalier Z.________, à Lausanne, où il a séjourné
jusqu'au 20 mai 1998 dans le service de neurochirurgie et
jusqu'au 17 juillet 1998 dans le service de rhumatologie,
médecine physique et réhabilitation, y compris un séjour du
8 au 11 juillet 1998 dans le service de chirurgie plastique
et reconstructive. Les médecins ont posé les diagnostics de
traumatisme cranio-cérébral avec contusions temporo-parié-
tales gauches et pariétales contro-latérales, de monoparé-
sie du membre supérieur droit d'origine multifactorielle,
de fracture ouverte embarrée de l'hémicalotte crânienne
gauche et plaie délabrée du scalp nécessitant des interven-
tions de chirurgie plastique les 8 juin, 19 juin et 8 juil-
let 1998 en raison de nécroses et de greffes cutanées, de
volet thoracique droit, pneumothorax sous tension, contu-
sions hépatiques, pulmonaires et myocardiques, et de plaie
profonde à la base de l'index et majeur droits (rapport du
3 septembre 1998).
     Sur réquisition du juge d'instruction de l'arrondisse-
ment de Lausanne, la gendarmerie vaudoise a procédé le

3 mai 1998, dès 23 h. 15, à l'audition de B.________, con-
ducteur du train CFF ayant happé C.________. Elle a établi
un rapport, du 23 mai 1998, où figurent un exposé des
faits, ainsi que des renseignements complémentaires, parmi
lesquels les témoignages de D.________ et de E.________
recueillis le 3 mai 1998. Selon les conclusions de ce rap-
port, nonobstant l'absence d'un écrit ou d'une expression
orale dévoilant les préoccupations et les intentions de
l'intéressé, les constatations faites et les investigations
entreprises laissent penser que C.________ a eu l'inten-
tion, après avoir fugué plus de 48 heures sans donner de
ses nouvelles à son entourage, de mettre fin à ses jours en
se plaçant devant un train Intercity qui entrait en gare.
Il semble bien que sa situation financière difficile l'ait
acculé dans une impasse où, faute de vouloir se confier à
ses proches, il se soit résolu à cet acte.
     De son côté, l'inspecteur de la CNA a recueilli le
27 mai 1998 les déclarations de F.________, frère de
C.________, et de G.________, collègue de ce dernier, et le
29 mai 1998 celles de A.________. Il a interrogé l'assuré
les 3 juillet et 18 août 1998.
     Le 15 octobre 1998, la CNA a informé C.________ que
d'après les résultats de l'enquête, il n'avait pas droit à
la prise en charge des suites de l'événement du 3 mai 1998,
aucune prestation d'assurance n'étant allouée si l'assuré a
provoqué l'atteinte à sa santé intentionnellement. L'assuré
a formé opposition contre cette décision.
     Par décision du 2 mars 1999, la CNA a rejeté l'opposi-
tion.

     B.- C.________ a recouru contre cette dernière déci-
sion devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud,
en concluant, sous suite de dépens, à l'annulation de
celle-ci. Après que la CNA eut conclu au rejet du recours,
il a, dans une réplique du 17 juin 1999, demandé une exper-
tise psychiatrique, portant sur la question générale qui

est celle de savoir s'il peut y avoir des «absences» sus-
ceptibles de durer quelques minutes voire quelques heures
ou même deux ou trois jours.
     Le 25 mai 2000, A.________, H.________, son employeur,
et I.________, directeur de X.________, ont été entendus
par la juridiction cantonale, devant laquelle des débats
ont eu lieu.
     Par jugement du 15 juin 2000, le tribunal des assuran-
ces a rejeté la requête d'expertise psychiatrique et le
recours.

     C.- C.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement, en concluant, sous suite de dépens,
à la réforme de la décision attaquée en ce sens que la CNA
est tenue de prendre en charge les suites de l'événement du
3 mai 1998. A titre subsidiaire, il demande que le jugement
entrepris soit annulé, l'expertise psychiatrique qu'il a
demandée étant ordonnée.
     La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'acci-
dents conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances sociales ne s'est pas déterminé. Assura, assu-
reur-maladie de C.________, propose que le recours soit
partiellement admis en ce sens que la cause est renvoyée à
la juridiction de première instance pour qu'elle mette en
oeuvre une expertise médicale.

                  Considérant en droit :

     1.- Le litige porte sur le point de savoir si l'événe-
ment du 3 mai 1998 doit être qualifié d'accident (art. 2
al. 2 LAMal; art. 9 al. 1 OLAA; ATF 122 V 232 consid. 1 et
les références). Par accident, on entend toute atteinte
dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps
humain par une cause extérieure extraordinaire.

     2.- Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral des
assurances, il faut se fonder sur la force de l'instinct de
conservation de l'être humain et poser comme règle générale
la présomption naturelle du caractère involontaire de la
mort, ce qui conduit à admettre la thèse de l'accident
lorsqu'il y a doute sur le point de savoir si la mort est
due à un accident ou à un suicide. Le fait que l'assuré
s'est volontairement enlevé la vie ne sera considéré comme
prouvé que s'il existe des indices sérieux excluant toute
autre explication qui soit conforme aux circonstances. Il
convient donc d'examiner dans de tels cas si les circons-
tances sont suffisamment convaincantes pour que soit ren-
versée la présomption du caractère involontaire de la mort
(RAMA 1996 no U 247 p. 172 consid. 2b et les références).
Lorsque les indices parlant en faveur d'un suicide ne sont
pas suffisamment convaincants pour renverser objectivement
la présomption qu'il s'est agi d'un accident, c'est à l'as-
sureur-accidents d'en supporter les conséquences (arrêt A.
du 19 juin 1998 [U 182/96], in SVZ 68 2000 201; Bühler, Der
Unfallbegriff, in Haftpflicht- und Versicherungsrechts-
tagung 1995, St. Gallen, éditeur Alfred Koller, Verlag
Institut für Versicherungswirtschaft der Universität
St. Gallen, p. 223). Ces principes s'appliquent également
lorsqu'il y a doute sur le point de savoir s'il s'est agi
d'un accident ou d'une tentative de suicide (RAMA 1996 n°
U 247 p. 172 consid. 2c a contrario).

     3.- a) Les premiers juges ont retenu que lorsque le
recourant s'est retrouvé sur la voie, il n'a ni glissé, ni
été poussé par un tiers, ni même eu l'intention de rejoin-
dre le convoi qui était à l'arrêt sur un autre quai, ce qui
nécessitait la traversée des voies. Pour cette raison, ils
ont nié la survenance d'un accident, l'exigence du caractè-
re involontaire de l'atteinte n'étant pas réalisée (art. 9
al. 1 OLAA).

     b) Le recourant allègue pour l'essentiel que la thèse
de la tentative de suicide n'a pas été établie de manière
suffisamment forte pour renverser la présomption tirée de
l'instinct de conservation. Au contraire, dit-il, les élé-
ments parlant contre cette thèse sont plus nombreux et ont
davantage de poids que ceux qui parlent en faveur de la
tentative de suicide. Parmi les éléments qui, selon lui,
parlent contre la thèse de la tentative de suicide, il y a
le fait que, de l'avis unanime des diverses personnes qui
sont venues témoigner et qui forment son entourage, l'as-
suré a un caractère jovial et non suicidaire. On n'a pas pu
trouver de motif pouvant faire conclure à une volonté
suicidaire de sa part, hormis l'éventuel souci causé par
une dette d'impôt de 8000 fr. et un emprunt en cours de
remboursement depuis plusieurs années. A supposer qu'il ait
été préoccupé par la difficulté à réunir la somme néces-
saire pour l'achat au comptant du véhicule, il pouvait
disposer de cette somme sur le compte de son amie, où il
avait la procuration, étant précisé que son employeur
aurait pu, au pire, l'aider financièrement. Enfin, immédia-
tement avant le drame, il a payé des factures pour un mon-
tant d'environ 3000 fr. Or, lorsqu'on envisage de se sui-
cider, on ne commence normalement pas par payer des factu-
res arriérées, du moins si, comme en l'espèce, on n'a aucun
héritier.

     c) Les témoignages de B.________ (le pilote du train),
de D.________ et de E.________, présents sur les lieux du
drame, sont reproduits dans le jugement attaqué, auquel
soit renvoi.
     Selon ces témoignages et la description de l'état des
lieux effectuée par la gendarmerie vaudoise dans le rapport
du 23 mai 1998, on peut tenir pour établi que le recourant
n'est pas tombé du quai n° 3 sur les rails; qu'il ne pou-
vait pas traverser les voies à cet endroit dès lors qu'un
train se trouvait sur la voie n° 4, empêchant de gagner le

quai n° 2 et donc qu'il n'a pas voulu le faire. Son dessein
n'était pas non plus de monter dans ce convoi, puisqu'il
s'est engagé sur les voies du côté droit de la locomotive
et du fourgon du train immobilisé sur la voie n° 4, et non
à la hauteur d'une voiture pour voyageurs.
     Dès lors on doit en conclure que, comme les témoins
oculaires du drame l'ont rapporté, le 3 mai 1998, peu avant
22 h., le recourant s'est engagé volontairement sur la voie
à l'arrivée de l'Intercity. Objectivement, la présomption
qu'il s'est agi d'un accident est donc renversée.
     Quant à la raison de cet acte, elle peut ressortir de
l'ensemble du dossier, notamment des difficultés personel-
les et financières de l'intéressé. On ne peut tout de même
pas faire abstraction du fait que le recourant avait dispa-
ru le 1er mai 1998 déjà et que sa compagne avait immédiate-
ment signalé sa disparition à son employeur, qui lui-même a
avisé le poste de police de Lausanne-Gare à 18 h. 10 déjà.
Dans ces conditions, et au vu des dépositions des témoins
oculaires notamment, il ne se justifie pas de mettre en
oeuvre l'expertise requise.

     4.- Sur le vu de l'issue du litige, le recourant, qui
succombe, ne saurait prétendre une indemnité de dépens pour
l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec
l'art. 135 OJ).

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est rejeté.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
     dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
     bunal des assurances du canton de Vaud, à Assura et à
     l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 22 février 2002
                                      Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIe Chambre :

                                    Le Greffier :