Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 53/2001
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U 53/01 Mh

                       IIIe Chambre

MM. et Mme les juges Schön, Président, Spira et Widmer.
Greffière : Mme von Zwehl

                 Arrêt du 16 octobre 2001

                       dans la cause

A.________, recourant,

                          contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

                            et

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Porrentruy

     A.- a) A.________ travaillait en qualité de soudeur et
chauffeur au service de l'entreprise X.________ SA. A ce
titre, il était assuré contre le risque d'accident auprès
de la Caisse Nationale suisse en cas d'accidents (CNA).

     Le 14 février 1995, alors qu'il se trouvait sur le
pont d'un camion pour le décharger, il a perdu l'équilibre
et est tombé en arrière, se blessant à la hanche et au
coude droits ainsi qu'au poignet gauche. Il fut opéré le
même jour à l'Hôpital Y.________ pour une fracture com-
minutive du radius distal gauche que les médecins ont
traitée par embrochage. Bien que la fracture se soit conso-
lidée normalement, un Sudeck s'est développé.
     A.________ a repris son travail au mois d'août 1995,
d'abord à 50 %, puis, sur recommandation du docteur
B.________, médecin d'arrondissement de la CNA, à 75 % dès
le 26 octobre 1995, mais très vite il s'est plaint de ne
pas pouvoir travailler dans la mesure prescrite en raison
de douleurs résiduelles importantes au poignet gauche.
Devant la persistance de ses douleurs, l'assuré a consulté
le professeur C.________ de l'Hôpital Z.________ qui a
constaté un début d'arthrose radio-cubitale ainsi qu'une
longueur excessive du cubitus et pratiqué, le 13 février
1996, une arthrodèse selon la méthode Sauvé-Kapandji.
L'ablation du matériel d'ostéosynthèse a eu lieu à la fin
septembre. Depuis lors, toutes les tentatives de reprise de
travail se sont soldées par un échec et A.________ a été
licencié par son employeur pour le 30 juin 1997. Dans son
rapport d'examen final, le docteur D.________, également
médecin d'arrondissement de la CNA, a noté qu'il subsistait
une limitation fonctionnelle du poignet et de l'avant-bras
gauche; selon lui, le cas était stabilisé sans qu'un nou-
veau traitement pût améliorer la situation. Il a conclu
qu'une activité adaptée légère ne requérant qu'une utili-
sation secondaire de la main (gauche) non dominante et
n'exigeant pas de dextérité particulière était à la portée
de l'assuré à plein rendement; l'atteinte à l'intégrité a
été évaluée à 7,5 % (rapport du 4 juillet 1997).

     b) Ayant entre-temps déposé une demande de prestations
de l'assurance-invalidité, A.________ a suivi du 14 avril
au 2 mai 1997 un stage d'observation au Centre d'intégra-

tion professionnelle de l'AI (COPAI) à l'issue duquel les
maîtres du centre ont estimé qu'il pouvait être réadapté
moyennant une période d'entraînement au travail. Le stage
en entreprise organisé à cette fin n'a toutefois pas eu le
succès escompté, l'assuré se plaignant de douleurs conti-
nuelles au poignet gauche. Un état anxio-dépressif a été
mis en évidence par le docteur E.________, psychiatre
(rapport du 21 février 1998). Après de vaines investiga-
tions médicales complémentaires effectuées pour le compte
de l'AI et de la CNA, A.________ a été victime d'un
infarctus du myocarde postérieur le 3 septembre 1998.
     Pour faire le point sur son état de santé, l'AI l'a
invité à se soumettre à une expertise au Centre d'observa-
tion médicale de l'assurance-invalidité (COMAI) à Lausanne.
Dans leur rapport du 28 octobre 1999, les experts ont posé
le diagnostic de troubles somatoformes douloureux, d'épi-
sode dépressif moyen, d'arthrose radio-carpienne et cubito-
carpienne gauche modérée, de status après infarctus, de
cervicarthrose, de trouble dégénératif du rachis lombaire
et d'un syndrome rotulien du genou droit. Bien que sur le
plan strictement orthopédique, l'aptitude de l'assuré à
exercer une activité adaptée ait été jugée totale (consi-
lium du docteur F.________), lesdits experts ont considéré
que sa capacité de travail était réduite de 50 % dès le
7 août 1995 ou à tout le moins dès le 4 novembre 1996 pour
des motifs essentiellement d'ordre psychique; en tout état
de cause, seule une activité légère en position alternée et
sans port de charges lourdes était exigible.

     c) Par décision du 22 décembre 1999, la CNA a alloué à
A.________ une rente d'invalidité fondée sur une incapacité
de gain de 33,33 % dès le 1er février 1999 ainsi qu'une
indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 7,5 %.
Saisie d'une opposition de l'assuré, la CNA l'a écartée par
décision du 16 mars 2000.

     B.- Par jugement du 20 décembre 2000, la Chambre des
assurances du Tribunal cantonal de la République et canton
du Jura a rejeté le recours formé par l'assuré contre la
décision sur opposition de la CNA.

     C.- A.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation. Il
conclut, sous suite de frais et dépens, principalement, au
versement par la CNA d'une rente d'invalidité fondée sur un
taux d'incapacité de travail de 50 %, ainsi que d'une
indemnité pour atteinte à l'intégrité supérieure à 15 %,
et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la juridiction
cantonale pour instruction complémentaire sous la forme
d'une expertise médicale.
     La CNA et l'Office fédéral des assurances sociales ne
se sont pas déterminés.

                  Considérant en droit :

     1.- Le litige porte aussi bien sur le taux de la rente
d'invalidité que sur celui de l'indemnité pour atteinte à
l'intégrité.
     Sur ces deux points, le jugement entrepris expose
correctement les dispositions légales et les principes
jurisprudentiels applicables, de sorte qu'on peut y
renvoyer.

     2.- Selon l'intimée et les premiers juges, des divers
troubles mis en évidence par les médecins du COMAI, seuls
ceux affectant le poignet gauche du recourant sont impu-
tables à l'accident du 14 février 1995 et engagent la
responsabilité de la CNA. A leurs yeux en effet, les cervi-
calgies, les gonalgies ainsi que les séquelles liées à
l'infarctus relèvent manifestement d'un état maladif, tan-
dis que les troubles psychiques (troubles somatoformes

douloureux et état dépressif) ne s'inscrivent pas dans un
rapport de causalité adéquate avec l'événement accidentel.
Abstraction faite de ces troubles, ils considèrent ainsi
que l'assuré est apte à exercer, nonobstant ses limitations
fonctionnelles, une activité adaptée à plein temps dans la-
quelle il pourrait réaliser un revenu de 3100 fr. par mois.
     Le recourant leur reproche, pour sa part, d'avoir
minimisé les difficultés qu'il a rencontrées à la suite de
sa chute, en particulier les complications chirurgicales
qui s'en sont suivies et qui ont prolongé d'autant la durée
de son traitement médical ainsi que celle de son incapacité
de travail. Il estime que ces circonstances justifient
qu'on qualifie d'adéquate la causalité entre ses troubles
psychiques et l'accident du 14 février 1995 et qu'on lui
reconnaisse en conséquence une incapacité de travail de
50 %.

     3.- C'est à raison que le recourant ne critique plus
l'évaluation de sa capacité de travail en relation avec les
séquelles somatiques de son accident. A cet égard, les con-
clusions auxquelles sont parvenus les différents médecins
d'arrondissement de la CNA - qui rejoignent celles émises
par le docteur F.________, orthopédiste au COMAI - sont
convaincantes et la Cour de céans n'a pas de raison de s'en
écarter.
     Cela étant, il est indéniable qu'à côté des limita-
tions fonctionnelles qu'il présente à son poignet gauche,
l'assuré souffre également de troubles psychiques qui ont
une incidence importante sur son aptitude au travail (de
l'ordre de 50 % d'après les experts du COMAI). Dans la
mesure où tant ces experts que les médecins traitants de
l'assuré (cf. notamment le rapport du docteur E.________ du
21 février 1998) rattachent, au moins pour une part, ces
troubles à la lésion qu'il a subie au poignet gauche, le
lien de causalité naturelle entre ceux-ci et l'accident du

14 février 1995 peut être tenu pour établi. Reste à exami-
ner si, selon le cours ordinaire des chose et l'expérience
de la vie, cet accident était propre à provoquer de tels
troubles psychiques (causalité adéquate).

     4.- a) Selon la jurisprudence, l'existence d'un lien
de causalité adéquate entre un accident insignifiant ou de
peu de gravité et des troubles psychiques peut, en règle
générale, être d'emblée niée, tandis qu'en principe, elle
doit être admise en cas d'accident grave; pour admettre le
caractère adéquat du lien de causalité entre un accident de
gravité moyenne et des troubles psychiques, il faut que
soient réunis certains critères particuliers et objectifs
(ATF 115 V 139 sv. consid. 6, 408 consid. 5). Dans cette
dernière éventualité, le juge des assurances ne peut admet-
tre la causalité adéquate que si l'un des critères retenus
s'est manifesté de manière particulièrement marquante pour
l'accident, ou si ces critères déterminants se trouvent
soit cumulés, soit réunis d'une façon frappante.
     En outre, il convient, aux fins de procéder à une
classification des accidents de nature à entraîner des
troubles psychiques, non pas de s'attacher à la manière
dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique,
mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif,
sur l'événement accidentel lui-même (ATF 115 V 139 con-
sid. 6, 407 s. consid 5).

     b) Au moment où, déséquilibré, le recourant est tombé,
il se trouvait debout sur le pont d'un camion; la hauteur
de laquelle il a chuté peut donc être estimée à 2 mètres.
Contrairement à l'avis soutenu par l'intimée devant la ju-
ridiction cantonale, on ne saurait tenir cet événement pour
un accident banal ou de peu de gravité. Au regard de son
déroulement et de ses conséquences, celui-ci se situe bien
plutôt dans la catégorie des accidents de gravité moyenne,

mais à la limite inférieure. Pour juger du caractère adé-
quat du lien de causalité dans le cas d'espèce, il importe
dès lors que plusieurs des critères consacrés par la juris-
prudence se trouvent réunis ou revêtent une intensité par-
ticulière.
     En l'occurrence, on ne voit pas d'éléments de nature à
faire apparaître la chute en question comme particulière-
ment impressionnante ou dramatique. Les lésions qu'elle a
entraînées (fracture du radius distal gauche, contusions)
ne sauraient être qualifiées de graves et propres, selon
l'expérience, à entraîner des troubles psychiques. Le
processus de guérison du poignet lésé a certes été retardé
par l'apparition d'une arthrose post-traumatique rendant
nécessaire, une année après la survenance de l'accident,
une seconde intervention chirurgicale; la durée du traite-
ment médical ainsi que celle de l'incapacité de travail
s'en sont de ce fait également trouvé prolongées. Ces
circonstances n'ont toutefois pas revêtu, en l'espèce, une
intensité particulière. Ainsi, le traitement lié à cette
seconde opération s'est achevé sept mois plus tard et dès
le mois de novembre 1996, il n'y avait déjà plus de contre-
indication médicale à ce que le recourant reprenne une
activité adaptée à son état de santé (cf. les avis des
docteurs C.________ et G.________). Si son incapacité de
travail a finalement perduré, c'est avant tout - comme
l'ont jugé les experts du COMAI - en raison d'un trouble
somatoforme douloureux associé à un état psychique
défavorable. En définitive, on peut constater que les
difficultés que le recourant a rencontrées à la suite de sa
fracture au poignet ont augmenté la durée des soins
médicaux de 5 mois à une année et celle de l'inaptitude au
travail de 5 à 19 mois (étant précisé que dans ce laps de
temps le recourant a pu travailler à 50 % durant 6 mois),
ce qui est long mais reste en deçà de l'inhabituel. Par
ailleurs, on ne relève pas d'erreur dans le traitement
médical (cf. les déclarations du docteur H.________).

     On ne saurait dès lors faire grief aux premiers juges
d'avoir nié l'existence d'un lien de causalité adéquate
entre l'accident assuré et les troubles psychiques du re-
courant. Pour le surplus, le calcul de la perte de gain
auquel la CNA a procédé n'apparaît pas critiquable.

     5.- Quant à la conclusion du recourant tendant à l'oc-
troi d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux
supérieur à 15 %, elle s'avère également infondée.
     Le docteur D.________, médecin d'arrondissement de
l'intimée, a retenu comme séquelle de l'accident une
arthrose du poignet d'intensité moyenne avec une limitation
fonctionnelle modérée. Le recourant n'apporte à cet égard
aucun élément susceptible de remettre en cause cette appré-
ciation d'ailleurs conforme aux constatations effectuées
par les experts du COMAI sur le plan orthopédique. Or, au
regard de la table 5.2. relative aux atteintes à l'inté-
grité résultant d'arthroses et du genre d'affection dont il
est atteint, le recourant ne peut prétendre une indemnité
d'un taux sensiblement plus élevé à celle qui lui a été
accordée. C'est enfin à bon droit que lors de la fixation
de cette indemnité, il n'a pas été tenu compte de ses
troubles psychiques dès lors que ceux-ci, comme on l'a vu,
ne se trouvent pas en relation de causalité adéquate avec
l'accident assuré.

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est rejeté.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
     Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la
     République et canton du Jura, ainsi qu'à l'Office
     fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 16 octobre 2001

                                     Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIIe Chambre :

                                   La Greffière :