Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 361/2001
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U 361/01

Arrêt du 31 janvier 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier :
M. Wagner

F.________, recourant, représenté par Me Jean-MarieFaivre, avocat, rue de la
Rôtisserie 2, 1204 Genève,

contre

SOLIDA Assurances SA, Saumackerstrasse 35, 8048 Zürich, intimée

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 18 septembre 2001)

Faits :

A.
A.a F.________, né le 11 septembre 1959, a travaillé en qualité d'ouvrier
agricole au service de V.________, maraîcher à P.________. A ce titre, il
était assuré contre le risque d'accident professionnel et non professionnel
par la caisse-maladie Helvetia pour les prestations à court terme et par
Solida Assurances SA pour les prestations à long terme.
Le 26 janvier 1995, F.________ a été blessé à la jambe droite. Hospitalisé à
la clinique d'orthopédie de l'Hôpital X.________ pour une fracture
bi-malléolaire de la cheville droite, il a bénéficié de soins de dermabrasion
et subi une réduction sanglante avec ostéosynthèse.
Sur requête de l'Helvetia, le docteur S.________, spécialiste FMH en
chirurgie, a procédé à une expertise. Il a déposé ses conclusions dans un
rapport du 29 août 1996.
Par décision datée du 30 septembre 1995 (recte: 1996), l'Helvetia a avisé
F.________ qu'elle mettait fin au versement des prestations à court terme le
30 septembre 1996. En ce qui concerne les prestations à long terme, elle
transmettait le dossier à Solida Assurances SA.

A.b Le 25 février 1997, Solida Assurances SA a alloué à F.________ une
indemnité de 11 664 fr. pour une atteinte de 12 % à son intégrité. Elle
l'informait qu'il ne remplissait pas les conditions du droit à une rente
d'invalidité.
L'assuré a formé opposition contre cette décision. Il contestait le montant
de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité et faisait valoir qu'il avait
droit à une rente d'invalidité dès le 1er octobre 1996. Il a produit une
décision de l'Office cantonal AI de Genève du 11 février 1997, lui octroyant
à partir du 1er janvier 1996 une rente entière pour  une invalidité de 100 %,
assortie d'une rente complémentaire pour son épouse et d'une rente pour
enfant.
Par décision du 7 octobre 1999, Solida Assurances SA a rejeté l'opposition.
Elle a retenu que F.________ pouvait accomplir un temps de travail complet
dans une activité lucrative adaptée aux séquelles pathologiques de l'accident
du 26 janvier 1995. Se fondant sur les statistiques ESS de 1996, elle a
retenu qu'il pourrait réaliser dans des activités simples et répétitives un
salaire mensuel brut de 4408 fr. dans l'industrie (travaux divers, par ex.
alimentation d'une chaîne) et de 3040 fr. dans la restauration (caissier d'un
self-service). Le salaire d'ouvrier agricole étant de 2953 fr. par mois en
moyenne en l'année 1995, il résultait de la comparaison des revenus que
l'assuré ne subissait aucune perte de gain, ce qui conduisait à nier tout
droit à une rente d'invalidité.

B.
F.________ a formé recours contre cette décision devant le Tribunal
administratif de la République et canton de Genève, en concluant, sous suite
de frais et dépens, à l'annulation de celle-ci. Il invitait la juridiction
cantonale à dire et prononcer qu'il avait droit à une indemnité de 29 160 fr.
pour une atteinte de 30 % à son intégrité et à une rente entière
complémentaire d'invalidité jusqu'à concrétisation des mesures de formation
ou de reclassement professionnel de l'assurance-invalidité.
Par jugement du 18 septembre 2001, le Tribunal administratif a rejeté le
recours. En bref, il a considéré que F.________ ne subissait aucune perte de
gain et il a confirmé le taux de 12 % de l'atteinte à l'intégrité.

C.
F.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, en
concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de celui-ci. Il
invite le Tribunal fédéral des assurances à dire et prononcer qu'il a droit à
une rente d'invalidité de l'assurance-accidents pour une invalidité d'au
moins 30 %.
Solida Assurances SA et l'Office fédéral des assurances sociales renoncent à
se déterminer.

Considérant en droit :

1.
1.1 Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité de
l'assurance-accidents, singulièrement sur le taux d'incapacité de gain
présenté en raison des suites de l'accident du 26 janvier 1995.

1.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine
de l'assurance-accidents. Ce nonobstant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.
Aux termes de l'art. 18 al. 2 LAA (dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2002),
est réputé invalide celui dont la capacité de gain subit vraisemblablement
une atteinte permanente ou de longue durée. Pour l'évaluation de
l'invalidité, le revenu du travail que l'assuré devenu invalide par suite
d'un accident pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail,
est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide.

2.1 La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant
aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les
confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux
d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 104 V 136
consid. 2a et 2b; cf. aussi ATF 114 V 313 consid. 3a; VSI 2000 p. 84 consid.
1b).

2.2 Est déterminant à cet égard, le moment de l'ouverture du droit à une
éventuelle rente et non celui de la décision sur opposition (ATF 128 V 174).
Le droit du recourant aux prestations à court terme, en particulier aux
indemnités journalières, a pris fin au 30 septembre 1996. Le moment de
l'ouverture du droit à une rente éventuelle remonte donc au 1er octobre 1996,
dans la mesure où il n'y a pas eu de modification significative de la
situation des faits déterminants durant la période postérieure à l'ouverture
éventuelle du droit.

3.
Le recourant a bénéficié d'un stage de réentraînement au travail dispensé par
la Fondation PRO, d'une durée de six mois dès le 22 novembre 1999, pris en
charge par l'assurance-invalidité.
Se référant à un rapport du 10 août 2000, dans lequel la Fondation PRO a
constaté que, même sur des activités relevant de la petite manutention légère
de complexité nulle, sa rentabilité ne dépassait pas les 45 % de rendement
sur un 90 % de temps de travail complet - résultat qui demeurerait du reste
invariable quel que soit le temps de travail effectué -, le recourant fait
valoir que ce genre de rendement est totalement inexploitable dans
l'économie, d'autant plus qu'il doit travailler tout le temps assis et avec
sa jambe tendue et surélevée. Cela suffit, selon lui, à exclure la reprise de
toute activité lucrative.
Dans l'expertise du 29 août 1996, le docteur S.________ a constaté que malgré
une bonne consolidation de la fracture, l'évolution avait été longue et
difficile avec la survenance d'une algo-neurodystrophie et la persistance de
douleurs ayant rendu la rééducation extrêmement laborieuse. Il existait
toutefois une importante discrépance entre l'examen clinique (absence de
signe d'algo-dystrophie, mobilité de l'articulation tibio-tarsienne droite
discrètement diminuée, bonne consolidation des fractures avec des rapports
ostéo-articulaires conservés selon l'examen radiologique) d'une part, et les
plaintes du patient d'autre part. Dans l'activité antérieure d'ouvrier
agricole, l'incapacité de travail apparaissait actuellement importante et son
pourcentage ne pouvait être évalué qu'après un essai thérapeutique de reprise
du travail. Il était par contre évident que le patient était capable de
travailler à 100 % dans toute autre activité adaptée, en particulier ne
nécessitant pas de déplacements et s'effectuant en position assise.
Avec les premiers juges, la Cour de céans n'a aucune raison de s'écarter des
conclusions du docteur S.________, dont l'expertise répond aux exigences
permettant de lui reconnaître pleine force probante (ATF 125 V 353 consid.
3b/bb et les références; VSI 2001 p. 109 consid. 3b/bb), et que ne vient
contredire aucune autre pièce médicale. A juste titre, l'autorité inférieure
a retenu que le recourant est à même d'exercer à 100 % une activité adaptée à
son handicap, ne nécessitant ni déplacement ni position debout.

4.
4.1 Le calcul du revenu que le recourant aurait pu obtenir en qualité de
travailleur agricole s'il n'était pas invalide est litigieux.
Se référant aux dispositions du contrat-type de travail réglant actuellement
les conditions salariales des travailleurs agricoles (FAO du 15 mars 2000 p.
2 s.), celui-ci allègue qu'il devrait percevoir un salaire mensuel brut d'au
moins 3595 fr. Cela n'est toutefois pas pertinent, puisque, comme on l'a vu,
le moment déterminant pour la comparaison des revenus est le 1er octobre
1996.
En règle générale, le revenu hypothétique de la personne valide doit être
évalué sur la base du dernier revenu effectivement réalisé avant l'atteinte à
la santé (Ulrich Meyer-Blaser,  Bundesgesetz über die Invalidenversicherung,
Zurich 1997, p. 205). Compte tenu de ses capacités professionnelles et des
circonstances personnelles, on prend en considération ses chances réelles
d'avancement compromises par le handicap (VSI 2002 p. 161 consid. 3b et la
référence), en posant la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer
son activité sans la survenance de son invalidité. Dans tous les cas, il faut
établir au degré de la vraisemblance prépondérante ce qu'il aurait réellement
pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (RAMA 2000 n° U
400 p. 381 consid. 2a et la référence, 1993 n° U 168 p. 100 consid. 3b et la
référence).
Il ressort de la déclaration d'accident LAA, datée du 2 mars 1995, que le
dernier revenu comprenait un salaire de base (brut) de 2590 fr. par mois,
auquel s'ajoutaient une prime d'ancienneté de 145 fr. et des indemnités pour
vacances/jours fériés (calculées selon le taux de 8.33 %) de 227 fr. Selon
les informations produites en procédure cantonale (note du 12 mai 1997), le
salaire valide hypothétique mensuel aurait été en 1996 de 2973 fr. 65 (2600
fr. de salaire brut, en sus 145 fr. de prime d'ancienneté ainsi que 228 fr.
65 pour vacances). C'est ce montant qui doit être retenu dans la comparaison
des revenus.

4.2 Le recourant conteste le revenu d'invalide de 3500 fr. par mois pris en
considération par les premiers juges. Il fait valoir que ce montant a été
fixé de manière arbitraire puisque, nonobstant son handicap, aucune déduction
n'a été effectuée sur le salaire pris en compte.
Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation
professionnelle concrète de l'intéressé. En l'absence d'un revenu
effectivement réalisé, il y a lieu de se référer aux données statistiques,
telles qu'elles résultent des enquêtes sur la structure des salaires de
l'Office fédéral de la statistique (ATF 126 V 76 s. consid. 3b/aa et bb). On
se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se
fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 124 V 323 consid.
3b/bb; VSI 1999 p. 182). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des
statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances
personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au
handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de
séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du
pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire
statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent
influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 79 s. consid.
5b/aa-cc; VSI 2002 p. 70 s. consid. 4b).
Licencié par son ancien employeur pour le 30 juin 1996, le recourant n'a plus
exercé d'activité lucrative. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé,
il y a lieu de se référer aux données statistiques. Compte tenu de l'activité
légère de substitution, le salaire de référence est celui auquel peuvent
prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives dans le
secteur privé (RAMA 2001 n° U 439 p. 347), à savoir 4294 fr. par mois -
valeur en 1996 -, part au 13ème salaire comprise (La Vie économique, 12/98 p.
28, tabelle B 10.1; niveau de qualification 4). Ce salaire mensuel
hypothétique représente, compte tenu du fait que les salaires bruts
standardisés se basent sur un horaire de travail de quarante heures, soit une
durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en
1996 (41,9 heures; La Vie économique, 12/98 p. 27, tabelle B 9.2) un revenu
d'invalide de 4498 fr. par mois (4294 x 41,9 : 40).
Même si l'on tenait compte d'une déduction de 25 %, il en résulterait un
revenu d'invalide de 3373 fr. par mois, supérieur au salaire mensuel de
travailleur agricole de 2973 fr. 65, ce qui exclut toute incapacité de gain
au moment déterminant.

5.
Représenté par un avocat, le recourant, qui succombe, ne saurait prétendre
une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en
corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif de la
République et Canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 31 janvier 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre:   Le Greffier: