Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 305/2001
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U 305/01 /Tn

Arrêt du 26 juillet 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari. Greffier : M.
Beauverd

Allianz Suisse, Société d'Assurances, Badenerstrasse 694, 8048 Zürich,
recourante,

contre

M.________, intimée, représentée par Me Alain Schweingruber, avocat, avenue
de la Gare 49, 2800 Delémont

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances,
Porrentruy

(Jugement du 6 août 2001)

Faits :

A.
M.________ a travaillé en qualité d'employée de buanderie au Home X.________.
A ce titre, elle était assurée obligatoirement contre le risque d'accident
auprès de Elvia Société d'assurances (ci-après : Elvia).

Le 10 janvier 1996, alors qu'elle descendait un escalier à son domicile,
l'assurée a glissé et s'est heurté le coude droit à la balustrade. Elle a
consulté le docteur A.________, lequel l'a adressée au docteur B.________,
spécialiste en chirurgie orthopédique. Dans un rapport du 28 février 1996, ce
médecin a diagnostiqué une épitrochléite au coude droit qu'il a décrite comme
un état irritatif vraisemblablement post-traumatique de l'épitrochlée
humérale à droite, à l'insertion des longs fléchisseurs du poignet ainsi que
du pronateur rond.

Elvia a pris en charge le cas. Devant l'évolution défavorable, l'assurée a
cessé son activité lucrative le 23 mars 1996.

Sur proposition du docteur B.________, l'assurée a subi un examen IRM
pratiqué par le docteur C.________, spécialiste en radiologie. Dans un
rapport du 28 mai 1996, ce médecin a constaté l'absence de fissure, de
fracture ou d'épanchement. Il a fait état d'une lésion sous-cutanée de 2 X 3
X 3 cm, située au-dessus de l'épicondyle, pouvant éventuellement correspondre
à un hématome partiellement résorbé.

Le docteur B.________ ayant constaté une persistance des symptômes sous la
forme de douleurs diffuses dans la région cubitale (rapport du 4 juin 1996),
l'assurée a été adressée au docteur D.________, médecin-chef adjoint à la
Clinique Y.________ de l'Hôpital Z.________. Dans un rapport du 16 juillet
1996, ce praticien a posé le diagnostic de tendinite épitrochléenne chronique
du coude droit, de probable algoneurodystrophie localisée du coude droit, de
syndrome du canal carpien droit et d'état anxio-dépressif secondaire. Devant
l'échec des traitements conservateurs, le docteur E.________, spécialiste en
chirurgie plastique et reconstructive, a procédé à une exploration
chirurgicale et à la résection d'une boursite épitrochléenne post-traumatique
(protocole opératoire du 29 octobre 1996). Elvia a alors confié une expertise
au docteur F.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et chirurgie de
la main. Dans des rapports des 23 juin et 18 juillet 1997, ce médecin a fait
état d'un syndrome inflammatoire chronique, tenace, de la face interne du
coude droit, d'un status après contusion de l'épitrochlée et du nerf cubital
droit le 10 janvier 1996, de status après excision d'un tissu inflammatoire
sous-cutané en regard de l'épitrochlée droit le 29 octobre 1996 et d'une
petite instabilité, probablement constitutionnelle, du nerf cubital aux deux
coudes. A la question de savoir s'il existe un lien de causalité naturelle
entre l'accident et l'atteinte à la santé, l'expert a indiqué que l'analyse
anatomo-pathologique semble bien confirmer l'existence d'une boursite à un
endroit où il n'y a habituellement pas de bourse; il faut admettre que cette
affection a été causée par un événement traumatique, probablement l'accident
du 10 janvier 1996. Toutefois, une maladie de Südeck transitoire n'est pas à
exclure.

Elvia a complété l'instruction par une expertise confiée au docteur
G.________, spécialiste en chirurgie plastique, reconstructrice et
esthétique, et chirurgie de la main. Dans un rapport du 15 décembre 1998,
l'expert a posé le diagnostic suivant : état neuf mois et demi après
boursectomie et résection épitrochléenne, avec neurolyse simple du nerf
cubital, pour boursite histologiquement non confirmée et épitrochléite
chroniques secondaires à une contusion simple de la face interne du coude
droit : syndrome douloureux inflammatoire chronique, résistant au traitement;
état anxio-dépressif secondaire; forte suspicion de pathomimie (syndrome de
Secrétan) et/ou de sinistrose; suspicion de syndrome compressif fruste des
nerfs médian et cubital aux canaux carpien et de Guyon (main droite);
possible maladie de Südeck infraclinique. Il a attesté que l'état de santé
physique et psychique était, de façon certaine, la conséquence directe de
l'accident du 10 janvier 1996, aucun facteur étranger n'ayant joué de rôle
dans l'apparition de ces troubles. Dans un complément d'expertise du 27 avril
1999, ce médecin a toutefois indiqué qu'en l'absence de toute atteinte
psychosomatique, on pourrait s'attendre à une évolution d'une durée de six
mois pour un patient qui, à l'instar de l'assurée, aurait accumulé tous les
éléments défavorables évoqués pour les divers diagnostics posés.

Enfin, Elvia a confié une expertise au docteur H.________, spécialiste en
chirurgie. Dans un rapport du 12 novembre 1999, établi sur la base du dossier
uniquement, ce praticien a indiqué qu'une origine traumatique des troubles
actuels apparaissait plutôt invraisemblable. En revanche, il est hautement
vraisemblable que la persistance des douleurs est due à des facteurs
psychogènes sous la forme d'un trouble de l'adaptation et/ou d'un trouble
somatoforme douloureux.

Par décision du 17 mai 2000, Elvia a supprimé, à partir du 1er février 1999,
le droit de l'assurée à des prestations de l'assurance-accidents, motif pris
de l'absence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre les troubles
persistant après cette date et l'accident du 10 janvier 1996.

Saisie d'une opposition, elle l'a rejetée par décision du 19 septembre 2000.

B.
Par jugement du 6 août 2001, le Tribunal cantonal du canton du Jura a admis
le recours de l'assurée et annulé la décision attaquée.

C.
Elvia interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle
requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à ce que le
Tribunal fédéral des assurances constate que le recours formé devant la
juridiction cantonale était irrecevable, subsidiairement, à ce que sa
décision sur opposition du 19 septembre 2000 soit confirmée.

L'intimée conclut, sous suite de dépens, au rejet du recours, ce que propose
également la juridiction cantonale. De son côté, l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à présenter une détermination.

Considérant en droit :

1.
La recourante conclut principalement à ce que la Cour de céans constate que
le recours formé devant la juridiction cantonale était irrecevable.

En l'occurrence, on ne voit pas en quoi la juridiction cantonale aurait
manqué à son obligation d'examiner les conditions dont dépendait la qualité
pour recourir de l'assurée ou celles mises à l'examen du fond du litige. Au
demeurant, le mémoire de recours de droit administratif ne contient aucune
motivation à l'appui de cette conclusion.

2.
Le litige porte subsidiairement sur le point de savoir si la recourante était
fondée, par sa décision sur opposition du 19 septembre 2000, à supprimer, à
partir du 1er février 1999, le droit de l'intimée à des prestations de
l'assurance-accidents. Il convient donc d'examiner si l'intéressée souffrait
encore, après cette date, d'une atteinte à la santé due à l'accident du 10
janvier 1996 (cf. art. 6 al. 1 LAA).

Le jugement entrepris expose de manière exacte la jurisprudence au sujet du
lien de causalité naturelle et adéquate entre l'événement dommageable de
caractère accidentel et l'atteinte à la santé. Il suffit donc d'y renvoyer.

3.
3.1 Sur le plan somatique, la juridiction cantonale a admis l'existence de
signes objectivables de lésions tissulaires, sous la forme, notamment, d'un
oedème important dans la région du coude droit. Elle s'est fondée pour cela
sur le rapport du docteur C.________ (du 28 mai 1996), lequel a fait état, en
l'absence d'autres lésions objectivables (fissure, fracture ou épanchement),
d'une lésion sous-cutanée de 2 X 3 X 3 cm située au-dessus de l'épicondyle.
Les premiers juges invoquent également l'avis du docteur D.________ (rapport
du 16 juillet 1996), selon lequel il existait un important oedème dans la
région épitrochléenne. Enfin, ils se réfèrent au protocole opératoire du 29
octobre 1996, dans lequel le docteur E.________ a fait état de la résection
d'une boursite post-traumatique sur l'épitrochlée droite.

3.2 Sur le vu de ces avis médicaux, il est indéniable que l'intimée
présentait, en 1996, des lésions post-traumatiques objectivables, pour
lesquelles, d'ailleurs, la recourante a alloué ses prestations. Toutefois, le
litige porte exclusivement sur le droit éventuel de l'intéressée à des
prestations après le 1er février 1999 et il convient d'examiner si de tels
troubles existaient encore après cette date.

A cet égard, le docteur G.________ (rapport d'expertise du 15 décembre 1998
et rapport complémentaire du 27 avril 1999) a fait état d'une épitrochléite
chronique post-traumatique et suspecté l'existence d'une algoneurodystrophie
de Südeck. Selon ce médecin, l'évolution d'une épitrochléite post-traumatique
peut être pernicieuse, à plus forte raison si elle se complique d'une maladie
de Südeck. L'expert a ajouté que des troubles psychosomatiques ont influencé
l'évolution de l'affection physique, indiquant que sans ces troubles,
l'affection en cause n'aurait pas perduré au-delà d'une période de six mois
chez un patient qui, à l'instar de l'assurée, aurait accumulé tous les
éléments défavorables évoqués pour les divers diagnostics mentionnés.

L'avis du docteur H.________, qui n'a pas procédé à des examens
complémentaires mais s'est prononcé uniquement sur la base du dossier
(rapport d'expertise du 12 novembre 1999), ne permet pas de s'écarter de
l'appréciation du docteur G.________. En particulier, on ne saurait partager
le point de vue du docteur H.________, selon lequel les investigations
effectuées n'ont pas permis d'objectiver des lésions physiques, puisque le
docteur G.________ a précisément constaté l'existence d'une épitrochléite
chronique post-traumatique probablement aggravée par une maladie de Südeck.
Quant à l'argument que des troubles de l'adaptation et/ou des troubles
psychosomatiques ont une influence sur l'évolution du cas, il ne fait que
confirmer l'avis du docteur G.________.

3.3 Cela étant, il appert des rapports de cet expert que l'intimée souffrait
encore, après le 1er février 1999, de troubles somatiques sous la forme d'une
épitrochléite chronique post-traumatique. Par ailleurs, même si la
persistance de cette affection a été grandement favorisée par différents
facteurs (algoneurodystrophie de Südeck probable et troubles psychosomatiques
et/ou troubles de l'adaptation), il n'en demeure pas moins, sur le vu des
conclusions du docteur G.________, que l'accident du 10 janvier 1996 apparaît
comme la cause sine qua non de l'affection en question, de sorte que
l'exigence de la causalité naturelle est réalisée en l'occurrence.

3.4 Selon la jurisprudence, en présence d'une atteinte à la santé physique en
relation de causalité naturelle avec un accident assuré, on admet que
l'exigence de la causalité adéquate est également réalisée, car l'assureur
répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne
se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 291
consid. 3a, 117 V 365 en bas).

En l'espèce, on doit donc admettre l'existence d'un lien de causalité
adéquate entre les troubles somatiques persistant après le 1er février 1999
et l'accident du 10 janvier 1996. Aussi, la recourante n'était-elle pas
fondée, par sa décision sur opposition du 19 septembre 2000, à supprimer, à
partir du 1er février 1999, le droit de l'intimée à des prestations de
l'assurance-accidents. Le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable
et le recours se révèle mal fondé.

4.
L'intimée, qui obtient gain de cause, est représentée par un avocat. Elle a
droit à une indemnité de dépens pour la procédure fédérale (art. 159 al. 1 en
relation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
La recourante versera à l'intimée la somme de 1800 fr. (y compris la taxe sur
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 26 juillet 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre:   Le Greffier: