Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 254/2001
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U 254/01 Tn

                       IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffière : Mme Berset

                   Arrêt du 5 juin 2002

                       dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

                          contre

C.________, intimé, représenté par Me Gilbert Bratschi,
avocat, rue d'Aoste 4, 1204 Genève,

                            et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

     A.- C.________ était assuré contre le risque d'acci-
dents par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA).
      Le 24 avril 1997, il s'est blessé sur un chantier à
l'épaule droite (rupture complète de la coiffe des rota-
teurs) et au membre inférieur gauche, alors qu'il essayait
de retenir un rouleau de 600 kg qui s'était mis en mouve-
ment sur une rampe. Le 24 mai 1997, la doctoresse

A.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, a pro-
cédé à une réinsertion de la coiffe des rotateurs et à une
acromioplastie.
     Par décision du 27 août 1999, la CNA a alloué à l'as-
suré une rente fondée sur un taux d'invalidité de 6 %, dès
le 1er juin 1998, et une indemnité pour atteinte à l'inté-
grité de 15 %. Elle est parvenue au taux de 6 % d'invalidi-
té en comparant le salaire que C.________ aurait obtenu en
1998 à celui qu'il aurait réalisé en exerçant l'activité
légère de substitution que lui proposait son employeur.
     Par décision sur opposition du 12 mai 2000, elle a
confirmé sa décision, en se référant également aux revenus
ressortant de différentes descriptions de poste de travail
(DPT).

     B.- C.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Genève, en concluant
à l'allocation d'une rente d'invalidité fondée sur une per-
te de gain de l'ordre de 50 %.
     Par jugement du 26 juin 2001, la juridiction cantonale
a partiellement admis le recours, en ce sens qu'elle a oc-
troyé à l'assuré une rente d'invalidité de 22 %, à partir
du 1er juin 1998.

     C.- La CNA interjette recours de droit administratif
contre ce jugement, dont elle demande l'annulation, en con-
cluant à la confirmation de sa décision sur opposition du
12 mai 2000.
     C.________ conclut, sous suite de frais et dépens, au
rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales
renonce à se déterminer.

     D.- Par décision du 7 juillet 2000, l'Office AI du
canton de Genève a octroyé à l'assuré une rente entière
d'invalidité, fondée sur un taux d'invalidité de 100 %,
avec effet rétroactif au 1er avril 1998. Cette décision
était fondée, notamment, sur un rapport du docteur

B.________ du 30 novembre 1998 dont il ressort que
C.________ présentait des cervicobrachialgies droites sur
troubles statiques et dégénératifs de la colonne cervicale
sur protrusion discale C3-C4, sur canal cervical étroit,
sur hernie discale C5-C6 et post-traumatiques, un status
post-traumatique de l'épaule droite avec déchirure complète
de la coiffe des rotateurs, un status post-opératoire de
l'épaule droite, un état anxio-dépressif chronique et un
goitre; attribuable à la maladie, à partir du 2 juin 1998,
l'incapacité de travail était totale.

                  Considérant en droit :

     1.- Le litige porte sur le droit de l'intimé à une
rente d'invalidité de la recourante, plus particulièrement
sur le taux d'invalidité entrant dans le calcul de celle-
ci.

     2.- Selon l'art. 18 LAA, si l'assuré devient invalide
à la suite d'un accident, il a droit à une rente d'invali-
dité (al. 1). Est réputé invalide celui dont la capacité de
gain subit vraisemblablement une atteinte permanente ou de
longue durée. Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu
du travail que l'assuré devenu invalide par suite d'un ac-
cident pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle
de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation
équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu
qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (al. 2).
     A cet égard, le revenu d'invalide doit être évalué
avant tout en fonction de la situation professionnelle
concrète de l'intéressé. En l'absence d'un revenu effecti-
vement réalisé, la jurisprudence considère que le revenu
d'invalide peut être évalué sur la base de statistiques
salariales (ATF 126 V 76-77 consid. 3b), singulièrement à
la lumière de celles figurant dans l'enquête suisse sur la

structure des salaires, publiée par l'Office fédéral de la
statistique (ATF 124 V 321). La mesure dans laquelle les
salaires ressortant des statistiques doivent être réduits,
dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et
professionnelles du cas particulier (limitations liées au
handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie
d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte
d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'apprécia-
tion. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire
statistique permet de tenir compte des différents éléments
qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative
(ATF 126 V 79-80 consid. 5b/aa-cc).

     3.- a) En l'espèce, les premiers juges se sont fondés,
à juste titre sur les conclusions du 26 mars 1998 du doc-
teur D.________, médecin d'arrondissement de la CNA, con-
cernant les activités exigibles de la part de l'intimé pour
ce qui est des séquelles organiques imputables uniquement à
l'accident, à l'exclusion des affections attribuables à la
maladie (cf. sur cette distinction consid. 4 infra). Il en
résulte que l'intimé n'est pas apte à reprendre sa profes-
sion antérieure de machiniste et qu'il est, en revanche, en
mesure d'exercer à plein temps et plein rendement, une
activité légère, alternant le port de charges de 10 à 15 kg
maximum et ne sollicitant pas le membre supérieur droit au-
delà de l'horizontale. Basé sur une étude attentive du dos-
sier, comprenant une anamnèse complète des faits médicaux
déterminants, une discussion détaillée de la problématique
médicale rencontrée par l'intimé exempte de contradiction
et des conclusions convaincantes, ce rapport remplit toutes
les exigences requises par la jurisprudence pour se voir
reconnaître entière valeur probante (ATF 125 V 352 con-
sid. 3a et 353 sv. consid. 3b/ee). Les conclusions du doc-
teur D.________ ont d'ailleurs été confirmées, de manière
convaincante, par un rapport du 11 février 1999 du docteur
E.________, spécialiste en chirurgie et membre de l'équipe
médicale de médecine des accidents de la CNA.

     Le rapport du 14 juillet 2000 du docteur F.________,
spécialiste en chirurgie orthopédique, faisant état d'une
éventuelle lésion méniscale - qui serait confirmée par une
IRM pratiquée le 30 mai 2000 - ne saurait remettre en ques-
tion l'exigibilité décrite par le docteur D.________ pour
la période du 1er juin 1998 au 12 mai 2000 (date de la dé-
cision sur opposition). En revanche, cette circonstance
pourrait, cas échéant, justifier une révision du droit à la
rente d'invalidité au-delà de cette date, pour autant que
ces troubles soient susceptibles de réduire la capacité de
travail de l'intimé et que l'existence d'un rapport de cau-
salité naturelle avec l'accident du 24 avril 1997 soit éta-
blie.
     Par ailleurs, les affections dégénératives et l'état
anxio-dépressif mis en évidence par le dossier de l'assu-
rance-invalidité (rapports des docteurs A.________, du
23 juin 1998, B.________, du 30 novembre 1998, et
G.________, du 29 septembre 1999) sont, de l'avis même de
ces médecins, attribuables à la maladie. C'est dès lors à
juste titre que le docteur D.________ n'en a pas tenu
compte dans son appréciation des tâches exigibles de la
part de l'intimé.

     b) Pour apprécier la diminution de la capacité de gain
de l'intimé, les premiers juges ont retenu, d'une part, un
revenu sans invalidité de 4661 fr. par mois (4303 fr. +
8.33 %). Ce montant - qui correspond au salaire mensuel que
l'intimé aurait réalisé en 1998 selon les informations de
l'employeur - n'est pas contesté.
     D'autre part, écartant sept DPT sur neuf qu'elle a
jugées non appropriées, la cour cantonale a retenu trois
montants à titre de revenu d'invalide, soit 3823 fr. (in-
trouvable au dossier), 3500 fr. (tiré de sa jurisprudence
récente) et 3598 fr. (issu des statistiques salariales,
après abattement de 20 %). Elle a comparé ceux-ci au revenu
sans invalidité de 4661 fr. et a déterminé le taux d'inva-
lidité de l'intimé en prenant la moyenne (21.89 %) des

résultats obtenus (soit 17,97 %, 24,9 % et 22.8 %), qu'elle
a arrondi à 22 %.

     c) Pour sa part, la recourante admet que deux postes
étaient inadéquats et soutient, en revanche, que rien ne
justifiait d'écarter les DPT restantes.

     d) Il n'est toutefois pas nécessaire d'examiner ce
point de manière approfondie. Selon la jurisprudence, lors-
que, comme en l'espèce, l'assuré n'a pas repris d'activité
professionnelle, il y a lieu de se référer aux données sta-
tistiques, telles qu'elles résultent des enquêtes sur la
structure des salaires de l'Office fédéral de la statis-
tique (ATF 126 V 76 sv. consid. 3b/aa et bb). On se réfère
alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en
se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale. Dans
la mesure où les juges cantonaux estimaient ne pas pouvoir
se fonder sur sept des neuf DPT produites par la recou-
rante, il leur incombait donc de se référer à ces données
d'expérience, à l'exclusion d'autres bases.
     En l'occurrence, compte tenu de l'activité légère de
substitution que pourrait exercer l'intimé, le salaire de
référence est celui auquel peuvent prétendre les hommes
effectuant des activités simples et répétitives dans le
secteur privé, soit en 1998, 4268 fr. par mois, part au
13ème salaire comprise (La Vie économique, 9-2001 p. 85,
tabelle B 10.1; niveau de qualification 4). Ce montant
mensuel hypothétique représente, compte tenu du fait que
les salaires bruts standardisés se basent sur un horaire de
travail de quarante heures, soit une durée hebdomadaire
inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en
1998 (41,9 heures; La Vie économique, 9-2001 p. 84, tabel-
le B 9.2) un revenu d'invalide de 4470 fr. par mois
(4268 x 41,9 : 40). Comme 2000 est en l'occurrence l'année
de référence pour la comparaison des revenus (cf. ATF
121 V 366 consid. 1b), ce montant doit être adapté à l'évo-
lution des salaires des années 1999 (0.3 %) et 2000

(1.3 %), ce qui donne un revenu d'invalide de 4541 fr. par
mois (cf. La Vie économique, 9-2001 p. 85, tabelle B 10.2).
     Ce revenu doit toutefois être réduit afin de tenir
compte de certains empêchements propres à l'intimé (limi-
tation fonctionnelle de l'épaule, âge, passage d'une acti-
vité lourde à une activité légère; ATF 126 V 76 sv.). En
l'espèce, les circonstances personnelles et professionnel-
les du cas justifient une réduction du revenu d'invalide
qui ne saurait excéder 15 % (RAMA 1998 no U 320 p. 600 ss).
Compte tenu d'une diminution de ce pourcentage, le revenu
d'invalide s'élève en définitive à 3860 fr. par mois.

     e) Le revenu réalisable sans invalidité de 4661 fr.
par mois en 1998 (4303 fr. + 8,33 %) doit être adapté à
l'évolution des salaires entre 1998 et 1999 (0.3 %) et 1999
et 2000 (1.3 %) et porté à 4736 fr. La comparaison avec le
revenu d'invalide résultant des données statistiques
(3860 fr.) laisse apparaître une incapacité de gain de
18,50 %, inférieure à celle de 22 % retenue par les pre-
miers juges.

     4.- Selon la jurisprudence, l'uniformité de la notion
d'invalidité, qui doit conduire à fixer pour une même at-
teinte à la santé un même taux d'invalidité, règle la coor-
dination de l'évaluation de l'invalidité dans les différen-
tes branches de l'assurance sociale (ATF 126 V 291 con-
sid. 2a). Des divergences ne sont toutefois pas à exclure
d'autant que le caractère uniforme de la notion d'inva-
lidité ne libère pas les divers assureurs sociaux de
l'obligation de procéder chacun de manière indépendante à
l'évaluation de l'invalidité dans chaque cas concret.
     Dans le cas particulier le taux de l'assurance-invali-
dité ne lie pas l'assureur-accidents, car il prend en con-
sidération des affections dégénératives et un état anxio-
dépressif dont la recourante n'a pas à répondre (cf. con-
sid. 3a in fine).

     5.- L'intimé, qui obtient presque entièrement gain de
cause, a droit à des dépens (art. 159 al. 1 en corrélation
avec l'art. 135 OJ).

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est partiellement admis et le jugement du
     26 juin 2001 du Tribunal administratif du canton de
     Genève est modifié en ce sens que l'intimé a droit à
     une rente d'invalidité de l'assurance-accidents de
     18.5 %, dès le 1er juin 1998.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'acci-
     dents versera à C.________ la somme de 2000 fr. (y
     compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens
     pour la procédure fédérale.

 IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
     bunal administratif du canton de Genève et à l'Office
     fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 5 juin 2002

                                      Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIIe Chambre :

                                   La Greffière :