Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 233/2001
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2001
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2001


U 233/01

Arrêt du 7 mars 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière : Mme
Berset

ELVIA Assurances, avenue du Bouchet 2, 1209 Genève, recourante,

contre

S.________, intimé, représenté par Me Gérard Montavon, avocat, rue Toepffer
11bis, 1206 Genève,

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 22 mai 2001)

Faits :

A.
A.a S.________, né en 1929, est tailleur de formation et exploite à Genève
une petite entreprise de confection, dont la façon est essentiellement
confiée à des sous-traitants. Il est assuré auprès de Elvia assurances pour
la vie et contre les accidents S.A. (l'Elvia) pour le risque d'accidents au
sens de la LAA, à titre facultatif.

A.b Le 1er septembre 1994, il a glissé dans sa salle de bain et heurté avec
la tête les catelles et le crochet de sa douche. Le docteur D.________ a posé
le diagnostic de plaie compacte de l'arcade sourcilière droite et de
commotion cérébrale; il a suturé la plaie de 3 cm et prescrit du repos; le
traitement s'est terminé chez ce praticien le 16 septembre 1994 (rapport du
12 octobre 1994 du Centre X.________).

Se plaignant d'une recrudescence de céphalées, de vertiges, de faiblesses, de
troubles de la vue, de troubles du sommeil, ainsi que de difficultés
mnésiques et de concentration (rapports des 4 août 1995 et 29 février 1996 du
docteur B.________, spécialiste en neurologie et neurochirurgie), S.________
a été examiné par différents spécialistes et a fait l'objet de nombreux
examens; ainsi, notamment, il s'est soumis à une IRM du cerveau qui n'a mis
en évidence aucune lésion fraîche mais a permis de retenir une atrophie
corticale et des signes de sinusites et de sphénoïdite (rapport du 28
septembre 1994 du docteur A.________, spécialiste en radiologie); il a été
observé à la clinique d'ophtalmologie de l'Hôpital Y.________ du 19 au 21
octobre 1994, qui a retenu un déficit visuel central et périphérique pour
lequel des verres correcteurs ont été prescrits (rapports des 4 novembre 1994
et 4 avril 1995 du professeur Roth); il a été hospitalisé du 21 au 24
décembre 1994 dans le service de neurologie de l'Hôpital Y.________ pour un
bilan qui a évoqué cliniquement des céphalées post-traumatiques s'installant
dans le contexte de céphalées tensionnelles préexistantes, avec un CT-scan
cérébral normal (rapport du 5 janvier 1995 des docteurs H.________ et
V.________); au plan neuropsychologique, il a été conclu à l'existence de
signes de dysfonctionnement cérébral modérés qui pouvaient constituer des
séquelles neuropsychologiques de l'accident de 1994 (rapport du 20 juin 1996
de la psychologue M.________). L'incapacité de travail a été totale de la
date de l'accident jusqu'au 4 octobre 1994 où l'assuré a repris son activité
à un taux de 20 %, puis à 30 % dès le 2 novembre 1994, excepté les périodes
d'hospitalisation pour investigations.

A.cLe 11 février 1995, S.________ a chuté dans les escaliers de son immeuble;
il est tombé sur son bras gauche et s'est cassé le coude. Le lendemain, le
docteur U.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, a posé le
diagnostic de fracture multifragmentaire de l'olécrane gauche et procédé à la
réduction de la fracture par ostéosynthèse (rapports des 21 février et 4 mai
1995). L'incapacité de travail a été totale à partir de l'accident; une
reprise d'activité dès le 6 juin 1995 a été limitée à 20 % en raison des
douleurs au coude (rapport du 3 juillet 1995 du docteur U.________). Après
l'ablation du matériel d'ostéosynthèse, le 7 mars 1996, le docteur U.________
n'a attesté d'une capacité de travail que de 20 % en raison de la persistance
de douleurs (rapport du 6 septembre 1995).

A.d L'Elvia a confié au docteur K.________, spécialiste en chirurgie
orthopédique et de la main, un mandat d'expertise. Au terme de son rapport du
3 décembre 1996, ce praticien a conclu que l'accident du 1er septembre 1994
avait provoqué une incapacité de travail totale jusqu'au 1er octobre 1994, le
statu quo sine ayant été atteint à cette date; l'accident du 11 février 1995
avait entraîné - exception faite de la période où l'assuré avait pu exercer
une activité à 20 % entre le 6 juin 1995 et le 7 mars 1996 - une incapacité
de travail totale jusqu'au 7 juillet 1996, soit trois mois après l'ablation
du matériel d'ostéosynthèse; les douleurs et les multiples troubles
fonctionnels dont se plaignait l'assuré étaient très vraisemblablement sans
relation avec les accidents évoqués.

A.e L'instruction du cas a révélé que S.________ avait été victime par le
passé de multiples accidents, qu'il avait présenté et présentait de nombreux
problèmes de santé et qu'il avait fait l'objet de plusieurs expertises
médicales : ainsi, un traumatisme cranio-cérébral en 1958, une fracture de la
clavicule gauche en 1963, une distorsion lombaire en 1968, une contusion
crânienne et du nez en 1972, une fracture du genou droit en 1975 et des
fractures costales droites en 1977; ces différents accidents avaient provoqué
des douleurs généralisées, sous forme de céphalées, de lombalgies, de
nucalgies, de troubles du sommeil et de fatigabilité et avaient entraîné une
incapacité de travail de 50 % depuis le 1er octobre 1977 (rapport du 17
juillet 1979 du docteur B.________). Une fracture du plateau tibial droit,
avec plaies faciales, commotion cervicale et distorsion cervico-dorsale lors
d'un accident de voiture avec choc frontal en 1980; un  traumatisme au
vertex, au genou gauche et ostéoligamentaire, suite à un nouvel accident de
circulation en 1985; l'accident de 1980 avait laissé des séquelles au niveau
du genou droit et avait provoqué des troubles post-commotionnels multiples,
sous forme de fatigabilité, céphalées, vertiges, cervicalgies, algies
diverses, troubles du sommeil, angoisse avec reconnaissance d'une incapacité
de travail de 50 % et une invalidité anatomique de 54 % (expertise du 9
octobre 1981 du docteur L.________, spécialiste en médecine interne;
expertise des 21 avril/28 décembre 1987 du professeur R.________); l'accident
de 1985 avait entraîné une aggravation des céphalées et des cervicalgies avec
reconnaissance d'une incapacité de travail supplémentaire de 20 % (expertise
du professeur R.________) . Une fracture du 5ème métacarpien du pied gauche
le 8 mars 1993 qui entraînait encore en 1996 une incapacité de travail de 20
% mais qui pouvait être réduite par le port de bons supports plantaires
(rapport du 23 juillet 1996 du docteur C.________, spécialiste en orthopédie
et chirurgie orthopédique).

Après avoir retiré une première demande de prestations du 3 juillet 1979,
S.________ s'était annoncé à l'AI le 11 octobre 1983. L'assurance-invalidité
fédérale a reconnu qu'il présentait une invalidité de 80 % à partir du 29
octobre 1981 et il a été mis au bénéfice d'une rente entière d'invalidité dès le 1er octobre 1982 jusqu'à l'âge de l'AVS.

A.f Par une première décision du 13 janvier 1997, l'Elvia a mis fin à la
prise en charge du sinistre du 1er septembre 1994, le statu quo sine ayant
été atteint au 1er octobre 1994. Par une seconde décision du même jour,
l'Elvia a mis fin à la prise en charge des suites de l'accident du 11 février
1995 au 31 octobre 1996, le traitement médical et les indemnités journalières
ayant été payés jusqu'à cette date; demeuraient réservées, à long terme une
évolution arthrosique post-traumatique du coude gauche et la question de
l'indemnité pour atteinte à l'intégrité sur laquelle elle se proposait de
revenir. S.________ a formé opposition contre ces deux décisions, contestant
à titre principal les données médicales sur lesquelles l'assureur s'était
basé. Le 2 juillet 1997, l'Elvia a rejeté ces oppositions et confirmé la fin
du droit aux prestations au 31 octobre 1996, pour les suites des accidents
dont elle avait à répondre, sous réserve d'une éventuelle évolution
arthrosique du coude gauche.

B.
S.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif
de la République et canton de Genève et conclu à l'octroi des prestations
légales au-delà du 31 octobre 1996.

Le 1er décembre 1998, le tribunal a confié au docteur N.________,
médecin-adjoint responsable de l'unité de neuropsychologie auprès de
l'Hôpital Y.________, un mandat d'expertise.

L'expert s'est adjoint le concours du docteur T.________ pour l'aspect
orthopédique et a déposé son rapport le 29 juillet 1999; suite à son audition
par le tribunal et différentes questions des parties, il a déposé un
complément d'expertise le 15 décembre 2000.

Par jugement du 22 mai 2001, le tribunal a admis partiellement le recours,
dit que le taux d'incapacité de travail dont devait répondre l'assureur était
de 35 %, dit que le recourant avait droit aux soins médicaux au sens des
considérants et renvoyé le dossier à l'assureur pour le calcul de la rente
d'invalidité et examen du droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité.

C.
Elvia interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle
demande l'annulation.

S. ________ conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens,
tandis que le tiers intéressé Concordia, assurance suisse de maladie et
accidents, et l'Office fédéral des assurances sociales renoncent à se
déterminer.

Considérant en droit :

1.
Est litigieux dans le cas d'espèce, le droit de l'intimé à des prestations
d'assurances de la recourante au-delà du 31 octobre 1996 à raison des suites
des accidents du 1er septembre 1994 et du 11 février 1995.

2.
Sur la base de l'expertise du docteur N.________ du 29 juillet 1999 et de son
complément du 15 décembre 2000, les premiers juges ont considéré que les deux
accidents entraînaient une incapacité globale de travail de 35 % dans
l'activité habituelle de l'intimé, soit 20 % en raison de l'impotence
fonctionnelle du bras gauche et 15 % en raison de troubles
neuropsychologiques modérés.

L'Elvia fait grief aux premiers juges de s'être basés sur les conclusions de
l'expert judiciaire, principalement sous l'angle de l'incapacité de travail
imputée aux accidents du 1er septembre 1994 et du 11 février 1995, au regard
des nombreux accidents dont avait été victime l'intimé et des différentes
incapacités de travail attestées par le médecin-traitant et les experts
mandatés par d'autres assureurs avant les accidents de 1994 et 1995. D'autre
part, s'agissant des troubles neuropsychologiques, elle reproche à l'instance
inférieure de ne pas avoir examiné sa responsabilité sous l'angle de la
causalité adéquate après avoir admis un lien de causalité naturelle entre les
troubles et l'incapacité de travail consécutifs à l'accident du 1er septembre
1994.

3.
3.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas
d'accident professionnel, d'accident non-professionnel et de maladie
professionnelle. Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré
suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et
l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est
remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le
dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de
la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la
cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit que
l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait
provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré,
c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci.
Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un
rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration
ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des
renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à
la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à
l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque
l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage
paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le
cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré
doit être nié (ATF 119 V 337 consid. 1, 118 V 289 consid. 1b et les
références).

Le droit à des prestations suppose en outre l'existence d'un lien de
causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire
des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à
entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce
résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance
(ATF 125 V 461 sv consid. 5a et les références).

3.2 En matière de lésions au rachis cervical par accident de type «coup du
lapin» (ATF 119 V 335, 117 V 359), de traumatisme analogue (SVR 1995 UV n° 23
p. 67) ou de traumatisme cranio-cérébral (ATF 117 V 369), sans preuve d'un
déficit fonctionnel organique, l'existence d'un lien de causalité naturelle
entre l'accident et l'incapacité de travail ou de gain doit en principe être
reconnue en présence d'un tableau clinique typique présentant de multiples
plaintes (maux de tête diffus, vertiges, troubles de la vue, de la
concentration et de la mémoire, fatigabilité, dépression, etc.). Il faut
cependant que, médicalement, les plaintes puissent de manière crédible être
attribuées à une atteinte à la santé; celle-ci doit apparaître, avec un degré
de vraisemblance prépondérante, comme la conséquence de l'accident (ATF 119 V
338 ss consid. 2, 117 V 360 sv consid. 4b).

Ensuite, si l'accident est de gravité moyenne, il faut examiner le caractère
adéquat du lien de causalité en se fondant sur les critères énumérés aux ATF
117 V 366 sv consid. 6a et 382 sv consid. 4b. Ces critères sont les suivants
:
- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le
caractère    particulièrement impressionnant de l'accident;
- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques;
- la durée anormalement longue du traitement médical;
- les douleurs persistantes;
- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable
des  séquelles de l'accident;
- les difficultés apparues au cours de la guérison et les complications
impor- tantes;
- le degré et la durée de l'incapacité de travail.

A la différence des critères valables en cas d'atteinte à la santé psychique
non consécutive à un traumatisme de type «coup du lapin», d'un traumatisme
analoge ou d'un traumatisme cranio-cérébral (ATF 115 V 140 consid. 6c/aa), il
n'est pas décisif de savoir si les troubles dont est atteint l'assuré sont
plutôt de nature somatique ou psychique (ATF 117 V 367 consid. 6a; RAMA 1999
no U 341 p. 408 sv consid. 3b). Toutefois, si les troubles appartenant
spécifiquement au tableau clinique des suites d'un traumatisme de type «coup
du lapin» à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue ou d'un
traumatisme cranio-cérébral bien qu'en partie établis, sont rapidement
relégués au second plan par rapport aux problème d'ordre psychique, ce sont
les critères énumérés aux ATF 115 V 140 consid. 6c/aa et 409 consid. 5c/aa,
et non pas ceux mentionnés aux ATF 117 V 366 sv consid. 6a et 382 sv consid.
4b, qui doivent fonder l'appréciation de la causalité adéquate (RAMA 2002 no
U 465 p. 437; ATF 123 V 99 consid. 2a).

4.
4.1 Au terme de son expertise du 29 juillet 1999, le docteur N.________ a
conclu qu'une incapacité de travail de 70 % dans l'activité exercée par
l'intimé lui paraissait cohérente avec les déficits dont il souffrait à ce
moment-là; 40 % de l'incapacité étaient liés à l'impotence fonctionnelle du
bras gauche et les 30 autres étaient à mettre en rapport avec des troubles
neuropsychologiques modérés. L'incapacité était aggravée par des troubles non
liés aux accidents de 1994 et 1995; ainsi, s'agissant du syndrome
post-commotionnel, la moitié de l'incapacité relevait des accidents
antérieurs, notamment ceux de 1980 et de 1985; s'agissant de l'impotence
fonctionnelle du bras gauche, la moitié de l'incapacité de travail relevait
de chondrocalcinoses pluriarticulaires et de troubles neurogènes probablement
liés au syndrome de Klippel-Trénaunay. Entendu par le Tribunal, le docteur
N.________ a indiqué que l'appréciation relative à l'incapacité de travail,
avait été effectuée en tenant compte d'une totale récupération de la capacité
de travail avant l'accident de 1994 selon les indications du patient
(procès-verbal d'audition du 1er septembre 2000). Invité par le Tribunal à
déterminer la capacité de travail effective de S.________ avant l'accident du
1er septembre 1994, le docteur N.________ a contacté le médecin-traitant de
l'assuré qui n'a pas désiré entrer en matière sur ce point et retenu que
S.________ présentait une capacité de travail de 50 % avant les accidents de
1994 et 1995, selon une évaluation objective des maigres pièces médicales du
dossier de l'AI (rapport complémentaire).

Les premiers juges ont retenu que les conséquences des accidents de 1994 et
1995 devaient être appréciées à l'aune d'une capacité de travail déjà réduite
de moitié par des événements antérieurs. Considérant que l'expert au plan
orthopédique avait arrêté une incapacité de travail de 40 %, dont la moitié
devait être attribuée à l'état antérieur, ils ont fixé à 20 % l'incapacité de
travail en raison de l'impotence fonctionnelle du bras gauche; au plan
neuropsychologique, ils ont arrêté une incapacité de travail de 30 % et un
taux net de 15 % compte tenu de l'état antérieur; en définitive, ils ont
retenu une incapacité de travail de 35 % à charge de la recourante.

4.2 L'instance inférieure ne peut être suivie dans son raisonnement. L'expert
retenait que l'intimé présentait en 1999 une incapacité de travail de 70 %
dans son activité habituelle; dans son complément de décembre 2000, il a
retenu cependant que l'intimé ne disposait avant les accident de 1994 et de
1995 que d'une capacité effective de travail de 50 %. Sous cet angle,
l'aggravation de l'incapacité de travail globale, entre septembre 1994 et
juillet 1999, ne s'élève qu'à 20 %. Le taux de 35 % fixé par les premiers
juges ne s'explique pas, sauf à considérer que les effets délétères des
événements antérieurs aux accidents de 1994 et 1995 sur la capacité de
travail de l'intimé se seraient résorbés pendant cette période, ce que
toutefois aucune pièce médicale dans le dossier ne permet de retenir.

D'autre part, la recourante critique avec raison l'expertise et ses
conclusions sous l'angle des incapacités de travail imputées aux accidents en
cause. L'incapacité de travail retenue en juillet 1999 par l'expert pour les
suites des accidents de 1994 et 1995 se basait sur une pleine capacité de
travail de l'intimé avant le 1er septembre 1994. Par la suite, l'expert a
retenu que la capacité de travail effective avant l'accident en cause ne
s'élevait qu'à 50 %, taux que la recourante conteste également. Ni l'expert,
ni les premiers juges n'ont cependant examiné l'incidence concrète de cet
élément, fondamentalement différent de celui retenu initialement, sur
l'appréciation de l'incapacité de travail effectuée sur la base du postulat
d'une pleine capacité de travail avant le 1er septembre 1994. Sous l'angle de
l'incapacité de travail consécutive à l'accident de 1994 et à l'accident de
1995, et indépendamment de la capacité effective réelle avant le premier
accident, les prémisses de l'expertise se révèlent erronées et les
appréciations sur ce point lacunaires; ces éléments enlèvent toute force
probante à ses conclusions et les premiers juges ne pouvaient se baser sur
celles-ci pour trancher le litige qui leur était soumis.

5.
Lors de l'accident du 1er septembre 1994, l'intimé a été victime d'une
blessure à l'arcade sourcilière et d'un traumatisme cranio-cérébral qui a
entraîné un syndrome post-commotionnel avec céphalées, troubles mnésiques,
exécutifs et attentionnels, ainsi que des sensations vertigineuses et des
troubles du sommeil, soit un ensemble de troubles neuropsychologiques sans
preuve d'un déficit fonctionnel organique (ATF 119 V 338 ss consid. 2, 117 V
360 sv consid. 4b).

Compte tenu de son déroulement et des atteintes qu'il a générées, l'accident
du 1er septembre 1994 doit être classé dans la catégorie des accident de
gravité moyenne. En effet, l'intimé a heurté le crochet de sa douche et s'est
ouvert l'arcade sourcilière sur une longueur de 3 cm; il a pu se rendre à la
permanence des Pâquis où la plaie a été suturée et où on lui a prescrit du
repos.

On ne voit pas que l'accident du 1er septembre 1994 ait été particulièrement
dramatique ou d'une nature particulièrement impressionnante. Si, à la
différence de la plaie à l'arcade sourcilière, le traumatisme cérébral subi
par l'intimé ne saurait figurer parmi les atteintes à la santé de peu de
gravité, en ce sens qu'une telle lésion peut, le cas échéant entraîner un
cortège de symptômes susceptibles de perdurer durant des années, on doit
néanmoins constater que dans le cas d'espèce, elle s'est avant tout
manifestée par la recrudescence de troubles préexistants et n'a entraîné
selon le dernier expert que des troubles neuropsychologiques modérés. La
durée du traitement médical de la plaie a été rapide, pour le reste, il a
consisté essentiellement en des investigations, sans mise en oeuvre de
mesures thérapeutiques et pour des troubles déjà connus avant l'accident.
Quant à l'incapacité de travail totale attestée après l'accident du 1er
septembre 1994, elle se confond, après une reprise d'activité à 20 % le 4
octobre, puis à 30 % le 2 novembre 1994, avec celle consécutive à l'accident
du 11 février 1995 et doit être examinée à l'aune de l'incapacité de 50 %
déjà présente avant l'accident, retenue par l'expert judiciaire; enfin, on ne
saurait perdre de vue que celui-ci, même en partant de prémisses erronées ne
retient en définitive qu'un faible taux d'incapacité de travail lié aux
troubles neuropsychologiques. En définitive, l'analyse des critères objectifs
consacrés par la jurisprudence ne permet pas de conclure à un rapport de
causalité adéquate ou, en d'autres termes, de retenir que l'accident ait eu
une importance déterminante dans l'éventuelle incapacité de travail,
respectivement de gain que l'intimé pourrait présenter après l'accident du
1er septembre 1994.

6.
Lors de l'accident du 11 février 1995, l'intimé a été victime d'une fracture
intra-articulaire déplacée de l'olécrane gauche qui a nécessité une
ostéosynthèse par haubanage le 12 février 1995; l'ablation du matériel a eu
lieu le 7 mars 1996. Dans son rapport du 3 décembre 1996, le docteur
K.________ a retenu que l'incongruence articulaire séquellaire était
d'importance minime et la mobilité du coude excellente. L'évolution pouvait
être considérée comme stationnaire mais le statu quo sine ne serait plus
atteint en raison de la séquelle anatomique intra-articulaire qui pouvait à
long terme favoriser l'apparition d'une arthrose. Les douleurs et les
multiples troubles fonctionnels dont se plaignait l'assuré étaient très
vraisemblablement sans relation avec l'accident en cause. L'incapacité de
travail en relation avec cet accident avait cessé trois mois après l'ablation
du matériel d'ostéosynthèse le 7 mars 1996. Les douleurs du poignet et de
l'épaule gauche n'étaient pas imputables à l'accident mais à la
chondrocalcinose présentée par l'assuré. La seule atteinte durable qui
pourrait être attribuée à l'accident était la petite limitation fonctionnelle
du coude gauche. Rendu après une anamnèse étendue du parcours médical et un
examen de l'intimé, prenant en compte les plaintes exprimées, discutant les
différentes problématiques médicales présentées par l'intéressé de manière
conséquente et se terminant par des conclusions motivées, ce rapport doit se
voir reconnaître pleine valeur probante. Il n'en va pas de même du volet
orthopédique de l'expertise judiciaire confiée au docteur T.________; en
effet celui-ci ne retient qu'une anamnèse médicale succinte, ne discute pas
le rapport du docteur K.________, ni se prononce sur les conclusions émises
par son confrère, et comporte, particulièrement sous l'angle de l'incapacité
de travail imputable à l'accident - indépendamment des prémisses erronées sur
lesquelles il repose (consid. 4.2 supra) - des conclusions peu motivées. Cela
étant, le docteur T.________ a retenu que l'intimé gardait comme séquelle de
l'accident une arthrose débutante radio-cubito-humérale gauche qui se
manifestait par des douleurs et une limitation fonctionnelle du coude gauche.
Il présentait d'autre part des signes cliniques d'un conflit sous-acromial
douloureux à l'épaule gauche et des signes de chondrocalcinose localisée à
l'épaule gauche et au poignet gauche, sans lien avec l'accident, qui
entraînaient des douleurs et une impotence partielle de cette épaule et des
douleurs au poignet gauche. Sous cet angle, les conclusions diffèrent peu de
celle retenues par le docteur K.________. Sur cette base et après avoir fait
procéder à une électroneuromyographie, le docteur N.________ a constaté que
l'intimé présentait une fracture de l'olécrane gauche ostéosynthésée avec
arthrose radiocubitale humérale secondaire et axonotmésis du nerf cubital
gauche. D'autres diagnostics sans rapport avec l'accident pouvaient expliquer
les douleurs au membre supérieur gauche, tel le conflit sous-acromial à
l'épaule gauche, la chondrocalcinose avec lésions pluriarticulaires aux deux
poignets et à l'épaule et une polyneuropathie diffuse; seule une incapacité
de travail dans l'activité habituelle de 20 % apparaissait imputable à
l'accident. Si les examens neurologiques ont montré que l'intimé présentait
effectivement les signes d'une atteinte du nerf cubital gauche, ni les
examens réalisés lors de l'expertise ou précédemment, ni les explications de
l'expert sur ce point ne permettent cependant de retenir que les signes d'une
telle atteinte puisse être rapportée à l'accident de 1995 avec un degré de
vraisemblance suffisant. En définitive, compte tenu des prémisses erronées de
l'expertise judiciaire, ainsi que de ses aspects lacunaires, les conclusions
du docteur K.________ sur l'incapacité de travail imputable à l'accident du
11 février 1995 apparaissent les plus convaincantes et doivent être retenues.

7.
Le jugement cantonal doit ainsi être annulé. La recourante s'étant proposée
d'examiner la question de l'atteinte à l'intégrité et de l'évolution
arthosique pour les suite de l'accident du 11 février 1995 ultérieurement, le
dossier doit lui être renvoyé pour procéder dans ce sens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du canton de
Genève du 22 mai 2001 est annulé.

2.
Le dossier est transmis à l'Elvia pour qu'elle procède conformément au
considérant.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à CONCORDIA Assurance suisse de
maladie et accidents, Luzern, au Tribunal administratif de la République et
Canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 7 mars 2003

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre:   La Greffière: