Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 182/2001
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U 182/01 Tn

                        IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Rüedi
et Ferrari; von Zwehl, Greffière

                 Arrêt du 24 juillet 2001

                       dans la cause

S.________, recourant,

                          contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,

                            et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

     A.- S.________ a travaillé dès le 1er octobre 1988 au
service de la Société X.________, où il était occupé au
rayon poissonnerie. A ce titre, il était assuré auprès de
la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents
(CNA) contre le risque d'accidents et de maladie
professionnelle.

      Peu après son engagement, l'assuré a présenté des af-
fections cutanées (dermite des mains) et respiratoires
(toux chronique); il a alors été muté au rayon des denrées
coloniales à partir du 15 mars 1993. Au terme d'une procé-
dure judiciaire, la CNA a été condamnée à prendre en charge
le traitement des affections précitées au titre de maladie
professionnelle (jugement du 23 mai 1996 du Tribunal des
assurances du canton de Vaud).
     Entre-temps, le 18 mars 1994, S.________ a résilié son
contrat de travail avec effet immédiat et n'a, depuis lors,
plus exercé d'activité professionnelle en raison de
l'apparition de troubles psychiques. Il a été soumis à
plusieurs expertises psychiatriques (cf. les rapports des
docteurs A.________, B.________ et C.________, respective-
ment des 27 février 1995, 19 janvier 1998 et 1er septembre
1999) et s'est vu accorder une rente d'invalidité entière,
avec effet au 28 juillet 1994, par l'Office AI pour le can-
ton de Vaud (prononcé du 22 août 1995).
     Le 22 juin 1998, la CNA a déclaré l'assuré inapte à
exercer la profession de poissonnier avec effet rétroactif
au 15 mars 1993. Par décision du 5 novembre 1998, confirmée
sur opposition le 8 janvier 1999, elle a toutefois refusé
de lui octroyer une rente d'invalidité, une indemnité pour
atteinte à l'intégrité ainsi que des indemnités pour chan-
gement d'occupation.

     B.- S.________ a recouru contre cette dernière
décision auprès du Tribunal des assurances du canton de
Vaud, en concluant au versement, par la CNA, d'une rente
d'invalidité et d'une indemnité pour atteinte à l'intégri-
té. Par jugement du 8 février 2001, son recours a été re-
jeté.

     C.- S.________ interjette recours de droit admi-
nistratif contre ce jugement, dont il requiert l'annula-

tion, en reprenant ses conclusions formulées en première
instance.
     Tant la CNA que l'Office fédéral des assurances socia-
les n'ont pas présenté de détermination.

                  Considérant en droit :

     1.- Devant la Cour de céans, le litige a pour objet le
droit du recourant à une rente d'invalidité et à une indem-
nité pour atteinte à l'intégrité mentale. En effet, le re-
fus par la CNA d'allouer des indemnités pour changement
d'occupation, non contesté dans la procédure d'opposition,
a acquis force de chose décidée (ATF 119 V 347), le recou-
rant n'ayant, au demeurant, attaqué ce refus ni devant
l'instance cantonale, ni a fortiori devant le Tribunal fé-
déral des assurances.

     2.- S.________ a souffert de manière incontestable
d'une maladie professionnelle selon l'art. 9 LAA, maladie
qui ne lui a pas permis de continuer l'exercice de son
activité de poissonnier. En revanche, sous réserve du res-
pect de la décision de la CNA du 22 juin 1998 le déclarant
inapte pour cette profession, il est - du point de vue so-
matique - apte à exercer d'autres activités. Dans ces con-
ditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont
considéré que le droit à la rente n'était pas donné, le
recourant n'ayant pas subi de perte de gain après son chan-
gement d'activité. On peut renvoyer à cet égard aux consi-
dérants topiques du jugement entrepris (consid. 4a), sans
discuter plus avant l'argumentation du recourant qui se li-
mite à contester les avis médicaux recueillis dans le cadre
de la procédure.
     En revanche, la juridiction cantonale, sans se pronon-
cer sur la relation de causalité naturelle entre les trou-

bles psychiques présentés par le recourant et son ancienne
activité professionnelle, a nié l'existence d'un rapport de
causalité adéquate en se fondant sur les critères dégagés
par la jurisprudence en matière d'accidents (ATF
115 V 133). Il lui a cependant échappé que ces critères ne
sont pas applicables, même par analogie, aux troubles psy-
chiques en relation avec des maladies professionnelles ain-
si que l'a précisé le Tribunal fédéral des assurances dans
un arrêt publié en avril 2000 (ATF 125 V 456). Il y a lieu
dès lors de procéder à un nouvel examen en fait et en droit
pour déterminer le droit éventuel du recourant à des pres-
tations de l'assurance-accidents à raison de suites psychi-
ques d'une maladie professionnelle.

     3.- a) Le docteur A.________ a posé le diagnostic de
diminution sévère des capacités adaptatives, personnelles
et sociales de l'assuré, avec focalisation de l'énergie
psychique dans une attitude revendicative, dans le cadre
d'une série traumatique des événements, qui ont dépourvu ce
dernier de la possibilité de symboliser, de prendre de la
distance et de redémarrer sa vie (rapport du 27 février
1995). Pour ce médecin, il en résulté une incapacité de
travail de 80% au moins dès le mois d'avril 1994. Dans ses
constatations objectives, le docteur A.________ a encore
exposé que la capacité adaptative de l'assuré, bien que
normale, était piégée, immobilisée par la souffrance phy-
sique et la douleur provoquée précédemment par de ses
réactions allergiques d'asthme et d'eczéma professionnel
ainsi que par les suites de son opération chirurgicale.
Cette évaluation s'inscrivait pour l'essentiel dans une
phase de status après une opération d'hernie inguinale
(effectuée en janvier 1993) et de douleurs subséquentes.
     Le docteur B.________ a relevé, pour sa part, que
l'assuré a présenté depuis 1992 des somatisations (choc
anaphilactique, problèmes respiratoires et dermatolo-
giquess, troubles digestifs, douleurs testiculaires, ver-

tiges, nausées et vomissements). Selon lui, ces symptômes
physiques multiples, récurrents et variables dans le temps,
accompagnés d'une anxiété importante, ont entraîné une al-
tération du comportement social et du comportement inter-
personnel de l'assuré, ainsi qu'une incapacité de travail à
partir du 17 mars 1994. Ce médecin a également fait remar-
quer que ces somatisations étaient apparues en 1992, année
de la naissance du fils de l'assuré, alors que ce dernier
était déjà particulièrement vulnérable sur le plan affec-
tif. Il a décrit l'assuré comme une personnalité pathologi-
que, de type état-limite, assez dépendante en raison de ses
besoins anaclitiques.
     Quant au docteur C.________, il a fait état de trou-
bles de l'adaptation avec plaintes somatiques (309.82) et
évalué l'incapacité de travail au plus à 50%. Il a consi-
déré que le lien de causalité entre les maladies profes-
sionnelles et les troubles psychiques atteignait sans doute
le degré de vraisemblance prépondérante, tout en observant
par ailleurs que lors même que l'affection dermatologique
et respiratoire s'était résorbée, les troubles psychiques
avaient persisté, voire s'étaient aggravés avec la naissan-
ce du conflit opposant l'assuré à la CNA et qu'à ce moment-
là, la pathologie psychique traumatique avait pris une
allure indépendante des troubles somatiques.

     b) En l'occurrence, les avis de ces médecins psychia-
tres ne permettent pas de retenir qu'il existe, au degré de
la vraisemblance prépondérante, une relation de causalité
naturelle entre la maladie professionnelle et les troubles
psychiques qui l'affectent encore actuellement. D'une part,
bien qu'il propose d'admettre l'existence d'un tel lien, le
docteur C.________ laisse planer un doute à ce sujet en dé-
clarant que la pathologie psychique de l'assuré a fini par
prendre une allure indépendante des troubles somatiques qui
l'ont précédés. D'autre part, on peut induire des constata-

tions effectuées par les docteurs A.________ et B.________
que les troubles psychiques de l'assuré se sont développés
à partir de l'accumulation de divers problèmes successifs
au point qu'ils n'ont plus eu, dans le temps, de relation
de cause à effet avec sa maladie professionnelle.
     En tout état de cause, même s'il fallait retenir que
la maladie professionnelle est en partie à l'origine de
l'affection psychique actuelle, la causalité adéquate ne
serait pas donnée. En effet, cette maladie était, de l'avis
unanime des médecins consultés, en soi pas très importante
et avait pris fin lorsque le recourant a quitté son tra-
vail, cela pour des motifs d'ailleurs étrangers à son état
de santé. La persistance de troubles psychiques indépen-
dants chez une personnalité de type borderline, n'apparaît
ainsi pas, de manière générale, comme la conséquence de
celle-ci selon le cours ordinaire des choses et l'expérien-
ce de la vie.

     4.- Si, par suite d'accident ou de maladie profession-
nelle (RAMA 2000 U 381 251), un assuré souffre d'une at-
teinte importante et durable à son intégrité physique ou
mentale, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte
à l'intégrité (cf. art. 24 al. 1 LAA). La fixation de cette
indemnité dépend uniquement de facteurs médicaux objectifs,
valables pour tous les assurés et sans égard à des considé-
rations d'ordre subjectif ou personnel. Il en découle no-
tamment, selon l'opinion des psychiatres rapportés dans
l'ATF publié au RAMA 2000 précité, que cela ne pourra être
que très rarement le cas en présence d'une affection psy-
chique provoquée par une maladie professionnelle.
     Dans le cas particulier, les conditions d'octroi d'une
telle indemnité ne sont manifestement pas données, compte
tenu de l'absence de séquelles durables sur le plan somati-
que dû à la maladie professionnelle et de l'absence d'un
lien de causalité pour les troubles psychiques actuels.

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est rejeté.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
     bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
     fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 24 juillet 2001

                                 Au nom du
                          Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIe Chambre :

                               La Greffière :