Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 159/2001
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U 159/01 Mh

                         IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Berthoud

                  Arrêt du 4 février 2002

                       dans la cause

La Suisse, Société d'assurances contre les accidents,
avenue de Rumine 13, 1005 Lausanne, recourante,

                          contre

A.________, intimé, représenté par la Fédération suisse
pour l'intégration des handicapés (FSIH), place du Grand-
Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

                            et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

     A.- Le 16 mars 1992, A.________ a été victime d'un
accident non professionnel qui l'a rendu tétraplégique. Par
décision du 10 juin 1993, confirmée sur opposition le 6 mai
1994, la Suisse Assurances a refusé de prendre les suites
de cet événement à sa charge, au motif que l'horaire de
travail hebdomadaire était inférieur à douze heures. Cette

décision a été déférée au Tribunal des assurances du canton
de Vaud qui, par jugement du 26 avril 1995 (notifié à ses
destinataires à la fin mars 1996), a accueilli le recours
et admis le principe de son indemnisation par cette compa-
gnie d'assurance. Par arrêt du 12 février 1998, le Tribunal
fédéral des assurances a rejeté le recours que la Suisse
Assurances avait interjeté contre ce jugement.
     A la suite d'un échange de correspondance avec l'assu-
ré, la Suisse Assurances a rendu une décision, le 20 avril
1999, par laquelle elle a fixé les montants de l'allocation
pour impotent, des indemnités journalières et de la rente
d'invalidité, ainsi que le début du droit à ces presta-
tions. L'assureur a cependant refusé de verser des intérêts
moratoires sur les prestations arriérées, comme l'assuré
l'avait expressément requis. Saisie d'une opposition por-
tant uniquement sur le principe du versement d'intérêts
moratoires, la Suisse Assurances a confirmé sa position,
par décision du 10 juin 1999.

     B.- A.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal des assurances du canton de Vaud, en concluant
à sa réforme en ce sens que des intérêts moratoires lui
soient alloués sur tous les arriérés de prestations qui lui
sont dus.
     Par jugement du 28 décembre 2000, la juridiction can-
tonale a admis le recours et renvoyé la cause à la Suisse
Assurances afin qu'elle fixe le montant des intérêts mora-
toires.

     C.- La Suisse Assurances interjette recours de droit
administratif contre ce jugement dont elle demande l'annu-
lation.
     L'assuré intimé conclut au rejet du recours, avec
suite de frais et dépens. L'Office fédéral des assurances
sociales ne s'est pas déterminé.

                  Considérant en droit :

     1.- Dans le domaine du droit des assurances sociales,
le Tribunal fédéral des assurances considère depuis long-
temps déjà qu'il n'y a en principe pas place pour des
intérêts moratoires, dans la mesure où ils ne sont pas
prévus par la législation. La principale raison de l'exclu-
sion de la dette d'intérêts dans ce domaine réside dans le
rôle dévolu à l'administration. Celle-ci se présente comme
détentrice de la puissance publique chargée d'instruire,
parfois longuement, les demandes de prestations émanant des
particuliers et de leur appliquer le droit de manière
objective. Lui imposer systématiquement des intérêts mora-
toires reviendrait à la pénaliser pour avoir accompli son
devoir avec soin. Quant à l'assuré, la règle de l'égalité
des parties commande de le dispenser lui aussi du paiement
d'intérêts de retard lorsqu'il a défendu ce qu'il estimait
être son droit. De manière générale, on peut dire qu'il
faut laisser l'administration exercer ses fonctions et
l'assuré défendre ses droits sans craindre de devoir verser
des intérêts moratoires. On ne saurait cependant laisser
sans aucune sanction des manoeuvres illicites ou purement
dilatoires. L'octroi d'intérêts de retard, dans ces hypo-
thèses, se justifie même dans le domaine des assurances
sociales, mais il ne doit intervenir qu'avec retenue. Il a
ainsi été considéré qu'il n'y avait pas lieu d'admettre une
obligation générale de verser des intérêts dans des groupes
de cas et que seules des situations particulières pou-
vaient, à titre exceptionnel, donner lieu à un tel résul-
tat, quand le sentiment du droit est heurté de manière
particulière (ATF 119 V 81 ss consid. 3 et 4 ainsi que les
arrêts cités; RAMA 2000 n° U 360 p. 34 consid. 3a).
     Dans l'arrêt ATF 119 V 78, le Tribunal fédéral des
assurances s'est penché sur la question de l'opportunité de
procéder à un changement de jurisprudence en matière d'in-
térêts moratoires, au regard des critiques émises par la

doctrine de l'époque; il y a répondu par la négative (con-
sid. 4b). Nonobstant certaines critiques qui s'en suivirent
et qui sont signalées dans l'arrêt du 13 août 1999 (RAMA
2000 n° U 360 p. 35 consid. 3c), auquel l'intimé se réfère,
la Cour de céans n'a pas modifié sa jurisprudence en la
matière à l'issue de cet arrêt (p. 36 consid. 3d).

     2.- La LAA ne prévoit pas le versement d'intérêts
moratoires pour les cas où un assuré est tenu de restituer
des prestations d'assurance auxquelles il n'avait pas droit
(cf. RAMA 2000 précité), ni dans l'éventualité où l'assu-
reur-accidents doit allouer ses prestations. Il reste donc
à examiner si la situation particulière justifie qu'il en
soit calculé, sous l'angle de la jurisprudence qui vient
d'être rappelée.
     La durée de la procédure a été causée en majeure par-
tie par le temps dont le Tribunal des assurances du canton
de Vaud puis le Tribunal fédéral des assurances ont eu
besoin pour statuer sur les recours successifs qui leur ont
été soumis. Par ailleurs, la recourante n'a pas usé de
manoeuvres illicites ou purement dilatoires lors du traite-
ment du dossier, ce dont l'intimé ne lui fait - à juste
titre - pas grief. Enfin, le sentiment du droit n'est pas
non plus heurté de manière particulière par l'absence de
paiement d'intérêts moratoires.
     Dès lors, en l'état actuel du droit, il ne se justifie
pas d'ajouter des intérêts aux sommes que la recourante
doit verser à l'intimé, de sorte que le recours de droit
administratif est bien fondé.

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal des
     assurances du canton de Vaud du 28 décembre 2000 est
     annulé.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
     Tribunal des assurances du canton de Vaud et à
     l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 4 février 2002

                                     Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          La Présidente de la IVe Chambre :

                                    Le Greffier :