Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 153/2001
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2001
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2001


U 153/01 Mh

                       IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffier : M. Berthoud

                  Arrêt du 29 avril 2002

                       dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

                          contre

P.________, intimée, représentée par Me Yves Thévenoz,
avocat, route de Florissant 1, 1206 Genève,

                            et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

     A.- P.________ a travaillé en qualité d'ouvrière de
production au service de la société X.________ SA et était
assurée contre les accidents et les maladies profession-
nelles par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA). En raison d'un accès de dyspnée aiguë et
d'une crise d'hyperventilation, elle a dû être hospitalisée
à deux reprises, les 14 mars et 16 avril 1999. Les médecins
ont posé le diagnostic d'asthme professionnel (rapports des

docteurs B.________, spécialiste en médecine du travail et
en médecine interne, du 14 juin 1999, et A.________,
spécialiste en médecine interne et en maladies des poumons,
du 25 juin 1999). Dans un rapport du 4 octobre 1999, le
docteur A.________ a attesté que l'assurée n'avait, ce
jour-là, plus d'asthme; il a ajouté que sa patiente s'était
rendue à l'Hôpital Y.________ pour une dyspnée, le 22 sep-
tembre 1999, mais que cette consultation devait être mise
sur le compte d'une crise d'hyperventilation dans un
contexte psychologique particulier. Le docteur C.________,
médecin traitant, a constaté que si les paramètres respi-
ratoires étaient actuellement corrigés notamment par
l'éloignement du lieu de travail, l'état dépressif induit
par cette situation était loin d'être réglé (rapport du
15 octobre 1999); à son avis, l'augmentation de la capacité
de travail irait de pair avec l'amélioration de l'état
dépressif et le règlement du problème juridique profes-
sionnel (rapport du 18 septembre 2000).
     Le docteur B.________ a estimé, à la lumière des
examens pratiqués par son confrère A.________ en juin 1999,
que l'atteinte à la santé constituait une maladie profes-
sionnelle, soit un asthme provoqué par une exposition à des
brouillards d'huiles minérales. Si l'incapacité de travail
découlant de cette maladie était bien documentée jusqu'au
mois de juin 1999, il n'en allait en revanche plus ainsi
pour la période suivante, tout en relevant que des problè-
mes d'ordre psychique faisaient obstacle à une reprise du
travail (rapports des 21 octobre et 8 novembre 1999).
     Par décision du 3 février 2000, la CNA a accepté de
prendre le cas en charge, à titre de maladie profession-
nelle, pour la période s'étendant du 14 mars au 30 juin
1999. Saisie d'une opposition de l'assurée, la CNA l'a
rejetée par décision du 21 juin 2000.
     De son côté, CSS Assurance, qui s'était également
opposée à la décision du 3 février 2000, a retiré son
opposition.

     B.- Alléguant notamment que ses problèmes d'asthme
n'étaient pas stabilisés, P.________ a recouru contre cette
décision devant le Tribunal administratif du canton de
Genève, en concluant à ce que la CNA fût condamnée à
allouer ses prestations au-delà du 30 juin 1999. Subsidiai-
rement, elle a requis la mise en oeuvre d'une expertise.
     Par jugement du 27 mars 2001, la juridiction cantonale
a admis partiellement le recours, en ce sens qu'elle a
renvoyé la cause à la CNA afin qu'elle élucide la question
de l'existence d'un lien de causalité naturelle entre ladi-
te maladie professionnelle et les troubles psychiques, au
moyen d'une expertise médicale à confier à un allergologue
ainsi qu'à un psychiatre.

     C.- La CNA interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont elle demande l'annulation en con-
cluant au rétablissement de sa décision sur opposition du
21 juin 2000.
     L'assurée intimée conclut au rejet du recours, avec
suite de dépens. CSS Assurance renonce à intervenir dans la
présente cause, alléguant avoir en l'occurrence la qualité
d'assureur privé. L'Office fédéral des assurances sociales
a renoncé à se déterminer.

                  Considérant en droit :

     1.- Le litige porte sur le droit de l'intimée, en
raison d'une maladie professionnelle apparue le 14 mars
1999, à des  prestations de la recourante au-delà du
30 juin 1999, notamment en raison de troubles psychiques.

     2.- A la lecture du dossier médical, l'appréciation
effectuée par le docteur B.________, limitant au 30 juin
1999 la prise en charge des suites du cas de l'intimée, ne
peut être que confirmée. Si l'intimée a bien été victime
d'une maladie professionnelle, au sens d'un asthme provoqué

par une exposition à des huiles minérales avec suite
d'incapacité de travail à la charge de la CNA dès le
14 mars 1999, il n'y a plus trace au dossier au-delà du
30 juin 1999 d'une incapacité de travail due à la maladie
professionnelle.
     Ainsi, dès le 15 juin 1999, l'intimée a cessé tout
traitement et le docteur A.________ a signalé qu'elle était
sujette à des crises d'hyperventilation psychogène, déjà
présentée le 16 avril 1999. La crise du 22 septembre 1999,
signalée par la recourante, a été qualifiée de dyspnée par
les médecins de l'Hôpital Y.________ et doit être mise sur
le compte d'une crise d'hyperventilation dans un contexte
psychologique particulier selon le docteur A.________. Le
4 octobre 1999, sur le plan pneumologique, il n'y avait
plus d'asthme, mais des éléments psychologiques étaient
présents. Selon le médecin traitant, l'état dépressif était
loin d'être réglé et la capacité de travail ne pouvait être
augmentée qu'avec une amélioration de l'état dépressif.
     Il était dès lors superflu, comme les premiers juges
l'ont ordonné à tort, d'inviter un allergologue à s'expri-
mer plus avant sur ce point.

     3.- a) Demeure litigieuse la responsabilité de la CNA
pour les affections d'ordre psychique qui, selon le docteur
C.________ (cf. rapports des 15 octobre 1999 et 18 septem-
bre 2000), réduisent la capacité de travail de l'intimée.

     b) La jurisprudence relative à la causalité adéquate
en cas d'atteinte psychique consécutive à des accidents
(ATF 115 V 133) n'est pas applicable par analogie aux
troubles psychiques en relation avec des maladies profes-
sionnelles. Dans cette éventualité, la causalité est adé-
quate si la maladie professionnelle ou les événements en
relation avec celle-ci sont propres, d'après le cours
ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner
des troubles psychiques du genre de ceux qui sont apparus
(ATF 125 V 456).

     c) La juridiction cantonale a estimé que les affec-
tions psychiques de l'intimée se trouvaient en relation de
causalité adéquate avec son asthme professionnel, si bien
qu'il convenait de faire établir le lien de causalité
naturelle par le biais d'une expertise allergologique et
psychiatrique. Pour admettre l'existence d'un lien de
causalité adéquate, les premiers juges ont retenu quatre
critères, savoir que l'intimée n'avait jamais souffert de
troubles psychiques ou psychogènes avant d'être atteinte
dans sa santé physique en raison d'une maladie profession-
nelle, qu'elle avait par ailleurs rencontré des difficultés
pour faire reconnaître la réalité de sa maladie par la CNA,
qu'elle était de plus angoissée en raison de la survenance
inopinée de crises d'asthme et qu'enfin son avenir profes-
sionnel demeurait incertain.
     Les critères que les premiers juges ont retenu pour
admettre l'existence du lien de causalité adéquate entre
l'asthme professionnel et les affections psychiques de
l'intimée sont toutefois étrangers à ceux que la jurispru-
dence a posés (cf. ATF 125 V 464 consid. 5e). En effet,
pour que l'on puisse admettre en l'espèce l'existence dudit
lien de causalité adéquate, il faudrait en premier lieu que
les substances inhalées par l'intimée fussent de nature à
provoquer chez la plupart des assurés des troubles psychi-
ques du genre de ceux dont elle a souffert. Or il n'est pas
établi que les personnes qui travaillaient avec l'intimée
ont également été frappées de telles affections psychiques,
voire empêchées d'exercer leur métier en raison des subs-
tances allergènes présentes dans l'air de l'usine. En
outre, il faut tenir compte du fait que la maladie profes-
sionnelle dont l'intimée a été affectée n'a pas mis sérieu-
sement sa santé en danger et qu'elle n'a pas non plus com-
promis son retour dans la vie active. De plus, on doit
retenir que l'intimée n'a subi que de brèves périodes
d'incapacité de travail et que son asthme professionnel n'a
pas porté atteinte de façon permanente ou irréversible à sa
santé physique.

     d) De ce qui précède, il découle que la juridiction
cantonale de recours a considéré à tort que les affections
psychiques de l'intimée étaient en relation de causalité
adéquate avec son asthme professionnel.
     Dans ces conditions, il était également superflu
d'ordonner une expertise psychiatrique destinée à mettre en
évidence un éventuel lien de causalité naturelle entre
l'asthme professionnel et les troubles psychiques de l'in-
timée, dès lors que la CNA n'a pas à répondre de l'incapa-
cité de travail que son assurée pourrait subir en raison
d'affections d'ordre psychique. Le recours est bien fondé.

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal admi-
     nistratif du canton de Genève du 27 mars 2001 est
     annulé.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
     Tribunal administratif du canton de Genève, à l'Office
     fédéral des assurances sociales et à CSS Assurance.

Lucerne, le 29 avril 2002

                                     Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIIe Chambre :

                                    Le Greffier :