Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 135/2001
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U 135/01 Mh

                         IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Métral

                 Arrêt du 31 janvier 2002

                       dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Jean-Albert
Wyss, avocat, rue de la Paix 4, 1003 Lausanne,

                          contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

                            et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

     A.- a) A.________ travaillait au service de la société
X.________ SA. A ce titre, il était assuré contre les
accidents par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (ci-après : CNA) et bénéficiait d'un contrat
d'assurance collective contre la perte de gain, conclu par
son employeur avec Swica, organisation de santé (ci-après :
Swica).

     Le 23 septembre 1995, il fut victime d'un accident de
circulation, qui lui causa un traumatisme cranio-cérébral,
une fracture ouverte de la rotule droite, des fractures
costales à gauche et une contusion thoracique. En urgence,
il subit une ostéosynthèse de la rotule, puis demeura
hospitalisé jusqu'au 17 octobre 1995. Les 4 mars et
8 juillet 1996, les médecins de l'Hôpital orthopédique
Y.________ procédèrent à l'ablation du matériel d'ostéo-
synthèse et à une patellectomie partielle, avec plastie de
l'aileron externe. A.________ ne parvint toutefois pas à se
déplacer à nouveau sans l'aide de cannes anglaises ni à
reprendre son travail, en dépit notamment d'un séjour à la
Clinique de réhabilitation Z.________, du 28 août au
9 octobre 1996. Aussi une patellectomie totale lui fut-elle
proposée, qu'il subit le 5 mars 1997. Cette opération
entraîna une nouvelle hospitalisation, pendant un mois,
mais les douleurs et le handicap persistèrent, de sorte que
le docteur B.________ procéda le 14 août 1997 à une plastie
du tendon rotulien, avec transposition interne de la tubé-
rosité antérieure du tibia. Pendant la période de rééduca-
tion qui suivit, à l'Hôpital T.________, A.________ émit
des menaces suicidaires et présenta un état dépressif
sévère, pour lequel il dut être transféré à l'Hôpital
psychiatrique W.________, le 4 septembre 1997 (rapport du
29 septembre 1997 de la doctoresse C.________). Dès le
15 septembre 1997, il reprit la rééducation à l'Hôpital
T.________, où il séjourna jusqu'au 5 janvier 1998.
     La CNA prit en charge ces différents traitements
médicaux, exceptés ceux liés aux troubles psychiques de
l'assuré, dont elle nia l'origine accidentelle par décision
du 3 décembre 1997. A.________ s'opposa à cette décision,
par acte du 10 décembre 1997. Pour sa part, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après :
office AI) alloua au prénommé une rente entière d'invali-
dité, par décision du 31 mars 1998.

     b) Le 20 juillet 1998, le docteur D.________, de la
CNA, examina l'assuré et constata notamment l'existence
d'une arthrose fémoro-tibiale (stade II) à droite, avec des
douleurs résiduelles dans le genou et une limitation des
possibilités de flexion, après plusieurs interventions
chirurgicales. Selon ce praticien, ces séquelles acciden-
telles diminuaient de 20 % l'intégrité physique de l'assuré
et lui interdisaient de reprendre son ancienne activité
professionnelle; en revanche, elles ne l'empêchaient pas
d'accomplir un travail en position assise ou alternée, ne
nécessitant pas le port de charges supérieures à 5 kg
(rapport du 7 août 1998).
     La CNA confia alors une expertise au docteur
E.________, psychiatre, lequel posa les diagnostics de
personnalité avec des traits anancastiques, projectifs et
revendicatifs (ICD 10 F 61.0), de deuil pathologique d'un
membre invalidisé avec réaction dépressive prolongée (ICD
10 F 43.21, Z 73.1), de suspicion d'abus alcoolique (ICD 10
F 10.26) et de dépendance nicotinique (ICD 10 F 17.25).
L'expert précisa que les troubles de la personnalité
étaient présents avant l'accident et qu'ils avaient été
déterminants quant à la réaction dépressive de l'assuré
(expertise du 20 novembre 1998).
     Par décision du 19 mars 1999, la CNA alloua à
A.________ une rente fondée sur un taux d'invalidité de
25 % ainsi qu'une indemnité pour une atteinte à l'intégrité
de 20 %. L'assuré, de même que Swica, firent opposition à
cette décision.

     c) Le 13 août 1999, la CNA leva les oppositions
formées contre les décisions du 3 décembre 1997 et du
19 mars 1999, au motif, en particulier, que les troubles
psychiques de l'assuré étaient sans rapport de causalité
avec l'accident subi.

     B.- Par jugement du 15 février 2001, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud rejeta les recours formés par
A.________ et Swica contre la décision sur opposition du
13 août 1999.

     C.- Par actes des 17 avril et 4 mai 2001, l'assuré
interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement. Dans la première écriture, il conclut, sous suite
de frais et dépens, à ce que soit ordonnée la mise en
oeuvre de nouvelles expertises médicales et à l'annulation
du jugement entrepris en tant qu'il refuse ces mesures
d'instructions. Dans l'écriture du 4 mai 2001, il conclut,
sous suite de frais et dépens, à l'annulation du jugement
entrepris et à ce que la CNA soit condamnée à prendre en
charge les suites physiques et psychiques de l'accident du
23 septembre 1995, en particulier en lui allouant une rente
fondée sur un taux d'invalidité de 100 % et une indemnité
pour une atteinte à l'intégrité supérieure à 20 %; il de-
mande en outre qu'un délai supplémentaire lui soit accordé
pour compléter son recours après droit connu sur les con-
clusions prises le 17 avril 2001.
     La CNA conclut au rejet du recours, alors que Swica et
l'Office fédéral des assurances sociales ne se sont pas
déterminés. Par courrier du 26 juin 2001, le recourant a
réitéré sa demande tendant à la mise en oeuvre de nouvelles
expertises médicales.

                  Considérant en droit :

     1.- a) Il convient d'interpréter les écritures du
recourant en ce sens qu'il demande, principalement,
l'admission des conclusions prises par acte du 4 mai 2001,
et subsidiairement le renvoi de la cause à l'instance
judiciaire cantonale pour instruction complémentaire et
nouveau jugement. Vu les conclusions du second mémoire de
recours, le litige porte sur le droit du recourant à une

rente d'invalidité et à une indemnité pour atteinte à
l'intégrité, ainsi qu'à la prise en charge, par l'intimée,
de son traitement à l'Hôpital W.________.

     b) Comme on le verra dans les développements qui
suivent, il n'est pas nécessaire de procéder, en instance
fédérale, à un complément d'instruction. Le recourant ne
saurait toutefois bénéficier d'un nouveau délai pour
compléter son recours, malgré sa requête dans ce sens. Cela
reviendrait en effet à prolonger le délai légal de recours
(art. 106 al. 1 et 132 OJ), ce qu'interdit l'article 33 OJ,
en relation avec l'art. 135 OJ.

     2.- Le jugement entrepris expose correctement les
dispositions légales et les principes jurisprudentiels
relatifs à la nécessité d'un rapport de causalité
(naturelle et adéquate) entre un accident assuré et des
atteintes à la santé pour que ces dernières donnent lieu à
prestations de l'assureur-accidents. A cet égard, il suffit
d'y renvoyer.

     3.- Le recourant souffre de lésions organiques, cons-
tatées en particulier par le docteur D.________ (rapport du
7 août 1998), ainsi que de troubles d'ordre psychique
(rapports des 29 septembre 1997, 7 octobre 1998 et 30 mars
1999 de la doctoresse C.________; expertise du 20 novembre
1998 du docteur E.________). Se fondant sur l'expertise du
docteur E.________, la juridiction cantonale a nié tout
lien de causalité entre cet accident et les affections
psychiques du recourant, ce que conteste ce dernier.

     a) A.________ fait d'abord grief à la CNA d'avoir
désigné unilatéralement le docteur E.________ en qualité
d'expert. Il n'existe toutefois aucun motif objectif de
douter de son indépendance. Informé de la désignation de ce
médecin par l'intimée, le recourant n'a soulevé aucune
objection; il a pu se déterminer sur le questionnaire

adressé à l'expert et a eu l'occasion de lui poser des
questions complémentaires. Par ailleurs, l'expertise répond
aux exigences posées par la jurisprudence en la matière
(cf. ATF 125 V 352 consid. 3a et les références), de sorte
qu'elle revêt une pleine valeur probante.

     b) Le docteur E.________ a posé le diagnostic de deuil
pathologique d'un membre invalidisé, avec réaction dépres-
sive correspondante, en précisant que l'accident du
23 septembre 1995 avait été le déclencheur d'un processus
pathologique, sur le plan psychique. On ne saurait donc
considérer que ces affections sont sans rapport avec les
séquelles physiques laissées par l'accident. Il en va de
même si l'on se fonde sur les rapports médicaux de la
doctoresse C.________, qui indique expressément que l'état
dépressif du recourant est en lien direct avec son accident
(rapport du 30 mars 1999). Certes, selon le docteur
E.________, le recourant n'aurait pas eu la même réaction
en l'absence de troubles psychiques préexistants - c'est
dans ce sens que ces derniers ont été «déterminants», pour
l'expert. Cela n'empêche toutefois pas que l'évolution
pathologique constatée soit partiellement imputable à
l'accident du 23 septembre 1995. Aussi faut-il admettre
l'existence du lien de causalité naturelle litigieux.

     c) Selon la classification établie par la jurispru-
dence relative à l'appréciation de la causalité adéquate en
cas d'affections psychiques (ATF 115 V 138 consid. 6, 407
consid. 5), la collision dont a été victime le recourant
appartient, vu son déroulement, à la catégorie des acci-
dents de gravité moyenne, à la limite des accidents graves.
Globalement, le traitement des seules lésions physiques
subies a duré plus de 2 ans, dont plusieurs mois d'hospita-
lisation, et comporté 5 interventions chirurgicales, parmi
lesquelles certaines étaient relativement lourdes. Pendant
toute cette période, A.________ était totalement incapable

de travailler. A cela s'ajoutent des séquelles physiques
permanentes (patellectomie). Dans ces conditions, l'acci-
dent du 23 septembre 1995 était propre, selon le cours
ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à
favoriser la survenance des troubles psychiques développés
par le recourant, de sorte qu'il en est la cause adéquate.

     4.- a) Selon le docteur E.________, les affections
psychiques du recourant n'entraînent pas d'incapacité de
travail. Il n'existe pas, au dossier, d'élément de nature à
mettre en doute les constatations de l'expert sur ce point.
En particulier, la doctoresse C.________ ne s'est pas
prononcée sur la capacité de travail du recourant; de même,
le taux d'invalidité retenu par l'office AI n'est pas
déterminant, dans la mesure où il a été fixé au terme d'une
instruction sommaire, sans que l'office dispose d'un avis
psychiatrique relatif à la capacité de travail résiduelle
de l'assuré (cf. ATF 126 V 292 consid. 2b et 294 con-
sid. 2d; RAMA 2000 no U 402 p. 390, no U 406 p. 402).
     Cela étant, il y a lieu de retenir que le recourant
est pleinement capable de travailler dans une activité
adaptée à son handicap physique, tel que décrit par le
docteur D.________. Sur cette base, la CNA a déterminé
correctement le revenu mensuel qu'il pourrait obtenir dans
une telle activité, de l'ordre de 3300 fr., ainsi que le
revenu qu'il aurait réalisé sans invalidité (4350 fr.), le
recourant ne soulevant du reste aucune critique à cet
égard. Aussi, sa décision de fixer à 25 % le taux
d'invalidité de l'assuré, rendue au terme d'une comparaison
de revenus conforme à l'art. 18 al. 2 LAA, doit être
approuvée.

     b) A.________ prétend également une indemnité pour
atteinte à l'intégrité, au sens de l'art. 24 al. 1 LAA,
fondée sur un taux d'atteinte à l'intégrité supérieur à
20 %. Toutefois, s'il a subi une diminution importante et
durable de son intégrité physique, au sens de la disposi-

tion citée, il n'en va pas de même de son intégrité men-
tale. En effet, selon la jurisprudence, le caractère
durable de troubles psychiques consécutifs à un accident de
gravité moyenne ne doit être admis que dans des cas excep-
tionnels, à savoir lorsqu'on se trouve à la limite de la
catégorie des accidents graves, pour autant que les pièces
du dossier fassent ressortir des indices évidents d'une
 atteinte particulièrement grave à l'intégrité psychique,
qui ne paraît pas devoir se résorber (ATF 124 V 214 et les
arrêts cités). Tel n'est pas le cas en l'espèce, le docteur
E.________ ayant même expressément constaté le caractère
dégressif des troubles psychiques consécutifs à l'accident
subi (expertise p. 21, réponse aux question 8, 8.1 et 8.2).
L'intimée pouvait donc à bon droit fixer le taux d'atteinte
à l'intégrité de l'assuré d'après ses seules séquelles
physiques. A cet égard, il pouvait, sans prêter le flanc à
la critique, se fonder sur le rapport convaincant du
docteur D.________ pour retenir une diminution de
l'intégrité physique de 20 %. Sur ce point également, le
recours est mal fondé.

     c) L'intimée et les premiers juges ont nié le droit du
recourant à la prise en charge, par l'assurance-accidents,
de son hospitalisation à W.________, en septembre 1997, au
titre de l'art. 10 LAA. A cet égard, ils ont motivé ce
refus par l'absence d'un lien de causalité entre les
affections psychiques traitées dans cet établissement et
l'accident assuré. L'existence de ce lien de causalité doit
toutefois être retenue, comme on l'a vu (consid. 3 supra).
Par conséquent, la CNA prendra en charge les frais de
l'hospitalisation à W.________.

     5.- Le recourant qui obtient partiellement gain de
cause a droit à une indemnité de dépens réduite (art. 159
OJ).

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est partiellement admis. Le jugement du
     15 février 2001 du Tribunal des assurances du canton
     de Vaud ainsi que la décision sur opposition du
     13 août 1999 de l'intimée sont annulés en tant qu'ils
     portent sur le droit de A.________ à la prise en
     charge de son hospitalisation à W.________. Le recours
     est rejeté pour le surplus.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'intimée versera au recourant la somme de 1500 fr. (y
     compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de
     dépens pour la procédure fédérale.

 IV. Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera
     sur les dépens pour la procédure de première instance
     au regard de l'issue de la procédure de dernière
     instance.

  V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
     Tribunal des assurances du canton de Vaud, à Swica,
     Organisation de santé, et à l'Office fédéral des
     assurances sociales.

Lucerne, le 31 janvier 2002

                                     Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          La Présidente de la IVe Chambre :

                                    Le Greffier :