Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 133/2001
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U 133/01 Tn

                       IIIe Chambre

MM. les juges Schön, Président, Spira et Ursprung.
Greffier : M. Métral

                 Arrêt du 20 novembre 2001

                       dans la cause

H.________, recourant, représenté par la Fédération suisse
pour l'intégration des handicapés, place Grand-Saint-
Jean 1, 1003 Lausanne,

                          contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

                            et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

     A.- H.________, travaillait en qualité de pilote
d'avions au service de la société X.________ lorsqu'il fut
victime de fractures lombaires étagées et de lésions du
pilon tibial droit, de la cheville gauche et du sternum, en
raison d'un accident survenu le 23 septembre 1995. Il était
alors assuré auprès de la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (ci-après : CNA), qui lui a

alloué ses prestations pour les suites de cet événement.
Devenu incapable d'exercer sa profession de pilote, il a
été mis au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-
invalidité à partir du 1er septembre 1996 par l'Office
cantonal de l'assurance-invalidité de Genève (décisions des
1er et 16 mars 1999).
     D'après un rapport médical établi le 16 juillet 1998
par le docteur A.________, médecin d'arrondissement de la
CNA, l'assuré ne pouvait plus accomplir de travaux
impliquant une surcharge du membre inférieur droit, des
déplacements sur de longues distances, de monter et
descendre des escaliers, ainsi qu'une position assise
prolongée; il pouvait en revanche exercer à plein temps
toute activité permettant d'alterner les positions assise
et debout ainsi que de limiter les déplacements à de
petites distances sur terrain plat. Se fondant pour
l'essentiel sur ce rapport, la CNA, après avoir mis fin le
1er mars 1999 au versement d'indemnités journalières à
H.________, lui alloua dès cette date une rente fondée sur
un taux d'invalidité de 60 % ainsi qu'une indemnité pour
atteinte à l'intégrité de 43 740 fr., par décision du
14 juillet 1999. Le 31 mars 2000, elle rejeta l'opposition
formée par l'assuré contre cette décision.

     B.- H.________ déféra cette décision sur opposition au
Tribunal administratif du canton de Genève, qui rejeta son
recours par jugement du 6 mars 2001.

     C.- L'assuré interjette un recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont il demande l'annulation. Il
conclut à ce que la CNA soit condamnée à lui allouer une
rente fondée sur un taux d'invalidité de 100 %. L'intimée
conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des
assurances sociales ne s'est pas déterminé.

                  Considérant en droit :

     1.- Le litige porte sur le taux d'invalidité donnant
droit au versement d'une rente d'invalidité au recourant
par l'intimée. Le droit du recourant à une indemnité pour
atteinte à l'intégrité a en revanche été définitivement
reconnu dans la décision administrative du 14 juillet 1999,
entrée en force sur ce point (cf ATF 119 V 350 consid. 1b).

     2.- Selon l'art. 18 LAA, si l'assuré devient invalide
à la suite d'un accident, il a droit à une rente d'invali-
dité (al. 1). Est réputé invalide celui dont la capacité de
gain subit vraisemblablement une atteinte permanente ou de
longue durée. Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu
du travail que l'assuré devenu invalide par suite d'un
accident pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle
de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation
équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu
qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (al. 2).

     3.- Il ressort des rapports médicaux figurant au dos-
sier et des renseignements donnés à l'intimée par l'ancien
employeur du recourant que ce dernier ne peut plus exercer
son ancienne profession de pilote, dans laquelle il aurait
réalisé un revenu mensuel de 12 500 fr. en 1999 s'il
n'avait pas été invalide.
     En revanche, l'intimée et le recourant s'opposent sur
le point de savoir quelles nouvelles activités lucratives
le recourant peut encore raisonnablement être tenu d'exer-
cer. L'intimée a produit dix descriptions de postes de
travail (ci-après : DPT), qui démontrent selon elle que le
recourant pourrait réaliser un revenu mensuel de 5000 fr.
nonobstant son handicap. Il s'agit notamment d'emplois
d'huissier de banque, d'employé de bureau, de vendeur
d'automobiles et d'ouvrier d'usine. Pour sa part, le recou-
rant soutient que de telles activités ne lui conféreraient

pas le même statut social que son ancienne profession de
pilote, de sorte qu'il n'y aurait pas lieu de les prendre
en considération pour évaluer le degré de son invalidité.

     4.- a) Savoir si on peut exiger raisonnablement d'un
assuré qu'il exerce une activité lucrative et si oui la-
quelle, dépend de l'ensemble des circonstances concrètes,
en particulier de ses capacités physiques et psychiques,
ainsi que de sa situation professionnelle et sociale, con-
sidérées de manière objective (ATF 109 V 28; Maeschi,
Kommentar zum Bundesgesetz über die Militärversicherung
(MVG) vom 19. Juni 1992, no 38 ss p. 320). Dès lors que, de
manière générale en droit des assurances sociales, l'assuré
a l'obligation de réduire le dommage résultant de son inva-
lidité (ATF 117 V 400), il peut être tenu de consentir
d'importants efforts en vue de maintenir sa capacité de
gain, dans les limites imposées par le principe de propor-
tionnalité (cf. ATF 122 V 380 consid. 2b/cc, 119 V 254
consid. 3a et les arrêts cités; Thomas Locher, Die Schaden-
minderungspflicht im IVG in : Mélanges pour le 75e anniver-
saire du Tribunal fédéral des assurances, p. 425 ss; voir
également ATF 113 V 28, 32 sv.; SVR 1995 UV no 35 p. 106
consid. 5). Dans ce contexte, un assuré peut être tenu
d'accepter une fonction moins élevée hiérarchiquement que
celle qu'il occupait auparavant, ou d'exercer une activité
lui conférant moins d'autonomie que celle dont il dispo-
sait, l'effort à consentir étant d'autant plus important
que la diminution du dommage escomptée est substantielle.

     b) Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en
fonction de la situation professionnelle concrète de l'in-
téressé, en particulier de l'activité effectivement exercée
après la survenance de l'atteinte à la santé (ATF 126 V 76
consid. 3b/aa). Mais lorsque l'assuré n'a pas repris d'ac-
tivité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre
pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle,
contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de

sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base
des données salariales publiées par l'Office fédéral de la
statistique (ci-après : l'OFS). Dans ce cas, on réduira le
montant des salaires ressortant de ces données en fonction
des empêchements propres à la personne de l'invalide, tels
que le handicap, l'âge, les années de service, la nationa-
lité, la catégorie d'autorisation de séjour ou le taux
d'occupation. On procédera alors à une évaluation globale
des effets de ces empêchements sur le revenu d'invalide,
compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret,
étant précisé que la jurisprudence n'admet pas de déduction
globale supérieure à 25 % (ATF 126 V 76 sv. consid. 3b/bb,
78 ss consid. 5).

     5.- a) Il est possible que les postes de travail
auxquels s'est référée l'intimée soient moins bien consi-
dérés socialement que le métier de pilote exercé jus-
qu'alors par le recourant, encore que le prestige lié à une
profession repose largement sur des considérations subjec-
tives, dont il y a en principe lieu de faire abstraction.
Ce seul motif n'est toutefois pas suffisant pour nier en
l'espèce le caractère raisonnablement exigible des activi-
tés envisagées, dans la mesure où elles permettraient au
recourant de réduire sa perte de gain de manière signifi-
cative, de l'ordre de 40 % selon les salaires ressortant
des DPT produites par l'intimée, ce que le recourant ne
conteste pas devant le tribunal de céans. Quoi qu'il en
soit, le revenu d'invalide et donc le taux d'invalidité
retenus par l'intimée doivent être confirmés, même en
faisant abstraction des DPT produites par cette dernière,
pour les motifs exposés ci-après.

     b) Le recourant est encore au bénéfice de toutes ses
facultés intellectuelles, lesquelles lui permettent, compte
tenu de la formation et des qualités requises dans son
ancienne profession, d'exercer une activité correspondant
au moins au degré de qualification 3 dans le secteur des

services, selon la classification utilisée par l'OFS dans
ses publications (L'enquête suisse sur la structure des
salaires 1994, 1996 et 1998). Ce secteur économique offre
un large éventail d'activités de bureau adaptées au han-
dicap du recourant, tel qu'attesté par le docteur
A.________, dans lesquelles celui-ci pourrait mettre le
mieux à profit sa capacité de travail résiduelle et ses
connaissances professionnelles, notamment dans le domaine
informatique.
     D'après L'enquête suisse sur la structure des salaires
1998, le salaire mensuel brut (valeur centrale) des hommes
d'un niveau de qualification 3 travaillant dans le secteur
privé des services était de 5098 fr. en 1998 (table A1,
p. 25). Il convient toutefois de rectifier ce salaire
mensuel hypothétique, d'une part en raison du fait que les
salaires bruts standardisés se basent sur un horaire de
travail de quarante heure, soit une durée hebdomadaire
inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises du
secteur tertiaire en 1998 (42 heures; La Vie économique
10/2001 p. 100), et d'autre part afin de prendre en
considération l'évolution des salaires nominaux dans ce
même secteur économique, qui fut de 0,5 % entre 1998 et
1999 (Annuaire statistique de la Suisse 2001, Table
3.4.3.1, p. 203). Après avoir procédé aux adaptations
nécessaires, on obtient un revenu mensuel de 5380 fr.
(montant arrondi). Dans ces conditions, et vu l'âge du
recourant, qui constitue objectivement un obstacle à la
reprise d'une activité professionnelle dans une nouvelle
entreprise, le revenu d'invalide a été correctement évalué
à 5000 fr. par l'intimée.

     c) Il convient de préciser ici que l'art. 28 al. 4
OLAA n'est pas applicable en l'espèce et qu'il n'y a donc
pas lieu d'évaluer l'invalidité du recourant en se référant
au revenu que réaliserait un assuré d'âge moyen présentant
les mêmes atteintes à la santé. En effet, d'une part, la

diminution de la capacité de gain du recourant n'est pas
essentiellement due à son âge, et d'autre part, au moment
de la décision sur opposition litigieuse, cet âge n'était
pas «avancé» au sens de la disposition citée (cf. ATF
122 V 426 sv. consid. 2).

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances,

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est rejeté.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
     bunal administratif du canton de Genève et à l'Office
     fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 20 novembre 2001

                                 Au nom du
                          Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIIe Chambre :

                               Le Greffier :