Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 81/2001
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K 81/01 Mh

                        IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffier : M. Frésard

                 Arrêt du 25 octobre 2001

                       dans la cause

1. CSS Assurance, Rösslimattstrasse 40, 6002 Lucerne et
   27 consorts,

2. FTMH Caisse-maladie et accident, Weltpoststrasse 20,
   3015 Berne, et 24 consorts,
recourantes, toutes représentées par la Fédération vaudoise
des assureurs-maladie, avenue de la Rasude 2,
1006 Lausanne, elle-même représentée par Maître Olivier
Burnet, avocat, Petit-Chêne 18, 1003 Lausanne,

                          contre

A.________, intimé, représenté par Maître Christian
Dénériaz, avocat, rue Etraz 2, 1003 Lausanne,

                            et

Tribunal arbitral des assurances, Lausanne

     A.- Le 1er juillet 1994, la Chrétienne Sociale Suisse
Assurance (CSS) et 27 autres caisses-maladie reconnues,
toutes représentées par la Fédération vaudoise des assu-
reurs-maladie, ont requis la constitution du tribunal
arbitral en concluant au paiement par le docteur A.________
de la somme de 206 407 fr. avec intérêt à 5 pour cent l'an
dès le 1er juillet 1992.
     Par la suite, le 29 juin 1995, la Caisse-maladie de la
FTHM et 24 autres caisses-maladie reconnues, représentées
également par la Fédération vaudoise des assureurs-maladie,
ont à leur tour requis la constitution du tribunal arbitral
et conclu au paiement par le docteur A.________ de
227 000 fr. avec intérêt à 5 pour cent dès le 1er juillet
1993. Les demanderesses fondaient leurs conclusions,
principalement, sur les statistiques du Concordat des
assureurs-maladie suisses (CAMS).
     Par décision présidentielle du 20 août 1996, les cau-
ses ont été jointes. Dans sa réponse, le défendeur a conclu
au rejet de toutes les conclusions prises à son encontre.
     En cours de procédure, une expertise a été confiée au
professeur B.________ aux fins de déterminer la valeur des
statistiques du CAMS comme preuve de polypragmasie.

     B.- Statuant par voie «préjudicielle» le 13 mars 2001,
le Tribunal arbitral des assurances du canton de Vaud, sur
le vu notamment de cette expertise, a prononcé :

  I. Les éléments statistiques invoqués par les demanderes-
     ses dans leur procédure ne valent pas preuve de poly-
     pragmasie et ne constituent pas à eux seuls un indice
     suffisant de la pratique par le défendeur d'une méde-
     cine non économique.

 II. Les conclusions en paiement des demanderesses, en tant
     qu'elles sont fondées sur les seuls éléments statisti-
     ques cités au chiffre I ci-dessus, sont rejetées.

III. A l'échéance du délai de recours au Tribunal fédéral
     des assurances et en l'absence d'un tel recours, un
     délai de trente jours sera fixé aux parties pour de-
     mander la reprise de la cause. Si la reprise de la
     cause est demandée, un délai sera fixé aux parties
     pour compléter leurs offres de preuves.

 IV. Les frais et dépens de la présente décision suivent le
     sort de la cause au fond. Si la reprise de cause n'est
     pas demandée, la cause sera rayée du rôle et le mon-
     tant des frais et dépens mis à la charge des demande-
     resses fixé par une décision séparée.

     C.- La CSS et consorts, ainsi que la Caisse-maladie de
la FTMH et consorts, interjettent recours de droit adminis-
tratif contre cette décision dont elles demandent l'annu-
lation. Elles concluent à l'admission des demandes, sous
suite de frais et dépens.
     A.________ conclut pour sa part au rejet du recours et
à la réforme de la décision préjudicielle en ce sens que
les conclusions des assureurs-maladie sont définitivement
rejetées avec suite de frais et dépens.

                  Considérant en droit :

     1.- Dans ses conclusions, l'intimé conclut aussi bien
au rejet du recours de droit administratif qu'à la réforme,
en sa faveur, de la décision du tribunal arbitral du
13 mars 2001. Ce faisant, il attaque le jugement de
première instance dans la mesure où le tribunal arbitral
n'a pas statué définitivement et rejeté les prétentions des
demanderesses.
     Une telle conclusion constitue toutefois une demande
reconventionnelle assimilable à un recours joint. Or, la
Cour de céans a déjà jugé que l'institution du recours
joint au recours de droit administratif est inconnue. La
partie qui, comme en l'espèce, n'a pas interjeté recours de
droit administratif dans le délai légal, ne peut que propo-
ser l'irrecevabilité ou le rejet du recours formé par la

partie adverse. Elle n'a plus la faculté de prendre des
conclusions indépendantes (ATF 124 V 155 consid. 1,
120 V 127 consid. 6).

     2.- Le problème se pose en l'espèce de la détermina-
tion de la nature de la décision attaquée, dont dépend la
recevabilité du recours de droit administratif.

     a) Est finale la décision par laquelle une autorité
met fin à la procédure engagée devant elle. Le jugement
partiel proprement dit est celui qui statue sur une partie
quantitativement limitée de la prétention litigieuse ou sur
l'une des prétentions en cause (en cas de cumul d'actions
ou lorsqu'une demande reconventionnelle a été formée en
plus de la demande principale). Quant au jugement préjudi-
ciel, il tranche une question préalable de fond (sur ces
notions, cf. ATF 116 II 82 consid. 2b et les références;
Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, vol. II, note 1.1.7.1 ad
art. 48; Alfred Kölz/Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren
und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., Zurich
1998, ch. 511 et 896). Enfin, la décision incidente  se
caractérise par le fait qu'elle est prise en cours de
procès et qu'elle ne constitue qu'une étape vers la déci-
sion finale; elle porte généralement sur une question de
procédure; il n'est cependant pas exclu qu'elle tranche un
problème de fond (ATF 121 II 118 consid. 1b; André Grisel,
Traité de droit administratif, vol. II, p. 868).

     b) Dans le cas particulier, la décision attaquée n'est
à l'évidence pas un jugement final. Elle n'est pas davan-
tage un jugement partiel sur le fond ou un jugement préju-
diciel dès lors qu'elle ne tranche pas définitivement une
question de droit matériel ni ne statue, même partielle-
ment, sur les droits des parties. Le dispositif de cette
décision constate que les éléments statistiques invoqués
par les demanderesses ne valent pas preuve de polypragmasie

et ne constituent pas, à eux seuls, un indice suffisant
propre à établir une pratique non-économique de la médecine
par le défendeur; les demanderesses ne peuvent donc invo-
quer de tels éléments à l'appui de leurs conclusions; si la
reprise de la procédure est demandée, les parties auront la
possibilité de compléter leurs offres de preuves. L'analyse
de ce dispositif conduit à admettre que l'on est en présen-
ce d'une décision incidente en matière de procédure, soit
l'appréciation par le tribunal arbitral d'une preuve régu-
lièrement administrée. Le point de savoir si une telle
appréciation est susceptible de donner lieu à décision
incidente en procédure administrative est pour le moins
douteux (cf. Kölz/Häner, op. cit., ch. 511). Il peut néan-
moins rester indécis pour les raisons qui suivent.

     3.- a) Aux termes de l'art. 97 al. 1 OJ, applicable en
vertu de l'art. 128 OJ, le Tribunal fédéral des assurances
connaît en dernière instance des recours de droit adminis-
tratif contre des décisions au sens de l'art. 5 PA. En ce
qui concerne les décisions incidentes, le deuxième alinéa
de cette disposition renvoie à l'art. 45 PA, de sorte que
le recours de droit administratif n'est recevable - séparé-
ment d'avec le fond - que contre les décisions de cette
nature qui peuvent causer un préjudice irréparable au re-
courant. Il faut, au surplus, conformément à l'art. 129
al. 2 en liaison avec l'art. 101 let. a OJ, que le recours
de droit administratif soit également ouvert contre la
décision finale (ATF 124 V 85 consid. 2 et les références).
     Selon la jurisprudence, la notion de dommage irrépa-
rable n'est pas exactement la même dans la procédure du
recours de droit administratif et dans celle du recours de
droit public. Saisi d'un recours de droit administratif, le
Tribunal fédéral des assurances ne juge pas de l'existence
d'un dommage irréparable selon un critère unique, mais il
adopte celui qui s'accorde le mieux avec la nature de la
décision attaquée. En particulier, il ne se borne pas à

considérer comme irréparable le seul dommage qu'une déci-
sion finale favorable au recourant ne peut pas faire dispa-
raître complètement (ATF 124 V 87 consid. 4, 121 V 116 et
les références).

     b) Supposé que l'appréciation par le tribunal arbitral
d'une preuve puisse faire l'objet d'une décision incidente
au sens de l'art. 45 al. 2 PA (supra consid. 2b in fine),
la condition du préjudice irréparable ne serait de toute
façon pas réalisée. D'une part, il demeure loisible aux
recourantes, en vertu de leur obligation de collaborer, de
proposer d'autres preuves aux fins d'établir l'existence
des faits contestés (cf. à cet égard ATF 119 V 448).
D'autre part, l'appréciation de l'ensemble des preuves
pourra être soumise, avec le fond, au contrôle du Tribunal
fédéral des assurances sans qu'il en résulte de préjudice.
En effet, la question de la perte éventuelle d'un moyen de
preuve ne se pose pas en l'espèce.
     Il s'ensuit que le recours de droit administratif est
irrecevable.

     4.- Il appartiendra ainsi au tribunal arbitral de
poursuivre avec la diligence nécessaire l'instruction de la
cause qui est pendante devant lui depuis le 1er juillet
1994 déjà et de rendre son jugement.
     Par ailleurs, au regard des considérants de la déci-
sion du 13 mars 2001, il n'est peut-être pas inutile de
rappeler que dans la procédure arbitrale s'applique - comme
en procédure administrative - la maxime inquisitoriale : le
tribunal arbitral établit en collaboration avec les parties
les faits déterminants pour la solution du litige; il admi-
nistre les preuves nécessaires et les apprécie librement
(art. 89 al. 5 LAMal; voir aussi Ueli Kieser, Formelle
Fragen der pauschalen Rückforderung, in Wirtschaftlich-
keitskontrolle in der Krankenversicherung, St-Gall 2001,
p. 129); pour établir les faits pertinents, elle ne peut se
contenter d'attendre que l'administré lui demande d'ins-

truire ou lui fournisse de lui-même les preuves adéquates
(Pierre Moor, Droit administratif, tome II, p. 176).

     5.- Eu égard à la nature du litige, la procédure est
onéreuse (art. 134 OJ a contrario). Les frais judiciaires
seront supportés par les recourantes.
     D'autre part, vu l'irrecevabilité de ses conclusions
(supra consid. 1), il ne se justifie pas d'allouer une
indemnité de dépens à l'intimé.

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est irrecevable.

 II. Les frais de justice, d'un montant de 3000 fr., sont
     mis à la charge des recourantes et sont compensés avec
     l'avance de frais qu'elles ont versée. Le solde de
     cette avance, par 3000 fr., leur est restitué.

III. Il n'est pas alloué de dépens.

 IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties et au
     Tribunal arbitral des assurances du canton de Vaud.

Lucerne, le 25 octobre 2001

                                     Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIe Chambre :

                                    Le Greffier :