Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 51/2001
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K 51/01 Mh

                        IIe Chambre

MM. et Mme les juges Schön, Président, Widmer et Frésard.
Greffière : Mme von Zwehl

                  Arrêt du 15 avril 2002

                       dans la cause

CSS Assurance, Rösslimattstrasse 40, 6005 Lucerne, et
consorts, recourants, représentés par la Fédération
valaisanne des assureurs-maladie, rue des Condémines 14,
1950 Sion, elle-même représentée par Me Charles-Marie
Crittin, avocat, rue de la Poste 3, 1920 Martigny,

                          contre

P.________, intimé,

                            et

Tribunal arbitral du canton du Valais, Sion

     A.- Par lettre du 29 octobre 1996, la Commission pari-
taire médecins/caisses-maladie (ci-après : la commission
paritaire) a informé le docteur P.________ qu'elle envisa-
geait de prendre une «mesure de rétrocession» à son encon-
tre pour avoir prodigué durant l'année 1995 des traitements
jugés non économiques, et l'a invité à se présenter devant

elle le 12 décembre 1996. Le docteur P.________ n'a pas
donné suite à cette convocation, mais a déposé des déter-
minations écrites.
     Après avoir examiné les éléments au dossier, la com-
mission paritaire a proposé la solution amiable suivante :
la restitution par le docteur P.________ d'un montant de
30 000 fr. payable dans les 30 jours («décision» du 7 jan-
vier 1997). Ayant agréé cette proposition, la Fédération
valaisanne des assureurs-maladie (FVAM) a prié le docteur
P.________ de lui verser la somme de 30 000 fr. jusqu'au
30 mars 1997. Ce dernier a refusé de régler le montant
demandé.

     B.- Le 4 septembre 1997, la Chrétienne Sociale Suisse
et 15 autres caisses-maladie, toutes représentées par la
FVAM, ainsi que la Conférence d'assureurs-maladie et acci-
dent du Valais (CAMAV) ont alors requis la constitution du
Tribunal arbitral, en concluant au paiement par le docteur
P.________ de 140 000 fr. En cours de procédure, elles ont
introduit, respectivement les 26 août 1998, 1er septembre
1999 et 15 septembre 2000, trois nouvelles demandes de
restitution à l'encontre du médecin prénommé pour les
années 1996, 1997 et 1998.
     Par jugement du 2 mars 2001, le tribunal a rejeté
toutes les demandes pour défaut de qualité pour agir, et
mis les frais de la cause par 3700 fr. ainsi qu'une indem-
nité de dépens de 2000 fr. à charge des demanderesses.

     C.- Ces dernières interjettent recours de droit admi-
nistratif contre ce jugement dont elles requièrent l'annu-
lation, en concluant - sous suite de frais et dépens - à ce
que leurs demandes soient déclarées recevables.

     Le docteur P.________ conclut au rejet du recours. Le
tribunal arbitral a présenté des observations. Quant à
l'Office fédéral des assurances sociales, il ne s'est pas
déterminé.

                  Considérant en droit :

     1.- a) Le tribunal arbitral a statué sur les quatre
demandes des recourantes en faisant application de la Loi
fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal),
en vigueur depuis le 1er janvier 1996.
     S'agissant en particulier de la demande du 4 septembre
1997, les premiers juges ont considéré que cette dernière
devait être tranchée selon le nouveau droit même si elle
concernait des prestations payées par les recourantes sous
le régime de la LAMA. En effet, la question de la restitu-
tion de prestations indûment perçues n'avait fait l'objet
d'aucune réglementation spécifique aux dispositions transi-
toires de la LAMal, de sorte que l'on pouvait partir de
l'idée qu'en ce domaine, le législateur fédéral entendait
que le nouveau droit s'applique dès son entrée en vigueur.
Du moment que la demande en cause avait été introduite
après le 1er janvier 1996, la LAMal lui était donc applica-
ble, sur le plan procédural comme sur le fond, à l'instar
des autres procédures des recourantes qui, elles, tombaient
manifestement sous le coup de la nouvelle loi.

     b) En bref, le tribunal arbitral a jugé qu'au regard
de l'art. 56 al. 2 LAMal et contrairement à la pratique en
vigueur sous l'empire de la LAMA, les assureurs n'étaient
plus fondés, dans le système du tiers garant (art. 42 al. 1
LAMal), à agir directement à l'encontre d'un fournisseur de
prestations pour obtenir la restitution des prestations

indûment versées. Dans un tel système en effet, la nouvelle
législation n'accordait aux assureurs plus qu'un «rôle de
représentant de l'assuré» (cf. art. 89 al. 3 LAMal). Ce
dernier étant seul débiteur de la rémunération envers le
fournisseur de prestations concerné, il était également
seul titulaire de la créance en restitution en cas de
facturation abusive de la part de celui-ci. Dans la mesure
où les recourantes intervenaient in casu non pas pour le
compte d'assurés particuliers mais en leur propre nom, la
qualité pour agir à l'encontre du docteur P.________ devait
par conséquent leur être niée.

     2.- Pour leur part, les recourantes soutiennent que
s'il ne prête pas à discussion que leurs demandes, respec-
tivement des 26 août 1998, 1er septembre 1999 et 15 septem-
bre 2000, entrent dans le champ d'application de la LAMal,
en revanche, celle du 4 septembre 1997, en tant qu'elle se
rapporte à la restitution d'honoraires perçus par le
docteur P.________ en 1995, doit être jugée à la lumière de
l'ancien droit en vertu du principe selon lequel le droit
applicable à une procédure est celui en vigueur au moment
des faits juridiquement déterminants.
     Au-delà de cette question du droit applicable, les
recourantes considèrent que l'introduction de la LAMal n'a
rien changé au régime instauré sous l'empire de la LAMA en
ce qui concerne le droit des caisses-maladie d'exiger d'un
fournisseur de prestations la restitution des sommes per-
çues indûment à raison de traitements non économiques.
Selon elles, en cette matière, la LAMal reconnaît aux assu-
reurs une représentation légale des assurés.

     3.- Il convient préalablement de relever - bien que
cela n'ait pas véritablement d'incidence sur l'issue du
présent litige comme on le verra plus loin - que le raison-
nement des premiers juges relatif à la détermination du
droit applicable à la première demande du 4 septembre 1997
est erroné.

     Que le tribunal arbitral ait statué sur la question de
sa compétence fonctionnelle au regard de l'art. 89 LAMal se
justifie, dès lors que la demande litigieuse a été intro-
duite après l'entrée en vigueur de la LAMal (comp. ATF
124 V 132 consid. 3b). Cela n'emporte pas pour autant
l'application du nouveau droit également sous l'angle maté-
riel. D'après les principes généraux, on applique, en cas
de changement de règles de droit et sauf réglementation
transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de
la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié
juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF
121 V 100 consid. 1a; SJ 1996 p. 427 consid. 2b; Moor,
Droit administratif, vol. I, 2ème éd., p. 170). Dans le cas
particulier, l'état de fait qui fonde la demande en resti-
tution du 4 septembre 1997 réside dans le versement de
prestations prétendument indues à raison de traitements
jugés non économiques prodigués par l'intimé en 1995. Au vu
des critères précités et faute de disposition transitoire
prévoyant expressément l'application de la LAMal à une
telle situation, le bien-fondé de cette demande doit dès
lors être jugé à l'aune du droit fédéral en vigueur à
l'époque du versement des prestations, soit en l'occurrence
la LAMA. Sur ce point déjà, les critiques soulevées par les
recourantes sont fondées.

     4.- La qualité pour agir dans une procédure arbitrale
relève, comme dans un procès civil, du fondement matériel
de l'action (ATF 111 V 347 consid. 1c).

     a) De jurisprudence constante sous l'empire de la LAMA
(RJAM 1970 n° 65 p. 85 consid. 2; ATF 103 V 151 consid. 3
et les arrêts cités; RJAM 1980 n° 393 p. 3), les caisses-
maladie se sont vues reconnaître, dans le système du tiers
garant, la titularité des créances pécuniaires découlant de
traitements non économiques au sens de l'art. 23 LAMA.

     Reste à examiner si cette solution prévaut également
dans la LAMal.

     b) Aux termes de l'art. 56 al. 1 et 2 LAMal :

« 1  Le fournisseur de prestations doit limiter ses
     prestations à la mesure exigée par l'intérêt de
     l'assuré et le but du traitement.

  2  La rémunération des prestations qui dépassent cette
     limite peut être refusée. Le fournisseur de presta-
     tions peut être tenu de restituer les sommes reçues à
     tort au sens de la présente loi. Ont qualité pour de-
     mander la restitution :

     a. l'assuré ou, conformément à l'article 89, 3e ali-
        néa, l'assureur dans le système du tiers garant
        (art. 42, 1er al.);

     b. l'assureur dans le système du tiers payant
        (art. 42, 2e al.)»

     Dans un arrêt récent (ATF 127 V 281), le Tribunal
fédéral des assurances a eu l'occasion de préciser la por-
tée de l'art. 56 LAMal, singulièrement du 2ème alinéa. Il a
jugé que cette disposition confère aux assureurs un droit
propre à exiger d'un fournisseur de prestations la restitu-
tion des sommes qu'il a perçues indûment, même lorsque
l'assuré est le débiteur de la rémunération (système du
tiers garant). Se référant aux travaux préparatoires de la
LAMal (en particulier le projet de la Commission d'experts
du 2 novembre 1990 et le Message du Conseil fédéral du
6 novembre 1991 [FF 1992 I 171 et 260]), la Cour de céans a
retenu que le but poursuivi par le législateur au travers

du nouvel art. 56 LAMal était de codifier la pratique
jurisprudentielle développée sous l'empire de la LAMA en
matière de polypragmasie, et non pas - contrairement à la
thèse adoptée ici par le tribunal arbitral - d'instaurer un
nouveau principe, d'après lequel, dans le système du tiers
garant, seul l'assuré serait en droit d'exiger du fournis-
seur de prestations la restitution de la rémunération qu'il
lui a versée, lorsque celle-ci dépasse la limite fixé par
l'art. 56 al. 1 LAMal.

     5.- Il s'ensuit que la légitimation active des recou-
rantes est donnée sous l'angle de la LAMA comme de la LAMal
et que les premiers juges ont rejeté à tort l'ensemble de
leurs demandes pour défaut de la qualité pour agir.
     Le recours se révèle ainsi bien fondé.

     6.- La procédure n'est pas gratuite s'agissant d'un
litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de presta-
tions d'assurances (art. 134 OJ a contrario). Les frais de
justice seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe
(art. 156 OJ). Pour ce même motif, ce dernier versera une
indemnité de dépens aux recourantes.

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal arbi-
     tral du canton du Valais du 2 mars 2001 est annulé. La
     cause est renvoyée audit tribunal pour qu'il se pro-
     nonce sur les conclusions des demandes des 4 septembre
     1997, 26 août 1998, 1er septembre 1999 et 15 septembre
     2000.

 II. Les frais de justice, d'un montant de 3000 fr., sont
     mis à la charge de l'intimé. L'avance de frais effec-
     tuée par les recourantes, d'un montant de 3000 fr.,
     leur est restituée.

III. L'intimé versera aux recourantes une indemnité de
     dépens (y compris la taxe à la valeur ajoutée) de
     2500 fr.

 IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
     Tribunal arbitral du canton du Valais et à l'Office
     fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 avril 2002

                                     Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIe Chambre :

                                   La Greffière :