Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 128/2001
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2001
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2001


K 128/01

Arrêt du 14 octobre 2002
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Borella, Widmer, Ferrari et Frésard.
Greffier : M. Beauverd

Direction de la santé publique et des affaires sociales, route des Cliniques
17, 1701 Fribourg, recourante,

contre

S.________, intimé

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales,
Givisiez

(Jugement du 23 août 2001)

Faits :

A.
S. ________, marié et père d'un enfant en bas âge, est domicilié à B.________
(FR). Il est affilié à la caisse-maladie CMBB pour l'assurance obligatoire
des soins en cas de maladie.

Souffrant de fortes douleurs au ventre le matin du 5 janvier 2001, il s'est
rendu le jour même à l'Hôpital X.________ (VD). Il a séjourné dans le service
de médecine interne du 5 au 8 janvier 2001. A cette date, il a été transféré
à l'Hôpital Y.________ (FR), où il a séjourné du 8 au 15 janvier 2001, date
de son retour à domicile. Les médecins consultés ont posé le diagnostic de
pancréatite aiguë.

Par une demande de «garantie de paiement pour traitements extracantonaux
selon l'art. 41 al. 3 LAMal» établie le 5 janvier 2001, le docteur
A.________, médecin assistant à l'Hôpital X.________, a sollicité la prise en
charge par le canton de Fribourg de la différence entre les coûts facturés et
les tarifs que l'hôpital applique aux résidents du canton. Cette demande
était motivée par le caractère urgent du traitement.

Par décision du 22 janvier 2001, la Direction de la santé publique et des
affaires sociales du canton de Fribourg (ci-après : la Direction) a refusé
toute participa tion de l'Etat de Fribourg à l'hospitalisation extracantonale
de S.________, motif pris que le traitement pouvait être administré dans le
canton de Fribourg.

B.
Saisi d'un recours de l'assuré contre cette décision, le Tribunal
administratif du canton de Fribourg l'a «partiellement» admis, en ce sens que
la cause a été renvoyée à la Direction pour instruction complémentaire sur le
point de savoir si l'«Hôpital de la Gruyère» était en mesure d'administrer
les soins appropriés à l'intéressé le 5 janvier 2001 (jugement du 23 août
2001).

C.
La Direction interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
dont elle requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens,
à ce que le canton ne soit pas tenu de prendre en charge la différence de
coûts de l'hospitalisation hors canton.

S. ________ conclut implicitement au rejet du recours. La recourante s'est
exprimée sur cette réponse par écriture du 8 mars 2002. L'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer sur le recours.

Considérant en droit :

1.
Selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral des assurances est compétent
ratione materiae pour connaître des litiges portant sur l'application et
l'interprétation de l'art. 41 al. 3 LAMal (ATF 123 V 290). Le recours de
droit administratif dirigé contre un jugement de dernière instance cantonale
tranchant une contestation dans ce domaine est dès lors recevable.

2.
2.1 La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

Lorsque le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances est limité par
l'art. 105 al. 2 OJ, la possibilité d'alléguer des faits nouveaux ou de faire
valoir de nouveaux moyens de preuve est très restreinte. Selon la
jurisprudence, seules sont admissibles dans ce cas les preuves que l'instance
inférieure aurait dû réunir d'office, et dont le défaut d'administration
constitue une violation de règles essentielles de procédure (ATF 121 II 99
consid. 1c, 120 V 485 consid. 1b et les références).

2.2 En instance fédérale, la recourante produit une Convention du 29 mars
2000 pour l'Hôpital du Sud fribourgeois (ci-après : la Convention HSF)
conclue par les Associations de communes des districts de la Gruyère, de la
Glâne et de la Veveyse. Dans la mesure où il était susceptible de répondre à
la question de savoir si l' «Hôpital de la Gruyère» était apte à administrer
les soins appropriés à l'intéressé, ce document officiel, facilement
accessible, faisait indéniablement partie des moyens de preuve que la
juridiction cantonale aurait dû réunir d'office, au lieu de renvoyer la cause
à la Direction pour instruction complémentaire sur ce point. Ce nouveau moyen
de preuve est dès lors recevable.

3.
Aux termes de l'art. 41 al. 3, première phrase, LAMal, si, pour des raisons
médicales, l'assuré recourt aux services d'un hôpital public ou subventionné
par les pouvoirs publics situé hors de son canton de résidence, ce canton
prend en charge la différence entre les coûts facturés et les tarifs que
l'hôpital applique aux résidents du canton. Sont réputés raisons médicales le
cas d'urgence (art. 41 al. 2, deuxième phrase, LAMal), ainsi que, s'il s'agit
d'un traitement hospitalier ou semi-hospitalier, le cas où les prestations
nécessaires ne peuvent être fournies dans le canton où réside l'assuré ou
dans un hôpital en dehors de ce canton qui figure sur la liste dressée, par
le canton où réside l'assuré, en application de l'art. 39 al. 1 let. e LAMal
(art. 41 al. 2 let. b LAMal).

4.
4.1 La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par cas d'urgence justifiant
que l'assuré ait recours aux services d'un hôpital public ou subventionné par
les pouvoirs publics situé hors de son canton de résidence. En revanche,
l'art. 36 al. 2 OAMal contient une définition du cas d'urgence en ce qui
concerne la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins du coût des
traitements effectués à l'étranger. Selon cette disposition réglementaire, il
y a urgence lorsque l'assuré, qui séjourne temporairement à l'étranger, a
besoin d'un traitement médical et qu'un retour en Suisse n'est pas approprié
(deuxième phrase); il n'y a pas urgence lorsque l'assuré se rend à l'étranger
dans le but de suivre ce traitement (troisième phrase). Par analogie, il faut
considérer qu'il y a cas d'urgence justifiant l'application d'un traitement
hospitalier ou semi-hospitalier hors du canton de résidence lorsque des soins
médicaux doivent être administrés sans tarder et qu'il n'est pas possible ou
pas approprié d'imposer à l'assuré de retourner dans son canton de résidence
(cf. Eugster, Krankenversicherung, in : Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, p. 169 n. 318).

4.2 En l'espèce, il est incontestable que la pancréatite aiguë dont souffrait
S.________ est une affection grave qui nécessitait sans tarder des soins
médicaux. Toutefois, comme il était à son domicile au moment où cette
affection s'est déclarée, l'intéressé devait demander son admission dans un
hôpital situé dans son canton de résidence, à savoir le canton de Fribourg, à
défaut de quoi il ne saurait, en principe, se prévaloir de son droit à la
prise en charge par ce canton de la différence de coûts selon l'art. 41 al. 3
LAMal.

5.
Par ailleurs, il n'y a aucune raison de considérer que les soins nécessités
par l'affection de l'intimé ne pouvaient être fournis dans un hôpital sis
dans le canton de résidence. Aux termes de la Convention HSF, les
Associations de communes des districts de la Gruyère, de la Glâne et de la
Veveyse décident la mise en place d'un hôpital unique sur trois sites, soit à
Riaz (anciennement : Hôpital du district de la Gruyère), Billens
(anciennement : Hôpital du district de la Glâne) et Châtel-Saint-Denis
(anciennement : Hôpital du district de la Veveyse). Ces trois sites
collaborent entre eux en vue de fournir les soins hospitaliers nécessaires à
la population fribourgeoise du Sud du canton et l'HSF pourvoit à
l'organisation des urgences pour les trois districts (art. 3). Comme le
relève la recourante, le site de Châtel-Saint-Denis - qui, au demeurant, est
plus proche du domicile de l'intimé (5,2 km) que l'Hôpital de la Riviera,
site du Samaritain (8,2 km) - représente une porte d'entrée de l'HSF. Si
l'intimé s'y était rendu, la gravité de son état aurait été constatée par un
médecin. Après avoir reçu l'antalgie nécessaire, il aurait été transporté par
le service d'ambulance vers la structure hospitalière adéquate, soit sur le
site de Riaz, soit dans un autre hôpital du canton de Fribourg. A cet égard,
il y a lieu de relever qu'aux termes de l'art. 2 de la convention précitée,
le site de Riaz de l'HSF est équipé aux fins d'administrer les soins aigus, y
compris en ce qui concerne les activités médicales opératoires et les mesures
d'investigation, et d'assurer un service d'urgence médico-chirurgical. Dans
ces conditions, on ne peut se rallier au point de vue des premiers juges,
selon lequel on ignore si l'intimé aurait pu recevoir les soins nécessaires
dans cet établissement et si celui-ci disposait du personnel et des
équipements nécessaires.

6.
Vu ce qui précède, il n'existait pas de raison médicale pour que l'assuré se
rendît dans un hôpital situé hors de son canton de résidence, de sorte qu'il
n'a pas droit à la prise en charge par ce canton de la différence entre les
coûts facturés et les tarifs que l'hôpital applique aux résidents du canton.
La recourante était dès lors en droit, par sa décision du 22 janvier 2001, de
refuser à l'intimé la participation du canton à cette différence de coûts. Le
recours se révèle ainsi bien fondé.

7.
La procédure est onéreuse (art. 134 OJ a contrario). L'intimé, qui succombe,
devra supporter les frais de justice.

La recourante, qui obtient gain de cause, conclut à l'octroi de dépens pour
l'instance fédérale. Elle ne saurait toutefois en prétendre, dès lors qu'elle
n'est pas représentée par un avocat et qu'au demeurant, aucune indemnité pour
les frais de procès n'est allouée, en règle générale, aux autorités qui
obtiennent gain de cause et aux organismes chargés de tâches de droit public
(art. 159 al. 2 in fine OJ; ATF 125 I 202 consid. 7, 123 V 309 consid. 10 et
118 V 169 s. consid. 7 et les références).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du canton de
Fribourg du 23 août 2001 est annulé.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de
S.________.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 14 octobre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   Le Greffier: