Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6P.92/2001
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6P.92/2001/ROD

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

                     16 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, M. Kolly
et Mme Escher, Juges.  Greffière: Mme Michellod.
                      ____________

         Statuant sur le recours de droit public
                        formé par

Gaston-Armand   A m a u d r u z, à Lausanne, représenté
par Me Jean-Pierre Moser, avocat à Lausanne,

                         contre

l'arrêt rendu le 20 novembre 2000 par la Cour de cassa-
tion pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère public du canton
de   V a u d, à la Fédération Suisse des Communautés
Israélites, représentées par Me Bernard Geller, avocat à
Lausanne, à la Ligue Internationale contre le Racisme
et l'Antisémitisme (LICRA), représentée par Me Philippe
Nordmann, avocat à Lausanne, à l'Association des Fils
et Filles des Déportés Juifs de France, représentée par
Me Philippe A. Grumbach, avocat à Genève ainsi qu'à
Sigmund   T o m a n, à Vevey, représenté par Me Lucien
Gani, avocat à Lausanne;

        (appréciation des preuves; art. 10 CEDH;
         droit d'être entendu, procès équitable)

        Vu les pièces du dossier d'où ressortent
               les   f a i t s   suivants:

  A.-  Par jugement du 10 avril 2000, le Tribunal
correctionnel du district de Lausanne a reconnu Gaston-
Armand Amaudruz coupable de discrimination raciale (art.
261bis CP) et l'a condamné à la peine d'un an d'emprison-
nement ainsi qu'à verser des indemnités pour tort moral
à différentes parties civiles. Il a en outre ordonné la
confiscation et la destruction des ouvrages qui avaient
été séquestrés chez le recourant et la publication du
dispositif du jugement.

  Par arrêt du 20 novembre 2000, la Cour de cas-
sation pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis le
recours du condamné et a réformé le jugement en réduisant
la peine d'emprisonnement d'un an à trois mois et en
réduisant les indemnités dues aux associations parties
civiles. Elle l'a confirmé pour le surplus.

  B.-  Cet arrêt retient notamment les faits sui-
vants:

  a) Gaston-Armand Amaudruz est né en 1920. Après
avoir effectué sa scolarité et ses études à Lausanne, il
a obtenu un doctorat à l'Université de Lausanne en 1942.
Il a ensuite travaillé pour une compagnie d'assurances à
Lausanne, puis a effectué divers remplacements en tant
qu'enseignant au niveau primaire et supérieur jusqu'en
1956. Il a par la suite enseigné le français et l'alle-
mand dans différents établissements jusqu'en 1985. Son
casier judiciaire est vierge et il n'a jamais occupé
défavorablement les services de police.

  b) Depuis 1946, Gaston-Armand Amaudruz édite et
distribue, depuis son domicile lausannois, un journal
intitulé "Courrier du Continent". Il procède lui-même au
tirage de cette revue à raison de quatre cents à cinq
cents exemplaires, une dizaine de fois par année. En
1995, le journal en question était diffusé auprès de deux
cents abonnés ainsi qu'à divers destinataires, notamment
différents services de presse. Gaston-Armand Amaudruz a
aussi admis qu'il adressait systématiquement des exem-
plaires à toutes les adresses de personnes qui lui
avaient été citées comme "intéressantes" par ses sympa-
thisants.

  Chaque année, au mois de septembre, Gaston-Armand
Amaudruz annexe au numéro du "Courrier du Continent" une
liste d'ouvrages qu'il propose à la vente, en indiquant
leur prix. Compte tenu des frais de port, d'achat de li-
vres et de stockage, le recourant a déclaré ne pas faire
de bénéfice net grâce à ces ventes.

  En septembre 1994, il a annexé au "Courrier du
Continent" une liste de publications disponibles par son
intermédiaire, qui devait être valable jusqu'au mois de
septembre 1995. Dans la liste en question, il a expres-
sément attiré l'attention de ses lecteurs sur le fait que
les ouvrages rangés sous les rubriques "social-racisme"
et "révisionnisme-historique" étaient menacés par l'adop-
tion de l'art. 261bis CP, disposition qui entrerait en
vigueur le 1er janvier 1995. Il n'a toutefois pas retiré
les ouvrages précités de la vente après cette date. Il a
même déclaré que si des commandes avaient été passées
postérieurement au 1er janvier 1995, il les aurait hono-
rées, précisant toutefois ne pas savoir si tel avait été
le cas. L'instruction n'a pas permis non plus de dire
avec précision si des publications visées par l'art.
261bis CP avaient été commandées et vendues après le

1er janvier 1995, car aucun pointage des versements
opérés sur le compte postal du recourant n'avait été
réalisé. Celui-ci a indiqué avoir cessé toute livraison
des ouvrages litigieux dès l'intervention de la police à
son domicile et son audition par le magistrat instructeur
en date du 9 juin 1995.

  Parmi les ouvrages proposés par Gaston-Armand
Amaudruz en septembre 1994 figuraient des écrits ou des
revues exposant des thèses négationnistes ou révisionnis-
tes concernant le génocide perpétré durant la deuxième
guerre mondiale, en particulier en rapport avec la
communauté juive. Ainsi, il était possible de commander
les ouvrages suivants: "Six millions de morts le sont-ils
réellement ?", "Der Auschwitz Mythos", ou encore "Le
mensonge d'Auschwitz". Une petite partie des ouvrages
incriminés constituait de la propagande raciste, sans
allusion aux crimes nazis de la deuxième guerre mondiale.

  c) Au début de l'année 1995, Gaston-Armand
Amaudruz a reçu quatre exemplaires du livre "Grundlagen
zur Zeitgeschichte". Il a fait état de cet arrivage dans
le "Courrier du Continent" du mois de juin 1995, paru
juste avant l'intervention de la police. Dans le bloc-
notes de ce journal, le recourant expliquait qu'il
s'agissait d'une oeuvre collective de quinze révision-
nistes et que cet ouvrage était recherché par les auto-
rités allemandes en vue de destruction. Il annonçait
qu'il avait pu "mettre la main" sur quelques exemplaires
et les vendait 50 francs pièce. Le recourant ne paraît
pas avoir pu honorer de commande avant le 9 juin 1995,
date de la visite domiciliaire.

  Les premiers juges ont constaté que ce livre
contenait effectivement un avant-propos et une série

d'articles mettant en doute ou niant l'existence du
génocide juif pendant la seconde guerre mondiale.

  d) En mars 1995, Gaston-Armand Amaudruz a écrit
et publié, dans son journal "Le Courrier du Continent",
un article ayant pour titre "La question juive". On
pouvait notamment y lire:

  "Que ces extrémistes juifs croient ou feignent de
croire à l'extermination des "six millions" dans les
chambres à gaz au cours de la deuxième guerre mondiale,
libre à eux. Qu'ils cherchent à en persuader leurs co-
religionnaires n'est pas très loyal, mais passe encore.
Qu'ils prétendent imposer aux non-Juifs, par des lois
ad hoc, la foi en l'"holocauste", voilà qui nous semble
légèrement exagéré.

  Ces extrémistes, que nous avons déjà nommés
"maximalistes" en raison de leurs exigences insatiables,
veulent imposer aux autres peuples toutes sortes de re-
vendications: des réparations, des muselières, le mon-
dialisme (y compris le libre-échangisme et le mélange
des races).

  (...) Nous remplirions des pages à citer les
maximalistes favorables au mélange des races. Bornons-
nous à constater qu'avec eux une importante partie de
la communauté juive mondiale s'intègre dans le lobby
mondialiste métisseur des peuples.

  (...) Le chantage fondé sur l'"holocauste" des
"six millions" finira par lasser les meilleures volontés.
Cela d'autant plus que 50 ans se sont écoulés depuis ces
faits mythiques.

  (...) En effet, par leurs composantes sémite,
turco-tatare (les Khazars) et européenne (par le mélange
avec divers peuples-hôtes), les Juifs appartiennent à
cette race blanche que leurs "responsables" s'acharnent à
détruire. Sans doute, telle n'est pas leur intention, ils
veulent affaiblir les goyim par métissage pour mieux les
dominer. Seulement, le processus des plus dangereux,
risque de leur échapper. Et le déclin de la grande race
blanche entraînera la disparition de l'ethnie juive.

  (...) Que les Juifs, eux-aussi, élaborent un plan
de mille ans fondé, non sur la violence, mais sur les
services rendus. (...) "

  En juillet 1995, le recourant a écrit et publié
dans son journal un article qui s'intitulait "Je ne crois
pas aux chambres à gaz". Au début de cette chronique, il
rappelait qu'il avait été inculpé pour discrimination
raciale au sens de l'art. 261bis CP, disposition dont il
estimait qu'elle constituait la principale présomption
contre l'existence des chambres à gaz dans les camps de
concentration durant la deuxième guerre mondiale. En-
suite, il ajoutait notamment ce qui suit:

  "En effet, si l'existence des chambres à gaz
était sûre et certaine, il suffirait d'en publier des
preuves. Nul besoin d'une loi pour en imposer la
croyance. A elle seule, cette loi démontre que les
preuves des exterminationistes sont moins concluantes
qu'ils ne le voudraient. Comme toujours au cours de
l'histoire, imposer un dogme par la force est un signe de
faiblesse. Les exterminationistes pourront gagner les
procès en vertu des lois muselières. Ils perdront le
dernier devant le tribunal des générations futures".

  Après avoir évoqué l'inexistence des chambres à
gaz dans divers camps de concentration et l'impossibilité
de rapporter la preuve négative de ce fait, le recourant
ajoutait:

  "A propos des "chambres", trois possibilités se
présentent: 1) les "chambres" ont existé; 2) elles n'ont
pas existé; 3) on ignore si elles ont existé ou non. De-
puis le 1er janvier 1995, la proposition no 2 constitue
un délit. Comme il n'y a encore aucune jurisprudence en
la matière, on ne sait pas si la proposition no 3, c'est-
à-dire le doute, va être assimilée à une négation et, par
suite, réputée punissable. En ce cas, cela reviendrait à
déclarer obligatoire la proposition no 1: la croyance au
gazage.

  (...) Quant à moi, je maintiens ma position: je
ne crois pas aux chambres à gaz. Que messieurs les exter-
minationistes en fournissent la preuve et j'y croirai.
Mais comme j'attends cette preuve depuis des dizaines
d'années, je ne pense pas la voir apparaître de sitôt. Je
serais même ravi d'une condamnation, car celle-ci prouve-
rait le caractère terroriste de la muselière."

  En avril 2000, Gaston-Armand Amaudruz a écrit et
publié dans le même journal un article intitulé "Vive le
révisionnisme". On pouvait notamment y lire:

  "L'art. 261bis CP supprime la liberté d'expres-
sion. Il rend impossible d'enrayer l'immigration de
couleur. Il pousse au génocide par métissage de la race
blanche.

  (...) Essayez donc d'invoquer l'incompatibilité
biologique pour stopper l'invasion de couleur et pour

ramener dans leur continent d'origine les effectifs déjà
installés.

  (...) Le crime véritable, c'est le métissage. Et
les auteurs des muselières ont commis un crime contre la
race.

  (...) Dès l'instant où les cadavres deviennent
des postes de facture, un contrôle du nombre se justifie.
N'importe quelle indemnité, multipliée par six millions
ou par 300'000 (estimation de certains révisionnistes)
donne des résultats dans le rapport de 20 à 1. Nos
banques auraient donc pu résister à un chantage dont,
paradoxalement, elles semblent satisfaites.

  (...) Dans ce contexte, le révisionnisme histo-
rique joue un rôle décisif: il protège la race blanche du
métissage et s'oppose au chantage des organisations
extrémistes juives.

  (...) Poursuivi pour révisionnisme, je répète: le
chiffre de six millions est impossible, je ne crois pas
aux chambres à gaz, faute de preuves. Mon procès est un
procès politique, le jugement dépend uniquement de l'op-
portunité du moment. Préférant obéir à ma conscience qu'à
une loi immorale et criminelle, je persiste et signe.
Vive le révisionnisme !"

  C.- a) Le Tribunal correctionnel a considéré que
le recourant avait enfreint l'art. 261bis al. 1, 2 et
4 CP en gardant à disposition de ses lecteurs, après le
1er janvier 1995, les ouvrages qui figuraient dans la
liste annexée au "Courrier du Continent" de septembre
1994.

  Il l'a également reconnu coupable d'infraction à
l'art. 261bis al. 4 in fine CP pour avoir proposé à ses
lecteurs, en juin 1995, quelques exemplaires de l'ouvrage
"Grundlagen zur Zeitgeschichte".

  Enfin, il l'a reconnu coupable d'infraction à
l'art. 261bis al. 1, 2 et 4 CP pour avoir publié dans le
"Courrier du Continent", en mars et juillet 1995 ainsi
qu'en avril 2000, trois articles cumulant les qualités de
propagande raciste et d'atteinte à la mémoire du géno-
cide.

  b) Sur recours de Gaston-Armand Amaudruz, la cour
cantonale a considéré que le fait d'avoir gardé à dispo-
sition d'éventuels acheteurs, après le 1er janvier 1995,
des livres contenant des thèses révisionnistes et racis-
tes ne constituait pas une infraction à l'art. 261bis CP.
Elle a donc admis le recours sur ce point. En revanche,
elle a confirmé le jugement concernant la mise en vente
du livre "Grundlagen zur Zeitgeschichte" et la publica-
tion des trois articles.

   D.-  Gaston-Armand Amaudruz forme un recours de
droit public contre l'arrêt du 20 novembre 2000 et con-
clut à son annulation.

  Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

        C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

  1.- a) Le recours de droit public au Tribunal
fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour

violation des droits constitutionnels des citoyens (art.
84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour
se plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut
donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF)
et ne peut donc être invoquée dans le cadre d'un recours
de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ;
art. 269 al. 2 PPF).

  b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribu-
nal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitu-
tionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de
recours. Il résulte de l'art. 90 al. 1 let. b OJ que le
recourant, en se fondant sur la décision attaquée, doit
indiquer quels sont les droits constitutionnels qui au-
raient été violés et préciser, pour chacun d'eux, en quoi
consiste la violation (ATF 122 I 70 consid. 1c p. 73 et
la jurisprudence citée).

  2.-  Le recourant se plaint d'arbitraire dans
l'appréciation des preuves. Il invoque les art. 6 par. 2
CEDH et 9 Cst.

  a) Le Tribunal correctionnel a retenu que le
mobile de discrimination raciale était établi, de même
que celui d'antisémitisme. Il a en effet considéré que
l'ensemble de l'oeuvre écrite de l'accusé, la littérature
qu'il avait diffusée et les contacts qu'il avait noués
avec les mouvements racistes et l'extrême-droite démon-
traient son sentiment profond d'antisémitisme.

  b) Le recours de droit public n'est, sous réserve
de certaines exceptions sans pertinence en l'espèce, re-
cevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernière
instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Cette règle a pour
conséquence que seuls sont recevables devant le Tribunal

fédéral les griefs qui, pouvant l'être, ont été présentés
à l'autorité cantonale de dernière instance. La jurispru-
dence admet cependant la recevabilité de moyens de droit
nouveaux si l'autorité cantonale de dernière instance
disposait d'un pouvoir d'examen libre et devait appliquer
le droit d'office. Cette exception vaut pour tous les
griefs qui ne se confondent pas avec l'arbitraire et
notamment pour celui tiré de la violation du droit à un
procès équitable, à la condition que le comportement du
recourant ne soit pas contraire à la règle de la bonne
foi; selon cette règle, celui qui ne soulève pas devant
l'autorité cantonale de dernière instance un grief lié à
la conduite de la procédure ne peut plus, en principe,
le soulever devant le Tribunal fédéral (ATF 119 Ia 88
consid. 1a p. 90 s. et les arrêts cités).

  En procédure pénale vaudoise, deux voies de droit
distinctes sont ouvertes contre le jugement pénal de pre-
mière instance, le recours en nullité et le recours en
réforme. Le recours en nullité a pour objet une irrégula-
rité de procédure ou une contestation relative à l'éta-
blissement des faits, alors que les critiques relatives à
la qualification juridique des faits doivent être soule-
vées dans le cadre d'un recours en réforme (art. 411 et
415 CPP vaud.; cf. Roland Bersier, Le recours à la Cour
de cassation pénale du Tribunal cantonal en procédure
vaudoise, in JdT 1996 III 65). Saisie d'un recours en
réforme, la Cour de cassation pénale examine librement
les questions de droit sans être limitée aux moyens
invoqués, mais ne peut pas aller au-delà des conclusions
du recourant (art. 447 CPP vaud.); par contre, saisie
d'un recours en nullité, elle n'examine que les moyens
soulevés (art. 439 al. 1 CPP vaud.).

  c) En l'espèce, le Tribunal cantonal indique que
le recourant n'a pas contesté, dans son recours en nul-

lité, les mobiles retenus à son encontre par le Tribunal
correctionnel. Le grief d'arbitraire présenté pour la
première fois dans le recours de droit public est par
conséquent irrecevable.

  Au demeurant, les motifs ayant conduit le Tribu-
nal correctionnel à retenir un mobile antisémite échap-
pent au grief d'arbitraire.

  3.-  Le recourant invoque une violation de l'art.
10 CEDH. Il estime que sa condamnation viole cette dispo-
sition car l'art. 261bis al. 4 in fine CP ne serait pas
compatible avec l'art. 10 al. 2 CEDH.

  En vertu de l'art. 191 Cst., le Tribunal fédéral
est tenu d'appliquer les lois fédérales et le droit
international. Cette disposition correspond à l'art. 113
al. 3 aCst.; la jurisprudence relative à cette dernière
norme garde sa validité (ATF 126 IV 236 consid. 4b
p. 248).

  Le Tribunal fédéral a d'abord jugé que l'art. 113
al. 3 aCst. l'obligeait à appliquer les lois fédérales
mais ne l'empêchait pas d'en examiner la conformité à la
CEDH (ATF 118 Ia 341 consid. 5 p. 353; cf. ATF 117 Ib 367
consid. 2f p. 373); il a aussi jugé que la CEDH primait
sur une loi fédérale lorsque celle-ci était antérieure
(ATF 118 Ia 473 consid. 5b/bb p. 480). Finalement, il a
admis le principe de la primauté du droit international,
retenant que ce principe découlait de la nature même de
la règle internationale, hiérarchiquement supérieure à
toute règle interne, et que l'argument de la loi posté-
rieure était inapplicable, en particulier face à une
norme du droit international protégeant les droits de
l'homme; il a toutefois laissé ouverte la question de

savoir s'il fallait exceptionnellement continuer à appli-
quer le droit national lorsque le législateur fédéral
avait volontairement passé outre au droit international
(ATF 125 II 417 consid. 4d p. 424; 122 II 234 consid. 4e
p. 239, 485 consid. 3a p. 487 et les arrêts cités).

  Le 12 mars 2000, le peuple et les cantons ont
accepté une modification de la Constitution relative à la
réforme de la justice; cette réforme ne prévoit pas
l'institution d'une juridiction constitutionnelle. On
peut dès lors se demander si ce choix politique doit
avoir des conséquences sur la jurisprudence susmention-
née. La question peut rester ouverte en l'espèce.

  En effet, si l'art. 10 par. 1 CEDH prévoit que
toute personne a droit à la liberté d'expression, l'art.
10 par. 2 CEDH prévoit que l'exercice de cette liberté
peut être soumis à certaines formalités, conditions,
restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui
constituent des mesures nécessaires dans une société
démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité
territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de
l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de
la santé ou de la morale, à la protection de la réputa-
tion ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation
d'informations confidentielles ou pour garantir l'auto-
rité et l'impartialité du pouvoir judiciaire.

  Ainsi, la CEDH n'exclut pas que les Etats adop-
tent des dispositions limitant la liberté d'expression.
L'art. 261bis CP est donc tout à fait conforme au système
prévu par la convention. Savoir en revanche si, dans un
cas particulier, l'application de cette norme est con-
forme aux conditions posées par l'art. 10 par. 2 CEDH est
une question d'interprétation du droit fédéral et elle

doit être soulevée dans un pourvoi en nullité (cf. ATF
119 IV 107 consid. 1a p. 109).

  4.-  Le recourant se plaint d'une violation de
son droit d'être entendu et de son droit à un procès
équitable. Il soutient que le seul critère pertinent pour
déterminer s'il a agi publiquement, au sens de l'art.
261bis CP, est de savoir s'il y a eu tri des destina-
taires du "Courrier du Continent" ou non. Le Tribunal
cantonal aurait donc violé son droit d'être entendu en
refusant de faire instruire la question du mode de
recrutement des destinataires du journal en question.

  a) Tel qu'il est reconnu par l'art. 29 al. 2
Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit
pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et
d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
lorsque cela est de nature à influer sur la décision à
rendre (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts
cités). Le droit d'être entendu ne peut donc être exercé
que sur des éléments qui sont déterminants pour décider
de l'issue du litige (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc p. 135
et les arrêts cités).

  aa) En l'espèce, la jurisprudence a défini dans
quels cas l'auteur agissait publiquement au sens de
l'art. 261bis al. 1 à 4 CP. Le caractère public dépend
des circonstances globales et doit être apprécié en
fonction du sens et du but de la norme pénale en cause.
Parmi les circonstances pertinentes figurent d'une part
l'endroit où les propos incriminés sont tenus et, d'autre
part, le nombre de destinataires ainsi que les liens que
l'auteur entretient avec eux. Ainsi, les propos tenus
dans un lieu où ils peuvent être perçus par un nombre
indéterminé de personnes peuvent être publics, même si

concrètement ils ne sont portés qu'à la connaissance de
deux personnes. Par contre, cela ne saurait être le cas
si les propos sont émis dans un cercle fermé, même s'il
comprend vingt personnes par exemple (ATF 126 IV 176
consid. 2b et c, 230 consid. 2b p. 233 s.).

  Selon la jurisprudence, est publique la provoca-
tion au crime ou à la violence réalisée par le collage
d'une affiche sur un panneau de signalisation en ville
(ATF 111 IV 151). Est public l'envoi de 432 lettres, donc
à un grand cercle de destinataires (ATF 123 IV 202 con-
sid. 4c p. 210), de même que l'envoi d'un document à
plusieurs dizaines de personnes (ATF 126 IV 20 consid. 1d
p. 25/26). En revanche, n'est pas public l'envoi d'un
livre à sept personnes même si l'expéditeur n'a aucun
contrôle sur les destinataires et qu'il existe un risque
que, via ceux-ci, le contenu incriminé de l'ouvrage se
répande auprès d'un cercle plus large; le contrôle par
l'expéditeur sur la diffusion ultérieure n'est pas le
critère adéquat pour trancher entre ce qui est public et
ce qui ne l'est pas; ce n'est pas le risque d'une large
diffusion qu'il faut prendre en compte, mais il s'agit
bien plus de savoir si ce risque s'est effectivement
réalisé pour admettre que l'auteur a agi publiquement; le
fait que le risque soit plus ou moins grand suivant que
les propos sont adressés à des amis, de simples connais-
sances ou des étrangers n'a de rôle que dans l'appré-
ciation de l'élément subjectif de l'infraction, plus le
risque étant élevé, plus le dol éventuel pouvant le cas
échéant être admis (ATF 126 IV 176 consid. 2b et c, 230
consid. 2b p. 233 s.).

  bb) En l'espèce, il est établi qu'en 1995, le
recourant diffusait le "Courrier du Continent" auprès
d'environ deux cents abonnés ainsi qu'à divers desti-
nataires en particulier différents services de presse.

Le recourant a aussi admis qu'il adressait systémati-
quement des exemplaires à toutes les personnes qui lui
avaient été citées comme "intéressantes" par ses sym-
pathisants.

  Le cercle des destinataires du "Courrier du
Continent" n'était donc pas un cercle fermé contrairement
à ce qu'affirme le recourant. Que les destinataires aient
été des abonnés ou des personnes décrites comme "intéres-
santes" par les sympathisants n'y change rien. Ces per-
sonnes semblent d'ailleurs avoir reçu un exemplaire du
journal sans même l'avoir demandé.

  Au demeurant, quelque soit le mode de recrutement
des destinataires du journal, leur nombre très élevé
suffit pour retenir que le recourant a agi publiquement
au sens de l'art. 261bis CP.

  b) Il découle de ce qui précède que le "mode de
recrutement" sur lequel le recourant souhaitait voir
porter l'instruction n'était pas de nature à influer sur
la décision à rendre. Il n'y a donc pas eu de violation
du droit d'être entendu du recourant.

  5.-  Le recours sera rejeté dans la mesure où il
est recevable et le recourant, qui succombe, sera con-
damné aux frais (art. 156 al. 1 OJ).

                     Par ces motifs,

         l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

  1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

  2. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 2'000 francs.

  3. Communique le présent arrêt en copie aux man-
dataires des parties, au Ministère public du canton de
Vaud et à la Cour de cassation pénale du Tribunal canto-
nal vaudois.
                      ____________

Lausanne, le 16 octobre 2001

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                      Le Président,

                      La Greffière,