Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6P.50/2001
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6P.50/2001/ROD

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

                     4 juillet 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Michellod.
                       ___________

         Statuant sur le recours de droit public
                        formé par

X., représenté par Me Pierre Hack, avocat à Lausanne,

                         contre

l'arrêt rendu le 19 septembre 2000 par la Cour de cassa-
tion pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(présomption d'innocence; art. 6 par. 3 let. d CEDH,
        art. 5 et 7 LAVI; art. 43 ch. 1 al. 2 CP,
                       art. 5 CEDH)

        Vu les pièces du dossier d'où ressortent
               les   f a i t s   suivants:

  A.-  Le 27 juin 2000, le Tribunal correctionnel
de M.________ a reconnu X.________ coupable d'actes
d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP) et d'actes
d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de dis-
cernement ou de résistance (art. 191 CP). Il l'a condamné
à la peine de quatre ans de réclusion, a suspendu l'exé-
cution de la peine et a ordonné l'internement de l'inté-
ressé (art. 43 ch. 1 al. 2 CP).

  Par arrêt du 19 septembre 2000, la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le
recours de X.________ et a confirmé le jugement du
Tribunal correctionnel.

  B.-  En résumé, l'autorité cantonale a retenu les
faits suivants:

  Depuis le printemps 1997 jusqu'en mai 1998,
X.________, né en 1921, a reçu à son domicile A.________,
un garçon né en 1984. A plusieurs reprises, il a commis
des actes d'ordre sexuel avec ce garçon: il lui a
notamment fait subir caresses et fellations et il l'a une
fois partiellement sodomisé; il a en outre amené le
garçon à le sodomiser et à lui faire des fellations.

  B.________, né en 1990, s'est également rendu
chez X.________, à huit reprises. Il était présent lors
d'actes commis par X.________ sur A.________. B.________
a lui-même fait l'objet de fellations et d'une tentative
de sodomie de la part de X.________ et il a dû pratiquer
à deux reprises des fellations sur celui-ci. Enfin,

X.________ a demandé à B.________ de faire une fellation
à A.________, ce qu'il a refusé de faire.

  L'expert psychiatre commis lors de l'enquête a
posé le diagnostic de "pédophilie, trouble dépressif
récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique
et trouble mixte de la personnalité (psychotique et
paranoïaque)". L'expert a en outre notamment exposé que
l'absence de toute conscience morbide et d'introspection
rendait plus que probable la récidive d'actes d'ordre
sexuel sur des mineurs, qu'un traitement ambulatoire
n'était pas justifié, X.________ n'étant pas accessible à
un traitement psychothérapeutique et qu'une détention ou
un internement en milieu fermé paraissait indispensable
pour protéger les mineurs. Un second expert a été d'avis
que X.________ constituait une menace grave pour la
sécurité publique et devait être interné ou, à défaut,
placé dans un contexte excluant tout contact avec des
enfants.

  X.________ a des antécédents. Entre 1965 et 1975,
il a successivement abusé sexuellement de quatre de ses
filles âgées de six à treize ans. Le 2 octobre 1987, il a
été condamné à un mois d'emprisonnement avec sursis pour
publications obscènes, inscription radiée. Le 4 décembre
1991, il a été condamné à quinze mois d'emprisonnement
pour attentat à la pudeur des enfants, commis en 1989 et
1990 sur deux garçons âgés d'une dizaine d'années.

  C.-  X.________ a déposé un recours de droit
public contre l'arrêt du 19 septembre 2000, concluant à
son annulation.

  Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

         C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

  1.- a) Le recours de droit public au Tribunal
fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour
violation des droits constitutionnels des citoyens (art.
84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour
se plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut
donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF)
et ne peut donc être invoquée dans le cadre d'un recours
de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ;
art. 269 al. 2 PPF).

  b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribu-
nal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitu-
tionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de
recours. Il résulte de l'art. 90 al. 1 let. b OJ que le
recourant, en se fondant sur la décision attaquée, doit
indiquer quels sont les droits constitutionnels qui au-
raient été violés et préciser, pour chacun d'eux, en quoi
consiste la violation (ATF 122 I 70 consid. 1c p. 73 et
la jurisprudence citée).

  Lorsqu'un recours est manifestement infondé ou
bien fondé, l'arrêt est motivé sommairement, le cas
échéant par simple renvoi aux motifs de la décision
attaquée (art. 36a OJ).

  2.-  Le recourant se plaint d'une violation du
principe "in dubio pro reo", garanti par les art. 6
par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst.; dans ce cadre, il semble
notamment critiquer le fait que A.________ n'ait pas été
entendu par le Tribunal correctionnel.

  a) Le recours de droit public n'est, sous réserve
de certaines exceptions sans pertinence en l'espèce, re-
cevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernière
instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Cette règle a pour
conséquence que seuls sont recevables devant le Tribunal
fédéral les griefs qui, pouvant l'être, ont été présentés
à l'autorité cantonale de dernière instance. La jurispru-
dence admet cependant la recevabilité de moyens de droit
nouveaux si l'autorité cantonale de dernière instance
disposait d'un pouvoir d'examen libre et devait appliquer
le droit d'office. Cette exception vaut pour tous les
griefs qui ne se confondent pas avec l'arbitraire et
notamment pour celui tiré de la violation du droit à un
procès équitable, à la condition que le comportement du
recourant ne soit pas contraire à la règle de la bonne
foi; selon cette règle, celui qui ne soulève pas devant
l'autorité cantonale de dernière instance un grief lié à
la conduite de la procédure ne peut plus, en principe,
le soulever devant le Tribunal fédéral (ATF 119 Ia 88
consid. 1a p. 90 s. et les arrêts cités).

  En procédure pénale vaudoise, deux voies de droit
distinctes sont ouvertes contre le jugement pénal de pre-
mière instance, le recours en nullité et le recours en
réforme. Le recours en nullité a pour objet une irrégula-
rité de procédure ou une contestation relative à l'éta-
blissement des faits, alors que les critiques relatives à
la qualification juridique des faits doivent être soule-
vées dans le cadre d'un recours en réforme (art. 411 et
415 CPP vaud.; cf. Roland Bersier, Le recours à la Cour
de cassation pénale du Tribunal cantonal en procédure
vaudoise, in JdT 1996 III 65). Saisie d'un recours en
réforme, la Cour de cassation pénale examine librement
les questions de droit sans être limitée aux moyens
invoqués, mais ne peut pas aller au-delà des conclusions
du recourant (art. 447 CPP vaud.); par contre, saisie

d'un recours en nullité, elle n'examine que les moyens
soulevés (art. 439 al. 1 CPP vaud.).

  b) En l'espèce, le recourant, à l'audience du
Tribunal correctionnel, a expressément renoncé à l'audi-
tion de A.________. Dans son recours cantonal, il n'a
pas, au sujet de l'audition de ce témoin, invoqué de
moyens de nullité relatifs au rejet de conclusions inci-
dentes ou à la violation d'autres règles de procédure
essentielles (art. 411 let. f et g CPP vaud.); il a seu-
lement soulevé le moyen de nullité relatif aux doutes sur
l'existence de faits importants (art. 411 let. i CPP
vaud.), moyen qui revient à critiquer l'appréciation d'un
élément de preuve. Il s'ensuit que faute d'épuisement des
voies de recours cantonales, le recourant n'est pas habi-
lité à se plaindre du fait que A.________ n'ait pas été
entendu au stade de la procédure de jugement. Le grief
est donc irrecevable.

  3.-  Le recourant se plaint d'une violation de
son droit d'être entendu. Se référant à l'art. 6 par. 3
let. d CEDH, il critique le fait de ne jamais avoir pu
interroger ou faire interroger B.________. Il estime que
la LAVI (Loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infrac-
tions; RS 312.5) ne saurait le priver de ce droit.

  a) La violation d'un droit découlant de la
Constitution ou de la CEDH doit être invoquée par la voie
d'un recours de droit public (art. 84 al. 1 OJ, art. 269
al. 2 PPF; ATF 120 Ia 31 consid. 2e p. 38; 119 IV 107
consid. 1a p. 109; s'agissant de l'art. 6 par. 3 let. d
CEDH, voir ATF 125 I 127 consid. 6). Le grief du recou-
rant est donc recevable en l'espèce. On pourrait toute-
fois se demander si, dans les cas où le refus de faire
interroger la victime est fondé sur la LAVI, le recourant

ne doit pas emprunter la voie du pourvoi en nullité et
se plaindre d'une interprétation du droit fédéral non-
conforme à la CEDH (ATF 119 IV 107 consid. 1a p. 109). La
question peut rester ouverte en l'espèce étant donné le
rejet du grief pour les motifs exposés ci-dessous.

  b) Le recourant a demandé l'audition de l'enfant
B.________ au début de l'audience du Tribunal correction-
nel; c'était la seule réquisition d'entrée de cause.
Contre le rejet de cette réquisition, il s'est pourvu en
nullité auprès de la Cour de cassation pénale cantonale
pour rejet infondé d'une conclusion incidente (art. 411
let. f CPP vaud.). La cour cantonale a rejeté le moyen.
Le présent grief est donc recevable.

  c) Selon l'art. 6 par. 3 let. d CEDH, tout accusé
a le droit d'interroger ou de faire interroger les té-
moins à charge; ce droit ne vaut pas seulement à l'encon-
tre des témoins au sens classique du terme, mais à
l'encontre de toute personne qui fait des dépositions à
charge. Il s'agit d'une règle concrétisant le droit à un
procès équitable garanti par l'art. 6 par. 1 CEDH. Les
éléments de preuve doivent en principe être produits en
présence de l'accusé lors d'une audience publique, en vue
d'un débat contradictoire; cette règle tend à assurer
l'égalité des armes entre l'accusation et la défense. Il
est toutefois possible de prendre en compte des déposi-
tions recueillies durant la phase de l'enquête dans la
mesure où l'accusé a disposé d'une occasion adéquate et
suffisante pour contester ces témoignages à charge et
pour interroger ou faire interroger leur auteur.

   L'art. 6 par. 3 let. d CEDH n'exclut pas de refu-
ser l'interrogatoire d'un témoin parce que la déposition
sollicitée n'est pas pertinente ou parce que les faits
sont déjà établis à la suite d'une appréciation anticipée

des preuves, c'est-à-dire si le juge parvient sans arbi-
traire à la constatation, sur la base des éléments déjà
recueillis, que l'administration de la preuve sollicitée,
même si elle conduit à un résultat favorable au requé-
rant, ne peut plus modifier sa conviction (ATF 121 I 306
consid. 1b p. 308 s.). Dans ce cas, le juge décide de ne
pas retenir un moyen de preuve.

  Il en va autrement lorsque le juge retient les
dépositions antérieures d'un témoin et que celles-ci sont
déterminantes pour le sort de la cause. Il ne saurait
alors être question de refuser à l'accusé la possibilité
d'interroger ou de faire interroger ce témoin, quand bien
même le juge considérerait que cela n'est de toute façon
pas susceptible de modifier son appréciation et de l'ame-
ner à douter de la crédibilité du témoin. En effet, le
droit découlant de l'art. 6 par. 3 let. d CEDH d'interro-
ger ou de faire interroger le témoin à charge, qui assure
au justiciable une protection identique à celle découlant
du droit d'être entendu garanti par l'art. 4 aCst. (ATF
121 I 306 consid. 1b p. 308), est de nature formelle. Sa
violation conduit donc à l'annulation du jugement atta-
qué sans qu'il y ait lieu d'examiner si elle peut avoir
une influence sur celui-ci.

  Exceptionnellement toutefois, le juge peut pren-
dre en considération une déposition faite au cours de
l'enquête alors que l'accusé n'a pas eu l'occasion de
faire interroger son auteur. Il en est ainsi lorsqu'il
n'est plus possible de procéder à une audition contradic-
toire en raison du décès ou d'un empêchement durable du
témoin, ou parce qu'il est introuvable ou refuse de té-
moigner; dans ces cas toutefois, il faut que l'accusé
puisse se déterminer sur la déposition, que celle-ci soit
examinée avec soin et, enfin, qu'elle soit corroborée par
d'autres éléments de preuve, de sorte que la condamnation

ne soit pas fondée exclusivement ou de manière détermi-
nante sur cette seule déposition (ATF 125 I 127 consid. 6
p. 131 s.; 124 I 274 consid. 5b p. 284 s. et les arrêts
cités, en particulier les arrêts Unterpertinger et Asch
de la CourEDH, PCourEDH Série A 110 ch. 32 s. et Série A
203 ch. 28 s.; arrêt Saïdi de la CourEDH, PCourEDH Série
A 261C ch. 41 s.).

  Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des
droits de l'homme s'emploie à rechercher si la procédure,
examinée dans son ensemble, revêt un caractère équitable
(cf. arrêt van Mechelen, PCourEDH 1997 p. 691 ch. 50). La
question de savoir si le droit d'interroger ou de faire
interroger les témoins à charge garanti à l'art. 6 par. 3
let. d CEDH est respecté doit en conséquence être exami-
née dans chaque cas en fonction de l'ensemble de la
procédure et des circonstances concrètes de l'espèce.

  d) En vertu de l'art. 5 al. 4 et 5 LAVI, la vic-
time peut demander à ne pas être confrontée au prévenu.
Les autorités pénales doivent alors accorder au prévenu
la possibilité d'être entendu d'une autre façon, par
exemple en faisant poser des questions par son défenseur,
par l'entremise d'une autre personne qualifiée, par le
biais de moyens de transmission techniques ou par écrit;
l'art. 6 CEDH n'exige en effet pas que le prévenu puisse
assister personnellement à l'audition et lui-même poser
des questions (Frowein/Peukert, EMRK-Kommentar, 2e éd.,
Kehl 1996, art. 6 n. 201).

  Le droit de refuser la confrontation n'est toute-
fois pas absolu et doit être interprété en relation avec
celui conféré au prévenu par l'art. 6 par. 3 let. d CEDH
d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge;
selon le texte même de l'art. 5 al. 5 LAVI, le juge peut
imposer à la victime d'une infraction contre l'intégrité

sexuelle la confrontation lorsque le droit du prévenu
d'être entendu l'exige de manière impérieuse (cf. FF 1990
II 909 s., spéc. 929; Gomm/Stein/Zehntner, Kommentar zum
Opferhilfegesetz, Berne 1995, art. 5 n. 20 s.; Niklaus
Schmid, Strafprozessrecht, 3e éd., Zurich 1997, n. 654a,
p. 190; Niklaus Oberholzer, Grundzüge des Strafprozess-
rechtes, Berne 1994, p. 151 s.; Eva Weishaupt, Die
verfahrensrechtlichen Bestimmungen des Opferhilfegesetzes
(OHG), thèse Zurich 1998, p. 160 s.; Bernard Corboz, Les
droits procéduraux découlant de la LAVI, SJ 1996 p. 64).
Il n'en demeure pas moins que la confrontation directe
entre un enfant victime d'une infraction sexuelle et
l'auteur présumé, voire l'avocat de celui-ci, est très
délicate; comme cela a été relevé dans un arrêt non
publié du 4 septembre 1998 (6P.90/1998, consid. 2d), on
peut admettre d'une manière générale qu'elle n'est pas
souhaitable.

  L'art. 7 al. 2 LAVI donne le droit à la victime
de refuser de déposer sur des faits concernant sa sphère
intime. Ce droit ne dépend d'aucune condition particu-
lière; il doit être respecté indépendamment des intérêts
de la poursuite pénale (cf. ATF 120 IV 217 consid. 4c
p. 225). A noter que l'obligation de témoigner et, avec
elle, le devoir de donner suite à une convocation devant
le juge subsiste quant au principe; seul l'étendue de
l'obligation de répondre est limitée (cf. FF 1990 II
933).

  Cela étant, il faut toutefois constater que le
fait d'interroger à réitérées reprises un enfant victime
d'une infraction sexuelle peut le perturber gravement; si
cela est sérieusement à craindre dans le cas particulier,
le droit de l'accusé de poser des questions peut être
limité voire supprimé afin de protéger la personnalité de

la victime (en ce sens, arrêt non publié du 13 avril
1999, 1P.67/1999, consid. 3c).

  e) Il existe donc une certaine antinomie entre,
d'une part, le droit de la victime de refuser une con-
frontation avec l'accusé et de répondre à certaines voire
à toutes les questions, et, d'autre part, le droit de
l'accusé de lui poser ou de lui faire poser des ques-
tions. Le juge doit, autant que faire se peut, prendre
toutes les mesures nécessaires propres à garantir tant
les droits des deux parties que les intérêts de la pour-
suite pénale (cf. Robert Roth, Protection procédurale de
la victime et du témoin: enjeux et perspectives, in RPS
116/1998, p. 384 ss).

  Lorsque les intérêts légitimes de la victime,
protégés par les art. 5 et 7 LAVI ou par des dispositions
de procédure cantonale, ne permettent pas à l'accusé de
l'interroger ou de lui faire poser des questions, le
droit de l'accusé à un procès équitable, garanti à l'art.
6 par. 1 CEDH, n'en est pas supprimé pour autant; il
subsiste et doit être respecté, indépendamment du genre
d'infraction poursuivie. Le respect tant des droits de la
victime que de ceux de l'accusé impliquent alors que les
déclarations antérieures de la victime, lorsqu'elles sont
le moyen de preuve unique ou prépondérant, ne peuvent pas
être prises en considération pour la décision et qu'il
faut, le cas échéant, prononcer un acquittement au béné-
fice du doute (cf. ATF 125 I 127 consid. 10a p. 157;
Mark Villiger, Handbuch der Europäischen Menschen-
rechtskonvention, 2e éd., Zurich 1999, n. 477).

  f) Le 23 mars 2001, sous le titre "amélioration
de la protection des enfants victimes", l'Assemblée fédé-
rale a modifié la loi sur l'aide aux victimes d'infrac-
tion (FF 2001 1260). La novelle, qui n'est pas encore en

vigueur, limitera les auditions des victimes âgées de
moins de dix-huit ans et les confrontations des victimes
de cet âge avec l'auteur de l'infraction; mais elle ne
les exclura pas entièrement. Ainsi, même en cas d'infrac-
tion contre l'intégrité sexuelle, la confrontation demeu-
rera réservée lorsque le droit d'être entendu du prévenu
ne peut être garanti autrement (art. 10b al. 3); l'enfant
sera alors protégé par la possibilité de classer la pro-
cédure pénale si son intérêt l'exige impérativement et
qu'il l'emporte manifestement sur l'intérêt de l'Etat à
la poursuite pénale (art. 10d al. 1 let. a). Dans le
message relatif à cette novelle, il est précisé que
l'amélioration de la position des victimes ne doit pas
restreindre les droits de l'accusé garantis par le droit
de procédure pénale et par la CEDH (FF 2000 3510, ch. 4.2
p. 3519).

  g) En l'espèce, le Tribunal correctionnel a or-
donné l'audition de l'enfant et l'a maintenue malgré un
certificat établi par le Service de psychiatrie pour
enfants et adolescents, attestant que l'enfant présentait
les signes d'un état dépressif, une symptomatologie
phobique touchant les lieux et les personnes pouvant lui
rappeler le traumatisme et qu'il était très angoissé à
l'idée de rencontrer une nouvelle personne avec laquelle
il devrait aborder ses problèmes. L'audition n'a pas pu
avoir lieu car l'enfant a refusé d'être réentendu, ce que
sa mère est venue transmettre à la psychologue chargée de
l'audition.

  Le Tribunal correctionnel a toutefois estimé
pouvoir prendre en considération les déclarations faites
par B.________ lors de l'enquête. Cette décision ne viole
pas le droit d'être entendu du recourant et, plus généra-
lement, son droit à un procès équitable. En effet, il a
été rappelé ci-dessus qu'en principe le juge ne peut pas

prendre en considération les déclarations d'un témoin
faites durant l'enquête si l'accusé n'a pas eu la possi-
bilité d'interroger ou de faire interroger ce témoin. La
Cour européenne des droits de l'homme a cependant aménagé
une exception à ce principe pour les cas où l'interroga-
toire du témoin par l'accusé n'était pas possible. Dans
la mesure où la déposition du témoin lors de l'enquête ne
constitue pas le seul élément de preuve ou l'élément de
preuve déterminant à charge de l'accusé, que ce dernier a
pu prendre position sur cette déposition et qu'elle a été
examinée avec soin par le tribunal, le juge peut la
prendre en considération pour fonder sa conviction quant
à la culpabilité de l'accusé (cf. ATF 125 I 127 consid. 6
p. 131 s.) sans violer le droit de celui-ci à un procès
équitable.

  En l'espèce, les déclarations que B.________ a
faites durant l'enquête à une inspectrice de la police
étaient corroborées en tous points par les déclarations
de A.________, l'autre victime, et par celles de
C.________, le partenaire de la mère de B.________,
personne à laquelle B.________ s'était confié. En outre,
le recourant, malgré ses dénégations, a reconnu devoir
payer une indemnité pour tort moral à B.________ et a
demandé à être soumis à un traitement anti-androgène; le
Tribunal correctionnel a vu dans ce comportement
contradictoire un aveu implicite du recourant concernant
ses graves problèmes d'ordre sexuel avec les enfants et
la nécessité de se soigner. Enfin, le recourant avait de
nombreux antécédents en matière d'infractions d'ordre
sexuel avec les enfants. Les déclarations de B.________
ont été discutées en audience de première instance et le
recourant a pu y interroger C.________.

  Dans ces circonstances, nonobstant le fait que le
recourant n'ait pas pu faire poser de questions à

B.________, il y a lieu d'admettre qu'il a bénéficié d'un
procès équitable. Le grief d'une violation de l'art. 6
CEDH se révèle donc infondé.

  4.-  Sur la même question, le recourant invoque
une violation des art. 9, 29, 30 et 32 Cst. Ces disposi-
tions concrétisent des garanties procédurales précédem-
ment déduites de l'art. 4 aCst., sans leur donner de
portée plus large. Il n'en découle pas de droits allant
au-delà de ceux conférés par l'art. 6 par. 3 let. d CEDH
(ATF 114 Ia 179). Ces griefs sont donc également
infondés.

  5.-  Le recourant, se référant sans autre préci-
sion aux art. 29 à 32 Cst. et à l'art. 6 CEDH, critique
pêle-mêle le fait que le jugement du Tribunal correction-
nel ne dit mot au sujet du traitement anti-androgène par
lui requis, que la Cour de cassation cantonale n'a pas
donné suite à sa requête d'instruire sur ce point et que
l'arrêt attaqué est lacunaire sur le point fondamental de
sa dangerosité.

  Le grief du recourant, tel qu'il est formulé, ne
répond pas aux exigences de motivation rappelées ci-
dessus (cf. consid. 1b) et est par conséquent irrece-
vable.

  Au demeurant, la Cour de cassation cantonale a
relevé que les experts avaient émis l'avis qu'aucun
traitement ni aucune évolution ne pouvaient être espérés;
ils n'ont pas fait la moindre allusion à la possibilité
d'un traitement anti-androgène et ont conclu à la néces-
sité d'un internement. Il ressort ainsi suffisamment
clairement de l'arrêt attaqué quel est le motif pour

lequel le traitement n'a pas été ordonné, et l'on ne voit
pas en quoi la Cour de cassation cantonale serait tombée
dans l'arbitraire en suivant l'avis des experts.

  6.-  Le recourant se plaint enfin d'une violation
de la présomption d'innocence garantie par l'art. 32 al.
1 Cst. et l'art. 6 par. 2 CEDH, pour le motif que l'auto-
rité cantonale aurait visiblement considéré qu'il lui
appartenait de prouver son innocence.

  a) La présomption d'innocence, dont le principe
"in dubio pro reo" est le corollaire, est garantie
expressément par l'art. 6 par. 2 CEDH. Elle est également
consacrée par l'art. 32 al. 1 Cst. qui ne fait que
reprendre les principes posés dans ce domaine par la
jurisprudence rendue sur l'art. 4 aCst. (FF 1997 I 188
s.). Elle concerne tant le fardeau de la preuve que
l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c
p. 37).

  En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la
présomption d'innocence signifie, au stade du jugement,
que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que
le doute doit profiter à l'accusé; comme règle sur
l'appréciation des preuves, elle est violée lorsque le
juge, qui s'est déclaré convaincu, aurait dû éprouver des
doutes quant à la culpabilité de l'accusé au vu des
éléments de preuve qui lui étaient soumis. Le Tribunal
fédéral examine librement si elle a été violée en tant
que règle sur le fardeau de la preuve, mais il n'examine
que sous l'angle de l'arbitraire la question de savoir si
le juge aurait dû éprouver un doute, c'est-à-dire celle
de l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c
et 2e).

  b) Le recourant allègue que la Cour de cassation
cantonale et avant elle le Tribunal correctionnel, sur la
base de ses antécédents, ont retenu qu'il était un pédo-
phile et en ont visiblement conclu, à défaut de preuve de
son innocence, qu'il avait aussi commis les actes dont il
était accusé, renversant de la sorte le fardeau de la
preuve.

  Le grief est infondé. Il ressort clairement du
jugement du Tribunal correctionnel que celui-ci, sur la
base des moyens de preuve administrés, a été convaincu de
la culpabilité du recourant. Rien ne permet de retenir
que le Tribunal correctionnel aurait admis qu'il apparte-
nait au recourant de démontrer son innocence et qu'il
l'aurait condamné sans être convaincu de sa culpabilité,
en violation du principe "in dubio pro reo".

  c) En réalité, le recourant critique le fait que
le Tribunal correctionnel ait pris en compte ses anté-
cédents pour retenir sa culpabilité. Cette critique se
rapporte à l'appréciation des preuves.

  Le Tribunal fédéral examine l'appréciation des
preuves uniquement sous l'angle d'une violation du prin-
cipe constitutionnel de l'interdiction de l'arbitraire.
Il n'est donc pas une cour d'appel procédant elle-même à
l'appréciation des preuves; le Tribunal fédéral n'établit
pas les faits. Il ne suffit donc pas que le recourant
discute de nombreux éléments de preuve, en opposant sa
propre appréciation à celle de l'autorité cantonale. Sous
peine d'irrecevabilité, il doit indiquer quel aspect de
la décision attaquée lui paraît insoutenable et en quoi
consiste l'arbitraire (cf. supra, consid. 1b).

  La motivation du recours ne satisfait pas à ces
exigences. En particulier, le recourant ne tente pas de

démontrer pour quel motif il était insoutenable de voir
dans ses antécédents relatifs à des actes sexuels avec
des enfants un indice supplémentaire en faveur de sa
culpabilité.

  7.-  Le recourant se plaint d'une violation de
l'art. 5 CEDH; il allègue que l'art. 43 ch. 1 al. 2 CP
sur lequel est fondé l'internement prononcé à son égard
n'est pas conforme à cette disposition conventionnelle.
En substance, il soutient qu'il n'est pas un aliéné au
sens de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH, que le prononcé de
l'internement n'est pas une condamnation au sens de
l'art. 5 par. 1 let. a CEDH, et que les autres cas prévus
à l'art. 5 par. 1 CEDH n'entrent pas en ligne de compte;
à son avis, l'art. 5 CEDH ne permet, à l'égard d'une
personne considérée comme dangereuse, qu'une mesure de
surveillance spéciale avec assignation à résidence.

  a) En vertu de l'art. 191 Cst., le Tribunal fédé-
ral est tenu d'appliquer les lois fédérales et le droit
international. Cette disposition correspond à l'art. 113
al. 3 aCst.; la jurisprudence relative à cette dernière
norme garde sa validité (ATF 126 IV 236 consid. 4b
p. 248).

  Le Tribunal fédéral a d'abord jugé que l'art. 113
al. 3 aCst. l'obligeait à appliquer les lois fédérales
mais ne l'empêchait pas d'en examiner la conformité à la
CEDH (ATF 118 Ia 341 consid. 5 p. 353; cf. ATF 117 Ib 367
consid. 2f p. 373); il a aussi jugé que la CEDH primait
sur une loi fédérale lorsque celle-ci était antérieure
(ATF 118 Ia 473 consid. 5b/bb p. 480). Finalement, il a
admis le principe de la primauté du droit international,
retenant que ce principe découlait de la nature même de
la règle internationale, hiérarchiquement supérieure à

toute règle interne, et que l'argument de la loi posté-
rieure était inapplicable, en particulier face à une
norme du droit international protégeant les droits de
l'homme; il a toutefois laissé ouverte la question de
savoir s'il fallait exceptionnellement continuer à appli-
quer le droit national lorsque le législateur fédéral
avait volontairement passé outre au droit international
(ATF 125 II 417 consid. 4d p. 424; 122 II 234 consid. 4e
p. 239, 485 consid. 3a p. 487 et les arrêts cités).

  Le 12 mars 2000, le peuple et les cantons ont
accepté une modification de la Constitution relative à la
réforme de la justice; cette réforme ne prévoit pas
l'institution d'une juridiction constitutionnelle. On
peut dès lors se demander si ce choix politique doit
avoir des conséquences sur la jurisprudence susmention-
née. On peut également se demander si le grief soulevé
par le recourant ne constitue pas plutôt une question
d'interprétation du droit fédéral par rapport au droit
constitutionnel, qui devrait être invoquée par la voie
d'un pourvoi en nullité (cf. ATF 119 IV 107 consid. 1a
p. 109). Ces deux questions peuvent toutefois rester
ouvertes, le grief devant être rejeté sur le fond.

  b) Un internement pour motif de sécurité pu-
blique, suite à une condamnation pénale par un tribunal
compétent, a un caractère répressif; une telle mesure de
restriction de la liberté prise en vertu de l'art. 43 CP
est donc une détention licite au sens de l'art. 5 par. 1
let. a CEDH (Arthur Haefliger/Frank Schürmann, Die
Europäische Menschenrechtskonvention und die Schweiz, 2e
éd., Berne 1999, p. 91 s.; Villiger, op. cit., n. 332,
p. 212). Quant aux modalités d'exécution de la mesure,
elles n'influent pas sur la régularité de la privation de
liberté au sens de l'art. 5 CEDH (arrêt Bizzotto, Recueil

des arrêts et décisions de la CourEDH, 1996-V, p. 1724,
ch. 34 p. 1739).

  Les arrêts Lawless et Guzzardi rendus par la Cour
Européenne des Droits de l'Homme et cités par le recou-
rant sont sans pertinence en l'espèce. Le premier arrêt
concernait une détention ordonnée par un ministre pour
motif de sûreté de l'Etat; la Cour avait retenu une vio-
lation de l'art. 5 CEDH parce que la détention ne décou-
lait pas d'un jugement et que la personne détenue ne
l'avait pas été en vue d'être conduite devant une autori-
té judiciaire (arrêt Lawless, PCourEDH Série A 1, ch. 9
et 15). Le second arrêt concernait l'assignation à domi-
cile d'une personne soupçonnée d'appartenance mafieuse;
la Cour avait retenu une violation de l'art. 5 par. 1
let. a CEDH parce que cette mesure ne réprimait pas une
infraction concrète et, à défaut de déclaration de cul-
pabilité, ne revêtait pas le caractère d'une détention
après condamnation par un tribunal compétent (arrêt
Guzzardi, PCourEDH Série A 39, ch. 100).

  Le grief du recourant est donc infondé.

  8.-  Au vu de ce qui précède, le recours sera
rejeté dans la mesure où il est recevable et le recourant
sera condamné aux frais (art. 156 al. 1 OJ).

                     Par ces motifs,

         l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

  1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

  2. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 2'000 francs.

  3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud
et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois.
                       __________

Lausanne, le 4 juillet 2001

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                      Le Président,

                      La Greffière,