Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6A.82/2001
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6A.82/2001/moh

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

                    12 septembre 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, M. Kolly
et Mme Escher, Juges.
Greffière: Mme Revey.

     Statuant sur le recours de droit administratif
                        formé par

H.________,

                         contre

l'arrêt rendu le 26 juin 2001 par le Tribunal administra-
tif genevois, dans la cause qui oppose le recourant au
Service des automobiles et de la navigation du canton de
G e n è v e;

(Art. 16 LCR: durée du retrait d'admonestation du permis
                      de conduire)

        Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                les  f a i t s  suivants:

  A.-  H.________, né en 1969, est titulaire d'un
permis de conduire pour véhicules à moteur depuis le 20
janvier 1988. Selon le dossier en possession du Tribunal
administratif du canton de Genève, il a fait l'objet d'un
retrait de permis d'un mois pour excès de vitesse, mesure
qui a pris fin le 18 juin 1993.

  Le 9 décembre 2000, à 5 h. 34 (recte: 3 h. 35 se-
lon le rapport de police), H.________ a perdu la maîtrise
de son véhicule alors qu'il circulait sur la route de
Colovrex, en direction de Collex-Bossy. Il est monté sur
le trottoir, puis a heurté successivement un panneau
publicitaire, un poteau métallique et l'arrière droit
d'un autre véhicule. Lors du contrôle de police qui a
suivi, l'analyse de sang a révélé un taux moyen d'al-
coolémie de 2,12 g °/oo.

  B.-  Par ordonnance du 22 décembre 2000, le Juge
d'instruction a condamné H.________ à trente jours
d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans et à une
amende de 1'000 fr. pour conduite en état d'ivresse et
violation des règles de la circulation routière.

  C.-  Le 11 janvier 2001, le Service des automo-
biles et de la navigation du canton de Genève (ci-après:
le Service des automobiles) a retiré le permis de con-
duire de l'intéressé pour une durée de cinq mois, en ap-
plication de l'art. 16 al. 3 let. b LCR. Le 13 juin 2001,
il a réduit cette durée à quatre mois, H.________

ayant suivi un cours sur la "prévention de la récidive de
la conduite automobile sous l'influence de l'alcool (PRE-
CASIA)".

  Statuant le 26 juin 2001, le Tribunal administra-
tif a rejeté le recours formé par l'intéressé contre ce
prononcé.

  D.-  Agissant lui-même le 6 août 2001, H.________
demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 26 juin
2001 du Tribunal administratif et de le libérer du
retrait de son permis.

        C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

  1.- a) Le recourant n'a pas indiqué par quelle
voie de recours il procède auprès du Tribunal fédéral.
Toutefois, cette imprécision ne saurait lui nuire si son
recours remplit les exigences légales de la voie de droit
qui lui est ouverte (voir, sur le choix erroné d'une voie
de recours, ATF 126 II 506 consid. 1b; 124 I 223 consid.
1a; 120 Ib 379 consid. 1a; 111 II 384 consid. 1 et 109 II
400 consid. 1d). En l'espèce, l'acte de recours remplit
les conditions de recevabilité du recours de droit admi-
nistratif.

  b) Le recours de droit administratif peut être
formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès
ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ).
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invo-
qués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions des
parties (art. 114 al. 1 OJ).

  Lorsque le recours est dirigé - comme c'est le
cas en l'espèce - contre la décision d'une autorité ju-
diciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits cons-
tatés dans l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement
inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris
de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ).
Au demeurant, le principe de l'officialité subsiste: le
Tribunal fédéral conserve la compétence de vérifier de
son chef les constatations de fait dans le cadre fixé par
l'art. 105 al. 2 OJ (ATF 123 II 49 consid. 5a; 97 V 134
consid. 1; André Grisel, Traité de droit administratif,
Neuchâtel 1984, vol. II, p. 931).

  2.- a) Selon l'art. 16 al. 2 LCR, le permis de
conduire peut être retiré au conducteur qui, par des in-
fractions aux règles de la circulation, a compromis la
sécurité de la route ou incommodé le public; dans les cas
de peu de gravité, un simple avertissement peut être pro-
noncé. D'après l'alinéa 3 de cette disposition, le permis
de conduire doit être retiré si le conducteur a compromis
gravement la sécurité de la route (let. a) ou s'il a cir-
culé en étant pris de boisson (let. b), notamment.

  Aux termes de l'art. 17 al. 1 LCR, l'autorité qui
retire un permis de conduire fixera selon les circonstan-
ces la durée de ce retrait; cependant elle sera de deux
mois au minimum si le conducteur a circulé en étant pris
de boisson (let. b). L'art. 33 al. 2 OAC précise que la
durée du retrait d'admonestation doit être fixée surtout
en fonction de la gravité de la faute, de la réputation
de l'intéressé en tant que conducteur et de la nécessité
professionnelle de conduire. En ce sens, lorsqu'il existe
plusieurs causes de retrait de permis, l'autorité admi-
nistrative est tenue, en appliquant l'art. 68 ch. 1 CP
par analogie, de prononcer le retrait pour l'infraction

la plus grave et d'en prolonger la durée équitablement.
Elle doit ainsi, après avoir analysé tous les éléments
pertinents au sens de l'art. 33 al. 2 OAC, fixer une me-
sure d'ensemble, sans pour autant nécessairement indiquer
la durée du retrait pour chaque infraction (ATF 122 II
180 consid. 5a; 120 Ib 54 consid. 2a; 108 Ib 258 consid.
2a).

  b) En l'espèce, le Tribunal administratif a rete-
nu que le recourant avait, d'une part, roulé en état
d'ébriété (art. 31 al. 2 LCR) et, d'autre part, perdu la
maîtrise de son véhicule en adoptant une vitesse inadap-
tée (art. 31 al. 1 et 32 al. 1 LCR). La première infrac-
tion impliquait d'après la loi un retrait de permis obli-
gatoire d'une durée de deux mois au minimum. Quant à la
seconde, la pratique la réprimait également par un re-
trait obligatoire du permis, en principe d'une durée de
deux mois, dès lors que la perte de contrôle du véhicule
était de nature à compromettre gravement la sécurité de
la route. Enfin, les besoins professionnels allégués par
le recourant étaient importants, mais pas déterminants.
Il convenait ainsi de confirmer la décision de première
instance arrêtant la durée du retrait à quatre mois.

  c) Le recourant reconnaît avoir roulé en état
d'ébriété, moyennant un taux d'alcoolémie de 2,12 g °/oo,
et d'avoir perdu la maîtrise de son véhicule, mais con-
teste avoir adopté une vitesse inadaptée aux circons-
tances.

  aa) Selon l'art. 31 LCR, le conducteur devra res-
ter constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir
se conformer aux devoirs de la prudence (al. 1); quicon-
que est pris de boisson, surmené ou n'est pas en mesure,
pour d'autres raisons, de conduire un véhicule, est tenu
de s'en abstenir (al. 2). D'après l'art. 32 al. 1 LCR, la

vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, no-
tamment aux particularités du véhicule et du chargement,
ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation et
de la visibilité.

  bb) En l'occurrence, le Tribunal administratif se
borne à exposer que le recourant a perdu la maîtrise de
son véhicule en roulant à une vitesse inadaptée. Il n'in-
dique pas quelles sont les circonstances, notamment les
conditions de la route, de la circulation ou de la visi-
bilité, qui auraient imposé au recourant de rouler moins
vite. Du reste, il ne mentionne pas davantage, même ap-
proximativement, la vitesse adoptée par le recourant. Or,
le seul fait de circuler en état d'ébriété n'implique pas
nécessairement de rouler trop vite, sans quoi la conduite
en état d'ivresse serait réprimée deux fois. Dans ces
conditions, une violation de l'art. 32 al. 1 LCR ne peut
être retenue, de sorte que le grief du recourant à ce su-
jet est bien fondé.

  cc) Il n'en demeure pas moins que le recourant a
perdu la maîtrise de son véhicule au sens de l'art. 31
al. 1 LCR, dès lors qu'il est sorti de la route et a cau-
sé un accident. Cependant, cette perte de contrôle ne
peut être prise en compte dans l'appréciation de la durée
du retrait que dans la mesure où elle a été provoquée par
une faute qui ne résulte pas exclusivement de l'état
d'ébriété, déjà réprimé. En effet, lorsque l'infraction
de perte de maîtrise du véhicule a été causée par
l'ivresse, elle est absorbée par celle de conduite en
état d'ébriété (cf. René Schaffhauser, Grundriss des
schweizerischen Strassenverkehrsrechts, Berne 1995, vol.
III, n° 2455, arrêt du Tribunal cantonal saint-gallois
publié in SG GVP 1993 99 et arrêt du Conseil d'Etat va-
laisan publié in RVJ 1969 397).

  A cet égard, le recourant déclare s'être assoupi
au volant, comme il l'avait déjà exposé, selon le dos-
sier, au Tribunal administratif. Il ressort en outre de
sa déclaration du 9 décembre 2000 à la police, figurant
également au dossier, qu'il rentrait alors à son domicile
après une fête et qu'il se sentait fatigué car il tra-
vaillait quatorze heures par jour.

  Dans ces conditions, force est de considérer que
le recourant a pris le volant alors qu'il se trouvait,
indépendamment de l'ébriété, dans un état de fatigue ré-
sultant de l'heure tardive (l'accident étant survenu à
3 h. 35 du matin) et d'un surmenage. Un tel comportement
est contraire à l'art. 31 al. 2 LCR et constitue en soi
une faute propre à compromettre la sécurité de la route
au sens de l'art. 16 LCR (cf. ATF 126 II 206 selon lequel
la faute du conducteur qui s'assoupit au volant doit en
principe être qualifiée de grave).

  La question de savoir s'il s'agit en l'occurrence
d'une faute légère, moyenne ou grave peut toutefois res-
ter indécise, dès lors que le retrait infligé ne viole de
toute façon pas le droit fédéral, même s'il ne fallait
retenir qu'une faute légère. En effet, selon la pratique,
un taux d'alcoolémie de 2,12 g °/oo implique déjà, norma-
lement, un retrait de permis de quatre à six mois
(Schaffhauser, op. cit., n° 2458). La durée de quatre
mois arrêtée en l'espèce ne paraît dès lors pas excessive
(art. 16 al. 2 ou al. 3 let. a LCR, en concours avec
l'art. 16 al. 3 let. b LCR), quand bien même le recourant
a suivi le cours PRECASIA et n'a pas de mauvais antécé-
dents, la seule sanction retenue à ce dernier égard étant
un retrait d'un mois pour excès de vitesse, mesure ache-
vée sept ans et demi avant les faits.

  dd) En conséquence, le Tribunal administratif n'a
pas abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant la du-
rée du retrait de permis à quatre mois.

  d) Le recourant affirme ensuite que le Tribunal
administratif a méconnu son besoin professionnel de con-
duire.

  aa) Selon la jurisprudence (ATF 123 II 572 con-
sid. 2c; cf. aussi Schaffhauser, op. cit., n° 2441 ss),
lorsqu'il s'agit d'apprécier le besoin professionnel de
conduire un véhicule à moteur, il convient de respecter
le principe de la proportionnalité. Le conducteur qui
ressent plus durement le retrait du permis de conduire,
en raison de ses besoins professionnels, est en règle gé-
nérale admonesté de manière efficace et dissuadé de com-
mettre de nouvelles infractions avec des retraits plus
courts. Un tel conducteur doit donc être privé de son
permis moins longtemps que celui qui se limite à un usage
commun, même si les fautes commises sont identiques. La
réduction s'opère ainsi proportionnellement au degré de
sensibilité accrue. Il n'existe pas, d'un côté, des con-
ducteurs qui n'ont aucunement besoin de leur permis et,
de l'autre, des conducteurs qui en ont un besoin impéra-
tif tels que les chauffeurs professionnels; la gradation
est au contraire continue. Cela étant, la détermination
du degré de sensibilité accrue ne permet pas, à elle
seule, de décider si et dans quelle mesure une réduction
se justifie. Une telle question doit être tranchée au
regard de toutes les circonstances importantes du cas.

  bb) Devant l'autorité intimée, le recourant a
soutenu avoir impérativement besoin de son permis de con-
duire, dès lors qu'il travaillait dans un garage et que
sa tâche principale consistait à essayer les véhicules
sur route. A l'appui, il annexait une lettre de son em-

ployeur, attestant qu'il occupait un poste à responsabi-
lité en tant que chef d'atelier et qu'il était primordial
qu'il puisse conduire, car il avait "notamment pour tâche
d'effectuer des essais sur route avec ou sans clients
afin de tester et de valider des travaux effectués (dans
les) ateliers."

  Selon le Tribunal administratif, cette nécessité
professionnelle est importante, mais n'est pas détermi-
nante en ce sens que le recourant n'établit pas que la
privation de son permis de conduire lui causerait une
perte de gain. En sa qualité de chef d'atelier, il peut
poursuivre son activité professionnelle en exécutant les
travaux de mécanique proprement dits, les essais sur rou-
te avec ou sans clients pouvant être effectués par d'au-
tres employés du garage.

  Dans son recours de droit administratif, le re-
courant affirme que les "utilisateurs ordinaires" de vé-
hicules et les réparateurs doivent être distingués d'un
chef d'atelier, qui possède les qualifications suffisan-
tes pour effectuer des essais sur route. Toutefois, le
recourant n'établit pas ni n'allègue qu'il serait, de
fait, la seule personne dans son garage, patron compris,
à posséder de telles capacités. Ce grief est donc mal
fondé.

  3.-  Vu ce qui précède, le recours doit être re-
jeté. La décision attaquée ayant toutefois été confirmée
partiellement par substitution de motifs, le recourant ne
devra supporter qu'un émolument judiciaire réduit (art.
156 al. 1 OJ).

                     Par ces motifs,

         l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

  1. Rejette le recours.

  2. Met à la charge du recourant un émolument ju-
diciaire réduit de 1'000 fr.

  3. Communique le présent arrêt en copie au recou-
rant, au Service des automobiles et de la navigation et
au Tribunal administratif du canton de Genève, ainsi qu'à
l'Office fédéral des routes.

                        _________

Lausanne, le 12 septembre 2001

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
                      Le Président,

                      La Greffière,