Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6A.75/2001
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6A.75/2001/ROD

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

               Séance du 13 novembre 2001

Présidence de M. Schubarth, Président.
Présents: M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et
M. Karlen, Juges.  Greffier: M. Denys.
                     ______________

      Statuant sur le recours de droit administratif
                        formé par

X.________, représenté par Me Laurent Huguenin, avocat au
Locle,

                         contre

l'arrêt rendu le 19 juin 2001 par le Tribunal administra-
tif neuchâtelois;

           (retrait d'admonestation du permis
               de conduire, avertissement)

      Vu les pièces du dossier d'où ressortent
               les   f a i t s   suivants:

      A.-  Le 20 octobre 1999 vers 19 h 55 en ville de
La Chaux-de-Fonds, X.________, né en 1942, circulait en
voiture et a dépassé de 16 km/h la vitesse maximale auto-
risée (50 km/h).

      B.-  Par décision du 31 janvier 2000, le Service
des automobiles neuchâtelois a retiré le permis de
conduire de X.________ pour une durée d'un mois.
Il a justifié le retrait par le dépassement de vitesse
en cause ainsi que par l'avertissement dont avait fait
l'objet X.________ le 18 janvier 1999 pour une violation
d'une autre nature des règles de la circulation routière
(changement de voie sur l'autoroute sans prendre les
précautions d'usage).

      Par décision du 5 février 2001, le Département de
la justice, de la santé et de la sécurité neuchâtelois a
rejeté le recours formé par X.________.

      X.________ a formé recours contre cette décision
auprès du Tribunal administratif neuchâtelois, concluant
à ce qu'un avertissement soit prononcé dans son cas. Il a
exposé qu'un dépassement de vitesse de 16 km/h ne
justifiait pas en soi le retrait de son permis de
conduire et que, dans la mesure où il conduisait depuis
plus de trente ans et parcourait annuellement environ
50'000 kilomètres pour son métier, on ne pouvait consi-
dérer l'antécédent unique ayant abouti à l'avertissement
du 18 janvier 1999 comme un motif de retrait du permis.
Par arrêt du 19 juin 2001, le Tribunal administratif a
rejeté le recours.

      C.-  X.________ forme recours de droit
administratif au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il
conclut, avec suite de frais et dépens, à la réforme de
cette décision en ce sens qu'un avertissement est pro-
noncé à son encontre en place du retrait de son permis de
conduire. Il sollicite par ailleurs l'effet suspensif.

      Invité à se déterminer, l'Office fédéral des routes
conclut au rejet du recours.

        C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

      1.-  Le recours de droit administratif au Tribunal
fédéral est ouvert contre une décision cantonale de
dernière instance en matière de retrait du permis de
conduire (art. 24 al. 2 LCR [RS 741.01]). Il peut être
formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès
ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ).
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invo-
qués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions des
parties (art. 114 al. 1 OJ). En revanche, lorsque, comme
en l'espèce, le recours est dirigé contre la décision
d'une autorité judiciaire, il est lié par les faits
constatés dans l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifes-
tement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au
mépris de règles essentielles de la procédure (art. 105
al. 2 OJ). Cela exclut largement la prise en compte d'un
fait nouveau (ATF 125 II 217 consid. 3a p. 221).

      2.-  Le recourant se plaint d'un abus du pouvoir
d'appréciation, soutenant que seul un avertissement est
proportionné dans son cas.

      a) L'art. 16 al. 2 LCR prévoit que "le permis
d'élève conducteur ou le permis de conduire peut être
retiré au conducteur qui, par des infractions aux règles
de la circulation, a compromis la sécurité de la route ou
incommodé le public. Un simple avertissement pourra être
ordonné dans les cas de peu de gravité". Par ailleurs,
l'art. 16 al. 3 let. a LCR dispose que le permis de
conduire doit être retiré "si le conducteur a compromis
gravement la sécurité de la route".

      A partir du texte légal, quatre situations doivent
être distinguées. D'abord, le cas où le conducteur n'a
pas "compromis la sécurité de la route ou incommodé le
public", pour lequel l'autorité n'ordonnera aucune
mesure administrative. Deuxièmement, le cas de peu de
gravité (art. 16 al. 2 2ème phrase LCR), pour lequel
l'autorité donnera un avertissement. En troisième lieu,
le cas de gravité moyenne (art. 16 al. 2 1ère phrase
LCR), pour lequel l'autorité doit retirer le permis de
conduire; elle ne peut s'en abstenir qu'en présence de
circonstances spéciales, telles que celles qui justifient
d'abandonner toute peine en application de l'art. 66bis
CP (ATF 126 II 202 consid. 1a p. 203/204, 196 consid. 2c
p. 200/201). Enfin, le cas grave, qui implique le retrait
du permis de conduire en application de l'art. 16 al. 3
let. a LCR.

      b) Le recourant a dépassé de 16 km/h la vitesse
maximale autorisée à l'intérieur d'une localité.

      Selon la jurisprudence, lorsque la vitesse maximale
générale de 50 km/h autorisée dans les localités est
dépassée de 21 à 24 km/h, le cas est objectivement,
c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes, de
gravité moyenne, ce qui doit en principe entraîner le
retrait du permis de conduire en application de l'art. 16

al. 2 1ère phrase LCR (ATF 126 II 202 consid. 1a p. 204,
196 consid. 2a p. 199; 124 II 97 consid. 2b p. 101). Par
ailleurs, l'ordonnance du 4 mars 1996 sur les amendes
d'ordre (OAO; RS 741.031) prévoit à son annexe I ch.
303.1 que seul un dépassement jusqu'à 15 km/h de la
vitesse maximale autorisée dans les localités peut être
réprimé par une amende d'ordre.

      Un dépassement de la vitesse autorisée de 16 km/h
à l'intérieur d'une localité se situe donc au-dessous de
la limite de 21 km/h fixée pour le cas de gravité moyenne
et au-dessus de la fourchette prévue pour les amendes
d'ordre. Aussi, un tel dépassement constitue-t-il objecti-
vement (sans égard aux circonstances concrètes) un cas de
peu de gravité au sens de l'art. 16 al. 2 2ème phrase LCR,
impliquant un avertissement.

      c) Il y a encore lieu de rechercher si des circons-
tances concrètes (conditions du trafic défavorables,
mauvaise réputation de l'automobiliste) ne justifient
néanmoins pas de considérer le cas comme plus grave
(cf. ATF 126 II 196 consid. 2a p. 199; 124 II 475 consid.
2a p. 477, 262 consid. 2c p. 263; 123 II 37 consid. 1e
p. 41).

      Pour déterminer si le cas est effectivement de peu de
gravité, autrement dit s'il est susceptible de n'entraîner
qu'un avertissement, il faut tenir compte, ainsi que le
précise l'art. 31 al. 2 de l'ordonnance du 27 octobre 1976
réglant l'admission des personnes et des véhicules à la
circulation routière (OAC; RS 741.51), de la gravité de la
faute commise et de la réputation du contrevenant en tant
que conducteur; la gravité de la mise en danger du trafic
n'est prise en considération que dans la mesure où elle est
significative pour la faute (ATF 126 II 202 consid. 1a p.
204, 192 consid. 2b p. 194; 125 II 561 consid. 2b p. 567).

      L'autorité cantonale n'a constaté aucune circonstance
particulière relative au trafic, comme la présence d'usa-
gers de la route vulnérables tels des piétons ou cyclistes
(cf. ATF 123 II 37 consid. 1d et e p. 40/41), qui pourrait
faire apparaître la faute du recourant comme plus lourde.
La seule question à résoudre est donc de savoir si les
antécédents du recourant en tant qu'automobiliste (sa répu-
tation selon l'art. 31 al. 2 OAC) sont compatibles avec le
prononcé d'un avertissement. Le recourant a commis le
dépassement de vitesse le 20 octobre 1999. Il s'était vu
infliger le 18 janvier 1999 un avertissement pour une vio-
lation d'une autre nature des règles de la circulation
routière. Même si le recourant possède le permis de con-
duire depuis longtemps et parcourt professionnellement de
nombreux kilomètres chaque année, son passé d'automobiliste
n'est donc pas irréprochable puisque peu de temps (environ
neuf mois) avant le dépassement de vitesse incriminé, il
avait fait l'objet d'un avertissement.

      L'avertissement représente une mise en garde pronon-
cée à titre éducatif et forme pour le conducteur concerné
un antécédent (cf. Bussy/Rusconi, Code suisse de la circu-
lation routière, Commentaire, Lausanne 1996, art. 16 LCR
n. 4.1). En ce sens, l'avertissement comporte la menace
d'une sanction plus lourde en cas de nouvelle infraction
aux règles de la circulation routière. Il contribue à la
sécurité du trafic. Ce but n'exclut pas d'emblée le pro-
noncé d'avertissements successifs lorsqu'on peut penser
que cela détournera effectivement le conducteur de la
commission d'autres infractions. Cependant, celui qui
peu de temps après un avertissement commet une nouvelle
infraction aux règles de la circulation ne saurait en
principe bénéficier d'un deuxième avertissement.

      C'est quelque neuf mois après le prononcé d'un
avertissement que le recourant a commis le dépassement de

vitesse incriminé. Cette nouvelle infraction intervenue
moins d'un an après montre que l'avertissement n'a pas
rempli sa fonction. Lorsqu'un conducteur commet une
infraction aux règles de la circulation dans le délai
d'un an suivant le prononcé d'un avertissement, il faut
en conclure qu'un autre avertissement est en principe
exclu, même si la nouvelle infraction peut objectivement
être qualifiée de peu de gravité au sens de l'art. 16
al. 2 2ème phrase LCR. Le retrait du permis de conduire
doit alors être ordonné en application de l'art. 16
al. 2 1ère phrase LCR, sauf circonstances spéciales;
les circonstances ainsi réservées peuvent par exemple
résulter de situations analogues à celles justifiant de
renoncer à une peine en application de l'art. 66bis CP
ou de situations proches de l'état de nécessité. Il résulte
a contrario de ce qui précède que, lorsqu'il s'est écoulé
plus d'un an depuis l'avertissement, un autre avertis-
sement est possible pour une nouvelle infraction de peu
de gravité. En l'espèce, le recourant a commis la nouvelle
infraction moins d'un an après l'avertissement et aucune
circonstance spéciale ne ressort de la décision attaquée.
L'autorité cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en
ordonnant le retrait du permis du recourant.

      La règle selon laquelle la répétition d'une infrac-
tion de peu de gravité dans le délai d'un an exclut en
principe un autre avertissement concrétise la version en
vigueur de l'art. 16 al. 2 LCR. Le projet de modification
de la loi sur la circulation routière introduit le concept
d'infraction légère et exclut en cas de commission d'une
deuxième infraction de ce type dans un délai de deux ans
le prononcé d'un nouvel avertissement (cf. art. 16a al. 2
et 3 du projet; FF 1999 p. 4131 et 4157; BO 2000 CE 213; BO
2001 CN 908/909). Avec ce délai plus long, le projet
accroît la sévérité à l'égard des récidivistes. De manière
générale d'ailleurs, le projet tend à un renforcement des
sanctions dans l'optique d'améliorer la sécurité routière
(cf. FF 1999 p. 4111). Mais il n'y a pas lieu d'appliquer
ce délai plus long sous le droit en vigueur.

      3.-  Le recourant a pu se croire fondé à agir. Il se
justifie dès lors de rendre le présent arrêt sans frais
(cf. art. 156 al. 3 OJ).

      La cause étant ainsi tranchée, la requête d'effet
suspensif n'a plus d'objet.

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

      1. Rejette le recours.

      2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

      3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, au Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel et à l'Office fédéral des routes.
                       ____________

Lausanne, le 13 novembre 2001

           Au nom de la Cour de cassation pénale
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
           Le Président,             Le Greffier,