Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6A.33/2001
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6A.33/2001
6A.35/2001/viz

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
     ***********************************************

                       30 mai 2001

Composition de la Cour: MM. Schubarth, Président, Kolly
et Escher. Greffière: Mme Bino.

                      ____________

     Statuant sur les recours de droit administratif
                       formés par

1. A.________, à Delley,
2. Office fédéral des routes, Division circulation rou-
   tière, à Berne,

                         contre

l'arrêt rendu le 15 février 2001 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Fribourg dans la cause qui concerne
A.________;

     (retrait d'admonestation; retrait de sécurité)

        Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                les  f a i t s  suivants:

  A.-  Le 14 novembre 1999, vers 23h20, A.________
circulait sur la route principale à Domdidier au volant
d'un véhicule automobile dont le feu arrière gauche était
défectueux. Procédant à un contrôle de routine, la police
découvrait 5 g de marijuana à l'intérieur du véhicule.
A.________ reconnaissait avoir consommé deux "joints"
pendant la journée.

  Selon le rapport du 16 décembre 1999 de l'Insti-
tut universitaire de médecine légale de Lausanne,
A.________ avait effectivement consommé récemment du
cannabis. Il apparaissait dès lors vraisemblable qu'au
volant, il était sous l'influence de la substance active
du cannabis (THC) et que ses capacités à conduire en
étaient diminuées.

  Par ordonnance pénale, le Juge d'instruction du
Canton de Fribourg a reconnu A.________ coupable de
violation simple des règles sur la circulation routière
(art. 31 al. 2 LCR), de conduite d'un véhicule en état
défectueux (art. 93 n° 2 LCR) ainsi que de violation de
la Loi fédérale sur les stupéfiant (art. 19a n° 1 LStup),
et l'a condamné à une amende de 500.-- francs. Cette or-
donnance est entrée en force de chose jugée.

  B.-  En raison de ces faits, par décision du 23
novembre 2000, la Commission des mesures administratives
en matière de circulation routière (CMA) a prononcé le
retrait du permis de conduire de A.________ pour la durée
d'un mois. La CMA a retenu que A.________ avait compromis

la sécurité de la route (art. 16 al. 2 LCR). Par décision
du 15 février 2001, le Tribunal administratif du canton
de Fribourg a rejeté le recours introduit par A.________
et confirmé la décision de retrait.

  C.-  A.________ ainsi que l'Office fédéral des
routes (OFROU) agissent par la voie du recours de droit
administratif auprès du Tribunal fédéral.

  A.________ conclut à ce que la décision du Tri-
bunal administratif soit annulée.

  L'OFROU requiert l'annulation de la décision can-
tonale et le renvoi de la cause au CMA pour qu'elle or-
donne un examen médical en vue d'établir si A.________
présente les aptitudes caractérielles nécessaires pour
conduire des véhicules automobiles au sens de l'art. 14
al. 2 let. c LCR et pour qu'il examine d'office s'il est
nécessaire d'ordonner une mesure préventive.

  D.-  A.________ et le Tribunal administratif con-
cluent au rejet du recours de l'OFROU.

         C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

  1.- a)  Le recours de droit administratif au Tri-
bunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale de
dernière instance en matière de retrait du permis de con-
duire (art. 24 al. 2 LCR). Le titulaire du permis possède
manifestement un intérêt digne de protection à ce que la
décision de retrait soit modifiée ou annulée. Il est dès

lors légitimé à recourir (art. 24 al. 5 LCR). Il en va de
même de l'OFROU dont la légitimation se fonde sur l'art.
24 al. 5 let. c LCR.

  b)  Il se justifie de joindre les deux recours,
qui se rapportent à la même décision et traitent de la
même problématique, à savoir le retrait de permis et
l'aptitude à conduire.

  c)  L'OFROU requiert qu'en lieu et place d'un
retrait d'admonestation d'un mois, un examen médical en
vue de déterminer l'aptitude à conduire de A.________
soit ordonné. De la sorte, il présente des conclusions
nouvelles qui vont au delà de ce qui a été statué.

  Saisi d'un recours d'une autorité fédérale, en
l'espèce l'Office fédéral des routes, habilitée à inter-
venir afin d'assurer l'application uniforme du droit fé-
déral, le Tribunal fédéral peut, sans égard aux règles
cantonales sur la "reformatio in pejus", modifier la dé-
cision attaquée au détriment de l'intimé (ATF 125 II 396
consid. 1, 119 Ib 154 consid. 2b p. 157 et les arrêts ci-
tés).

  d)  Le recours de droit administratif peut être
formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès
ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ).
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invo-
qués, mais il ne peut statuer au-delà des conclusions des
parties (art. 114 al. 1 OJ). Lorsque le recours, comme
c'est le cas en l'espèce, est dirigé contre la décision
d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié
par les faits constatés dans l'arrêt attaqué, sauf si
ceux-ci sont manifestement inexacts ou incomplets ou
s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 105 al. 2 OJ; ATF 121 II 127 consid. 2).

  2.- a)  Se fondant sur la procédure pénale et le
rapport de l'Institut de médecine légale, le Tribunal
cantonal a constaté qu'A.________ avait pris le volant
sous l'influence d'une substance stupéfiante, avait en-
freint les règles élémentaires de prudence et mis en dan-
ger la sécurité de la route. Le cas n'est pas de peu de
gravité en raison des mauvais antécédents de l'intéressé;
ainsi le prononcé d'un simple avertissement est exclu. Le
retrait litigieux, ordonné pour la durée d'un mois, cor-
respond au minimum légal et s'avère, toujours selon les
juges cantonaux, clément.

  b)  A.________ conteste les faits à la base de la
décision attaquée. Selon lui, il résulterait des rapports
de police et du médecin qui avait fait la prise de sang,
qu'il était capable de conduire au moment du contrôle. Il
estime n'avoir pas compromis la sécurité de la route. En
ce qui concerne la condamnation pénale, il précise avoir
manqué le délai légal pour la contester.

  c)  L'OFROU se réfère essentiellement aux consé-
quences de la consommation du cannabis sur la conduite.
Il cite des nombreuses études suisses et étrangères qui
analysent les effets de cette substance sur la percep-
tion, sur la psychomotricité et sur les fonctions cogni-
tives et affectives. De tels effets peuvent notamment
affecter la sécurité de la conduite.

  L'OFROU admet, toutefois, qu'à elle seule, une
consommation régulière mais contrôlée de haschisch ne di-
minue pas nécessairement l'aptitude à conduire. Les habi-
tudes de consommation de chaque individu sont à cet égard
déterminantes. L'OFROU conclut de la concentration de
THC-COOH (61,3 ng/ml) mesurée lors de l'analyse du sang,
qu'A.________ n'est pas un consommateur occasionnel. Il
fume, en effet, 5 g de marijuana par semaine depuis le

mois de juillet 1999. L'Office fédéral doute sérieusement
qu'à l'avenir, A.________ s'abstiendra de conduire un
véhicule automobile sous l'influence du cannabis. Dès
lors, il est nécessaire contrôler son aptitude à condui-
re.

  3.- a)  Fondé sur l'art. 16 al. 2 et 3 LCR, le
retrait d'admonestation suppose une infraction fautive à
une règle de la circulation compromettant la sécurité de
la route ou incommodant le public. Il a pour but l'amen-
dement du fautif, la lutte contre les récidives et la sé-
curité du trafic; il a un caractère éducatif et préventif
(cf. art. 30 al. 2 OAC; ATF 125 II 396 consid. 2a/aa;
Bussy/Rusconi, Code suisse de la circulation routière,
Lausanne 1996, n. 2.1 ad art. 16 LCR). La durée d'un tel
retrait est fixé surtout en fonction de la gravité de la
faute, de la réputation de l'intéressé en tant que con-
ducteur et de la nécessité professionnelle de conduire
des véhicules automobiles (art. 17 al. 1 LCR; 33 al. 2
OAC; ATF 126 II 196 consid. 2, 202 consid. 1a/b). En re-
vanche, le retrait fondé sur les art. 14 al. 2 et 16 al.
1 LCR est un retrait de sécurité destiné à protéger la
sécurité du trafic contre les conducteurs incapables no-
tamment pour alcoolisme ou d'autres causes de toxicomanie
(art. 30 al. 1 OAC). L'art. 16 al. 1 LCR prévoit en effet
que le permis de conduire doit être retiré lorsque l'au-
torité constate que les conditions légales de sa déli-
vrance, énoncées par l'art. 14 al. 2 LCR, ne sont pas ou
plus remplies. Ainsi, le permis doit notamment être reti-
ré aux conducteurs qui, en raison de leurs antécédents,
n'offrent pas la garantie qu'en conduisant un véhicule
automobile ils respecteront les prescriptions et qu'ils
auront égard à leur prochain (art. 14 al. 2 let. d LCR).
Le retrait de sécurité est prononcé pour une durée indé-
terminée et assorti d'un délai d'épreuve d'une année au

moins (art. 17 al. 1bis LCR; art. 33 al. 1 OAC; ATF 126
II 185 consid. 2a). Après l'échéance de ce délai, le per-
mis peut être restitué conditionnellement; en principe,
l'intéressé doit avoir fait preuve d'une abstinence con-
trôlée d'au moins une année.

  Le retrait de sécurité ordonné pour alcoolisme ou
d'autres causes de toxicomanie constitue une grave ingé-
rence dans la sphère privée du conducteur visé. Dès lors,
selon la jurisprudence constante, avant d'ordonner un tel
retrait, l'autorité doit éclaircir d'office la situation
de la personne concernée. En particulier elle doit exami-
ner l'incidence de la toxicomanie sur son comportement
comme conducteur ainsi que le degré de la dépendance. Les
mesures appropriées à cet effet, notamment l'opportunité
d'une expertise médicale, varient en fonction des circon-
stances et relèvent du pouvoir d'appréciation des autori-
tés cantonales appelées à se prononcer sur le retrait
(ATF 126 II 185 consid. 2a et les références; voir aussi
Karl Hartmann, Der Sicherungsentzug in der neuen bundes-
gerichtlichen Rechtsprechung, Collection Assista, Genève,
1998, p. 259).

  b)  L'existence d'une toxicomanie constitue le
critère essentiel sur lequel repose le retrait de sécuri-
té aux sens de l'art. 14 al. 2 let. c combiné avec l'art.
17 al. 1bis LCR. Il existe dépendance à l'alcool lorsque
l'intéressé boit régulièrement au point que son aptitude
à conduire en est diminuée, mais aussi quand il n'arrive
plus à maîtriser sa consommation. Dans l'intérêt de la
sécurité routière, la consommation des stupéfiants est
considérée comme une dépendance aux drogues au sens des
dispositions citées, lorsque sa fréquence et sa quantité
diminuent l'aptitude à conduire et qu'il existe un risque
majeur que l'intéressé se mette au volant d'un véhicule
dans un état qui, partiellement ou de manière durable,

compromet la sûreté de la conduite (ATF 124 II 559 con-
sid. 2b). En d'autres termes, ces conditions sont rem-
plies lorsque le consommateur n'est plus en mesure de
s'abstenir lorsqu'il doit conduire (ATF 124 II 559 con-
sid. 3d et 4e).

  La consommation contrôlée de cannabis, même régu-
lière et importante, n'entraîne pas nécessairement une
diminution de l'aptitude à conduire (ATF 124 II 559 con-
sid. 4d et 4e). Il convient d'analyser les habitudes de
consommation de l'intéressé, notamment la fréquence, la
quantité ainsi que les circonstances. Il faut également
tenir compte de l'éventuelle absorption d'autres substan-
ces stupéfiantes et/ou d'alcool, ainsi que de la person-
nalité du consommateur, en particulier en ce qui concerne
l'abus de drogues et son comportement en tant que conduc-
teur. Une diminution momentanée de la capacité de condui-
re suite à l'absorption de cannabis peut aussi constituer
une raison valable pour procéder à un contrôle de l'apti-
tude à conduire (ATF 124 II 559 consid. 4e et 5a).

  4.- a)  En l'espèce, c'est à raison que le Tribu-
nal cantonal a prononcé un retrait d'admonestation. Il a
considéré, à juste titre, que le retrait du permis pen-
dant un mois était une sanction relativement clémente
compte tenu de la faute ainsi que des antécédents
d'A.________: celui-ci avait déjà fait l'objet de deux
retrait du permis d'une durée d'un mois chacun. À cet
égard, les griefs soulevés par ce dernier se résument
pour l'essentiel à une critique, en l'espèce irrecevable,
des faits tels qu'ils ont été établis. Partant, son re-
cours doit être rejeté et les frais seront mis à sa
charge (art. 156 al. 1 OJ).

  b)  Selon le Tribunal cantonal, il ne se justifie
pas d'examiner l'aptitude à conduire d'A.________. Ses
habitudes en tant que consommateur depuis le 14 novembre
1999  sont inconnues. Le rapport du 16 novembre 1999 ne
dénonce pas une éventuelle inaptitude généralisée à la
conduite; il ne se prononce que sur la capacité
d'A.________ lors du contrôle de police. Celui-ci a
déclaré consommer chez lui, de manière hebdomadaire, 5g
de marijuana, qu'il cultive sur son balcon et qu'il fume
durant les jours de congé. Il n'y a dès lors aucun indice
qui donnerait à croire que A.________ n'arriverait plus à
s'abstenir de consommer du cannabis quand il doit condui-
re. De même, rien n'indique qu'il existerait un risque
réel et imminent qu'il prenne le volant sous l'influence
de la drogue. Par ses déclarations, il ne démontre pas
non plus une tendance à minimiser les effets que pourrait
avoir la consommation de cette substance. Dès lors, con-
trairement à ce que l'OFROU soutient dans son recours, il
ne se justifie pas d'ordonner une expertise médicale sur
l'aptitude à conduire d'A.________.

  c)  Au vu de ce qui précède, le recours interjeté
par l'OFROU est mal fondé. Il ne sera toutefois pas perçu
de frais (art. 156 al. 2 OJ).

                     Par ces motifs,

         l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

  1. Rejette le recours de droit administratif
d'A.________ (6A.35/2001) dans la mesure où il est re-
cevable.

  2. Met un émolument judiciaire de 2'000.-- francs
à la charge d'A.________.

  3. Rejette le recours de droit administratif de
l'OFROU (6A.33/2001).

  4. Dit que pour le recours de droit administratif
de l'OFROU il n'est pas perçu de frais.

  5. Communique le présent arrêt en copie à
A.________, à l'Office fédéral des routes, au Tribunal
administratif du canton de Fribourg ainsi qu'à la Com-
mission fribourgeoise des mesures administratives en
matière de circulation routière.

                     ______________

Lausanne, le 30 mai 2001

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                      Le Président,

                      La Greffière,