Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6A.123/2001
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6A.123/2001/DXC

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

                      19 mars 2002

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, M. Kolly
et M. Karlen, Juges. Greffier: M. Denys.
                     ______________

    Statuant sur le recours de droit administratif
                        formé par

X.________, représenté par Me Nicolas Saviaux, avocat à
Lausanne,

                         contre

l'arrêt rendu le 13 novembre 2001 par la 2ème section du
Tribunal administratif du canton de Genève;

     (retrait d'admonestation du permis de conduire)

        Vu les pièces du dossier d'où ressortent
              les   f a i t s   suivants :

      A.- Le 25 juillet 2000 à 16 h 25, X.________, né en
1978, circulait en voiture sur la route de Satigny en di-
rection de la route du Mandement. Le rapport de contra-
vention établi par la police précise ce qui suit:

     "Venant de la route du Nant-d'avril, M.
      X.________ circulait route de Satigny en di-
      rection de la route du Mandement à une vi-
      tesse inadaptée aux conditions de la route et
      de la circulation, mettant ainsi en danger la
      circulation. Avec les systèmes pour véhicules
      prioritaires enclenchés, nous avons suivi le
      chauffard à plus de 120 km/h. M. X.________ a
      soudainement obliqué à droite sur ladite
      route, empruntant la rue des Moulières. L'in-
      téressé a été intercepté au bout de cette rue
      où la présente contravention lui a été noti-
      fiée pour les motifs connus".

      Invité par le Service des automobiles et de la na-
vigation du Département de justice et police et des
transports du canton de Genève (ci-après: SAN) à fournir
ses observations, X.________ a indiqué par courrier du
8 septembre 2000 qu'il contestait avoir roulé à 120 km/h,
sa vitesse n'ayant jamais excédé 60 à 80 km/h; chauffeur
d'ambulance, il a invoqué son besoin professionnel de
conduire. Après une suspension de la procédure, il a re-
pris ses précédentes explications par courrier du 5 avril
2001.

      En application de l'art. 16 al. 3 LCR, le SAN a
prononcé le 18 avril 2001 le retrait du permis de con-
duire de X.________ pour une durée d'un mois.

      B.- X.________ a saisi le Tribunal administratif
genevois d'un recours contre cette décision. Entendu en
audience de comparution personnelle le 27 juin 2001, il a
exposé avoir payé la contravention. Il a requis l'audi-
tion des appointés A.________ et B.________, lesquels
avaient rédigé le rapport de contravention. Entendu le
1er novembre 2001, l'appointé A.________ a confirmé le
rapport. Il se souvenait que lui et son collègue avaient
dû enclencher le gyrophare et les sirènes et que
X.________ roulait à vive allure. Ils ont constaté une
vitesse inadaptée faute de disposer de l'équipement
permettant de contrôler la vitesse du véhicule poursuivi.
Présent à l'audience, X.________ a renoncé à l'audition
de l'autre appointé. Il a précisé qu'il était possible
qu'il ait circulé à une vitesse estimée à 100 km/h.

      Par arrêt du 13 novembre 2001, le Tribunal admi-
nistratif a rejeté le recours de X.________.

      C.- Celui-ci forme un recours de droit administra-
tif au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut
principalement à son annulation et, subsidiairement, à ce
qu'aucune mesure administrative ne soit prise à son en-
contre.

      Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt.

      L'Office fédéral des routes conclut à l'admission
du recours.

       C o n s i d é r a n t   e n    d r o i t :

      1.- Le recours de droit administratif au Tribunal
fédéral est ouvert contre une décision cantonale de der-
nière instance en matière de retrait du permis de con-
duire (art. 24 al. 2 LCR). Il peut être formé pour viola-
tion du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du
pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Le Tribunal
fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne
peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 114
al. 1 OJ). En revanche, lorsque, comme en l'espèce, le
recours est dirigé contre la décision d'une autorité ju-
diciaire, il est lié par les faits constatés dans l'arrêt
attaqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incom-
plets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essen-
tielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ). Cela exclut
largement la prise en compte d'un fait nouveau (ATF 125
II 217 consid. 3a p. 221).

      2.- Invoquant l'art. 105 al. 2 OJ, le recourant
conteste la teneur du procès-verbal du 1er novembre 2001,
selon lequel il a déclaré avoir roulé à 100 km/h. Il re-
lève qu'il n'a pas relu ni signé ce document et qu'"il a
peut-être été mal compris". Il ajoute que dans ses cour-
riers des 8 septembre 2000 et 5 avril 2001 et dans son
recours cantonal, il a prétendu que sa vitesse n'avait
pas excédé 60 à 80 km/h.

      Les écrits invoqués sont antérieurs à l'audience du
1er novembre 2001. L'appointé A.________ y a d'abord été
entendu. Il a confirmé le rapport de contravention, à sa-
voir que lui et son collègue avaient suivi le recourant à
120 km/h avec le gyrophare et les sirènes enclenchés. Ses

propos ont été verbalisés. C'est à la suite de cette au-
dition que le recourant s'est exprimé. Il a renoncé à
faire entendre l'autre appointé et, selon le procès-ver-
bal, a estimé sa vitesse à 100 km/h. Le recourant n'in-
voque aucune violation dans le déroulement de la procé-
dure cantonale. En particulier, il ne soutient pas que
ses propos auraient été retranscrits à son insu, c'est-à-
dire sans qu'en sa présence le juge instructeur n'ait
dicté le libellé du procès-verbal au greffier, ni qu'une
copie du procès-verbal ne lui aurait pas été remise à
l'issue de l'audience, ni d'ailleurs qu'il n'aurait pas
eu accès au dossier. Autrement dit, il ne prétend pas que
sa situation en procédure cantonale aurait été telle
qu'il lui était impossible de critiquer le procès-verbal.
Il pouvait clairement se rendre compte de la portée des
propos verbalisés et aurait dû aussitôt intervenir pour
s'opposer à leur prétendue fausse teneur. L'absence de sa
signature n'a à cet égard aucune incidence. Le recourant
n'apporte ainsi en aucune manière la démonstration que
les faits retenus seraient manifestement inexacts ou in-
complets ou auraient été établis au mépris de règles es-
sentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ). Le grief
est mal fondé.

      En référence à l'art. 105 al. 2 OJ, le recourant
s'en prend également à une phrase contenue en page 2 de
l'arrêt attaqué selon laquelle il "avait finalement re-
noncé à contester le rapport de police". Cette constata-
tion concerne l'attitude du recourant dans le cadre de la
procédure pénale, à l'issue de laquelle une amende a été
infligée. On ne saurait en déduire que le Tribunal admi-
nistratif aurait omis d'apprécier la position adoptée par
le recourant dans la procédure administrative. Le grief
est sans fondement.

      3.- Le recourant nie que les conditions d'un re-
trait de son permis de conduire soient réalisées. Il si-
gnale que l'arrêt attaqué n'indique pas s'il a commis
l'excès de vitesse incriminé à l'intérieur ou à l'exté-
rieur d'une localité. Selon lui, son comportement ne peut
être qualifié de grave.

      a) L'art. 16 al. 2 LCR prévoit que "le permis
d'élève conducteur ou le permis de conduire peut être re-
tiré au conducteur qui, par des infractions aux règles de
la circulation, a compromis la sécurité de la route ou
incommodé le public. Un simple avertissement pourra être
ordonné dans les cas de peu de gravité". Par ailleurs,
l'art. 16 al. 3 let. a LCR dispose que le permis de con-
duire doit être retiré "si le conducteur a compromis gra-
vement la sécurité de la route".

      A partir du texte légal, quatre situations doivent
être distinguées. D'abord, le cas où le conducteur n'a
pas "compromis la sécurité de la route ou incommodé le
public", pour lequel l'autorité n'ordonnera aucune mesure
administrative. Deuxièmement, le cas de peu de gravité
(art. 16 al. 2 2ème phrase LCR), pour lequel l'autorité
donnera un avertissement. En troisième lieu, le cas de
gravité moyenne (art. 16 al. 2 1ère phrase LCR), pour
lequel l'autorité doit retirer le permis de conduire;
elle ne peut s'en abstenir qu'en présence de circonstan-
ces spéciales, telles que celles qui justifient d'aban-
donner toute peine en application de l'art. 66bis CP
(ATF 126 II 202 consid. 1a p. 203/204, 196 consid. 2c
p. 200/201). Enfin, le cas grave, qui implique le retrait
du permis de conduire en application de l'art. 16 al. 3
let. a LCR.

      Selon la jurisprudence, celui qui dépasse de
30 km/h ou plus la vitesse maximale générale de 80 km/h
autorisée hors des localités commet objectivement, c'est-
à-dire sans égard aux circonstances concrètes, une in-
fraction grave aux règles de la circulation impliquant un
retrait en vertu de l'art. 16 al. 3 let. a LCR; lorsque
la vitesse maximale précitée est dépassée de 26 à
29 km/h, il y a lieu d'admettre qu'il s'agit objective-
ment d'un cas de gravité moyenne au moins, pour lequel un
retrait doit en principe être prononcé en vertu de
l'art. 16 al. 2 1ère phrase LCR (ATF 124 II 259 con-
sid. 2c p. 263). A l'intérieur des localités, lorsque la
vitesse maximale générale de 50 km/h autorisée est dépas-
sée de 25 km/h et plus, le cas est objectivement grave et
implique un retrait du permis selon l'art. 16 al. 3
let. a LCR; pour un dépassement de 21 à 24 km/h, le cas
est objectivement de gravité moyenne, ce qui doit en
principe entraîner le retrait du permis de conduire en
application de l'art. 16 al. 2 1ère phrase LCR (ATF 126
II 202 consid. 1a p. 204, 196 consid. 2a p. 199; 124 II
475 consid. 2a p. 478).

      b) Pour motiver le retrait prononcé, le Tribunal
administratif a indiqué que, selon le rapport de contra-
vention, le recourant avait circulé à une vitesse inadap-
tée, qu'il avait d'ailleurs lui-même estimé en audience
sa vitesse à environ 100 km/h et qu'il avait payé
l'amende infligée. Il a déduit de ces éléments que le re-
courant avait violé l'art. 32 al. 1 1ère phrase LCR, qui
dispose que "la vitesse doit toujours être adaptée aux
circonstances, notamment aux particularités du véhicule
et du chargement, ainsi qu'aux conditions de la route, de
la circulation et de la visibilité". Considérant que le

recourant avait circulé à une vitesse manifestement
inadaptée aux conditions de la route, laquelle était si-
tuée en zone industrielle soumise à un intense trafic de
poids lourds, le Tribunal administratif a prononcé un re-
trait de son permis de conduire en application de
l'art. 16 al. 3 let. a LCR (cf. arrêt attaqué, p. 4/5).

      A lire la motivation adoptée, on comprend que le
Tribunal administratif n'a pas jugé que la vitesse
- approximative - de 100 km/h indiquée par le recourant
impliquait objectivement, c'est-à-dire sans égard aux
circonstances concrètes, un retrait du permis de con-
duire. Il n'est d'ailleurs fait aucune mention à la ju-
risprudence bien établie (cf. supra, let. a) fixant les
valeurs limites à partir desquelles un retrait s'impose,
indépendamment des circonstances concrètes. L'absence de
référence à cette jurisprudence, nécessairement connue du
Tribunal administratif, laisse penser que le dépassement
en cause a été commis à l'extérieur d'une localité, quoi-
que l'arrêt attaqué soit muet sur ce point. En effet,
compte tenu de la vitesse maximale générale de 50 km/h en
localité, la vitesse d'environ 100 km/h imputée au recou-
rant, même en y retranchant une marge de sécurité, induit
un dépassement très largement supérieur à la valeur li-
mite pour le cas grave, ce qui aurait donc objectivement
justifié le retrait prononcé. Compte tenu du sort du re-
cours, l'incertitude quant à l'endroit où le dépassement
a été commis devra être levée par le Tribunal administra-
tif et, en cas de dépassement à l'intérieur d'une locali-
té, il lui incombera de confirmer le retrait prononcé
pour les motifs exposés ci-dessus.

      En admettant que le dépassement est intervenu hors
d'une localité, le recourant a circulé à quelque
100 km/h dans une zone où la vitesse maximale générale

est de 80 km/h. Le dépassement n'atteint donc de toute
façon pas les limites fixées par la jurisprudence pour
imposer en soi un retrait du permis. Il y a encore lieu
de rechercher si des circonstances concrètes (conditions
du trafic défavorables, mauvaise réputation de l'automo-
biliste) ne justifient néanmoins pas de considérer le cas
comme comme plus grave (cf. ATF 126 II 196 consid. 2a
p. 199; 124 II 475 consid. 2a p. 477, 262 consid. 2c
p. 263; 123 II 37 consid. 1e p. 41). Le Tribunal adminis-
tratif a constaté que le recourant n'avait pas d'antécé-
dents et qu'il avait circulé sur une route située dans
une zone industrielle, fréquentée par des poids lourds.
Le Tribunal administratif ne fournit ainsi aucune indica-
tion précise sur les circonstances concrètes (configura-
tion des lieux, densité du trafic, conditions de visibi-
lité, etc.). Or, ces éléments sont décisifs pour savoir
si le recourant a gravement compromis la sécurité de la
route. Les constatations de fait du Tribunal administra-
tif sont donc incomplètes et ne permettent pas de résou-
dre la question de droit litigieuse. Il y a lieu de lui
renvoyer la cause afin qu'il établisse les faits perti-
nents et qu'il décide ensuite du prononcé éventuel d'un
retrait du permis de conduire.

      4.- L'arrêt attaqué doit être annulé et la cause
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision
dans le sens des considérants. Il n'y a pas lieu de met-
tre un émolument judiciaire à la charge du canton de
Genève (art. 156 al. 2 OJ). En revanche, celui-ci devra
verser une indemnité au recourant à titre de dépens
(art. 159 al. 1 OJ).

                     Par ces motifs,

          l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

      1. Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et ren-
voie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle déci-
sion.

      2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

      3. Dit que le canton de Genève versera au recourant
une indemnité de 1'500 francs à titre de dépens.

      4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, à la 2ème section du Tribunal admi-
nistratif et au Service des automobiles et de la naviga-
tion du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral des
routes, Division circulation routière.
                      _____________

Lausanne, le 19 mars 2002

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                      Le Président,

                      Le Greffier,