Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6A.114/2001
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6A.114/2001/ROD

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

                     5 décembre 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges.  Greffier: M. Denys.
                      ____________

    Statuant sur le recours de droit administratif
                        formé par

le Service des automobiles et de la navigation du
Département de justice et police et des transports du
canton de   G e n è v e,

                         contre

l'arrêt rendu le 23 octobre 2001 par le Tribunal admi-
nistratif du canton de Genève dans la cause qui oppose le
recourant à X.________;

     (retrait d'admonestation du permis de conduire)

      Vu les pièces du dossier d'où ressortent
               les   f a i t s   suivants:

      A.-  X.________, né en 1956, est titulaire du
permis de conduire pour les catégories A, A1, A2, C1, E,
F et G, obtenu entre 1970 et 1976. Le dimanche 1er avril
2001 vers 10 h 45, il circulait au guidon d'une moto-
cyclette entre Bellevue et Versoix, sur un tronçon où
la vitesse maximale autorisée est de 80 km/h. Appréhendé
par un gendarme, il a déclaré qu'il roulait à environ
130 km/h.

      Invité par le Service des automobiles et de la
navigation du Département de justice et police et des
transports du canton de Genève (ci-après: SAN) à fournir
ses observations, X.________ a en substance indiqué qu'il
avait signalé au gendarme une vitesse de 130 km/h par
plaisanterie en raison du 1er avril et qu'il avait
peut-être roulé à 100 km/h, regardant la route et non son
compteur de vitesse. Par la suite, le SAN s'est encore
adressé à X.________ pour savoir s'il contestait le
rapport de contravention, selon lequel il avait reconnu
avoir circulé à 130 km/h. X.________ n'a pas répondu.

      En application de l'art. 16 al. 3 LCR, le SAN a
prononcé le 3 août 2001 le retrait du permis de conduire
de X.________ pour une durée de deux mois. Le 17 août
2001, la commune de Z.________ a écrit au SAN afin
d'obtenir une réduction à un mois de la durée du retrait,
précisant qu'elle employait X.________ comme cantonnier
et qu'il devait à ce titre conduire professionnellement
des véhicules. Ce dernier a de son côté recouru au Tri-
bunal administratif genevois; il a contesté la vitesse
retenue de 130 km/h, qui n'avait fait l'objet d'aucun
contrôle effectif, et a sollicité la réduction à un mois

de la durée du retrait. Le 3 septembre 2001, le SAN a
accepté de ramener la durée du retrait à un mois pour les
catégories F et G, la durée de deux mois demeurant pour
les autres catégories. Ce nonobstant, X.________ a
maintenu son recours auprès du Tribunal administratif.
Entendu à l'audience, il a reconnu avoir commis un léger
dépassement de la vitesse autorisée et a déclaré qu'il
ignorait sa vitesse réelle; il a par ailleurs indiqué
avoir reçu une amende de 360 francs, qu'il n'a pas
contestée.

      B.-  Par arrêt du 23 octobre 2001, le Tribunal
administratif genevois a admis le recours de X.________
et a annulé la décision du SAN du 3 septembre 2001. Pour
le tribunal, X.________ n'encourt aucune sanction
administrative dès lors qu'il conteste désormais ses
aveux initiaux et qu'il est impossible d'établir avec
certitude la vitesse réelle à laquelle il a circulé en
l'absence d'un contrôle de vitesse conforme aux
instructions du Département fédéral de justice et police.

      C.-  Le SAN forme un recours de droit administratif
au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à la
réforme de la décision attaquée en ce sens que, princi-
palement, le retrait du permis de conduire de X.________
est prononcé à raison d'un mois pour les catégories F et
G, de deux mois pour les autres catégories, ou que,
subsidiairement, un avertissement est prononcé contre
X.________. Le SAN a en outre requis l'effet suspensif.

        C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

      1.- a) Le recours de droit administratif au Tri-
bunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale
de dernière instance en matière de retrait du permis de
conduire (art. 24 al. 2 LCR). Il peut en particulier être
formé par l'autorité qui a pris la décision de première
instance, lorsque l'autorité cantonale de recours est
indépendante de l'administration (art. 24 al. 5 let. a
LCR). En l'espèce, la décision attaquée émane d'une
autorité judiciaire de sorte que le SAN est légitimé à
recourir.

      b) Le recours de droit administratif peut être
formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès
ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ).
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invo-
qués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions des
parties (art. 114 al. 1 OJ). En revanche, lorsque, comme
en l'espèce, le recours est dirigé contre la décision
d'une autorité judiciaire, il est lié par les faits
constatés dans l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifes-
tement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au
mépris de règles essentielles de la procédure (art. 105
al. 2 OJ). Cela exclut largement la prise en compte d'un
fait nouveau (ATF 125 II 217 consid. 3a p. 221).

      2.- a) L'art. 16 al. 2 LCR prévoit que "le permis
d'élève conducteur ou le permis de conduire peut être
retiré au conducteur qui, par des infractions aux règles
de la circulation, a compromis la sécurité de la route ou
incommodé le public. Un simple avertissement pourra être
ordonné dans les cas de peu de gravité". Par ailleurs,
l'art. 16 al. 3 let. a LCR dispose que le permis de

conduire doit être retiré "si le conducteur a compromis
gravement la sécurité de la route".

      A partir du texte légal, quatre situations doivent
être distinguées. D'abord, le cas où le conducteur n'a
pas "compromis la sécurité de la route ou incommodé le
public", pour lequel l'autorité n'ordonnera aucune mesure
administrative. Deuxièmement, le cas de peu de gravité
(art. 16 al. 2 2ème phrase LCR), pour lequel l'autorité
donnera un avertissement. En troisième lieu, le cas de
gravité moyenne (art. 16 al. 2 1ère phrase LCR), pour
lequel l'autorité doit retirer le permis de conduire; elle
ne peut s'en abstenir qu'en présence de circonstances
spéciales, telles que celles qui justifient d'abandonner
toute peine en application de l'art. 66bis CP (ATF 126 II
202 consid. 1a p. 203/204, 196 consid. 2c p. 200/201).
Enfin, le cas grave, qui implique le retrait du permis de
conduire en application de l'art. 16 al. 3 let. a LCR.

      b) C'est hors d'une localité que l'intimé a commis
le dépassement de vitesse incriminé.

      Selon la jurisprudence, celui qui dépasse de 30 km/h
ou plus la vitesse maximale générale de 80 km/h autorisée
hors des localités commet objectivement, c'est-à-dire sans
égard aux circonstances concrètes, une infraction grave
aux règles de la circulation impliquant un retrait en
vertu de l'art. 16 al. 3 let. a LCR; lorsque la vitesse
maximale précitée est dépassée de 26 à 29 km/h, il y a
lieu d'admettre qu'il s'agit objectivement d'un cas de
gravité moyenne au moins, pour lequel un retrait doit être
prononcé en vertu de l'art. 16 al. 2 1ère phrase LCR (ATF
124 II 259 consid. 2c p. 263).

      Cela étant, n'importe quel dépassement de la vitesse
autorisée qui se situe au-dessous des fourchettes préci-

tées ne saurait objectivement impliquer un avertissement
au sens de l'art. 16 al. 2 2ème phrase LCR. La jurispru-
dence a jusqu'ici considéré qu'un avertissement se
justifiait à partir d'un dépassement de 15 km/h, sans
distinction du genre de route (cf. ATF 124 II 475 consid.
2a p. 477; 123 II 106 consid. 2c p. 111/112; 121 II 127
consid. 3c p. 131; 108 Ib 65 consid. 1 p. 67 in initio).
Une autre limite paraît toutefois pouvoir être déduite de
l'ordonnance sur les amendes d'ordre du 4 mars 1996 (OAO;
RS 741.031), laquelle prévoit à son annexe I ch. 303.2 que
seul un dépassement jusqu'à 20 km/h de la vitesse maximale
autorisée hors des localités peut être réprimé par une
amende d'ordre; ainsi, en transposant cette réglementation
au plan administratif, un dépassement jusqu'à 20 km/h ne
présenterait pas objectivement une gravité suffisante pour
le prononcé d'un avertissement et c'est dans la fourchette
comprise de 21 à 25 km/h (à partir de 26 km/h le cas est
au moins de gravité moyenne) qu'un avertissement devrait
être infligé. Il est cependant inutile pour le sort du
recours de fixer précisément ici à partir de quel stade
un dépassement de vitesse hors des localités doit être
réprimé par un avertissement.

      c) Le Tribunal administratif a certes admis que
l'intimé avait dépassé la vitesse maximale autorisée mais
a retenu qu'il était impossible d'établir la vitesse à
laquelle celui-ci avait circulé et, en corollaire, de
déterminer l'importance du dépassement. En particulier,
le Tribunal administratif a observé qu'aucun contrôle
de vitesse probant n'avait été opéré en l'espèce, que
le dépassement reposait sur les seules déclarations
de l'intimé, que celui-ci avait d'abord fait état
d'une vitesse de 130 km/h, expliquant que c'était par
plaisanterie en raison du 1er avril, et avait ensuite
uniquement reconnu un léger dépassement de vitesse.
Le SAN se borne à considérer comme peu vraisemblable

l'explication fournie par l'intimé relativement au
1er avril. Il ne démontre ainsi pas que les faits retenus
dans l'arrêt attaqué seraient manifestement inexacts ou
incomplets ou auraient été établis au mépris de règles
essentielles de la procédure (cf. art. 105 al. 2 OJ).

      Il est vrai qu'au plan pénal, l'intimé n'a pas
contesté l'amende infligée. Selon la jurisprudence, si
l'intéressé fait ou va faire l'objet d'une dénonciation
pénale, l'autorité administrative doit en principe
surseoir à statuer jusqu'à droit connu sur le plan pénal;
en outre, lorsque l'intéressé sait ou doit escompter
qu'une procédure de retrait du permis sera engagée contre
lui, il doit faire valoir ses moyens de défense lors de
la procédure pénale déjà et l'autorité compétente pour
retirer le permis ne doit en principe pas s'écarter des
constatations de fait du prononcé pénal, même s'il est
intervenu à l'issue d'une procédure sommaire (ATF 121 II
214 consid. 3a p. 217/218). A propos de la procédure
pénale, l'arrêt attaqué évoque uniquement le rapport de
contravention, selon lequel l'intimé a reconnu avoir
circulé à 130 km/h, et le fait que ce dernier a déclaré
avoir fait l'objet d'une amende de 360 francs. Quoi qu'il
en soit, il apparaît que la procédure administrative n'a
pas été suspendue jusqu'à droit connu sur le plan pénal
et l'intimé a pu faire valoir dans celle-ci ses moyens de
défense. Dans ces conditions, on ne saurait lui reprocher
sa passivité dans la procédure pénale, qui ne lui est en
conséquence pas opposable sur le plan administratif. Les
constatations de fait du Tribunal administratif lient
donc le Tribunal fédéral (art. 105 al. 2 OJ).

      La détermination de l'importance du dépassement en
cause est une question qui relève de l'établissement des
faits. En l'espèce, à défaut de toute constatation à ce
sujet, rien ne permet de dire que le dépassement de

vitesse reproché à l'intimé était suffisamment important
pour justifier objectivement un retrait du permis de
conduire en vertu de l'art. 16 al. 3 let. a ou al. 2 1ère
phrase LCR, voire un avertissement selon l'art. 16 al. 2
2ème phrase LCR (cf. supra, consid. 2b). Il y a encore
lieu de rechercher si des circonstances concrètes (condi-
tions du trafic défavorables, mauvaise réputation de
l'automobiliste) ne justifient néanmoins pas le prononcé
d'une mesure administrative. Il n'a été constaté aucune
circonstance particulière relative au trafic, comme la
présence d'usagers de la route vulnérables tels des
piétons ou cyclistes (cf. ATF 123 II 37 consid. 1d et e
p. 40/41), qui pourrait faire apparaître la faute de
l'intimé comme plus lourde. Le SAN relève par ailleurs
que l'intimé a par le passé fait l'objet de trois
avertissements, respectivement en 1976, 1977 et 1992.
Il s'agit cependant là d'éléments trop anciens pour
influencer la présente procédure.

      Aussi, est-ce sans violer le droit fédéral que le
Tribunal administratif a conclu que, sur la base des
faits retenus, aucune mesure administrative ne pouvait
être prononcée contre l'intimé.

      3.-  Le recours du SAN doit être rejeté. Outre
qu'elle paraît sans portée, la requête d'effet suspensif
devient ainsi sans objet. Il ne sera pas perçu de frais
(art. 156 al. 2 OJ).

      Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à
l'intimé qui n'a pas pris part à la procédure devant le
Tribunal fédéral.

                     Par ces motifs,

         l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

      1. Rejette le recours.

      2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais ni alloué
d'indemnité.

      3. Communique le présent arrêt en copie au Service
des automobiles et de la navigation du Département de
justice et police et des transports du canton de Genève,
à X.________, au Tribunal administratif du canton de
Genève ainsi qu'à l'Office fédéral des routes, division
circulation routière.
                      ____________

Lausanne, le 5 décembre 2001

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                      Le Président,

                      Le Greffier,