Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.74/2001
Zurück zum Index I. Zivilabteilung 2001
Retour à l'indice I. Zivilabteilung 2001


4P.74/2001

                 Ie   C O U R   C I V I L E
                ****************************

                        12 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz,
juges.  Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

                        ____________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________ S.A., représentée par Me Michel Bergmann, avocat à
Genève,

                           contre

l'arrêt rendu le 5 février 2001 par la Cour d'appel de la ju-
ridiction des prud'hommes genevoise dans la cause qui oppose
la recourante à Q.________;

             (violation du droit d'être entendu)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

    A.- Q.________ a été engagée en 1987 par la banque
A.________. Elle a été employée au service du trafic des
paiements à Lancy (GE).

    A la suite d'une fusion avec B.________, cette ban-
que est devenue X.________ S.A. La restructuration qui en est
résultée a entraîné des suppressions d'emplois. Un plan so-
cial a été conclu en 1998.

    X.________ S.A. a décidé de transférer les activi-
tés de trafic des paiements à Bussigny (VD); un poste dans ce
nouveau centre a été proposé à Q.________, qui a décliné
l'offre.

    X.________ S.A. a versé des indemnités de départ à
certains de ses employés qui refusaient le transfert à
Bussigny en invoquant des raisons de santé.

    Par lettre du 4 mai 1999, Q.________ a été licen-
ciée pour le 31 août 1999. Elle n'a pas obtenu d'indemnité de
départ.

    B.- Le 3 janvier 2000, Q.________ a déposé devant
la juridiction des prud'hommes genevoise une demande en
paiement dirigée contre X.________ S.A., réclamant à cette
dernière, à titre d'indemnité de départ, 36 897 fr.30 avec
intérêts à 5% dès le 1er septembre 1999.

    Par jugement du 13 avril 2000, le Tribunal des
prud'hommes a débouté Q.________ de toutes ses conclusions.

    Par arrêt du 5 février 2000, la Cour d'appel a an-
nulé ce jugement et condamné X.________ S.A. à payer à
Q.________ la somme nette de 36 897 fr.30 avec intérêts à 5%
l'an dès le 1er septembre 1999. En substance, la cour canto-
nale a estimé que Q.________ ne pouvait pas se prévaloir du
plan social, parce que son poste n'avait pas été supprimé; en
revanche, elle pouvait invoquer pour des raisons d'égalité de
traitement un système de prestations bénévoles mis en place
par la banque indemnisant les employés qui refusaient pour un
motif sérieux d'accepter le transfert à Bussigny; or en l'oc-
currence, l'opposition au déplacement de son poste de
Q.________ était fondé sur des raisons médicales admissibles.

    C.- X.________ S.A. interjette un recours de droit
public au Tribunal fédéral. Invoquant divers griefs consti-
tutionnels, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.

    L'intimée propose le rejet du recours dans la mesu-
re où il est recevable.

    La cour cantonale se réfère à son arrêt.

    Parallèlement, X.________ S.A. a déposé un recours
en réforme.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

    1.- Lorsqu'il est saisi simultanément d'un recours
en réforme et d'un recours de droit public, le Tribunal fédé-
ral examine en principe d'abord le recours de droit public
(art. 57 al. 5 OJ).

    2.- a) La recourante invoque notamment une viola-
tion du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 Cst., re-

prochant à la cour cantonale d'avoir pris en considération
trois pièces annexées à une lettre que l'intimée a envoyé à
la cour après l'échange d'écritures et la communication des
pièces, alors que la recourante n'en a pas eu connaissance et
n'a pas eu l'occasion de s'exprimer à ce propos.

    La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu,
garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., notamment le droit pour le
justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit pri-
se à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux
faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui
d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administra-
tion des preuves, d'en prendre connaissance et de se détermi-
ner à leur propos (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa; 124 I 49 con-
sid. 3a; 124 I 241 consid. 2; 124 II 132 consid. 2b; 124 V
180 consid. 1a; 124 V 372 consid. 3b).

    b) En l'espèce, la recourante allègue que les piè-
ces litigieuses ont été envoyées à la Cour d'appel par l'in-
timée alors que l'échange d'écritures (avec production de
pièces) était terminé; elle affirme que ni sa partie adverse
ni la cour cantonale ne l'ont informée de cet envoi, de sorte
qu'elle ignorait l'existence de ces documents au moment où la
cour cantonale a statué.

    Ces allégués ne sont contestés ni par l'intimée ni
par la juridiction cantonale et doivent être tenus pour cons-
tants. On peut se demander s'il n'appartenait pas à la recou-
rante de consulter le dossier au greffe avant l'audience de
plaidoiries. Comme l'échange des écritures (avec la produc-
tion des pièces) était terminé et que la recourante avait as-
sisté aux audiences, elle n'avait aucune raison de penser que
sa partie adverse enverrait des pièces à la cour cantonale
en-dehors du délai fixé à cet effet. Dans une telle situa-
tion, il incombait à la cour cantonale, si elle estimait ces
pièces pertinentes, d'informer la recourante de leur envoi,

afin qu'elle puisse exercer efficacement son droit de s'ex-
primer à leur propos. Il faut donc conclure à l'existence
d'une violation du droit d'être entendu, dès lors que la re-
courante n'a eu, d'un point de vue concret, aucune possibili-
té de s'exprimer au sujet de ces pièces qui ont été reçues à
son insu.

    Il n'est pas exclu que le rapport de l'hôpital uni-
versitaire genevois - qui constitue l'une des trois pièces -
ait joué un certain rôle dans la décision, puisqu'il est ci-
té, parmi d'autres éléments, à deux reprises dans l'arrêt at-
taqué, tout d'abord pour expliquer pourquoi l'intimée n'a pas
invoqué ses problèmes de santé lors d'un premier entretien
(p. 13 de l'arrêt attaqué), ensuite pour justifier le refus
de l'expertise médicale sollicitée par la recourante (p. 14
de l'arrêt attaqué). On ne saurait donc dire que la recouran-
te invoque la violation du droit d'être entendu d'une manière
abusive.

    La violation du droit d'être entendu est un grief
formel qui entraîne l'annulation de la décision attaquée, in-
dépendamment des chances de succès du recours sur le fond
(ATF 126 V 130 consid. 2a; 124 V 180 consid. 4a; 121 III 331
consid. 3c; 118 Ia 17 consid. 1a; 118 Ia 104 consid. 3c).
Sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs soulevés,
il faut donc annuler l'arrêt attaqué, afin que la procédure
soit reprise et que la recourante puisse s'exprimer sur les
documents produits, avant que la cour cantonale ne statue à
nouveau.

    3.- Compte tenu de la valeur litigieuse, la procé-
dure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3 nouvelle teneur
CO; cf. ATF 115 II 30 consid. 5). Les frais et dépens doivent
donc être mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 156
al. 1 et 159 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

    1. Admet le recours de droit public et annule l'ar-
rêt attaqué;

    2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de l'intimée;

    3. Dit que l'intimée versera à la recourante une
indemnité de 2000 fr. à titre de dépens.

    4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes gene-
voise.

                        ____________

Lausanne, le 12 juin 2001
ECH

                 Au nom de la Ie Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le président,

                        La greffière,