Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.272/2001
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4P.272/2001

                 Ie   C O U R   C I V I L E
                ****************************

                       10 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

E.________, représenté par Me Jean-Charles Bornet, avocat à
Sion,

                           contre

la décision prise le 25 octobre 2001 par le Juge III du dis-
trict de Sion dans la cause qui oppose le recourant à l'Offi-
ce X.________, représenté par Mes Pierre-Albert Luyet et
Grégoire Dayer, avocats à Sion;

   (droit à un juge indépendant et impartial; arbitraire)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

    A.-  En 1993, l'Office X.________, une association
de droit privé ayant son siège à Lausanne, engagea E.________
pour travailler en qualité d'éducateur auprès de l'un de ses
centres.

    Le 13 février 1997, E.________ informait le centre
qu'il souhaitait entreprendre une formation continue en tra-
vail social auprès de l'Université de Neuchâtel, en vue d'ob-
tenir un diplôme.

    Les quatre personnes qui s'étaient inscrites au
cours de formation continue (dont E.________) furent convo-
quées à une séance tenue à Sion le 19 septembre 1997, au
cours de laquelle il leur fut indiqué que le temps désormais
accordé à la formation continue serait de 10 jours par an
(conformément à une convention collective applicable en Va-
lais) et que la participation aux frais serait de 70% de ces
10 jours (et non pas de 70% du total des frais).

    Le 25 novembre 1997, E.________ signa avec le di-
recteur du centre un protocole d'accord prévoyant qu'il au-
rait la possibilité de suivre les cours en vue de l'obtention
d'un diplôme de formation continue en travail social, qu'il
lui serait octroyé annuellement 10 jours pour sa formation
continue et que le centre participerait à raison de 70% aux
frais effectifs des 10 jours annuels de formation, le solde
étant à sa charge; il était précisé que ce protocole était
valable pour les années civiles 1997 et 1998 et susceptible
d'être reconduit tacitement jusqu'à la fin de la formation.
Deux autres collaborateurs, A.________ et B.________, si-
gnèrent chacun de leur côté un document analogue.

    Le 26 mai 1998, A.________, B.________ et
E.________ écrivirent à la Commission paritaire profession-
nelle cantonale pour se plaindre de ce que le centre ne leur
remboursait que le 70% des frais encourus pour les dix jours
de formation accordés et non de l'entier de celle-ci. Ils
firent valoir notamment que le centre avait adopté par le
passé une attitude plus généreuse. Aucune violation de la
convention collective de travail applicable ne fut constatée.

    Le 20 juin 2000, E.________ déposa auprès du Tribu-
nal du travail du canton du Valais une demande en paiement
dirigée contre son employeur et concernant le remboursement
de ses frais de formation.

    B.-  Par jugement du 20 février 2001, le Tribunal
du travail rejeta la demande en paiement, portant sur
5646 fr.35, présentée par E.________; il donna acte à l'em-
ployeur de ce qu'il reconnaissait devoir à E.________ un
montant de 734 fr.40. Le Tribunal du travail estima qu'il
n'était pas prouvé que E.________ ait reçu l'assurance que
l'employeur assumerait une participation supérieure et qu'en
tout état de cause, l'accord antérieur allégué fut remplacé
par le protocole du 25 novembre 1997, qui lie les parties et
qui fut respecté, étant observé qu'aucune circonstance cor-
respondant à un vice du consentement ne fut établie.

    C.-  Contre ce jugement, E.________ a formé un re-
cours de droit public qui a été rejeté par un arrêt séparé de
ce jour (cause 4P.264/2001).

    Parallèlement, il a formé contre le jugement du 20
février 2001 un appel de droit cantonal, que le Juge III du
district de Sion, par décision du 25 octobre 2001, a déclaré
irrecevable.

    E.________ forme contre cette décision d'irreceva-
bilité un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invo-
quant le droit à un juge indépendant et impartial garanti par
les art. 6 par. 1 CEDH et 30 Cst., ainsi que l'interdiction
de l'arbitraire prévue par l'art. 9 Cst., il conclut à l'an-
nulation de la décision attaquée, le dossier étant retourné
au Juge III du district de Sion avec ordre d'entrer en matiè-
re sur l'appel déposé par E.________.

    L'intimé n'a pas déposé d'observations. Le Juge III
du district de Sion s'est référé à sa décision.

    Contre la même décision d'irrecevabilité,
E.________ a formé un pourvoi en nullité cantonal, qui a été
déclaré irrecevable par un jugement rendu le 14 novembre 2001
par la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal valai-
san.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

    1.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédé-
ral est ouvert contre une décision cantonale pour violation
des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let.
a OJ).

    La décision attaquée, fondée sur le droit cantonal,
revêt un caractère final et n'est susceptible d'aucun autre
moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal (comme le mon-
tre le jugement du 14 novembre 2001), de sorte que la règle
de la subsidiarité du recours de droit public est respectée
(art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ).

    Le recourant est personnellement touché par la dé-
cision attaquée, qui refuse définitivement d'examiner son

appel interjeté contre le rejet de sa demande en paiement; il
a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce
que cette décision n'ait pas été prise en violation de ses
droits constitutionnels. En conséquence, il a qualité pour
recourir (art. 88 OJ).

    Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) et dans
la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est
recevable.

    Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espè-
ce, le recours de droit public n'est qu'une voie de cassation
et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée
(ATF 127 II 1 consid. 2c; 127 III 279 consid. 1b; 126 III 534
consid. 1c). Dans la mesure où les conclusions du recourant
ne se limitent pas à cela, elles sont donc irrecevables.

    b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés par l'acte de recours (art. 90
al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid.
1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b).

    2.- a) Invoquant le droit à un tribunal indépendant
et impartial, garanti aussi bien par l'art. 6 par. 1 CEDH que
par l'art. 30 al. 1 Cst., le recourant soutient que le Tribu-
nal du travail du canton du Valais n'est pas un tribunal in-
dépendant en raison du mode d'élection des juges et du gref-
fier.

    b) Le recourant semble voir un premier obstacle à
l'indépendance du tribunal valaisan dans le fait que ses mem-
bres sont nommés par le Conseil d'Etat de ce canton.

    Un tribunal ne perd pas son indépendance pour le
seul motif que ses membres - comme cela est courant dans tous

les pays d'Europe - sont désignés par le pouvoir législatif
ou par le pouvoir exécutif. Pour que l'autorité judiciaire
perde son indépendance, il faudrait de surcroît qu'elle se
trouve, en fait ou en droit, dans une position subordonnée
par rapport à un autre pouvoir de l'Etat, impliquant qu'elle
ait à suivre, pour trancher le cas relevant de sa compétence,
des instructions ou des injonctions émanant d'un autre pou-
voir. Lorsque le tribunal, dans l'exercice de son activité
juridictionnelle, ne peut recevoir aucune instruction ou in-
jonction d'un autre pouvoir et qu'il n'est tenu que d'appli-
quer le droit, son indépendance ne peut être mise en doute.

    Ce principe est unanimement admis aussi bien par la
jurisprudence actuelle (arrêt du 3 octobre 2000 publié in
RDAT 2001 I 9 33, consid. 4b; arrêt non publié du 13 janvier
2000 dans la cause 1P.585/1999, consid. 4; arrêt non publié
du 19 février 1999 dans la cause 1P.15/1999, consid. 4a; pour
un cas de droit valaisan: ATF 119 Ia 81 consid. 4a) que par
la doctrine (Mark E. Villiger, Handbuch der Europäischen Men-
schenrechtskonvention, 2ème éd., p. 263 n. 417; Haefliger/
Schürmann, Die Europäische Menschenrechtskonvention und die
Schweiz, 2e éd., p. 167 s.; Alfred Kölz, Commentaire de la
Constitution fédérale de la Confédération Suisse du 29 mai
1874, n. 47 ad art. 58 aCst.; Frowein/Peukert, Europäische
Menschenrechtskonvention, 2ème éd., p. 251 n. 126; Auer/
Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II,
n. 1199).

    Que les membres (juges et greffiers) du Tribunal du
travail valaisan soient nommés pour une période déterminée
par le Conseil d'Etat ne suffit pas pour conclure que cette
juridiction n'est pas indépendante. Le recourant ne tente pas
de démontrer - d'une manière répondant aux exigences de moti-
vation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ - que ce tribunal pour-
rait recevoir des instructions ou des injonctions du Conseil

d'Etat ou que ce dernier pourrait faire pression sur lui dans
le but de l'influencer. Ce premier grief est donc infondé.

    c) Que le Tribunal du travail comprenne des em-
ployeurs et des travailleurs ne suffit pas pour mettre en
doute son indépendance, dès lors que sa composition, considé-
rée dans son ensemble, apparaît équitable (ATF 126 I 235 con-
sid. 2b et la jurisprudence européenne citée). Le Tribunal du
travail valaisan est composé d'un président, juriste de for-
mation, d'un assesseur travailleur et d'un assesseur em-
ployeur; cette composition est équilibrée et ne permet pas de
mettre en doute l'indépendance du Tribunal (question déjà
évoquée dans l'arrêt non publié du 26 février 2001 dans la
cause 4P.261/2000, consid. 3b/aa).

    d) Le recourant fait valoir principalement que le
greffier est un fonctionnaire du Service social de protection
des travailleurs et des relations du travail.

    Il invoque à ce sujet l'ATF 124 I 255 ss. Cette ju-
risprudence n'est toutefois pas transposable en l'espèce.
Dans le cas cité, il s'agissait d'une amélioration foncière
dont le principe avait été approuvé par le gouvernement ber-
nois; il a été jugé qu'il n'était pas acceptable que le se-
crétaire soit un fonctionnaire de l'administration cantonale,
susceptible de se trouver face à un conflit de loyauté à
l'égard de son chef de département (ATF 124 I 255 consid. 5d
p. 266).

    Le litige d'espèce, selon les explications concor-
dantes des parties, oppose un particulier (le recourant) à
une association de droit privé ayant son siège dans le canton
de Vaud. On ne voit pas en quoi un tel litige du travail, à
caractère strictement privé, mettrait en jeu les intérêts du
gouvernement valaisan ou plus spécialement du Service social
de protection des travailleurs et des relations du travail.

    Pour un tel différend, le fait que le greffier soit
un fonctionnaire cantonal ne permet en rien de mettre en dou-
te l'indépendance du tribunal.

    Le recourant semble conscient de la fragilité de
son argumentation, puisqu'il essaie de la renforcer en invo-
quant le fait que l'activité de l'intimé est subventionnée.
Il ne démontre cependant pas que l'issue du litige pourrait
avoir une influence sur le montant de la subvention; il ne
tente pas non plus d'expliquer en quoi le sort de la querelle
pourrait avoir un effet défavorable pour le service adminis-
tratif dont dépend le greffier. Surtout, on ne parvient pas à
discerner quel intérêt politique pourrait être en jeu,
s'agissant d'un litige pécuniaire d'importance modeste entre
deux particuliers.

    Dès lors - comme on l'a vu - que les juges peuvent
être nommés par le Conseil d'Etat, on ne voit pas pourquoi le
greffier ne pourrait pas l'être également. Qu'il soit ratta-
ché administrativement à un service de l'Etat ne poserait un
problème que s'il pouvait recevoir des instructions ou des
injonctions sur les jugements souhaités par l'administration
(ce qui n'est pas allégué) ou s'il pouvait se trouver, d'une
manière concevable, devant un conflit de loyauté en raison de
son activité pour l'administration (ce qui n'est pas davan-
tage démontré). Comme il n'apparaît pas que le Conseil d'Etat
ou le service administratif cité aient eu un quelconque inté-
rêt à l'issue du litige, que le fonctionnaire ait pu être mis
sous pression par ses supérieurs hiérarchiques ou qu'il ait
pu ressentir un conflit de loyauté à leur égard, toute appa-
rence de dépendance est exclue et le grief est infondé.

    e) Invoquant l'interdiction de l'arbitraire prévue
par l'art. 9 Cst., le recourant soutient que le droit canto-
nal aurait été violé arbitrairement pour le cas où l'on ad-
mettrait que le Tribunal du travail n'est pas un juge indé-

pendant et impartial. Comme la solution inverse a été rete-
nue, ce grief est dépourvu de tout fondement sans qu'il soit
nécessaire de l'examiner plus avant.

    Mis à part son grief - infondé - selon lequel le
Tribunal du travail ne serait pas un tribunal indépendant, le
recourant ne conteste pas que le droit cantonal ne prévoit
aucun recours contre le jugement du Tribunal du travail, pour
le motif que la valeur litigieuse n'atteint pas le seuil de
8000 fr. En l'absence de grief constitutionnel, il n'y a pas
à se pencher sur cette question de procédure cantonale.

    Ainsi, la décision attaquée ne viole pas les droits
constitutionnels invoqués.

    3.- Il suit de là que le recours doit être rejeté.
La procédure est gratuite, puisque la valeur litigieuse, se-
lon la prétention du demandeur à l'ouverture de l'action (ATF
100 II 358), ne dépasse pas 30 000 fr. (art. 343 al. 2 et 3
CO). Cette règle vaut pour tous les degrés de juridiction, y
compris la procédure de recours de droit public devant le
Tribunal fédéral (ATF 98 Ia 561 consid. 6a). Il n'y a pas
lieu d'allouer des dépens à l'intimé, qui n'est pas intervenu
dans la procédure devant le Tribunal fédéral.

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

    1. Rejette le recours;

    2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires;

    3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et au Juge III du district de Sion.

                         __________

Lausanne, le 10 janvier 2002
ECH

                 Au nom de la Ie Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,